Corps de l’article

La métropolisation est un phénomène économique et une dynamique spatiale de concentration des personnes et des activités dans les villes les plus importantes ainsi qu’un processus de sélection des territoires. Or, dans cette logique de différenciation des systèmes urbains, quelle est la place des villes petites et moyennes ? En effet, si on considère la métropolisation comme l’affermissement du poids démographique et économique du sommet de la hiérarchie, que reste-t-il aux espaces non métropolitains ? Nous prendrons l’exemple de l’Allier, département a priori en marge de la métropolisation mais polarisé par des métropoles extérieures, pour explorer les implications du développement métropolitain à travers une étude de cas.

Le choix de l’Allier est opportun [1] car il offre le modèle des espaces commandés par des villes moyennes (Vichy, Moulins et Montluçon). Le contexte d’ensemble est problématique (déclin démographique, fragilité industrielle). L’Allier serait-il, comme l’écrivent Savy et Veltz (1993), une périphérie pauvre, un arrière-pays qui se dépeuple, dont les centres métropolitains riches n’auraient plus besoin ? Se pose alors la question de la part des effets de la métropolisation dans ce constat, du rôle de l’éloignement de métropoles dynamiques ne permettant pas à ce département de bénéficier d’une portée positive. Le département serait-il victime d’un phénomène de concentration des hommes et des activités motrices dans des métropoles extérieures ? S’inscrit-il plutôt dans un processus de différenciation économique de l’espace sous domination métropolitaine qui lui permet de bénéficier d’une ombre portée positive mais pas nécessairement suffisante ?

Il s’agit donc bien de mesurer les effets humains, économiques et géographiques de la métropolisation, mais aussi de s’intéresser aux évolutions possibles pour tenter de s’intégrer dans un cercle vertueux et s’inscrire dans le processus de division technique et sociale (Ascher, 1998) qu’implique nécessairement la métropolisation en cours.

Le concept de métropolisation appliqué à l’Allier

Un concept polysémique et multiscalaire

La métropolisation est en concept utilisé pour décrire l’évolution urbaine des pays économiquement avancés. Elle se caractérise par le renforcement du poids des grandes agglomérations qui concentrent de plus en plus les personnes, les capitaux, les biens matériels et immatériels (Lévy et Lussault, 2003 ; Leroy, 2000). Certains auteurs mettent l’accent sur le processus de « renforcement des fonctions économiques en matière de décision, de direction et de gestion des systèmes économiques et de leur concentration dans quelques pôles urbains majeurs » (Bonneville, 1993). Nombreux sont ceux qui soulignent que les facteurs favorisant certains centres urbains (au détriment d’autres) sont liés aux stratégies d’implantation des entreprises, notamment celles de services. L’approche économique est donc largement privilégiée dans l’étude de la dynamique de métropolisation (Veltz 1996 ; Lacour et Puissant, 1999). Ce qui compte, c’est la capacité à attirer des entreprises, multinationales de préférence, à offrir des équipements et des communications de qualité, des services aux entreprises de haut niveau et à former une main-d’oeuvre qualifiée (Cattan et al., 1994 ; Rozemblat, 1992). La métropolisation est donc fortement sélective et déséquilibrée, tant aux échelles intra-urbaines qu’interurbaines.

À l’échelle intra-urbaine, les études portent sur ses effets internes, liés à l’accroissement des mobilités, selon des critères d’accessibilité différenciée des territoires. Par ailleurs, elle engendre des processus de ségrégation et de fragmentation. La métropolisation associe deux logiques de fonctionnement (l’une d’intensification-concentration et l’autre d’extension-dilution) qui permettent de revisiter la notion déjà ancienne de centre-périphérie (de Roo, 1993 ; Lacour et Puissant, 1999). La métropole ainsi recomposée est donc à géométrie variable, marquée par des formes renforcées de polycentrisme avec l’apparition et le renforcement de nouvelles polarités (Mignot, 1999). Pour décrire plus correctement cette réalité évolutive, Ascher a créé le concept de métapole qui concerne un territoire fonctionnel au quotidien. « Une métapole, c’est l’ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d’une métropole. Les espaces qui composent une métapole sont profondément hétérogènes et pas nécessairement contigus » (Ascher, 1995).

Ce n’est pas l’échelle d’analyse dans laquelle nous nous situons. En effet, l’Allier est à l’écart des influences directes et quotidiennes des métropoles françaises, trop éloigné du réseau de proximité physique. Les temps de trajet le montrent. Paris est à 2 h 30 de Moulins, à 3h de Vichy et à plus de 3 h de Montluçon par le train (entre 3 et 4 h par la route). Lyon est à plus de 2 h de train de Vichy, la plus proche des villes moyennes de l’Allier. Il n’y a que Clermont-Ferrand qui soit à une distance quotidienne de Vichy (de 30 à 45 minutes selon le moyen de transport), mais ce n’est qu’une métropole régionale dont les logiques de métropolisation ne peuvent être comparées à celles de Paris, voire de Lyon (figure 1).

À l’échelle interurbaine, la métropolisation correspond à une sélection entre les villes, selon une logique de concurrence ou de complémentarité. Elle se marque par une mise en réseau importante des villes entre elles, mais surtout des acteurs de l’économie mondialisée. Or le renforcement du sommet de la hiérarchie urbaine pose la question de la place des échelons inférieurs. En France, la métropolisation ne favoriserait-elle que l’agglomération parisienne ?

Par ailleurs, plusieurs auteurs se sont interrogés sur la différenciation spatiale induite par la métropolisation, à plusieurs échelles (entre régions urbaines et régions rurales, entre villes d’une même région, entre zones urbaines métropolisées et zones urbaines non métropolisées, etc.). Les zones urbaines non métropolisées sont définies comme des espaces plus ou moins bien commandés par des villes moyennes et intermédiaires (Ascher, 1998). Leur avenir semble problématique, surtout pour celles qui sont trop éloignées des métropoles pour profiter des effets de leur croissance (Sallez et Vérot, 1993). C’est le cas, a priori, de l’Allier.

L’Allier, un espace polarisé par les villes moyennes

Le département de l’Allier est caractérisé par une concentration certaine des personnes et des activités dans les villes principales. Le taux d’urbanisation est proche de 70 %. L’Allier dispose d’un réseau urbain tricéphale avec trois villes moyennes à sa tête : Vichy la touristique (80 194 hab.), Montluçon l’industrielle (78 477 hab.) et Moulins l’administrative, la préfecture du département (58 355 hab.). Ces aires urbaines sont respectivement à la 98e, 100e et 126e places nationales sur 354 (INSEE, RGP 1999).

Figure 1

Les dynamiques urbaines de l’Allier

Les dynamiques urbaines de l’Allier

-> Voir la liste des figures

La tricéphalie urbaine entraîne une bonne répartition géographique des services. Seules 66 communes (8 % de la population) sont à plus de 45 minutes d’un pôle urbain et des équipements correspondants. L’ensemble des trois agglomérations concentre 72 % de la surface de vente, avec un poids plus important dans les secteurs de l’équipement de la personne, de la culture-loisirs et de l’équipement du foyer. On note un débordement extérieur des zones de chalandise : Montluçon polarise le nord-est de la Creuse et le nord du Puy-de-Dôme ; Moulins, le sud de la Nièvre et l’est de la Saône-et-Loire et Vichy, le nord du Puy-de-Dôme. Les emplois départementaux sont également fortement concentrés dans les villes moyennes (tableau 2). Ces trois pôles regroupent 57 % des emplois.

Pour le tertiaire supérieur, l’Allier compte 3000 emplois dans les fonctions métropolitaines les plus qualifiées, à forte valeur ajoutée, caractérisant les plus grandes villes. Ils représentent 3,5 % de l’emploi total des aires urbaines du département, proportion légèrement inférieure à celles des aires urbaines de taille équivalente au niveau national (4,5 %). Comparée aux autres, Montluçon se caractérise par une proportion plus élevée des secteurs de la recherche-enseignement. Par ailleurs, dans l’Allier, les services aux entreprises ne représentent que 11 % de l’emploi (14 % en Auvergne et 21 % en France métropolitaine). Cette sous-représentation est en partie liée au caractère multipolaire de l’offre, éclatée entre les trois aires urbaines, concurrentes plus que complémentaires. Les besoins sont moins bien satisfaits que dans les autres départements auvergnats puisque 43 % des prestations sont réalisés hors département. L’exemple de l’enseignement supérieur est probant. Les formations de l’Allier accueillent environ 4000 étudiants (1700 à Montluçon, 1400 à Vichy et 900 à Moulins). Pour les filières non présentes dans l’Allier, le pôle clermontois attire 60 % et celui de Lyon 8 % des 7800 étudiants inscrits à l’extérieur du département (INSEE, 2003b).

On a donc une bonne structuration interne mais, à l’évidence, des lacunes en équipements et services supérieurs nécessitant le recours à des métropoles extérieures. L’Allier serait-il donc le symbole des espaces urbains non métropolisés, victimes d’une dualisation spatio-économique liée à une métropolisation qui se fait ailleurs ?

À l’écart des logiques métropolitaines : éloignement et dépendance

À l’échelle départementale, les effets négatifs de la métropolisation sur la démographie et l’économie

Un examen des principaux indicateurs démographiques et fonctionnels fait apparaître un bilan plutôt négatif (tableau 1).

Le département est marqué par une baisse démographique et un net vieillissement de la population (INSEE, Recensement général de la population [RGP] 1999). En 1999, l’Allier compte 344 700 habitants contre 424 600 au moment du maximum en 1886 (population estimée au 1er janvier 2003 : 342 307 hab.). Depuis 1968, l’Allier a perdu 41 000 habitants, l’équivalent d’une agglomération comme Moulins. Ainsi le département occupe-t-il aujourd’hui la 60e place nationale (52e en 1975). Il participe en cela au déclin quasi généralisé des départements situés au centre de la France et qui, pour une grande part, sont également des espaces éloignés des principales métropoles.

La structure par âge est instructive. Il y a une surreprésentation des plus de 60 ans (29 % de la population, 11e rang national), un déficit des jeunes adultes entre 20 et 40 ans et un déficit croissant des moins de 20 ans (20,5 % de la population, 86e rang national). Un habitant sur deux a plus de 43 ans (âge médian supérieur de six ans à celui de la France métropolitaine).

Tableau 1

Évolution démographique des unités urbaines de l’Allier

 

Population

1999

Taux variation annuelle

1990‑1999

Taux variation annuelle

1982‑1990

Taux variation annuelle

1975‑1982

Population

1896

Solde migratoire

1990‑1999

Solde migratoire

1975‑1982

Moulins (AU)

58 355

‑0,39

‑0,10

0,19

29 694

‑0,46

‑0,12

Moulins (UU)

40 050

‑0,45

‑0,40

‑0,17

 

‑0,55

‑0,67

Vichy (AU)

80 194

‑0,19

‑0,09

0,33

30 506

0,13

0,52

Vichy (UU)

60 877

‑0,26

‑0,36

0,17

 

0,14

0,32

Montluçon (AU)

78 477

‑0,47

‑0,58

‑0,46

40685

‑0,26

‑0,33

Montluçon (UU)

60 993

‑0,55

‑0,92

‑0,75

 

‑0,36

‑0,74

Cosne-d'Allier (UU)

2 407

‑0,21

‑0,01

1,00

2 185

0,69

1,71

Gannat (UU)

5 838

‑0,15

‑0,69

‑0,23

5 676

0,15

‑0,27

Commentry (UU)

8 018

‑1,08

‑1,17

‑1,19

13 574

‑0,68

‑1,03

Néris-les-Bains (UU)

2 708

‑0,49

‑0,40

0,44

2 723

0,38

0,79

Varennes-sur-Allier (UU)

4 657

‑0,86

‑0,81

‑0,30

3 626

‑0,66

‑0,43

Lapalisse (UU)

4 141

‑0,78

0,15

‑0,04

4 109

‑0,33

0,05

Saint-Pourçain-sur-Sioule (UU)

5 266

0,23

‑0,10

‑0,39

1 083

0,77

‑0,13

Dompierre-sur-Besbre (UU)

3 477

‑1,00

‑0,74

‑0,26

3 304

‑0,66

‑0,93

(UU) : unité urbaine

(AU) : aire urbaine

Source : INSEE

-> Voir la liste des tableaux

Mais l’aspect le plus important est l’étude du solde migratoire (figure 1). En effet, lui seul témoigne de la capacité ou non à retenir la population et il peut donner des indications précieuses sur l’attraction des grandes régions métropolitaines extérieures. À l’échelle du département, les chiffres sont négatifs : le taux annuel moyen du solde migratoire entre 1990 et 1999 est de - 0,1 %. Il y a davantage de Bourbonnais qui partent que de personnes qui viennent s’installer définitivement. La structure par âge des migrants est intéressante. Pour les populations proches de l’âge de la retraite, le bilan est positif. Plus inquiétant est le solde très négatif des 15-29 ans (- 14 % entre 1990 et 1999), mais également, dans une moindre mesure, des actifs d’âge moyen (30‑39 ans). Il y a là, sans aucun doute, un effet de la métropolisation, car le départ des jeunes s’explique par la concentration des universités et grandes écoles dans la métropole régionale d’abord (Clermont-Ferrand), mais également dans d’autres grandes villes (Paris surtout et Lyon). De même, le solde migratoire négatif des actifs de 30-39 ans s’explique par un déficit local d’emplois, surtout qualifiés, et donc par la nécessité de se rendre dans des bassins d’emploi plus prolifiques et où les possibilités de promotion sont plus grandes. Entre 15 et 25 % des départs des 15-39 ans se font vers des zones métropolitaines (Clermont-Ferrand, Île-de-France, Lyon). De plus, les jeunes couples privilégient les grandes métropoles où le double emploi est plus aisé. Il y a là un handicap majeur pour l’Allier.

On le devine, la dynamique démographique est largement liée à une situation socio-économique guère plus florissante. Dans une économie majoritairement tertiarisée, l’Allier se caractérise par une surreprésentation des activités des secteurs primaire et secondaire. L’agriculture fournit encore un emploi sur quinze (contre 1/25 en France) alors que le secteur secondaire maintient ses effectifs (12 % des établissements, un emploi sur cinq). La part de l’emploi industriel dans l’emploi total du département est de 18 % plus élevée que celle de l’ensemble du pays. Le secteur industriel connaît des augmentations sensibles dans les industries agroalimentaires (IAA) avec plus de 20 % des effectifs entre 1993 et 2001, les industries du bois, du papier et des composants électriques et électroniques (INSEE, 2003b).

L’ossature industrielle est intéressante : métallurgie et transformation des métaux, chimie-caoutchouc-plastique et industrie des équipements mécaniques occupent 43 % des salariés de l’industrie (30 % en moyenne nationale). Si on ajoute les IAA, on a 60 % de l’emploi industriel. Cette spécificité est primordiale pour comprendre les enjeux de métropolisation. L’appareil productif s’appuie en effet sur la présence de grands groupes nationaux et internationaux : Peugeot SA à Dompierre-sur-Besbre (760 employés), secteur métallurgique à Montluçon-Commentry (Ateliers Mécaniques Industrie Spéciale : 500 ; Erasteel : 350), Dunlop-Goodyear à Montluçon (810), Adisseo à Commentry (700), etc. Leur présence reflète une certaine dépendance : 28 % des établissements de plus de 10 salariés ont leur siège hors du département (24 % en moyenne en Auvergne).

La métropolisation en tant que concentration des activités dans les plus grandes villes fait également plus classiquement son oeuvre dans l’Allier puisque plus de 50 % des départs d’établissements se font au bénéfice de l’Île-de-France et de Rhône-Alpes (37,5 % pour l’Île-de-France et 17,7 % pour Rhône-Alpes). Pour les emplois qualifiés (cadres supérieurs et professions intermédiaires), les migrations hors Allier se font majoritairement vers l’Île-de-France. Les établissements externalisent dans des domaines tels que la publicité-marketing, le traitement des déchets, la formation et la location de véhicules et de matériels (INSEE, 2004b).

On sait que le processus de métropolisation se traduit classiquement par une sélection de la dynamique économique par les grandes villes : d’un côté l’accroissement des activités d’amont (recherche et développement, conception) et d’aval (publicité, communication, etc.), de l’autre la diminution des activités secondaires. Il semble que ce soit tout le contraire dans l’Allier, ce qui tendrait à montrer que non seulement le département ne participe pas à la dynamique métropolitaine, mais qu’il subit une érosion des secteurs dynamiques.

Cette situation économique n’est pourtant pas aussi dramatique qu’il n’y paraît. Si l’on replace le département dans son contexte régional, certains indicateurs semblent tout à fait positifs, en termes de capacité à attirer des entreprises et des emplois, même si les chiffres absolus concernent de petits effectifs. Il y a des indices d’un potentiel pour freiner une marginalisation spatiale.

S’il se créé moins d’entreprises qu’ailleurs en France, le taux de survie est meilleur : sur 100 nouvelles entreprises, 55 existent toujours cinq ans après, soit trois fois plus que la moyenne nationale.

De plus, l’Allier, dans la période 1996-2001, a un solde de transfert d’entreprises très largement positif avec un gain final de 49 unités, pour une moyenne régionale de neuf (voir note 6). Ce mouvement s’est traduit par un apport net de 20 employés, alors que dans le même temps la région Auvergne connaissait un déficit moyen de 21 employés. Sur 769 établissements entrés en Auvergne, le département de l’Allier en a accueilli 213, soit 27,7 % du total, plus que la Haute-Loire (195) qui compte pourtant des zones d’emploi dynamisées par la proximité de Saint-Étienne et de Lyon (INSEE, 2004c).

Toutefois, la mise en relation du nombre d’établissements entrés avec celui du nombre d’employés fait ressortir un point fondamental : les établissements qui ont intégré le département employaient peu de salariés, voire pour un nombre non négligeable d’entre eux aucun (213 établissements arrivés, 178 salariés et aucun établissement de plus de 40 salariés).

Finalement l’Allier montre une capacité à garder des entreprises de grande taille, installées dans la période 1960-1980 dans le cadre des politiques de reconversion des bassins miniers et industriels en difficulté, à côté d’une foule de très petites entreprises (TPE). Cette dynamique socioéconomique se retrouve largement dans le profil urbain du département.

À l’échelle des villes : la dépendance extérieure

Les villes moyennes sont relayées par un tissu de petites villes limitées quantitativement et essentiellement concentrées à l’est du département (figure 1). Sur le plan démographique, entre les deux derniers recensements, presque toutes ces villes ont perdu de la population, cumulant le plus souvent un solde naturel et un solde migratoire négatifs. Le monde urbain ne semble pas mieux résister au déclin démographique que les campagnes, à l’exception de Vichy (+ 0,14 % entre 1990-1999) qui attire très majoritairement des personnes âgées, les jeunes actifs quittant massivement la ville. Les villes moyennes comme Montluçon et Moulins perdent plus de population par déficit migratoire que les petits organismes urbains qui, dans le cas de Saint- Pourçain-sur-Sioule ou de Cosne-d’Allier, enregistrent même un solde positif entre 1990 et 1999 (tableau 1).

Quelques espaces résistent mieux et sont encore attractifs. La moitié sud du département, plus proche du pôle clermontois, voit une très large majorité de ses communes enregistrer un solde positif. La métropolisation clermontoise jouerait probablement ici favorablement en faisant du sud du département un espace d’étalement urbain. On assisterait à un processus de métapolisation de la métropole régionale. Le phénomène est renforcé par l’axe du Val d’Allier et celui de l’autoroute A71 facilitant les relations avec la métropole.

L’influence des grandes villes extérieures est confirmée par l’analyse des flux migratoires définitifs interurbains (Édouard, 2001). Par ordre d’importance, les sorties se dirigent préférentiellement vers la métropole régionale (Clermont-Ferrand), la capitale nationale (Paris) et, enfin, Lyon. Précisons tout de même que, dans tous les cas, les sorties l’emportent sur les entrées.

Sur le plan économique, aucune des trois villes moyennes ne parvient à s’affirmer comme pôle majeur structurant et dynamisant le territoire bourbonnais. Montluçon se cherche dans la reconversion industrielle et ne parvient pas à compenser la disparition de ses activités traditionnelles (sidérurgie, textile, etc.). Vichy n’est plus, depuis longtemps, la reine des villes d’eau, et son industrie, pourtant diversifiée, est en difficulté également. Quant à Moulins, il s’agit d’une ville de préfecture banale, ne disposant d’aucune réelle locomotive économique, tant dans le domaine industriel que dans celui des services privés. Les petites villes gardent, pour l’essentiel, un simple rôle de pôle de centralité pour leur environnement rural en déprise démographique, ce qui laisse présager un avenir problématique.

La dynamique des emplois est révélatrice des difficultés économiques. À l’échelle de l’Allier, on note une augmentation du nombre des emplois de + 6,2 % entre 1990 et 1999. Par contre, la plupart des centres urbains en ont perdu. L’exception la plus remarquable est celle de Saint-Pourçain qui bénéficie de la présence des ateliers Vuitton (tableau 2) [2].

Tableau 2

Unités urbaines de 1500 emplois ou plus en 1999

 

Emplois totaux en 1999

Évolution 1990-1999

Montluçon

25 884

‑1,7%

Vichy

25 182

+0,3%

Moulins

21 889

+0,4%

Commentry

3 581

‑14,9%

Saint-Pourçain-sur-Sioule

3 249

+35,7%

Gannat

2 238

‑6,4%

Varennes-sur-Allier

2 138

‑7,0%

Dompierre-sur-Besbre

1 933

‑5,2%

Lapalisse

1 670

‑6,0%

Source : INSEE - Recensements de la population 1990 et 1999

-> Voir la liste des tableaux

L’absence de grandes villes dans le département de l’Allier implique également une forte polarisation des comportements d’achat vers l’extérieur pour les commerces et services. Dans ce domaine, Clermont-Ferrand exerce la plus forte influence. L’évasion est globalement plus importante pour les services privés rares (surtout les services aux entreprises) ou les services à caractère médical spécialisé où plus du tiers des besoins dans ce domaine sont satisfaits dans la capitale régionale (Édouard, 2001). L’influence est plus modérée pour les services financiers ou privés courants et bien plus encore pour le commerce de détail (sauf quelques commerces rares). En ce qui concerne les grandes agglomérations extérieures, seule Paris constitue une alternative. Lyon n’exerce qu’une influence limitée sur les confins de la Montagne bourbonnaise (est du département).

Ceci nous éclaire sur le positionnement de l’Allier par rapport à la métropolisation des activités tertiaires. Le département joue ici seulement le rôle de relais de l’influence clermontoise, donc métropolitaine, en offrant, par le biais essentiellement de ses villes moyennes, des commerces ou services courants ou semi-rares. On est bien dans une organisation hiérarchique de réseau urbain.

L’image banale d’un département peu dynamique

Dans une logique de compétition entre territoires, la métropolisation compte beaucoup sur l’effet d’image. Pour retenir ou attirer des entreprises et des habitants, c’est un paramètre important. Or les images de l’Allier ne participent pas à une quelconque valorisation métropolitaine.

L’Allier n’a pas véritablement d’image. Généralement, les gens ne savent pas très bien où se situe le département. Il n’est associé à aucune référence forte, ni positive, ni négative. Aucun haut-lieu ou personnage emblématique ne ressort véritablement, à part Vichy associée à la Belle Epoque thermale tout autant qu’au régime de Pétain. Banalité et discrétion, voire indifférence, n’entraînent pas le rejet, mais ne favorisent guère l’attractivité spontanée. C’est un département qu’on traverse, où on s’arrête éventuellement pour quelques jours de vacances, mais où rien ne motive de longs séjours. Les campagnes bocagères, la forêt de Tronçais, les éléments patrimoniaux banaux ne suffisent pas à donner une image forte du département (CERAMAC, 2005).

Par ailleurs, l’image véhiculée par les acteurs économiques ne porte guère sur la dyna-mique territoriale. La brochure de l’INSEE brossant le panorama local insiste sur un département « rural et industriel » où « 30 % des habitants vivent dans l’espace rural » (INSEE, 2003). En insistant sur les aspects sur-représentés par rapport aux valeurs nationales, on survalorise des traits minoritaires. De même, le Conseil général, dans sa brochure Allier, terre d’industrie, présente le département comme situé « au coeur de la France, un département d’équilibre avec ses trois pôles urbains de Moulins, Montluçon et Vichy rayonnant sur des campagnes principalement vouées à l’élevage de bovins charolais ». L’image d’un département rural, voire agricole, sans réelle personnalité, est-elle attractive ?

La question d’un véritable marketing territorial se pose donc. Pour créer une envie d’Allier, pour reprendre un slogan officiel, il convient certainement de sortir des schémas stéréotypés et réducteurs que sont la qualité de vie, le calme, la tranquillité, les charolais broutant dans des parcelles bocagères. Si ces images sont à même d’attirer des retraités (et de développer les emplois de services à la personne qui sont liés), on peut se demander si elles sont véritablement efficaces pour dynamiser un tissu économique en difficulté et pour attirer des jeunes. De même, l’attention est portée sur la situation centrale (au coeur de la France). Or c’est un argument que tous les départements valorisent. La main-d’oeuvre est qualifiée de stable, fiable, le climat social y est serein. Est-ce suffisant pour attirer des entreprises extérieures, à l’heure où on recherche l’innovation et la qualification ? Il y a certainement lieu, de la part des acteurs locaux, d’engager une vraie réflexion pour créer une image dynamique et, si possible, originale du département.

Un manque de tradition de développement endogène

L’Allier se singularise par rapport à d’autres bassins économiques auvergnats. En effet, il a un développement économique basé sur un tissu hétérogène : d’une côté, de grandes entreprises extérieures, fortement internationalisées et intégrées à des logiques capitalistiques exogènes ; de l’autre, un tissu de TPE et PME-PMI qui n’ont pas donné lieu au développement de secteurs locaux identifiés.

À cet égard, le contraste est notable avec des bassins proches, comme ceux de Thiers ou d’Ambert dans le Puy-de-Dôme ou de Sainte-Sigolène et d’Yssingeaux en Haute-Loire, véritables districts industriels dont le fonctionnement endogène a été largement étudié (Gay, 1997 ; Fournier, 1998). Ces districts, systèmes productifs localisés (SPL) pour certains, se sont ouverts à la mondialisation et à la capitalisation extérieure tout en gardant des logiques de développement endogènes remarquables (ce qui n’élimine pas les difficultés économiques pour certains). Dans l’Allier, cette faiblesse de tradition de développement endogène ne doit pas empêcher les acteurs locaux de favoriser des initiatives locales pour atténuer les effets de la dépendance.

Les petites villes de l’Allier, en se spécialisant dans le cadre de l’inscription dans les logiques réticulaires de quelques grandes entreprises, se limitent et ne favorisent pas leur processus de développement endogène. Par le biais de cette intégration, on reproduit le modèle économique des petites villes de mono-industrie ou mono-activité fortement présentes dans les régions d’industries lourdes. Quand il y a crise, la main-d’oeuvre peu qualifiée se retrouve au chômage sans possibilité d’emploi local, ou est obligée de migrer vers d’autres lieux de production (plan de reclassement). Les cadres, qui n’ont que très rarement un ancrage territorial, partent soit vers une autre unité de la même entreprise, soit vers un nouvel emploi. Il est très rare d’assister à des phénomènes d’essaimage, bien que quelquefois, dans une stratégie d’externalisation (services par exemple), des cadres, menacés par un licenciement, créent leur propre activité dans une logique de sous-traitance avec leur ancien employeur. Cette situation est représentative des entités urbaines de petite taille des espaces encreux de la France, connaissant des problèmes de croissance et qui devraient favoriser probablement la création de pôles de développement avec des entreprises innovantes et locales.

L’Allier semble plutôt victime des processus de concentration et de sélection. Pourtant, cette situation difficile ne doit pas masquer l’intégration des villes de l’Allier aux logiques métropolitaines.

L’Allier est intégré à des logiques économiques liées au processus de métropolisation

Les logiques métropolitaines des entreprises et l’Allier

Les enquêtes menées auprès de grandes entreprises industrielles ou tertiaires, dont certaines installées récemment, montrent clairement que les établissements sont très majoritairement des unités de production ou de maintenance, rarement de décision. Ceci est un aspect intéressant de la stratégie des plus grands groupes et de la capacité de certains territoires à s’inscrire dans la logique réticulaire de celle-ci. La division du travail se double d’une sélection spatiale où l’Allier semble avoir trouvé sa place. Les grandes entreprises du département dégraissent, certaines ferment, mais elles quittent peu le département, ce qui tend à montrer que les difficultés sont structurelles et non liées à la localisation dans un département de marges métropolitaines.

Cette idée est très largement corroborée par l’observation des échanges d’entreprises [3] (INSEE, 2004c). Ainsi l’Allier est-il bénéficiaire avec les régions Île-de-France et Rhône-Alpes. Pour la période 1996-2001, le bénéfice avec la première est de 39 entreprises, et de 4 avec la seconde. Ces deux régions comptaient près de 70 % des installations (53,9 % pour l’Île-de-France, 15,1 % pour Rhône-Alpes). Il s’agit d’entreprises qui ont choisi l’Allier, dans une volonté de redéploiement territorial, pour installer des unités de production ou des sociétés de maintenance.

Cette inscription de l’Allier dans la division du travail entrepreneurial explique également son important taux de dépendance (rapport entre les effectifs salariés dépendant d’un centre extérieur et les effectifs salariés globaux de l’Allier), proche de 50 %. Comme on l’a vu, celui-ci est lié notamment à la présence de grands groupes étrangers (le groupe nippo-américain Goodyear-Sumitomo ; l’allemand Bosch ; le néerlandais Wavin (tubes en PVC), etc.) qui emploient 22 % des salariés bourbonnais, mais aussi d’un grand nombre d’entreprises franciliennes de taille variée et occupant plus de 50 % de la main-d’oeuvre. Celle-ci appartient pour plus de 40 % à la catégorie des ouvriers, ce qui témoigne du caractère productif des établissements qui viennent s’installer.

La place de l’Allier dans la stratégie métropolitaine des entreprises se traduit également par son faible taux de rayonnement (nombre d’emplois extérieurs contrôlés par des entreprises bourbonnaises) soulignant la part modeste des entreprises susceptibles de délocaliser une partie de leur activité.

La dépendance assez forte du département de l’Allier par rapport aux groupes étrangers ou franciliens (plus de 75 % des entreprises) montre que celui-ci est finalement attractif et s’inscrit bien dans les stratégies des groupes industriels et tertiaires, et en particulier des plus grands. Ceci pose quand même le problème de la dépendance accrue vis-à-vis de décisions extérieures. Elles répondent à des critères de rentabilité et sont indifférentes aux impacts locaux qui peuvent être très lourds (exemple de Sediver appartenant à un groupe italien peu soucieux de la réglementation française en matière de licenciement par exemple) dans les zones d’emploi à trop forte spécialisation ou trop forte concentration.

Ainsi, à l’échelle de l’Allier, l’indice de concentration des emplois [4] est de 31,2 %, tandis que l’indice de spécialisation sectorielle [5] est de 41,3 %. Il y a donc là une situation de vulnérabilité importante (INSEE, 2004a). Par ailleurs, l’externalisation et la sous-traitance dynamisent peu le tissu économique local. Les grandes entreprises fonctionnent à l’interne pour les services aux entreprises ou avec des entreprises extérieures à l’Allier, selon des logiques de groupe. Les seules activités utilisées localement sont des services de base (entretien des locaux, construction, gardiennage, etc.).

Les raisons qui poussent les entreprises à s’installer dans l’Allier sont multiples. La situation centrale et l’importance de la logistique sont des paramètres importants. Les entrepreneurs rencontrés ont tous souligné le rôle essentiel de la localisation, permettant de rayonner sur les différents départements français (voir note 1). En ce domaine, le département semble relativement concurrentiel, même si la qualité des liaisons autoroutières reste à améliorer (mise à 2x2 voies de la liaison est-ouest qu’est la Route centre Europe-Atlantique (RCEA)), ainsi que celle des dessertes locales. L’installation du centre logistique de la SERNAM à Montmarault est symptomatique de cette dynamique. De ce point de vue, l’Allier est pleinement intégré aux logiques de mobilité et de flux générées par la métropolisation.

L’autre atout concerne la main-d’oeuvre. Les acteurs économiques apprécient sa stabilité et sa fiabilité (dans ce département longtemps marqué par le communisme rural, l’agitation sociale urbaine n’a jamais été vive). La mobilité entrante est forte pour les emplois d’encadrement (peu de recrutement local) alors que pour les techniciens et opérateurs, l’offre locale est largement satisfaisante (la main-d’oeuvre étant souvent formée à l’interne dans les entreprises à haute technicité). Cependant, l’atout peut se révéler sclérosant. Qui dit faible mobilité salariale dit faible renouvellement et rajeunissement de la main-d’oeuvre.

On voit donc apparaître ici le rôle territorial, le besoin d’ancrage dans un environnement géographique précis des activités économiques. Si les villes de l’Allier sont intégrées aux logiques discontinues et largement archipellisées des territoires de la métropolisation, c’est pour des atouts perçus comme positifs dans le fonctionnement réticulaire des entreprises. La logique de métropolisation s’observe également à l’échelle intradépartementale.

Une différenciation territoriale des effets de la métropolisation

Les effets de la métropolisation sont différents selon les zones d’emploi (ZE, définies par l’INSEE comme les espaces géographiques à l’intérieur desquels résident et travaillent la plupart des actifs).

Les zones d’emploi de Vichy, Montluçon et Moulins, les trois principales de l’Allier, sont celles qui, avec Clermont-Ferrand, échangent le plus, à l’échelle de l’Auvergne, avec la région Île-de-France. Rhône-Alpes concerne surtout le bassin de Vichy. Pour les transferts d’établissement, les zones d’emploi présentent aussi des dynamiques inégales, bien qu’il n’y ait que celle de Moulins qui ait subi un déficit (même si cela ne concerne qu’une seule unité !), la plaçant en dessous du solde moyen régional qui est de + 0,44 ‰ (tableau 3). Tous les autres bassins connaissent un solde supérieur à la moyenne régionale avec un taux record à l’échelle de l’Allier pour Dompierre-sur- Besbre (+ 1,57 ‰, soit un gain de huit établissements). Ce résultat est le corollaire d’échanges de proximité avec les départements limitrophes (Nièvre, Saône-et-Loire).

Tableau 3

Répartition par zone d’emploi des différents flux avec l’extérieur pour la période 1996-2001

Zone d'emploi (ZE)

Flux de transferts avec l'extérieur de l'Auvergne*

Entrées, sorties et solde d'établissements

Stock d'établissements au 01/01/1999

Solde moyen annuel (en %)

Entrées dans la région

Salariés concernés

Sorties de la région

Salariés concernés

Solde

Salariés concernés

Dompierre-sur-Besbre

19

24

11

16

+8

+8

850

+1,57

Gannat

7

5

4

1

+3

+4

609

+0,82

Saint-Pourçain-sur-Sioule

9

1

5

2

+4

‑1

913

+0,73

Montluçon

67

43

48

26

+19

+17

4 924

+0,64

Vichy

74

61

58

90

+16

‑29

5 226

+0,51

Moulins

37

44

38

23

‑1

+21

3 070

‑0,05

*

Un transfert d'établissement correspond à un changement d'adresse d'une unité de production

Source : INSEE - Sirène 2004

-> Voir la liste des tableaux

Concernant la spécialisation sectorielle (voir note 5), nous pouvons observer des vulnérabilités variables selon les zones d’emploi. La zone la plus fragilisée potentiellement est celle de Dompierre-sur-Besbre qui présente une forte spécialisation dans les industries du bois et du papier, mais surtout dans la métallurgie et la transformation des métaux. Dans cette activité, la présence d’un établissement du groupe Peugeot de 800 salariés contribue à en faire une zone particulièrement concentrée. Elle affiche le plus fort taux de concentration régionale et le 5e rang à l’échelle nationale (voir note 4). Il faut ajouter à cela un très fort degré de spécialisation (3e place régionale, 9e nationale). Celle de Saint-Pourçain, avec la présence du groupe Vuitton (environ 500 emplois), présente un profil similaire avec une forte dynamique actuelle, puisqu’elle bénéficie des logiques métropolitaines du leader de la maroquinerie de luxe, mais une forte vulnérabilité avec un indice de spécialisation de 53,7 % (5e rang régional, 24e rang national) et un indice de concentration élevé (43,6 %, 2e rang régional, 8e rang national) (tableau 4).

Tableau 4

Principales caractéristiques des zones d’emploi bourbonnaises. Classement parmi les 348 zones d’emploi métropolitaines

Zone d'emploi (ZE)

Part de l'emploi régional

Indice de spécialisation sectorielle*

Indice de concentration de l'emploi**

Population

En %

En %

Classement au niveau métropolitain

En %

Classement au niveau métropolitain

Classement au niveau métropolitain

Dompierre-sur-Besbre

1,3

59,5

9

44,9

5

340

Saint-Pourçain-sur-Sioule

1,4

53,7

24

43,6

8

342

Gannat

0,7

43,5

119

34,4

34

347

Montluçon

8,9

39,0

169

27,5

84

129

Vichy

7,5

29,1

276

17,9

204

158

Moulins

5,4

22,9

321

19,0

187

211

*

Mesure la spécialisation des activités de la zone dans un nombre plus ou moins important de secteurs. Si celui-ci est élevé, une part importante de l’emploi est concentrée dans quelques secteurs déterminés.

**

Représente la part de l’emploi total relative aux dix premiers établissements employeurs de la zone.

Source : INSEE

-> Voir la liste des tableaux

Les zones de Montluçon et Gannat présentent des niveaux de concentration assez élevés, mais elles disposent par ailleurs d’un ensemble d’activités plus large. Cette diversification sectorielle atténue la vulnérabilité. Ainsi, à Montluçon, les PME représentent-elles près de 68 % des effectifs salariés.

Ce sont donc les ZE de Moulins et Vichy qui présentent la diversité sectorielle et structurelle la plus forte, ce qui n’est pas un gage actuel de dynamisme (figure 2).

Il apparaît clairement que les ZE les plus spécialisées et les plus concentrées appartiennent aux zones les moins urbanisées, celles qui s’organisent autour d’une petite ville dominant un espace encore marqué par la ruralité. Ces territoires sont davantage dépendants pour leur dynamique, surtout industrielle, de leur capacité à attirer des entreprises et à s’inscrire dans la stratégie réticulaire de quelques grands groupes. En fonction du potentiel limité de main-d’oeuvre, cela concerne obligatoirement un nombre réduit d’entreprises et laisse peu de place au développement d’autres entreprises, si ce n’est en sous-traitance. Quelques installations fortement pourvoyeuses d’emplois suffisent à satisfaire une grande partie de la demande. Les ZE de Dompierre et Saint-Pourçain correspondent parfaitement à ce cas de figure.

Figure 2

La fragilité des zones d’emploi de l’Allier

La fragilité des zones d’emploi de l’Allier

-> Voir la liste des figures

Les ZE urbaines, bien qu’inscrites dans les réseaux des grands groupes, parviennent mieux à diversifier le tissu d’entreprises tant sur le plan structurel que sectoriel, dans la mesure où elles disposent d’un socle de main-d’oeuvre quantitativement plus important et qualitativement plus diversifié.

Conclusion et perspectives

Au terme de cette étude de cas, trois idées clés apparaissent.

Premièrement, l’Allier illustre bien la distinction à faire dans les logiques réticulaires de la métropolisation entre les réseaux de proximité physique dont le département est largement exclu (éloignement des grands centres métropolitains) et les réseaux de proximité relationnelle dans lesquels il peut s’intégrer (stratégies des entreprises, industrielles en particulier). L’Allier est bien à la marge de la métropolisation, mais pas en marge ; à la limite, mais pas hors des limites. Cet exemple montre que ce type de territoire peut rester intéressant pour des entreprises nationales ou internationales souhaitant bénéficier d’un ancrage au sol, d’une intégration dans des logiques territoriales. Les atouts intéressants de l’Allier sont, dans ce cas, la main-d’oeuvre et l’accessibilité. Il n’y a donc pas d’effets de la métropolisation seulement dans les grandes métropoles.

Deuxièmement, il faut souligner les faiblesses de cette situation, synonyme de vulnérabilité et de dépendance. La métropolisation se traduit par des enjeux locaux importants. L’Allier a une place dans la division du travail des acteurs économiques peu porteuse en termes d’emplois, surtout qualifiés, et peu attractive pour des populations jeunes susceptibles d’influencer la dynamique démographique. On constate une forte part d’entreprises d’exécution, de sous-traitance et surtout de filiales de groupes étrangers ou nationaux impliquant une fragilisation d’un tissu économique fortement dépendant de décisions extérieures. Cette vulnérabilité est doublée, dans ce cas, par la faiblesse de l’entrepreneurship local, une absence de véritable tradition de développement local endogène.

Troisièmement, l’avenir ne peut se concevoir qu’à la lumière du nouveau contexte de valorisation territoriale liée aux politiques nationales récentes. Le soutien au développement économique des territoires de la Délégation Interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT, ex-DATAR) et de l’Union européenne passe par une logique de compétitivité et de situation de métropolisation (importance de la recherche-développement, etc.) à travers les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale. Quelle sera désormais la capacité de l’Allier à mobiliser les acteurs dans ce contexte d’attractivité, de concurrence et de compétitivité ?