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Son titre nous ayant particulièrement captivée, comme un aimant qui nous attire, nous avons dès lors pris la décision de lire et recenser cet ouvrage, afin de comprendre la dualité installée entre deux concepts contradictoires, discipline et indiscipline, face à un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre ; celui du patrimoine.
Ce champ de connaissance a vu le jour à la jonction de plusieurs disciplines : l’architecture, l’urbanisme et l’art, qui ont porté un intérêt particulier à la notion du patrimoine, avant qu’elle ne soit adoptée et généralisée. Par la suite, plusieurs spécialistes ont prêté attention à ce concept polysémique, lequel interpelle et implique une démarche multidisciplinaire où l’objet patrimonial devient le centre d’intérêt des différents spécialistes de la ville. En réalité, le patrimoine a permis à chaque discipline d’aborder l’objet patrimonial sous un angle différent pour puiser et cerner sa densité spatiale et temporelle.
Cet ouvrage collectif présente une série de textes originaux issus d’une journée d’étude à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) au cours de laquelle des spécialistes de différentes disciplines ont examiné sous plusieurs angles la notion de patrimoine. En a résulté ce livre offert comme outil de réflexion autour d’un thème important. L’ouvrage compile et met sous les projecteurs le travail de plusieurs experts – géographes, historiens, sociologues, muséologues, ethnologues qui se sont penchés sur la question du patrimoine pour en comprendre les diverses facettes en tant que vaste champ de connaissance auquel une attention particulière doit être accordée.
Dix chapitres structurent et rehaussent cet ouvrage particulièrement intéressant, surtout par rapport à l’association dans un même travail collectif de différents champs d’étude qui mettent en scène l’objet patrimonial, chacun à sa façon et selon sa propre vision.
Le premier chapitre traite de la construction de l’objet patrimonial. Les auteurs y précisent que « l’objet patrimonial est un construit, le produit d’un temps et d’une époque » (p. 18). Ils notent d’ailleurs que l’émergence d’une conscience patrimoniale au Québec s’effectue dans un contexte d’avènement de la modernité, et qu’elle ne peut se limiter au monument historique et au patrimoine bâti, les éléments généralement associés au champ patrimonial. La conservation du patrimoine s’impose, mais elle nécessite l’apport d’experts en architecture, en histoire et en art ne plaidant pas que le champ patrimonial leur appartient exclusivement et en toute légitimité.
Dans le second chapitre, intitulé « Le forgeron, le moine et l’architecte », l’auteur précise qu’une nouvelle façon d’écrire l’histoire est née grâce à l’étude du patrimoine industriel, qui vient perpétuer le « troc permanent » entre l’histoire et les sciences humaines, de sorte qu’au final notre regard sur un site s’apparente à un message qui nous transmet des données précises sur un objet patrimonial déterminé (p. 50).
Le chapitre VI, intitulé « Une discipline de l’indiscipline », fait largement référence au titre de l’ouvrage. On y remarque que la notion de patrimoine a été bouleversée, ces deux dernières décennies, notamment sur le plan épistémologique en traversant les disciplines historiques pour, au final, les englober toutes. Dans cette nouvelle dynamique, le patrimoine sort des murs (extra muros) avec une nouvelle affirmation ( coming out ) du patrimoine immatériel (p. 122).
Cet ouvrage démontre comment un groupe hétérogène d’auteurs – que chacun ait contribué à l’ensemble de manière directe ou indirecte – peut éclairer la notion de patrimoine et créer une mémoire patrimoniale. Le collectif y parvient grâce à la diversité des positions sociales et disciplinaires de chacun. Il met ainsi en lumière l’importance d’analyser l’objet patrimonial selon plusieurs disciplines ayant des motivations distinctes. Plusieurs des auteurs ont présenté des études de cas concrètes tirées de leurs travaux de doctorat, mettant sous les projecteurs leurs disciplines respectives et l’intérêt qu’ils portent aux études patrimoniales ainsi qu’aux particularités dans la construction de cet objet d’étude. La lecture de cet ouvrage permet une prise de conscience de l’importance du patrimoine et de l’intérêt d’intégrer la transdisciplinarité dans les études patrimoniales, ce qui favorisera la construction d’une mémoire patrimoniale au Canada.