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Mobilisant plusieurs disciplines (géographie, géologie, sciences de gestion, management, science politique, archéologie), cet ouvrage collectif ambitionne d’analyser les grands défis de l’urbanisation marocaine. Après une introduction de Mohamed Haddy revenant notamment sur les tendances à la privatisation de l’espace urbain et plaidant pour une implication plus approfondie des différentes classes sociales dans la production de la ville, le livre s’organise autour de trois parties.
La première propose un regard historique sur l’urbanisation du Maroc. Hassan Zouhal en rappelle, de manière très générale, les grandes lignes en évoquant les différentes strates historiques ayant façonné la ville marocaine depuis l’époque préromaine et qui, selon lui, « donnent l’impression d’un entassement des formes sans lien entre elles ». Bouchra Sidi Hara offre ensuite une analyse bien informée de l’histoire de Marrakech sur le temps long. L’auteur conclut par des pages convaincantes sur la gentrification de la médina, la spéculation immobilière, la dualisation de l’économie urbaine et un étalement urbain renforçant les inégalités sociales. Elle plaide pour un approfondissement de la régionalisation afin de lutter contre ces effets préoccupants de l’internationalisation de Marrakech.
La deuxième partie de l’ouvrage propose des questionnements sur la ville marocaine moderne. Adil Zabadi et Anas Hattabou développent une réflexion générale sur la relation entre urbanisation et développement économique dans les pays en développement. Abdelaziz Adidi s’intéresse aux villes minières du Maroc qui subissent actuellement un déclin de leur base économique. Il plaide pour une reconnaissance et une protection du patrimoine minier par les autorités publiques marocaines, à l’image de ce qui se pratique dans le Nord de la France. À partir du cas de Salé, Mohamed Mastere et Bouchta El Fellah décrivent les risques liés à la fragilisation du littoral marocain concentrant l’urbanisation.
La troisième et dernière partie de l’ouvrage concerne la problématique du vivre-ensemble dans la vile marocaine contemporaine. Khadija Qesmoun propose une réflexion générale sur le lien social dans la ville. Enfin, Mohamed Haddy offre un plaidoyer pour une implication plus étroite de la population dans la production de la ville, une intégration de la nature dans le tissu urbain et une meilleure protection du patrimoine architectural. Il déplore la généralisation de la dérogation aux documents d’urbanisme par les municipalités et plaide pour une municipalisation du foncier urbain afin de lutter contre la spéculation.
Les limites de l’ouvrage résident dans la nature trop générale de certains développements où le terrain marocain est peu présent et, inversement, dans la nature très descriptive d’autres parties. Au final, la faible cohérence d’ensemble, liée aux approches très différentes des auteurs, apparaît comme la principale faiblesse de l’ouvrage, mais aussi comme un atout : par la diversité des approches proposées, ce livre offre une bonne introduction à la recherche urbaine marocaine contemporaine.