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La littérature abonde d’ouvrages sur la thématique de la gestion de l’eau, de son partage, de ses multiples valeurs sociales, économiques, symboliques et environnementales. De fait, l’ouvrage de Patrick Le Louarn ne se présente pas comme un texte innovateur : il tente de présenter le regard spécifique des chercheurs en sciences humaines sur ces questions. Rassemblant quinze contributions issues des travaux du séminaire annuel de la Maison des sciences de l’homme Ange Guépin de Nantes, il offre ainsi aux lecteurs des travaux de juristes, géographes, historiens, sociologues, une diversité toujours bienvenue dès qu’on aborde la thématique du partage et de la gestion de l’eau, compte tenu de sa complexité et de l’analyse pluridisciplinaire qu’elle impose souvent. L’ouvrage se propose en particulier d’aborder la question des savoirs traditionnels en matière de gestion de la ressource.
On relève des chapitres fort intéressants, comme sur la question de l’appropriation de l’eau douce en droit français, l’implication des femmes dans les associations de gestion d’eau potable en milieu rural, ou encore la relecture critique des directives européennes sur la qualité de l’eau dans l’Union européenne.
Cependant, on relève aussi que le thème général de l’ouvrage, l’eau, associe eau douce et eau de mer, alors que ces deux dimensions aquatiques n’ont pas grand-chose en commun. Faute d’avoir tranché, on a un peu l’impression que les deux contributions sur la mer ont été plaquées artificiellement, corollaire de la nature de l’ouvrage, actes d’un colloque.
C’est là que se trouve la principale faiblesse de cet ouvrage : se voulant le reflet des échanges et des communications de cette journée d’étude, le livre rassemble des textes de valeur, de longueur et de propos très hétérogènes, sans qu’un réel effort de synthèse ou d’organisation de l’information ne vienne structurer cette diversité. Certes, une introduction précise les orientations générales qui prévalaient à l’organisation du séminaire, mais on n’y trouve aucune grille de lecture pour décoder la disparité des points de vue, des échelles d’analyse, tant spatiales que temporelles, ou des thématiques abordées. Aucune transition entre les deux parties ou entre les chapitres, aucune conclusion ne vient aider le lecteur qui a l’impression d’avoir vu défiler un assemblage de textes sur l’eau, certes, mais qui ne l’aidera en rien à mieux comprendre les problèmes contemporains liés à la gestion de l’eau. Le sous-thème des savoirs traditionnels, pour lesquels on peut citer le concept de techniques d’encadrement de Pierre Gourou, ou les qanats iraniens et autres foggaras maghrébins, ou encore les techniques d’agriculture grâce à la collecte des eaux de rosée dans les Canaries, rien de tel n’est abordé et aucune réflexion ne vient synthétiser ce qui a été dit de ce point de vue. Enfin, de nombreux chapitres présentent le défaut de ne pas souligner la problématique qu’ils abordent, ce qui renforce cette désagréable impression de lire une collection de monographies dont l’objectif paraît mal ciblé. C’est dommage, car on sent bien que les auteurs ont beaucoup de choses à dire, un savoir divers, reflet de leurs lieux d’étude et de leur origine disciplinaire variés, mais l’ouvrage ne leur rend pas honneur, faute d’avoir su structurer ces chapitres et orienter efficacement leur rédaction.