« Villes et Métropoles algériennes. Hommage à André Prenant » est le titre du numéro 22 des Cahiers du GREMAMO. Dans ce volume, sous la coordination de Sid-Ahmed Souiah et Chantal Chanson-Jabeur, des chercheurs ont voulu, par leurs contributions, rendre hommage à André Prenant, géographe émérite décédé. C’est là une action louable à l’égard d’un personnage d’une grande qualité humaine, qui s’était pris d’amour pour l’Algérie, là où il avait défini des champs de recherche et rencontré des sujets d’enthousiasme. L’ouvrage, qui traite de la question urbaine en Algérie, abordée à travers des thématiques multiples et en s’affranchissant de l’angle disciplinaire unique, comprend une quinzaine d’articles que regroupent trois parties où, cependant, les terrains étudiés sont souvent repris. Celui de Constantine, ville « multimillénaire » et grande métropole de la région Est, a manqué, alors qu’il est sûr que, si une place lui avait été frayée, les problèmes d’ensemble concernant la métropolisation auraient été bien vus. En plus, une rigueur soutenue dans le choix des textes aurait été l’apport certain qui éviterait de prêter le flanc à la critique du lecteur, qui ne manquera pas de soulever le problème des contributions malvenues. Dans leur démarche, les chercheurs qui ont pris l’initiative de cet hommage ont voulu d’emblée revenir sur la phase coloniale et le processus de mise en place d’une urbanisation ex nihilo à l’origine de la première fragmentation de l’espace urbain. Ainsi, n’ont-ils pas pu trouver mieux qu’un recours à une étude sur la ville de Sétif, publiée par André Prenant en 1953, dans les Annales de géographie. Dans ce texte, l’auteur s’insurge contre le système colonial français, qu’il dénonce en mettant à nu son caractère fallacieux pour expliquer, par exemple, que le « progrès » de l’urbanisation à Sétif a fait de la ville un refuge pour les « indigènes » fuyant les campagnes par suite de la spoliation de leurs terres et des revers de la poussée progressive de la mécanisation de l’agriculture en pays céréalier. Mais il observe que l’installation en ville de ces ruraux révèle en même temps la vigueur de contrastes sociospatiaux catégoriels, du fait de leur précarité économique et de leur cantonnement à la périphérie de la ville, loin de la partie européenne, qui traduit l’aisance manifeste de ses habitants. Par ses impressions sur l’inhumanité coloniale, on ose affirmer qu’André Prenant ne s’est point écarté de la pensée de Pierre Bourdieu sur le fondement de l’ordre colonial, qu’illustre le rapport dominant / dominé, et des propos de Frantz Fanon sur Les damnés de la terre, ces paysans sans ressources qui n’ont d’autre recours que de se ruer vers les cités nées de la domination coloniale, pour constituer le lumpenprolétariat. Aujourd’hui, dans la ville de Sétif, devenue ex-coloniale, et après plus de 60 ans, Abdel-Madjid Djenane observe que l’exode rural continue et qu’il n’a de cesse d’alimenter l’accroissement démographique de cette ville, ce qui a conduit à une explosion urbaine extrêmement forte : la surface bâtie de l’agglomération a été décuplée et, à sa périphérie, on voit bourgeonner un grand nombre de bidonvilles. Là encore, on est dans l’image récurrente de la ville fragmentée, reflet de restructurations infécondes, parce que n’ayant pu amoindrir que très peu les contrastes sociospatiaux catégoriels. Les maîtres d’oeuvre de l’urbanisation sont actifs principalement à la périphérie, seul espace disponible pour résoudre la crise aiguë du logement et espace d’enjeux où émergent stratégies et jeux d’acteurs. C’est certainement la raison qui explique la pléthore de textes traitant de cette portion du territoire urbain, dans les trois parties structurant l’ouvrage, notamment lorsque des auteurs se sont préoccupés …
CHANSON-JABEUR, Chantal et SOUIAH, Sid-Ahmed (dir.) (2015) Villes et métropoles algériennes. Hommage à André Prenant. Paris, L’Harmattan, 288 p. (ISBN 978-2-343-05886-3)[Notice]
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Salah Bouchemal
Université Larbi Ben M’hidi, Laboratoire RNAMS