Note liminaire

Pratiques sportives et projets de territoire[Notice]

  • Jean-Pierre AUGUSTIN et
  • André SUCHET

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Les recherches menées ces dernières années en géographie sociale et en sciences de l’aménagement soulignent l’importance du projet dans la dynamique des territoires. Le projet des acteurs serait même au fondement du territoire. Dans la pratique, l’action publique régionale autant que locale repose de plus en plus fortement sur l’idée de projet, en Europe comme en Amérique du Nord. Il en est ainsi du renouveau d’un fédéralisme continental et du retour des villes dans la gouvernance mondiale (Pinson, 2009 ; Le Galès, 2011) mais aussi des comarcas, des parcs ou des pays à l’échelle rurale (Lajarge, 2000 ; Clarimont et al., 2006). La programmation sous forme de projet s’impose à tous les niveaux administratifs du secteur public, mais aussi du secteur privé, où les sciences de gestion s’accordent pour affirmer la fin des méthodes tayloriennes ou néofordistes en faveur d’une gestion transversale par projet (Hood, 1995 ; Evaristo et Van Fenema, 1999). Une évolution qui mène Boltanski et Chiapello (1999), dans une intention éminemment critique, à dire que le nouvel esprit du capitalisme se caractérise par le projet. Dans le cadre d’une géographie sociale et culturelle du sport (Augustin, 2011 ; 2016), ce numéro thématique ouvre la recherche à partir d’approches renouvelées soulignant comment les pratiques sportives s’inscrivent dans des projets de territoire. Sur un plan théorique, le concept de projet trouve également de l’importance au moment d’appréhender une construction territoriale, ces territorialités ou territoires « en train de se faire » (Vanier, 2009). Dans tous les domaines de la société, c’est le jeu des acteurs qui produit ces territoires (Gumuchian et al., 2003 ; Sénécal, 2006), des territoires qui reposent sur un projet industriel, agricole, urbain ou récréatif et sportif. Le texte, quasiment épistémologique, rédigé par Debarbieux (2004) sur la question d’un effet géographique en est une démonstration. Selon cet auteur, l’identification et l’inscription d’un objet dans une catégorie donnée produit, sur la matérialité de cet objet, tout un ensemble d’actions concrètes qui tendent à conforter l’objet dans son statut, c’est-à-dire une sorte de prophétie autoréalisatrice sociospatiale qu’il nomme effet géographique. De même, dans un texte consacré au concept de ressource territoriale, Gumuchian et Pecqueur (2007) en arrivent finalement à dire l’importance des projets, une particularité locale n’étant ressource que par son activation au travers d’un projet. Les études de projets sont ainsi de plus en plus nombreuses en géographie, en géographie du tourisme (notamment Hazebroucq, 2009 ; Axente, 2012 ; Losseau, 2015) ou en géographie du patrimoine, des fêtes et des mouvements culturels (notamment Gravari-Barbas et Jacquot, 2007 ; Fournier et al., 2009 ; Sibertin-Blanc, 2009), mais il manque encore un certain nombre d’études à propos des activités sportives et du monde sportif qui se pense tout autant par projet. On peut déjà mentionner le travail de Haschar-Noé (2005), plus récemment celui de Suchet (2015), sinon plus largement celui de Corneloup et al. (2007), mais d’autres études empiriques et théoriques restent à faire. La candidature des villes à l’organisation des Jeux olympiques d’été ou d’hiver, la gestion intercommunale du sport, les loisirs sportifs dans l’organisation des destinations touristiques, les grappes d’innovation sportive, la construction de stades et de grands aménagements urbains… sont autant de projets de territoire ou de projets pour les territoires qui reposent en grande partie sur les activités sportives. L’enjeu scientifique porte aussi sur de nouvelles relations théoriques entre représentations, cultures et identités ou entre spatialités, habiter et gouvernance. Le sport s’impose en effet comme un objet d’étude géographique permettant d’appréhender, tout autant que d’autres objets, les dynamiques contemporaines mondialisées. Omniprésent dans les médias et les discours, le sport est …

Parties annexes