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Les ouvrages de géographie culturelle ont, depuis les années 1980, favorisé de multiples ouvertures de la discipline, et une des nouveautés vient peut-être, depuis les années 1990, de la géographie économique qui s’est attachée à la redéfinition de l’économique et à son articulation avec le culturel. C’est en tout cas le fil directeur que ce numéro de la revue Géographie et cultures tente d’explorer. L’introduction d’Isabelle Géneau de Lamarlière rappelle ce que la géographie économique des années 1950 avait été, sous la forme de l’analyse spatiale, avait influencé l’ensemble de la géographie humaine, mais que la relation s’est inversée aujourd’hui, puisque la géographie économique porte crédit aux divers courants culturels qui ont touché la discipline. L’auteure souligne le passage d’une science de l’espace à une science des lieux (pour les anglophones) ou du territoire (pour les francophones). L’analyse spatiale était centrée sur l’espace souvent perçu comme abstrait, homogène et continu afin d’être traité géométriquement et modélisé. Les flux, les interactions spatiales intégrant le coût des transports et les localisations optimales des activités étaient valorisés afin de rechercher un ordre géographique et des lois générales. Ce qui caractérise les nouvelles approches économiques, c’est la prise en compte des lieux spécifiques selon des échelles variées (un quartier financier, un district industriel, une région, un pays, etc.). L’auteur note que l’espace est marqué par sa concrétude et sa singularité, il est par ailleurs toujours en élaboration et ces attributs permettent de saisir les liens entre le culturel, dimension essentielle de la spécificité des lieux, et les pratiques et les représentations qui le construisent. D’autres auteurs, et notamment Trevor Barnes, considèrent que ce passage de l’espace au lieu a été rapide et que la géographie économique se trouve littéralement « propulsée dans un autre monde ».

Un des intérêts de ce numéro de Géographie et Cultures est de proposer des interprétations plurielles des évolutions évoquées. Doreen Massey souligne que l’espace doit être perçu comme complexe, fracturé, multiple et non fini, « constamment en composition à travers une pluralité de pratiques relationnelles et multidimentionnelles dans le sens où il émerge non seulement de relations économiques, mais aussi de toute la gamme des pratiques sociales ». Il faut alors prendre en compte la notion de réseau et de relation pour conceptualiser l’espace de la géographie économique. Bernard Pecqueur évoque pour sa part la notion de contextualisation pour aborder la dimension culturelle de la différenciation des formes économiques. Nigel Thrift aborde la question de la consommation et des activités financières et parle d’un tournant des recherches anglo-saxonnes autour de la géographie de l’économie culturelle. André Métral évoque les cultures entreprenariales propres à des espaces nationaux en illustrant son propos sur la région de Tunis. Caroline Desbiens retrace le processus de construction identitaire territorial qui favorise le développement économique de la Baie James.

Au total, l’ensemble des textes, malgré leur diversité, souligne l’importance de la dimension géographique et de ses apports pour l’étude des relations de l’économique et du culturel. Signalons enfin la qualité des analyses des onze ouvrages proposés dans la rubrique lecture qui complètent parfaitement la cohésion de ce numéro.