Introduction

La (ré)appropriation des (nouveaux) médias par les peuples autochtones : revendication, revitalisation, connexion et partage[Notice]

  • Danny Baril et
  • Roxanne Blanchard-Gagné

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  • Danny Baril
    Doctorant, École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)

  • Roxanne Blanchard-Gagné
    Doctorante, Département d’anthropologie, Université Laval

Dans une ère marquée par l’hyperconnectivité et le renouvellement constant des pratiques info-communicationnelles, il semble que nous soyons tou·te·s amené·e·s, à un moment ou à un autre, à (ré)actualiser les liens enracinés avec nos relations par le processus de (ré)appropriation des différentes technologies. En effet, l’expérience interactive déployée par l’objet médiatique nous aide à naviguer au quotidien les frontières de l’isolement et de l’éloignement, en établissant un lien avec soi-même, avec l’autre et avec le monde. L’équipe des Cahiers du CIÉRA y tire ainsi un intérêt renouvelé à mettre de l’avant les technologies de l'information et de la communication (TIC) pour réfléchir, cette fois-ci, aux réseaux de solidarité, d’action culturelle et de mobilisation s’articulant autour d’enjeux politiques et identitaires. À partir d’une recherche documentaire portant sur le potentiel des nouveaux médias, nous avons choisi de mettre l’accent sur les solutions répondant aux aspirations et aux besoins en matière de revendication, de revitalisation, de connexion et partage. Cette introduction a ainsi pour objet d’exposer des actions basées sur l'accès et la transmission des savoirs, savoir-être et savoir-faire autochtones, en plus de mettre de l’avant certaines de nos réflexions et de celles de nos collaborateur·trices. En ce sens, nous souhaitons présenter diverses perspectives riches et variées, issues de contextes multiples, qui laissent entrevoir en quoi ces nouveaux médias contribuent à pallier les défis des communautés autochtones et à y répondre (Ginsburg 2008). Depuis l’arrivée des TIC au cours de l’après-guerre (Levant 2008; Graham 2014; MacDonald 2019), l’usage des médias ne cesse de revêtir une importance croissante dans les maisonnées. Cette tendance est aussi constatée chez les Premiers Peuples, au Canada et ailleurs dans le monde (Alia 2022 [2010]). En revanche, les facteurs d’adoption et d’utilisation de ces nouvelles technologies peuvent varier en matière d’influences tant socioculturelles que politico-économiques, à la fois sur les plans macro- et microsociologiques (Bronfenbrenner 1979). En ce sens, l’expérimentation des modalités d’appropriation du paysage médiatique (Tiedje 2005; Aubin et George 2009; Latzko-Toth et Proulx 2015) est influencée par des déterminants multiples et interdépendants, comme les conditions socioéconomiques et matérielles ainsi que l’expression créative et la connaissance des utilisateurs. Par exemple, plusieurs initiatives et actions ont été entreprises pour faire face au colonialisme numérique (digital colonialism) (Adas 1997; Rodríguez‐Alegría 2008) et à l'essentialisation coloniale des différenciations culturelles, afin d’utiliser les TIC pour contrecarrer la domination sociale, politique et économique par une autre nation (Murphy et Kraidy 2003; Chen 2017). Ce constat est présent dans plusieurs ouvrages, et ce, particulièrement dans le présent numéro des Cahiers du CIÉRA, grâce aux contributions de Léopold Beyaert, de Vicente Limachi Pérez, de Paul Bézénet, de Dave Jenniss et de Louis-Karl Picard-Sioui. Ces démarches ont notamment contribué à ce que les Autochtones soient autrement informés ainsi que plus politiquement actifs et socialement engagés auprès de différents organismes, à l’aide, entres autres, des radios communautaires et des mouvements sociaux de mobilisation comme Idle No More ou Standing Rock. Dans ce numéro, Léopold Bayaert traite d’ailleurs d’un usage des TIC similaire par la communauté samie par l’entremise du Mitt Sápmi, un compte Instagram administré par le Sami Information Centre. Dès lors, la continuité d’usage à la pratique des (nouveaux) médias exerce un ascendant dans la visibilité, l’autodétermination ainsi que les modes de production culturelle et d’échange des savoirs locaux (Wolf 1982 [2010]; Tiedje 2005; Levant 2008; Alia 2022; Cocullo 2022) et des éléments qui existaient déjà avant l’entremêlement de l’expansion européenne et de son apport technologique à l’histoire des Autochtones (Laugrand 2002; Rodríguez‐Alegría 2008, 2014; Alia 2022). Ces changements interpellent, entre autres, une rupture avec l’idée de la passivité des sociétés autochtones (Laugrand 2002). …

Parties annexes