Comptes rendus bibliographiques

MATTEACCIOLI, Andrée (dir.) (2004) Philippe Aydalot. Pionnier de l’économie territoriale. Paris, L’Harmattan, 413 p. (ISBN 2-7475-4284-X)[Notice]

  • Thierry Rebour

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  • Thierry Rebour
    Institut universitaire de formation des maîtres d’Amiens

Ce livre se veut un hommage à Philippe Aydalot, économiste de talent, dont la mort – à la fin des années 1980 – a interrompu des travaux absolument indispensables. Coordonné par Andrée Matteaccioli, l’ouvrage se compose de quatre parties. Les deux premières, signées par Matteaccioli, contiennent une analyse de la pensée et des travaux d’Aydalot ainsi que les développements récents des recherches du laboratoire que celui-ci fonda et dirigea (GREMI). Les deux dernières rassemblent des textes de différents économistes, sorte d’analyse critique du maître, et d’extraits de son oeuvre proprement dite. Après une rapide biographie, Andrée Matteaccioli examine, dans un premier chapitre fondamental, les problématiques majeures développées par Aydalot. Grâce à une méthode où l’étude des faits est première, ce dernier aboutit à une critique sévère, mais solidement fondée, non seulement de la théorie néo-classique, mais aussi du marxisme, des thèses de Perroux, voire de ses propres travaux passés, lorsqu’ils ne coïncident plus avec l’actualité de sa recherche. Toutefois, moins qu’une approche purement inductive, Aydalot adopte plutôt une « démarche théorique critique » fondée sur le concept de déséquilibre et sur une analyse dynamique qui se démarque largement des équations statiques de l’économie traditionnelle. Les trois autres chapitres de cette première partie traitent de la difficile intégration de l’espace dans la théorie néo-classique (chapitre 2), de la tentative de poser les bases d’un appareil théorique qui emprunte à la fois aux corpus des écrits de Marx et de Schumpeter (chapitre 3) et d’une critique des politiques d’aménagement. À ce propos, Aydalot déplorait « l’incapacité à comprendre la nature globale socioéconomique […] du phénomène spatial », et considérait qu’agir sur l’espace sans politique économique cohérente n’avait pas plus de sens que de tenter de remplir le tonneau des Danaïdes. La seconde partie s’intéresse aux travaux qui se réclament de la filiation de la pensée d’Aydalot, en particulier ceux des chercheurs du GREMI. Andrée Matteaccioli s’y montre particulièrement à l’aise puisqu’elle participe elle-même à cette entreprise. Les autres disciples d’Aydalot, qui ne connaîtraient pas ces travaux, ont en revanche de quoi être un peu déroutés tant ils « se distancient », de l’aveu même d’Andrée Matteaccioli, de la pensée du maître. Aussi bien le rôle dévolu aux avantages de proximité (chapitre 4) – très proche du concept d’externalité que critiquait si vivement Aydalot –, que la reprise des thèses à la mode en sciences humaines d’auto-organisation (où le hasard – même si le rôle de celui-ci est encore discuté dans les travaux actuels du GREMI – se substitue aux rapports de forces économiques et sociaux, comme cause de la dynamique économique et spatiale) peuvent apparaître comme un reniement, pour ne pas dire une trahison, de la pensée d’Aydalot. Ainsi, lorsque le milieu urbain est présenté comme « un réseau d’externalités favorable au soutien d’une démarche d’innovation » aboutissant à des « milieux innovateurs » qui « s’auto-organisent », n’est-on pas en présence de thèses contre lesquelles l’ancien directeur du GREMI lutta sa vie durant ? Il est vrai que Matteaccioli est assez mal placée pour une approche critique de choix heuristiques auxquels elle participe. N’est-ce pas là, au fond, ce qui la pousse à affirmer de manière tout à fait discutable qu’Aydalot « n’aurait certainement pas désavoué cette trajectoire » ? Les deux dernières parties sont très différentes des précédentes dans la mesure où il s’agit de textes signés par différents économistes (3e partie) et par Aydalot lui-même (4e partie). Classés par thèmes (hommage à l’auteur, regards sur sa démarche scientifique, sur ses apports théoriques), les textes de la 3e partie sont fort intéressants – en particulier ceux …