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Les ouvrages consacrés aux enjeux géopolitiques de l’énergie se sont multipliés ces dernières années. En nous limitant à la langue française et aux livres cités par les auteurs de cette publication, nous en avons dénombré une dizaine, tous écrits depuis 2004. C’est plus vrai encore pour les écrits de géopolitique ou de géostratégie (où l’énergie intervient souvent) : près d’une trentaine cités dans cet ouvrage, datant presque tous d’après 2000. Que peut, dès lors, apporter un livre de plus consacré aux hydrocarbures et conflits dans le monde ?
La réponse qu’une lecture attentive permet d’apporter à cette question est simple : la capacité des trois auteurs (deux géographes et un conseiller aux affaires étrangères) à fournir un exposé très clair, bien argumenté, allant à l’essentiel et offrant à la fois des savoirs de base sur le contexte énergétique et son évolution à travers le prisme des hydrocarbures, les notions théoriques nécessaires à la compréhension des conflits (typologie des conflits, notions de droit international…), et des études de cas replacées dans leur contexte géographique et politique. On doit en effet louer les qualités pédagogiques des auteurs, qui nous offrent un texte bien structuré en trois parties s’appuyant sur de nombreux tableaux et figures, de multiples encadrés mettant en exergue des définitions, faisant des gros plans sur certaines questions, des cas spécifiques… et présentant 20 cartes en couleurs rassemblées en fin d’ouvrage. Il s’agit donc d’un excellent manuel universitaire qui devrait faciliter la préparation aux concours, et également d’un ouvrage de référence qui pourra être consulté facilement par tous ceux qui cherchent des informations sur ces questions.
Par ailleurs, nous avons beaucoup apprécié les propos nuancés des auteurs à la fois sur les jeux complexes derrière les conflits, sur le rôle même des hydrocarbures dans les conflits (rarement à leur origine mais importants dans leur développement), sur l’évolution du nombre et de l’intensité des conflits, sur les types de conflits (avec un poids plus important des conflits internes), sur l’atout que peut constituer le pétrole pour la reconstruction après la guerre… et sur l’avenir même des enjeux pétroliers face aux progrès technologiques et à une demande en ralentissement ou en réorientation grâce au développement des énergies renouvelables, propos allant parfois à l’encontre d’idées préconçues. Nous pensons aussi que ce fut une excellente idée de consacrer toute la troisième partie aux routes de l’énergie et aux problèmes qu’elles engendrent tant pour leur protection que pour leur contrôle… car il s’agit de problèmes différents de ceux liés au contrôle et à l’exploitation des gisements.
Quelques questions cependant : pourquoi si peu de cartes sur les conflits eux-mêmes (4 sur 20) ? Pourquoi pas une carte sur les conduites en Russie, cas très bien développé et sans doute le plus emblématique, la Russie possédant le plus vaste réseau de pipelines au monde ? Pourquoi certaines sources ne sont-elles pas indiquées sous les tableaux, figures et encadrés de la première partie principalement ? Pourquoi, enfin, une bibliographie essentiellement francophone ?