IntroductionActes du 16e colloque du CIÉRA : « Pour une « réelle » réconciliation ? »[Notice]

  • Catherine Charest et
  • Marie-Ève Paquet

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  • Catherine Charest
    M. A. Anthropologie, Chaire de recherche sur le développement durable du Nord, Université Laval

  • Marie-Ève Paquet
    M. A. Anthropologie, Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones, Université Laval

Au cours des dernières décennies, l’idée d’une « réconciliation » entre les peuples autochtones et les États a occupé une place prédominante dans les discours publics et les engagements politiques. À titre d’exemple, dans son budget de 2018, le gouvernement fédéral a promis cinq milliards de dollars additionnels sur cinq ans afin d’améliorer la qualité de vie des Autochtones en investissant dans les domaines de la santé, de l’accès à l’emploi et du soutien à la famille (Gouvernement du Canada 2018a). Au Québec, la publication du Plan d’action gouvernemental pour le développement social et culturel des Premières Nations et des Inuits 2017-2022 est venue affirmer la volonté de l’État de prendre en considération les enjeux et les intérêts des Premières Nations et de tendre la main vers une réconciliation. Mais qu’est-ce que la réconciliation et comment, au-delà de sa portée symbolique, peut-elle être mise en oeuvre ? D’abord, l’Organisation des Nations unies définit la réconciliation comme La réconciliation est donc un processus qui est censé modifier le rapport entre les peuples autochtones et l’État, qui passerait d’un rapport autoritaire à la reconnaissance des revendications politiques des peuples autochtones et du passé colonial (Johnson 2011). Une telle réconciliation n’implique cependant pas de changement radical dans la distribution des pouvoirs entre minorités et majorité (ibid.), ce qui ne présente pas nécessairement de rupture avec le passé colonial. Même si le gouvernement canadien reconnaît aujourd’hui les erreurs du passé et investit massivement dans des mesures visant la réconciliation, il demeure que les politiques étatiques assimilatrices ont eu un effet destructeur sur les Premières Nations et les Inuit. C’est d’ailleurs ce dont témoigne le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR), publié en 2015, en exposant les multiples violences et injustices commises envers les peuples autochtones, à l’époque du système des écoles résidentielles, et en lançant 94 appels à l’action. Bien que le dernier pensionnat ait fermé ses portes en 1996, les séquelles héritées de cette époque demeurent actuelles et intergénérationnelles (CVR 2015). En plus du rapport de la CVR, qui propose des actions en vue de remédier aux séquelles des pensionnats et de faire avancer le processus de réconciliation, plusieurs autres commissions au pays ont démontré les obstacles qui entravent les relations entre les Autochtones et la population non autochtone. Déjà, en 1996, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) faisait état des problèmes qui nuisent aux bonnes relations entre les Autochtones, le gouvernement fédéral et la société canadienne en général. On constate aujourd’hui que plusieurs des recommandations faites par la CRPA à la fin du XXe siècle sont encore d’actualité et leur mise en place favoriserait certainement la réconciliation. Il est indéniable que le processus de la réconciliation est long. Selon Ben J. Geboe (2015), les efforts de réconciliation dans chaque pays nécessitent un soutien et un engagement à long terme de la part de tous les secteurs de la société. Un tel processus de changement des relations entre l’État et les populations autochtones implique des actions importantes, passant de la prise de conscience à la réparation. En effet, comme l’a présenté l’honorable juge Murray Sinclair, sénateur et président de la Commission de vérité et réconciliation : « Pour que la réconciliation fonctionne, et pour que notre relation soit renouvelée, il doit y avoir prise de conscience, acceptation, demande de pardon, réparation et action » (Gouvernement du Canada 2018b). En juin 2019, le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), qui découlait directement des appels à l’action de la CVR, mettait en …

Parties annexes