Comptes rendus bibliographiques

JOLIVET, Violaine (2015) Miami la cubaine. Géographie d’une ville-carrefour entre les Amériques. Rennes, Presses Universitaire de Rennes, 272 p. (ISBN 978-2-7535-3990-7)[Notice]

  • Claude LACOUR

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  • Claude LACOUR
    Université de Bordeaux, GREThA UMR CNRS

Peut-être a-t-on en tête la photo de Yander Zamora, cliché célèbre qui montre Air Force One, le 20 mars 2016, train d’atterrissage baissé, au-dessus d’une rue de La Havane. La couleur bleu clair de l’avion présidentiel se marie parfaitement avec celle de trois voitures de cette rue, et quelques personnes regardent l’avion. À quoi peuvent-elles penser ? À un nouveau monde où les États-Unis et Cuba vont davantage s’ouvrir et où les Américains pourraient en grand nombre revenir dans la capitale de Cuba, apportant devises et dépenses, au risque de refaire de La Havane une annexe plaisir et tourisme de la Floride ? Une île enfin rouverte, où les Cubains qui le souhaiteraient et le pourraient auraient la possibilité légale de partir et de retrouver des familles à Miami et voir, enfin, ce que les Cubano-Américains ont fait de cette ville et de cette région ? Comment ils ont su garder une « exception cubaine à Miami », confortant, souvent inventant même, cet aspect d’appartenance à l’île-mère que bien peu connaissent sauf par les histoires racontées ? Mais ils savent jouer de la démocratie américaine et des formes d’intégration en faisant que Miami « soit dirigée en majorité par des minorités » (p. 17). Les Cubano-Américains ont constitué des réseaux politiques et financiers ; ils les maîtrisent et fabriquent des quartiers totalement neufs qui sont le produit de la spéculation foncière, de procédures et de montages financiers pour des immeubles qu’on saura vendre autant aux Cubains qui réussissent qu’aux Américains blancs : « L’odeur du café, le chant des coqs, les palmiers, le soleil fort comme les pluies tropicales sont autant d’éléments qui font oublier parfois que Miami est aux États-Unis » (p. 184). L’ouvrage de Violaine Jolivet tombe à pic et montre à la fois la prégnance des temps longs, les liens forts et tendus entre Cuba et les États-Unis, des phénomènes de bascule, pour reprendre le terme qu’elle utilise pour parler de ville bascule, swing city (p. 183). Mais aussi, après que l’histoire a été longtemps figée, une relative accélération dans les dernières années, que note Jolivet dans sa conclusion et que ce printemps a confirmée. Miami la cubaine est, au départ, une thèse soutenue en 2010 et présentée par l’auteure au Prix annuel de la Ville, organisé par le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU) et l’Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme (APERAU), un prix auquel on souhaite que les Québécois participent davantage (voir Lacour, 2015). Jolivet connaît parfaitement son sujet, qui dépasse une question de terrain et même sa thèse : elle a fait plusieurs séjours à Miami, y a vécu, s’y est promenée. Elle y a travaillé, s’y est perdue, elle a effrayé sans doute ses amis pour aller dans des endroits que les locaux eux-mêmes lui conseillaient d’éviter. Elle connaît parfaitement Little Havana et la « république bananière de Hialeah », finement analysées de l’intérieur. Et à la lire, on saisit que Miami, les mondes cubano-américains et ceux de la Caraïbe sont devenus en grande partie les siens. Bien entendu, elle connaît la littérature sur le sujet, a réalisé des enquêtes, des entrevues, elle a profondément compris la complexité et aussi les logiques contradictoires de ce qui est davantage qu’une ville et, en même temps, la résultante incertaine, bancale, de forces multiples allant de la finance la plus honorable à celle de la pègre et de la drogue : ville-bordel et ville-villégiature luxueuse. Miami, « cité exemplaire de la déréglementation des modes de gestion et de la privatisation des …

Parties annexes