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Cet ouvrage collectif nous propose un regard inédit sur l’intégration des immigrants en privilégiant l’étude de la cohabitation au travail et au sein de l’espace urbain. Cette approche dynamique et spatiale aborde ainsi l’intégration comme un processus relationnel se déployant entre immigrants et natifs d’origines variées dans différents espaces où ils se côtoient. À travers son introduction, ses dix chapitres et son bref épilogue, le livre a pour objectif d’explorer la trilogie ville-travail-diversité. Conjointement, les auteurs des chapitres visent à sortir des sentiers battus de la recherche sur l’immigration et l’intégration, en abordant les acteurs de la diversité en tant que porteurs de transformations urbaines. Ce pari est bien relevé et les chapitres de l’ouvrage contribuent chacun à sa façon à l’élargissement de l’étude de l’immigration, de la diversité et de l’intégration en contexte urbain.
Dans la première partie de l’ouvrage, qui porte sur les parcours professionnels et l’insertion, la définition de « l’intégration réussie » du point de vue des immigrants est judicieusement explorée (chapitre I). Alors que le livre dans son ensemble porte sur Montréal, on y trouve une comparaison intéressante entre le Québec et la Colombie-Britannique. Les résultats montrent que le contexte linguistique du Québec et le choix que font ses immigrants en matière de qualité d’emploi contribuent à des indicateurs d’insertion différents qui, a priori, semblent plus favorables dans l’ouest du pays (chapitre III). La deuxième partie privilégie l’analyse spatiale et aborde les thèmes de la fluidité, de la convivialité et de l’inconfort dans l’espace urbain de Montréal. Le chapitre conclut que l’espace immobilier montréalais témoigne d’une plus grande ouverture à la diversité et à l’insertion que le marché du travail et la sphère identitaire (chapitre V). La recherche portant sur les interactions dans les espaces publics souligne la nécessité de présenter des résultats équilibrés entre succès et tensions que suscite la diversité en milieu urbain (chapitre VII). La troisième partie se penche sur les espaces commerciaux ; elle comporte un chapitre sur Toronto (chapitre VIII) et deux autres sur Montréal qui mettent en exergue les lieux de consommation comme espaces stratégiques de la cohabitation des milieux urbains multiethniques (chapitres IX et X).
Plusieurs chapitres de l’ouvrage mobilisent les données du questionnaire long du recensement de 2006 (chapitres II, V, VI et VII) et nous rappellent combien ce genre d’études fines et exhaustives sur la diversité et l’immigration seront désormais difficiles à effectuer avec l’abandon du questionnaire long en 2011. [3] Certains auteurs utilisent d’autres enquêtes nationales réalisées par Statistique Canada alors que d’autres ont recours à des données qualitatives issues d’entretiens, de conversations informelles ou d’observation participante dans des lieux publics.
À la fois cohérent et original, cet ouvrage ouvre la voie à une nouvelle génération d’études sur la ville et la diversité dans ses espaces tels le quartier, le lieu de travail, le parc public ou les commerces. À l’ère des dérapages et de l’instrumentalisation politique de symboles de la diversité, les analyses proposées ici témoignent des multiples processus et chemins qui permettent la cohabitation et la cohésion au sein des espaces urbains caractérisés par la diversité. Repenser l’intégration en tant que dynamique sociale, urbaine, spatiale et en constante mutation est impératif à une époque où les idéologies tendent à écarter la science, risquant ainsi de créer d’inquiétantes incompréhensions et divisions.
Parties annexes
Note
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[3]
Le questionnaire long a été réinstauré en 2016 par le gouvernement de Justin Trudeau.