Nouvelle contribution à l’étude des grands barrages et de leurs impacts, sous la direction de Nathalie Blanc, chargée de recherche au CNRS (UMR Ladyss), et Sophie Bonin, maître de conférences à l’Université de Grenoble 1 (UMR Pacte), cet ouvrage réunit 16 contributions ; la conclusion est présentée par Bernard Barraqué. Ce travail collectif fait suite à des journées d’étude tenues en janvier 2006. Quatre parties structurent l’ouvrage. La partie, intitulée L’actualité des grands barrages, présente les grands enjeux actuels, à toutes échelles, liés essentiellement aux aménagements hydroélectriques. La nécessité d’une approche interdisciplinaire des problèmes est bien soulignée dans cette présentation de la problématique générale. Une deuxième partie (cinq textes), Retrouver la perspective habitante, aborde les risques sociaux du développement, en particulier l’article de Cernea qui insiste sur les déplacements forcés de population et la nécessité d’une réelle étude d’impacts – au sens prédictif du terme. L’auteur souligne l’intérêt d’une prise en compte des retombées des grands ouvrages, afin que l’évaluation de leur pertinence ne se fasse pas seulement selon des paramètres macroéconomiques (coût de l’électricité ou de l’eau pour l’irrigation), mais aussi en tenant compte des impacts et des bénéfices escomptés pour les populations locales directement affectées. Les auteures rappellent que, pendant longtemps, le paradigme aménagiste a postulé la primauté de l’intérêt général, souvent formulé par l’État et ses agences aux dépens de ce qui était présenté comme les égoïsmes locaux. Les articles de Watteau et Faure, anthropologues, illustrent deux cas opposés de gestion des impacts pour les sociétés locales : celui d’une reconstruction à l’identique d’un village portugais à proximité du barrage récent d’Alqueva (vallée du Guadiana, Alentejo), dont on discute toutefois l’intérêt économique ; et celui plus ancien des barrages de la vallée de Dordogne, à finalité hydroélectrique, où le traumatisme des populations locales a été profond. Avec le cas des barrages alpins, Dalmasso, historienne, démontre aussi le dialogue impossible ou difficile entre ingénieurs et habitants, ce rapport de force qui s’infléchit toutefois au fil du temps, à mesure que ces derniers prennent la mesure des objectifs des barrages et structurent leur opposition en apprivoisant le discours des ingénieurs. La troisième partie (quatre articles), Les barrages au gré des constructions du territoire national traite de tous les enjeux de pouvoir, à différentes échelles, associés à la construction des grands barrages. Pour Ingold, la recherche est davantage centrée sur l’eau en tant que « bien socialement et historiquement construit », en particulier en Italie du Nord. Blanc et Chartier posent la question du développement durable en Amazonie à travers le cas du complexe hydroélectrique de Belo Monte, dans le bassin versant du Xingu. C’est le jeu des alliances entre différents acteurs locaux, nationaux, voire internationaux, qui interrompt ou remet en selle l’aménagement. Mais quelle que soit leur position, la plupart des acteurs déploient « une pensée territoriale nouvelle », dont l’agence de bassin – sur le modèle français, repris par la plupart des plans de mise en oeuvre du paradigme de la gestion intégrée – pourrait être l’élément-clé du développement. Ces conflits d’acteurs sont peut-être encore plus complexes dans le cas du Danube, dans la mesure où, pour ce qui est des barrages Gabcikovo-Nagymaros déjà bien étudiés, ils ne se confondent pas avec la seule opposition transfrontalière entre la Hongrie et la Slovaquie. Au Liban, la politique d’aménagement par les barrages doit prendre en compte les États voisins mais aussi la représentation des diverses communautés libanaises, entraînant de nombreux conflits d’intérêts. La quatrième partie, en cinq contributions, s’intitule Repenser le développement hydraulique. L’article de Allain, sociologue (INRA), est particulièrement intéressant en ce sens qu’il rapporte directement …
BLANC, Nathalie et BONIN, Sophie (dir.) (2008) Grands barrages et habitants. Les risques sociaux du développement. Paris, Maison des sciences de l’homme / Éditions Quae, 336 p. (ISBN 978-2-7592-0071-9)[Notice]
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Frédéric Lasserre
Université Laval