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Le collectif dirigé par Steven High, Lachlan MacKinnon et Andrew Perchard considère les multiples effets du processus de désindustrialisation sur les communautés ouvrières. Il s’agit ici de la suite d’un ouvrage précédent ayant traité des aspects culturels ainsi que des représentations relatives à la désindustrialisation. Le cadre spatiotemporel à l’intérieur duquel s’insère l’ouvrage correspond à la seconde moitié du XXe siècle et s’intègre à l’historique de progression du néolibéralisme. Le livre se compose de 15 essais traitant des répercussions de la désindustrialisation dans 5 pays : Royaume-Uni, Canada, France, États-Unis et Australie. La relation personnelle (familiale, sociale et économique) qu’entretient chaque contributeur au mouvement de désindustrialisation et à ses effets sert de préambule et permet d’expliquer les motivations des auteurs en ce qui a trait à l’étude du sujet. L’objectif est de redéfinir les études de la désindustrialisation en mettant l’accent sur le contexte local et les répercussions de ce processus sur la santé humaine, ainsi que sur l’environnement. Dans cette optique, les auteurs dénoncent le manque de profondeur et le caractère unidirectionnel de la littérature actuelle.
L’ouvrage se divise en trois sections. Dans la première, qui explore la notion de ruine industrielle, les textes traitent non seulement des facettes physiques de cette ruine, mais également des conséquences à court et à long termes de la dégradation industrielle et manufacturière. Cette perspective apporte une critique à la notion de smokestack nostalgia, qui correspond au processus de « romantisation » de l’ère industrielle, souvent associé aux efforts de préservation. Cette « romantisation » est considérée comme une mise de côté volontaire des aspects négatifs du travail industriel, qu’il s’agisse des répercussions sur la santé des ouvriers ou des inégalités causées par les relations de pouvoir. En étudiant les représentations du passé industriel, cette section met en évidence la façon dont le processus de désindustrialisation et l’arrivée du néolibéralisme renforcent les difficultés vécues par la classe ouvrière. Les auteurs traitent de la perte d’identité, de l’érosion des communautés, ainsi que des nombreuses conséquences sur la santé mentale. On comprend, à la lecture de cette section, comment la transformation du contexte économique accroît la précarité des emplois, ce qui engendre une dégradation des conditions de travail en plus d’entraîner un affaiblissement des ressources syndicales et des mesures de protection. En réaction à cette dégradation, l’émergence de mouvements de résistance communautaire et d’environnementalisme ouvrier est explorée.
La seconde section du livre réitère l’importance du contexte local. On y explore les disparités entre les banlieues et les centres urbains en ce qui a trait au processus de désindustrialisation, ainsi que l’habileté de « survie » d’un lieu. Plusieurs modèles de répercussions sont étudiés, notamment les banlieues américaines où l’on observe soit un processus de déclin, soit une mutation en lieu d’immigration ou encore l’enclenchement d’un processus de gentrification. L’invisibilité des conséquences de la désindustrialisation à travers l’émergence de la gentrification ou des hipster economies dans les quartiers industriels des centres urbains est également un thème central. On y relate, dans ce sens, le processus de redéfinition identitaire entamé par les municipalités, ainsi que les nombreux outils privilégiés tels que la revitalisation urbaine, la diversification économique, les incitatifs économiques et politiques, la création d’une image de marque et le recours à la création d’imaginaires. Les textes de cette section comportent une critique sur la persistance de l’étude de la désindustrialisation comme un phénomène uniforme et fixe. Il s’agit plutôt, selon les auteurs, d’un mouvement cyclique et continu d’investissement et de désinvestissement ayant comme objectif la croissance du capitalisme. Cette définition remet en question la notion de postindustrialisme puisque le contexte actuel correspondrait alors à un cycle d’industrialisation. La mécanisation des emplois à haut revenu et la standardisation urbanistique sont évoquées afin d’illustrer cette conception.
La dernière section traite des impacts sociaux et économiques de la désindustrialisation sur les travailleurs à travers l’étude de la transformation de leur rôle face au développement d’une nouvelle économie basée sur la finance, les savoirs et l’industrie de service. On y explore, de façon plus générale, les inégalités de l’industrialisation et de la désindustrialisation. Cette notion est également abordée à travers la question du néocolonialisme. Les essais font état de la racialisation du déclin de l’industrie en plus de considérer les diverses politiques de la désindustrialisation à travers les notions de race, de classe et de genre. L’Écosse est le cas de figure le plus marquant de cette section. Cet exemple permet d’étudier l’implication de l’État relativement à la création de stratégies de développement régional. Le cas écossais permet en outre d’approfondir le rôle du contexte politique par l’entremise de la notion d’économie morale.
Les auteurs concluent cet ouvrage en réaffirmant la nécessité de bonifier le corpus de la désindustrialisation. Les conséquences de ce processus seraient en effet à l’origine, du moins partiellement, du sentiment de désillusion de la société moderne et du contexte politique actuel caractérisé par une tension générale. Que le lecteur soit en accord ou non avec ce raisonnement, il serait ardu pour lui d’affirmer que les objectifs des auteurs ne sont pas atteints. Le collectif conteste la standardisation des discours portant sur la désindustrialisation et suggère de nouvelles approches quant à l’étude des conséquences de ce processus. Les auteurs mettent de l’avant un discours réfléchi en reconnaissant la validité de certains arguments en faveur de la désindustrialisation, notamment l’amélioration de la santé des travailleurs ayant réalisé la transition entre les secteurs secondaire et tertiaire. Ils traitent également de l’intérêt de l’histoire orale (récit et narration) comme outil méthodologique dans l’étude d’un tel sujet de recherche. Il aurait été d’autant plus bénéfique, dans ce sens, d’accorder à cette histoire orale une plus grande importance dans le choix des essais présentés par le collectif.