Thème 4 - La géographie face au défi du vivre-ensemble

La part de la géographie dans la recherche sur les effets de quartier[Notice]

  • Éric Robitaille

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Nos recherches actuelles portent sur la façon dont le milieu géographique influence le développement des individus, influence qui relève de ce que l’on appelle les effets de quartier. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche qui vise à comprendre le rôle que tiennent la pauvreté et la désorganisation sociale d’un quartier dans le développement de problèmes de comportements antisociaux chez les enfants  (figure 1). Dans le présent texte, nous nous intéressons plus spécifiquement aux défis que constitue pour la géographie l’étude des effets de quartier. Nous pouvons définir les effets de quartier de la façon suivante : le lieu où nous vivons a toujours un effet sur les possibilités qui nous sont offertes et, par conséquent, sur notre qualité de vie (Atkinson et Kintrea, 2001). Ces possibilités peuvent être positives ou négatives. Ainsi, chez les enfants, il se peut qu’un milieu géographique défavorisé ou marqué par la criminalité suscite des comportements antisociaux. Les recherches sur les effets de quartier ont progressé, principalement dans le monde anglophone, durant les décennies 1980 et 1990, surtout dans les domaines de l’éducation, de la sociologie et de la santé publique. Étonnament les géographes ont très peu contribué à ces premières recherches qui, pourtant, concernaient au premier chef leur discipline. Nous pouvons penser à la conceptualisation et à l’opérationnalisation de l’espace (quartier, milieu, communautés), à la problématique de la mobilité des individus, aux aspects spatio-temporels des trajectoires des individus pouvant modifier les interactions entre ceux-ci et les milieux dans lesquels ils vivent, travaillent et se côtoient. Les principaux défis des recherches sur les effets de quartier consistent, d’un côté, à trouver des moyens de décrire et d’expliquer comment l’environnement influence le développement des individus, et de l’autre, à conceptualiser et à opérationnaliser l’analyse géographique à l’échelle du quartier. Quels mécanismes trouve-t-on en amont des effets de quartier ? Plusieurs chercheurs ont montré l’existence de liens significatifs entre la désorganisation sociale, la pauvreté et le développement des individus (Bauder, 2002 ; Dietz, 2002). Pour notre part, nous tentons de voir si des liens existent entre la désorganisation sociale et les caractéristiques sociales des quartiers. Pour comprendre les mécanismes permettant de tisser des liens entre ces deux échelles géographiques (individuelle et locale), voyons tout d’abord en quoi consiste la désorganisation sociale. La théorie de la désorganisation sociale a été développée par l’École de sociologie urbaine de Chicago (Shaw et McKay, 1942). En s’appuyant sur le modèle des zones concentriques, les auteurs tentaient de savoir pourquoi certains quartiers étaient davantage affectés par des niveaux de délinquance, de criminalité et de gangstérisme élevés. Ils suggéraient l’existence de relations entre les caractéristiques structurelles, ou facteurs exogènes (ex. : mobilité résidentielle, statut socioéconomique et hétérogénéité ethnique) et le niveau de délinquance et de criminalité juvénile d’un quartier. Les quartiers caractérisés par une forte mobilité résidentielle, un statut socioéconomique faible et une hétérogénéité ethnique élevée étaient considérés comme désorganisés socialement ; leurs communautés avaient de la difficulté à résoudre leurs problèmes et à partager des valeurs communes. En d’autres mots, les communautés locales ayant un certain mal de vivre ensemble seraient incapables de contrôler les comportements antisociaux des individus. Comme cette situation est difficile à mesurer, les chercheurs doivent recourir à des indicateurs de la désorganisation sociale. Dans la plupart des recherches, la capacité des communautés à s’organiser socialement est reflétée par des composantes sociales, dont le statut socioéconomique, l’hétérogénéité ethnique, la mobilité résidentielle, la structure familiale et la criminalité (Shaw et McKay, 1942 ; Sampson et Grooves, 1989). Toutefois, la question de recherche demeure la suivante : pourquoi un quartier dont le statut socioéconomique est faible et dont l’hétérogénéité …

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