Corps de l’article

-> Voir la liste des figures

Federica BURINI est professeure de géographie à l’université de Bergame, en Italie. Elle travaille sur la relation entre les pratiques territoriales et la cartographie, sur les méthodologies participatives et les expérimentations visant à activer les processus de gouvernance environnementale et urbaine.

Son ouvrage de 136 pages, divisé en 4 chapitres, se veut une contribution au débat en cours sur la cartographie participative. Pour que la cartographie devienne un outil très utile à la gouvernance territoriale en Afrique noire, l’auteure recommande de prendre en compte deux concepts :

  • la réflexivité, constitutive d’une nouvelle approche de l’interprétation et de la construction de la représentation cartographique, où le réalisateur accorde une attention particulière à son rôle et à ses actions concernant la résolution de problèmes socialement pertinents.

  • la chorographie, qui rend la carte comme un système complexe centré sur la récupération de la valeur sociale et culturelle du territoire et sur la transparence avec laquelle on réalise le processus cartographique, en exploitant le potentiel des nouvelles technologies pour représenter les multiples points de vue qui vont au-delà des canons traditionnels de la cartographie topographique.

S’inscrivant dans ce contexte théorique et applicatif, centré sur les deux dimensions réflexive et chorographique, l’auteure recommande de passer de l’approche « participative » à une approche « communautaire », c’est-à-dire de passer du projet du chercheur qui initie la cartographie participative comme instrument de collecte de données fournies par les habitants, à un projet qui inclut les communautés locales en tant que promotrices du projet.

Ainsi, le premier chapitre décrit l’évolution de la cartographie produite par les communautés locales. Le suivant poursuit l’analyse de la cartographie communautaire, tout en proposant une méthodologie et des outils pour la réaliser. Le chapitre III explore ensuite l’utilisation de la cartographie participative comme outil de récupération des savoirs traditionnels des communautés locales à partir d’une étude de cas sur la Réserve de biosphère transfrontalière du fleuve Niger (RBT-W), spécifiquement sur les villages périphériques de la grande aire protégée, située entre le Burkina Faso, le Bénin et le Niger, en Afrique de l’Ouest. Le chapitre IV aborde l’apport des nouvelles technologies de l’information (GPS, Geoweb 2.0, Google Map, Google Earth, etc.) à la nouvelle approche de la cartographie participative que recommande l’auteure.

La cartographie participative et l’aménagement du territoire en Afrique subsaharienne sont deux concepts importants qui peuvent jouer un rôle significatif dans le développement durable et l’inclusion des populations locales dans la prise de décisions concernant leur environnement. En effet, sur le premier concept, on peut dire que la cartographie participative est une approche qui implique la participation active des communautés locales dans la création, la collecte et la gestion des données géospatiales concernant leur territoire. Cela peut inclure des informations sur les ressources naturelles, les frontières territoriales, les infrastructures, les services publics et d’autres éléments qui affectent la vie quotidienne. Les populations locales utilisent souvent des technologies telles que les téléphones intelligents, le GPS et les outils de cartographie en ligne pour contribuer à la création de cartes collaboratives. Dans le contexte de l’Afrique subsaharienne, où de nombreuses régions peuvent manquer de cartographie précise et à jour, la cartographie participative peut jouer un rôle crucial pour améliorer la connaissance des territoires, notamment dans les zones rurales ou éloignées. Cela peut aider les communautés à mieux comprendre leur environnement, à prendre des décisions informées et à renforcer leur capacité à gérer durablement leurs ressources naturelles.

En ce qui concerne le second concept, il convient de noter que l’aménagement du territoire fait référence à la planification et à la gestion de l’utilisation des terres et des ressources naturelles dans un territoire donné. En Afrique subsaharienne, l’aménagement du territoire est essentiel pour promouvoir un développement équilibré, résilient et durable. Cependant, la mise en oeuvre d’un aménagement du territoire efficace peut constituer un défi en raison de divers facteurs tels que la croissance démographique, l’urbanisation rapide, les pressions sur les ressources naturelles et les défis environnementaux. La cartographie participative apparaît donc comme un outil précieux dans le cadre de l’aménagement du territoire en Afrique subsaharienne, car elle peut aider à recueillir des informations locales pertinentes pour la prise de décisions éclairées. En impliquant les communautés locales dans le processus de planification, les autorités peuvent tenir compte des connaissances traditionnelles, des pratiques de gestion durable des ressources et des besoins spécifiques des populations locales.

C’est une évidence que la cartographie participative et l’aménagement du territoire en Afrique subsaharienne peuvent offrir de nombreux avantages pour la gouvernance territoriale. Cependant, il convient de noter qu’ils peuvent également présenter des défis, notamment en ce qui concerne l’accès à la technologie, la formation des communautés locales, la protection des droits fonciers des populations autochtones et la coordination entre les différents acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux impliqués dans ces processus. En effet, on peut relever l’accès inégal à la technologie, la faible alphabétisation et des compétences techniques réduites, les biais culturels et de genre, les questions de protection des données et de confidentialité et enfin les conflits fonciers et politiques. Ainsi, bien que la cartographie participative et l’aménagement du territoire en Afrique subsaharienne offrent des opportunités importantes pour une meilleure gestion des ressources et la participation des communautés locales, ils ne sont pas exempts de défis. Pour réussir, il est essentiel de surmonter les disparités technologiques et d’alphabétisation, de traiter les questions de protection des données et de droits fonciers, et de garantir une représentation équitable de tous les groupes de la société dans le processus décisionnel. Une approche intégrée impliquant tous les acteurs concernés peut contribuer à une mise en oeuvre plus efficace et équitable de ces approches.

En conclusion, la cartographie participative peut être un puissant outil pour soutenir l’aménagement du territoire en Afrique subsaharienne, en renforçant l’engagement des communautés locales et en permettant une gestion plus durable et équitable des ressources naturelles et de l’environnement. Toutefois, pour garantir son succès, il est essentiel d’aborder les défis et de s’assurer que les initiatives soient inclusives, transparentes et respectueuses des droits des populations locales.