Cet ardent plaidoyer pour les géographies humaines est particulièrement convaincant. Rédigé par un groupe majoritairement composé de professeur(e)s du Département de géographie de l’Université de Montréal, il veut réhabiliter la place de la géographie dans le monde universitaire et enrichir l’imagination géographique des lecteurs en liant le spatial et le social. Le sous-titre de l’ouvrage est d’ailleurs bien choisi : L’espace en partage. L’introduction et la conclusion permettent de bien camper l’ambition des directeurs de la publication : présenter la géographie actuelle au Québec et sa perspective critique. L’espace n’a jamais été aussi important dans nos vies quotidiennes et, pourtant, la géographie semble une discipline marginale. Est-ce parce que, à l’instar des Études urbaines, il s’agit d’une discipline carrefour ? Ou cette discipline a-t-elle été victime de son positivisme à une époque donnée ? Les auteurs veulent donc mettre en avant les caractéristiques de la géographie d’aujourd’hui, dominée par une perspective relationnelle et critique, sensible aux inégalités. Douze chapitres bien structurés abordent chacun de grands enjeux contemporains divisés en quatre axes : la mondialisation, la mobilité, les transformations du politique et la crise environnementale. Les chapitres déploient des perspectives tantôt larges, tantôt plus locales. Celui sur le risque peut paraître conceptuellement plus faible, étant donné le nombre d’écrits qui lui ont été consacrés. Le premier axe met en quelque sorte la table en abordant les mutations associées à la mondialisation. Dans les deux premiers chapitres, on suit d’abord l’émergence de ce phénomène sous le sceau des inégalités et de la colonisation, puis ses logiques économiques et les mutations de la géographie du travail. Un chapitre est consacré aux métropoles mondiales. On suit leur structuration du nord au sud (sans oublier Montréal), leurs dynamiques économiques résidentielles, leurs diversités et, bien sûr, leurs défis. Sans enterrer le lecteur sous une tonne de références, on fait quand même appel à des disciplines connexes. Le deuxième axe est consacré à la mobilité, ses réseaux et les technologies, sans oublier ses contraintes spatiales, comme le rappelle la contribution opportune sur les frontières. Le chapitre sur les migrations est magistral, à la fois sur les plans théorique et documentaire ; il montre bien l’ampleur du travail géographique. L’axe suivant traite des transformations des espaces du politique. Encore une fois, les terrains abordés sont vastes et à différentes échelles, comme dans le chapitre VII qui met en question la fin de l’État. Suivent un chapitre fouillé sur les géographies autochtones et un autre sur les géographies des oppressions de la race et du genre. Le dernier axe traite de la crise environnementale, enjeu complexe s’il en est, mais dont le traitement dans ce livre est un peu décevant, surtout sur les notions de risque et de rapports société-nature. Le dernier chapitre, sur l’agriculture, est par contre bienvenu. Sur le plan formel, on regrettera la piètre qualité des illustrations cartographiques, heureusement peu nombreuses. Par contre, les encadrés sont toujours pertinents ; ils portent généralement sur des situations particulières. Les illustrations photographiques sont aussi intéressantes. Au total : un livre général d’actualité fort utile sur les géographies humaines produites au Québec, surtout à l’Université de Montréal.
JOLIVET, Violaine, MARTIN, Patricia et RIOUX, Sébastien (dir.) (2022) Géographies humaines. L’espace en partage. Les Presses de l’Université de Montréal, 246 p. (ISBN 978-2-7606-4692-6)[Notice]
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Annick Germain
Institut national de la recherche scientifique