La richesse des exposés et des échanges lors des Chantiers de la géographie qui se sont tenus les 28 et 29 avril 2006 à l’Université Laval a suscité chez nous une réflexion sur l’évolution de la géographie depuis une cinquantaine d’années. Évoquer l’histoire récente de la géographie n’est toutefois pas sans difficulté car cette discipline est certainement celle qui, en sciences sociales, a connu au cours des dernières décennies, les changements les plus profonds. Ces changements, déjà en 1958, Fernand Braudel les appelait de ses voeux : En 1984, Paul Claval écrivait que « la période de restructuration s’achève et que la géographie est maintenant une science sociale dont le rôle s’affirme sans cesse davantage » (p. 5). En 1997, Rémy Knafou observait que la géographie a fait « une migration unique dans l’histoire des sciences » : Alors que Claval écrit que « la période de structuration s’achève », Knafou considère que les géographes sont loin d’en avoir pris toute la mesure. Le fait de dire que la géographie est une science sociale ne change pas en effet la nature de la réalité disciplinaire (Deshaies, 1988). La géographie a-t-elle terminé sa migration ? Sinon, quelles en sont les difficultés principales ? C’est à ces questions que le présent texte voudrait apporter quelques éléments de réponse. Après avoir tenté une identification sommaire des tendances de fond dans l’évolution récente de la géographie, le travail consistera à identifier l’idée directrice dans ces tendances et à décrire certains défis théoriques, épistémologiques et méthodologiques à relever dans les circonstances. Pour les géographes formés avant les années 1960 et 1970, l’évolution de la géographie depuis une cinquantaine d’années peut leur apparaître trop rapide, alors que les géographes ayant terminé leurs études après les années 1990 considèrent probablement que les progrès se réalisent à un rythme assez lent en s’appuyant sur les acquis des années antérieures. Sans prétendre à l’exhaustivité, plusieurs mutations substantielles peuvent être identifiées et énumérées pour décrire l’évolution de la géographie dans la seconde moitiée du XXe siècle : Ces changements dans la pratique géographique doivent être mis en contexte. Même si, au Québec, la majorité des recherches géographiques dans les années 1940 et 1950 ne comportaient habituellement pas de long développement théorique, elles étaient une démarche d’intelligence de la réalité et portaient en elles-mêmes leur propre théorie, sans pour autant que celle-ci soit toujours explicitée. En effet, la théorie est en partie préexistante à tout savoir scientifique, comme l’avait déjà écrit Émile Durkheim. Maintenant, les géographes s’interrogent habituellement sur la construction de leur regard au début de leurs recherches et de leurs écrits. Cette distanciation du sujet par rapport à l’objet est à l’origine de trois types de recherches. Le premier type, la recherche empirique, qui prolonge jusqu’à un certain point les recherches antérieures, vise à la vérification empirique de théorie qui, comme l’écrit Lévy (2001 : 921), « cristallise […] une démarche à mettre en oeuvre ». Cette démarche consiste à définir une problématique, à développer un cadre théorique articulant un ensemble d’hypothèses à vérifier (infirmer) et à préciser la meilleure stratégie de recherche en ce sens. Le second type a pour objectif d’améliorer ou de développer une ou des théories pour mieux rendre compte de la réalité. Alors que le premier type consiste à confronter la théorie à la réalité, le second met les théories en réflexion. C’est là un type de recherche purement théorique d’une très grande utilité pour le premier type. Le troisième type, plus épistémologique, concerne l’analyse de la valeur des pratiques scientifiques de la discipline, de sa place parmi les sciences et de sa …
Parties annexes
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