FR :
De tout temps, le stratège s’est intéressé à l’environnement, non pour le protéger mais pour le malmener. Les grands théoriciens de la stratégie depuis Sun Tse, dans L’Art de la guerre, au Ve siècle av. J.-C., ont montré qu’une manoeuvre se réussissait à moindre coût lorsque les données naturelles étaient exploitées avec audace. En contrepartie, les effets sur l’environnement sont peu, voire pas du tout, pris en compte. La guerre et l’environnement sont antinomiques dans nos cultures militaires occidentales. Lorsque l’armée américaine mène une guerre dévastatrice au Viêtnam, entre 1965 et 1973, elle prend bien conscience que le changement du climat ou la défoliation massive de la jungle peut servir ses intérêts tactiques contre le Viêt-cong. En revanche, elle mesure encore peu que la dégradation de l’environnement à grande échelle, relatée par les médias présents sur place et parfois par les géographes, va affecter une grande partie de l’opinion publique internationale. Il en résulte, dès 1976, une prise de conscience de la dégradation de l’environnement en temps de guerre et un début de conception commune en matière de protection dans les conflits armés, puis l’élaboration de stratégies nationales de développement durable dans les années 2000. Mais ce « bon usage de l’environnement par le militaire » reste encore limité aux armées modernes, autrement dit aux pays riches, à des fins moins militaires que politiques. Quelles sont ces stratégies environnementales nouvelles et à quoi peuvent-elles servir dans un contexte international qui prédit de grandes catastrophes écologiques dans le siècle à venir ?
EN :
Since time immemorial, strategists have taken a keen interest in the environment, not to protect but to harm it. The major strategy theorists since Sun Tzu, who authored The Art of War in the fifth century B.C., have shown that a successful manoeuvre costs less when nature is exploited boldly. By contrast, the effect on the environment was given little consideration, if any at all. War and the environment are diametrically opposed in Western military culture. From 1965 to 1973, when the United States army waged its destructive war in Vietnam, it realized more and more that climate change and the full-scale exfoliation of the jungle could serve its tactical plans to thwart the Vietcong. However, it underestimated the effect the extensive degradation of the environment reported by the media on site and occasionally by geographers would have on a significant part of international public opinion. Starting in 1976, an awareness of the damage to the environment in time of war and the beginning, in 2000, of a common appreciation of environmental protection as well as the development of national sustainability strategies was growing. But this “correct use of the environment by the army continues” to be restricted to modern armies – in other words, to affluent countries – not so much for military as for political reasons. So what are these new environmental strategies – and how will they be implemented in an international context where the prospect of major ecological disasters happening during the next century is looming large?
ES :
Desde tiempos inmemorables, el estratega se ha interesado al medio ambiente, no para protegerlo pero para maltratarlo. Los grandes teóricos de la estrategia, desde Sun Tse en El Arte de la Guerra, siglo V av. J.-C., han demostrado que una maniobra militar será un éxito y menos costosa si los elementos naturales son explotados audazmente. En cambio, los efectos sobre el medio ambiente son poco o nada considerados. En nuestras culturas militares occidentales guerra y medio ambiente son antinómicos. En la destructora guerra del Vietnam, entre 1965 y 1973, el ejército estadounidense toma conciencia que el cambio climático o la defoliación masiva de la selva puede servir a sus intereses tácticos contra el Viêt-cong. En cambio, ese ejército no comprende que la degradación del medio ambiente a gran escala, relatada por los medios de información presentes en la zona de guerra y a veces por geógrafos, va influenciar una gran parte de la opinión pública internacional. Desde 1976 surge una toma de conciencia de la degradación del medio ambiente en tiempos de guerra y un comienzo de una idea común en materia de protección en los conflictos armados y, en los años 2000, una elaboración de estrategias nacionales de desarrollo sostenido. Pero ese «buen uso del medio ambiente por los militares » se limita a los ejércitos modernos, es decir, a los países ricos, con fines más políticos que militares. ¿Cuáles son las nuevas estrategias medio-ambientales y a qué pueden servir en el contexto internacional que predice grandes catástrofes ecológicas en el siglo?