Table ronde

Commentaires et questions de l’assistance[Notice]

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    • Propos traduits par
      Anne-Hélène Kerbiriou

    Alors, la question du colonialisme québécois, il faut la poser. Ce n’est pas par mépris et ce n’est pas : « Ah bien, ça veut dire que les Canadiens sont bons ». Non. Le colonialisme canadien, on le dénonce, on le déconstruit ; toute son architecture, le génocide, on en parle. Je ne fais aucun cadeau au colonialisme canadien ; pourquoi en faire au colonialisme québécois, surtout quand il reproduit sur les Premiers Peuples ce que plusieurs Québécois reprochent au Canada ? Il faut donc parler aussi du colonialisme québécois qui est une autre couche qui se rajoute quand on est Autochtone au Québec. Ce colonialisme qui s’articule en français est tout aussi détestable que le colonialisme qui s’exprime en anglais. Puis, il faut que les Québécois cessent de projeter leur malaise existentiel, le sentiment de voir « leur culture » et leur existence collective menacées par les femmes voilées ou par les nouveaux arrivants. Parce que c’est une autre façon d’échapper à la question de la colonialité à la sauce québécoise : faire disparaître les questions territoriales, fuir les causes du malaise identitaire et de la faillite des initiatives de « souveraineté », et projeter sa peur et sa déception sur les autres en disant : « Tout le monde est Autochtone ! », par exemple. Plus facile de trouver la cause de son malheur à l’extérieur de soi ou de fuir son propre héritage de colonisateur… Voilà l’autre problème : l’autoautochtonisation des Québécois, l’affirmation frauduleuse : « On est tous des Autochtones ». Vous rendez-vous compte de la violence de tels propos ? À quel point les discours sur le « sang indien » et l’utilisation de la « génétique » à des fins de légitimation collective sont racistes et oppressants ? Et je dis que si vous voulez nous aider, arrêtez de nous transférer vos problèmes, vos crises d’identité, s’il vous plaît, et regardez-vous dans le miroir. Et pour les chercheurs non autochtones, questionnez-vous, s’il vous plaît, sur les avantages que vous tirez d’étudier les Autochtones et sur le rôle de « mercenaire » que certains d’entre vous jouent. Je ne dis pas ça avec du mépris, mais par souci de vérité. Certainement pas pour se faire des amis. Soyez conscients qu’il est déjà lourd d’être Autochtone avec tout l’héritage de colonialité et le système avec lequel on se débat au quotidien, et que les besoins identitaires des Québécois, et de ne pas les froisser en faisant semblant que tout va bien dans nos relations, ne sont pas prioritaires pour nous. J’ai passé pas mal de temps à penser à la façon dont nous nous identifions nous-mêmes, c’est-à-dire à la façon de le faire. Et il n’y a pas de bonne réponse à cela, mais il est certain que « non-Autochtone » ne convient pas parce que cela revient à dire : « Nous sommes le peuple et là, il y a ces gens à qui nous devons donner un nom. » Alors, cela ne nous donne pas une identité, cela ne dit pas qui nous sommes. Dans le colonialisme anglais, on faisait clairement une distinction entre deux types de colonies, et nous sommes une colonie de peuplement. Alors, « settler » paraît avoir un sens seulement de ce point de vue – au sens où nous entrons dans cette catégorie. Et en France. Je comprends qu’il y a les différences entre le direct rule et l’indirect rule tel qu’appliqué en Afrique [par les Britanniques]. Le direct rule était comparable à une colonie de peuplement : ils importaient leur loi, c’est comme ça que ça marchait. …