Comptes rendus bibliographiques

CARTER, Sarah (2015) Imperial plots. Women, land, and the spadework of British colonialism on the Canadian Prairies. Winnipeg, University of Manitoba Press, 480 p. (ISBN 978-0-88755-818-4)[Notice]

  • Julie Beauchamp

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  • Julie Beauchamp
    Département de science politique, Université du Québec à Montréal, Montréal (Canada)

Historienne à la Faculté des études autochtones et au département d’histoire de l’Université d’Alberta, Sarah Carter, dans un programme de recherche ambitieux, souhaite resituer et recadrer l’histoire coloniale canadienne sous les perspectives de groupes minorisés et exclus des narratifs historiques dominants durant la période charnière que constitue la fin du XIXe siècle. Poursuivant ce travail, son nouvel ouvrage, Imperial plots. Women, land, and the spadework of British colonialism on the Canadian Prairies, explore les débats et les discours entourant le rôle et la place des femmes sur les fermes agricoles. Il documente les efforts et luttes des femmes pour le droit à la propriété et au travail d’exploitation de la terre dans les prairies canadiennes, de 1870 à 1930, période durant laquelle des milliers d’acres de terres agricoles ont été octroyées aux colons pour qu’ils s’établissent au Canada, mais refusées à la grande majorité des femmes. À travers l’analyse d’archives, de lois et politiques publiques, de débats parlementaires, de journaux et de périodiques, de pamphlets et de documents légaux, l’ouvrage démontre que l’opposition au droit à la propriété de la terre pour les femmes et la discrimination à laquelle elles ont dû faire face témoignent des visions profondément genrées et racialisées au coeur du projet colonial canadien. Celui-ci, après avoir dépossédé les nations autochtones de leurs territoires ancestraux, a volontairement exclu les femmes du droit à la propriété, notamment à travers le Dominion Lands Act, pour établir une production agricole patriarcalement organisée et a renforcé le modèle de reproduction hétérosexuelle comme base sociale et économique de la famille. Dans son ouvrage précédent, The importance of being monogamous (2008), Carter a d’ailleurs détaillé la détermination des législateurs canadiens à imposer aux différentes populations de l’Ouest canadien, un modèle hétérosexuel, monogame et intraracial, modèle étant central à la construction de la nation canadienne. L’ouvrage est divisé en sept chapitres, de façon thématique plutôt que chronologique. Le premier chapitre discute du rôle central des femmes autochtones dans l’agriculture au Canada, avant l’arrivée des Européens, pour ensuite analyser les stéréotypes de genre et de race au coeur du projet colonial. L’analyse de Carter démontre que c’est précisément le système colonial de division et d’attribution des terres – le homestead system par lequel le gouvernement fédéral octroyait 160 acres conditionnellement à l’exploitation de la terre et l’établissement de la résidence, dans le but de peupler et coloniser le territoire canadien face aux menaces d’envahissement américain et des possibilités de révoltes autochtones – qui a permis de créer un paysage culturel blanc et patriarcal où les hommes étaient les chefs de famille, alors que les femmes étaient confinées aux tâches domestiques et de reproduction sexuelle. Le coeur de la recherche documentaire se trouve dans les chapitres III à VII, où Carter documente minutieusement comment des femmes ont, malgré la discrimination et de nombreux obstacles légaux et culturels, réussi à acquérir et à travailler la terre dans les prairies canadiennes, et ce, de 1870 jusqu’aux années 1930. Ces femmes étaient par contre soumises à une forte surveillance et à des contraintes bureaucratiques sévères, tandis que leur moralité et leur vertu étaient hautement policées. Carter fait ici un excellent travail, par une recherche documentaire imposante, pour mettre en lumière ces nombreuses femmes oubliées de l’histoire. Particulièrement intéressants, les chapitres V et VI nous en apprennent davantage sur la campagne Homestead for British-born women. Cette campagne a été menée, entre autres, par l’auteure et oratrice d’origine britannique Georgina Binnie-Clark, qui fut l’une des premières à plaider pour l’octroi de propriétés aux femmes d’origine britannique, les daughters of British blood (p. 286), plutôt qu’aux hommes étrangers et …

Parties annexes