Résumés
Résumé
Acteur archétypique du paysage construit, le bungalow, cette maison pavillonnaire construite en milliers d’exemplaires partout autour des villes, a – en dépit de sa standardisation – engendré un paysage particulièrement varié et profondément québécois.
Ce premier de deux articles analyse la naissance du bungalow au Canada et le contexte, depuis la Première Guerre mondiale, de son apparition, en vue de jeter des bases à l’exploration de la « québécisation » du bungalow, au travers du phénomène de son succès et de son importante diffusion, des paramètres matériels de son appropriation, du corpus imaginaire de ses représentations et de la réappropriation dont cette antithèse du monument historique peut aujourd’hui paraître victime. En effet, si le bungalow tint sa vaste popularité du large éventail de ses appropriations possibles, sa survie est aujourd’hui mise en cause par le principe de sa construction standardisée même, sous la pression foncière sur l’immédiate périphérie urbaine qu’il a jadis investie. Support mémoriel paradoxal de notre XXe siècle, l’omniprésent bungalow, unique et pluriel à la fois, entame-t-il le chant du cygne?
Mots-clés:
- bungalow,
- architecture vernaculaire,
- identité,
- appropriation,
- habitat,
- représentations culturelles,
- banlieue
Abstract
Archetype of the North American architectural landscape, the bungalow, this pavilion-type house, thousands of copies of which are a staple of the suburbs, has generated, in spite of its standardisation, a landscape particularly varied yet genuinely typical of Quebec.
This article (first of two) explores the conditions of the birth of the bungalow in Canada, since the First World War, to begin to understand the “Quebecisation” of the bungalow, through its phenomenal success, the material characteristics of its appropriation, its representations, and the reappropriation of which this antithesis of the historic monument may today seem victim. If, indeed, the large gamut of its eventual appropriations made the bungalow so popular, its survival is now challenged by the same standardised construction that allowed these appropriations, under urban pressure to develop the immediate outskirts it once occupied. Could the ever-present bungalow, a paradoxical mainstay of our 20th century, both unique and plural, begin to sing the swan song?
Key Words:
- bungalow,
- vernacular architecture,
- identity,
- appropriation,
- housing,
- cultural representations,
- suburb
Corps de l’article
L’habitation unifamiliale, la « maison », a une résonance extrêmement profonde dans le peuple, surtout chez la femme. La mère, d’instinct cherche un abri pour sa famille et il n’en est guère de plus adéquat qu’un toit lui appartenant… De plus, la maison, avec le fameux « lopin de terre » cher au coeur de tout homme ayant eu jadis des ancêtres suant sur la glèbe, avec son espace intime, ses murs bien clos à l’intérieur desquels il se meut sans rencontrer d’étrangers dans les couloirs, répond si bien à l’esprit individualiste qui survit avec vigueur chez tout Canadien-français.
« Tendances ’65… », 1965 : 34
Introduction
Parangon d’un « étalement urbain » dorénavant honni, le bungalow omniprésent des banlieues québécoises ne s’est guère attiré la ferveur des chercheurs (figure 1). Ignoré par la mode anglo-saxonne qui a propulsé les Bungalow People (Edens, 2001) et le Bungalow Style[3] à l’avant-plan de l’actualité, il est tout aussi absent des ouvrages sur l’architecture et le paysage construit du Québec[4]. La seule publication qui véritablement aborde le bungalow québécois, si elle constate néanmoins que « les banlieues et leurs bungalows […] constituent une composante incontournable de l’identité territoriale nord-américaine » (Fortin et al., 2002 : 7), vise précisément à évaluer les interventions architecturales qui transformeraient le bungalow en autre chose[5].
Pourtant ce bungalow, en apparence si mal aimé, non seulement domine le paysage construit du Québec – tant qu’on ne l’y remarque plus, d’ailleurs – mais aussi demeurait toujours, à la fin du XXe siècle, la forme d’habitation favorite des Québécois[6]. Cela n’étonne guère : le bungalow est né et a grandi avec les Québécois de ce siècle, épousant étroitement, au fil du temps, les goûts, les désirs et les aspirations de tout un chacun. Mais cette petite maison d’un seul étage (c’est-à-dire un rez-de-chaussée seul), son terrain gazonné, son sous-sol et sa cuisine, tout en devenant caractéristiques de l’habitat et du paysage imaginaire québécois, déclinent sous une figure archétypique une variété infinie de personnalités, qui expliquent au demeurant que l’histoire de l’architecture ne s’y intéresse guère : attribué la plupart du temps à une influence étasunienne, le bungalow de nos banlieues fait piètre figure à côté du bungalow style prisé par les Américains[7]. Support mémoriel paradoxal de notre XXe siècle, le bungalow du Québec semble pourtant être devenu typiquement québécois.
Ce premier de deux articles vise à circonscrire ce « bungalow québécois » en explorant les conditions de sa naissance et de son importante diffusion; celles-ci doivent, néanmoins, être mises en relation avec celles des bungalows qui, ailleurs, s’attirent l’engouement des chercheurs et dont le bungalow canadien de la seconde moitié du XXe siècle, avant de donner jour au bungalow québécois, a détourné, non pas la forme, mais le sens. Cette exploration fonde celle du second de nos deux articles, qui, dans la prochaine édition des Cahiers de géographie du Québec, examinera les tenants et les aboutissants, au Québec, de « l’appropriabilité » du bungalow et analysera les paramètres matériels de son implantation et de sa popularité.
Une littérature passablement abondante, produite il y a quelques années, s’est penchée sur les raisons qui motivent l’appropriation, particulièrement celle de la façade, de la « maison » en général[8]. Notre intérêt, ici, est contraire : nous entendons explorer les processus et les résultats de la « québécisation » du bungalow, en formulant l’hypothèse d’une double appropriation : d’une part celle, à l’échelle urbaine, d’une vernacularisation rendant spécifique une maison a priori générique, d’autre part celle, à l’échelle de l’usage domestique (nous l’explorerons dans notre second article), qui a fait de la standardisation l’outil d’une diversification à la fois contraire à l’image d’homogénéité des bungalows au Québec et propice à la particularisation culturelle. Dans cette perspective, nous nous situons en aval d’un plus récent courant des études matérielles, signalé par Turgeon (et al., 2003), motivé par une tendance associée à la sémiologie, en quête des mécanismes par lesquels les notions abstraites investissent la matière et de la « valeur produite par l’acte d’appropriation » (Turgeon, 1997). Plus particulièrement, dans le domaine de l’histoire de l’architecture, nous entendons considérer le bungalow – pour paraphraser Focillon – à la fois comme « matière et esprit, forme et contenu » et explorer – pour ce qui nous paraît être une première fois – la figure et le processus de genèse (Morisset, 1999) de cette maison banalisée. Pour ce faire, nous convoquons simultanément l’objet et l’idée de l’objet, c’est-à-dire que nous entrelaçons une esquisse d’analyse de l’histoire de sa configuration matérielle (forme, matériaux, fonction), éclairée par son contexte de production (les conditions sociales, politiques, économiques de la production et les pratiques constructives qui la sous-tendent), et une exploration foucaldienne de ses représentations contemporaines (imagerie scripturale ou picturale; voir Morisset, 1999), en vue de tracer un premier portrait, certes sommaire, du bungalow québécois et de son sens.
De la small house au bungalow
L’acte de naissance du bungalow québécois se trouve quelque part dans les efforts gouvernementaux, soutenus dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour loger la population croissante d’anciens combattants et de baby boomers que la pénurie de logements menaçait d’entasser dans un parc résidentiel dont on ne pouvait que dénoncer la vétusté et la constante détérioration. En 1942, à Montréal par exemple (selon Choko et al., 1986 : 128), 40 % des logements hébergeaient plus d’une famille, tandis que près de 1500 familles logeaient dans « des garages, des hangars, des caves, des magasins » (loc. cit.). En 1944, le rapport Housing and Community planning évaluait à 730 000 nouvelles habitations les besoins des dix années suivant la fin de la guerre (Sewell, 1977 : 10), alors que la société fédérale Wartime Housing Limited, créée en 1941, ne parviendrait, jusqu’à la fin des années 1940, à bâtir qu’un peu moins de 50 000 maisons – chiffre au demeurant fort impressionnant. La Société centrale d’hypothèques et de logement (ou Central Mortgage and Housing Corporation, et Société canadienne d’hypothèques et de logement depuis 1979), qui succéda à la Wartime Housing en 1946, hérita de cet hasardeux mandat d’offrir aux familles du baby boom un habitat moderne à un coût abordable, au moment même où la flambée des prix des matériaux de construction mettait plus que jamais en péril l’atteinte du rêve, pour chacun, d’un pavillon unifamilial.
La société d’État disposait néanmoins d’une expertise inégalée dans cette voie : d’abord autour des industries de guerre (souvent établies en zone périurbaine), puis dans les nouvelles banlieues, ses petites maisons d’un étage et demi (c’est-à-dire un rez-de-chaussée et un étage avec pièces en soupente – même souvent d’un seul étage, comme le serait le bungalow – couvertes d’un toit à deux versants responsable de leur figure bien familière, clamaient la bonne nouvelle (figure 2). La préfabrication de certaines composantes architecturales et, surtout, la standardisation des formes qui les rendaient possibles annonçaient déjà la diffusion du modèle, en même temps que la mutation des formes urbaines qu’il commandait, dans la foulée de l’urbanisme moderne : de 1945 à 1960, le nombre de cités périurbaines, au Québec, doubla pratiquement, passant de 138 à 227 (Linteau et al., 1989 : 283). La SCHL, maintenant que la maison unifamiliale devenait la norme résidentielle ailleurs que dans les centres-villes des grandes agglomérations « Apart from the central areas of the largest cities, the normal form of dwelling is the detached house with access to a private plot of ground », (CMHC, 1958 : III-1), fut incontestablement un acteur prééminent de cette métamorphose du paysage[9]. En 1960, alors que la SCHL estimait encore à plus de 100 000 nouvelles unités de logement les besoins annuels du pays (au Québec, le nombre d’habitations nouvelles, qui avait doublé depuis la guerre, passerait encore de 30 000 par an à près de 60 000 en 1972 (Linteau et al., 1989 : 536), elle pouvait se targuer de ce que près de la moitié des habitations construites au Canada bénéficiaient de l’aide du gouvernement fédéral (CMHC, 1958 : III-1). Bien qu’il semble que la majorité des 400 000 nouvelles unités d’habitation mises en chantier au Québec entre 1948 et 1960 l’aient été grâce à des prêts obtenus des caisses populaires et subventionnés par le gouvernement provincial (selon Linteau et al., 1989 : 278-279), le rôle de la SCHL, à l’échelle canadienne, trahit l’influence que la société a pu avoir sur le paysage des nouvelles banlieues québécoises : de toutes les nouvelles habitations dont la construction avait été soutenue par la SCHL jusqu’en 1958, quatre sur cinq appartenaient à cette catégorie de maisons qu’on appelait « bungalow » (CMHC, 1958 : III-2).
L’idée de la diffusion à grande échelle du pavillon unifamilial, contenue dans les plans-types des maisons Wartime, et qui épousait autant l’habitude québécoise du pavillonnaire – on ne connaît guère de villages québécois bâtis de maisons mitoyennes – que l’absence nord-américaine de culture urbaine, s’était avérée au fil de la sophistication des techniques de construction qu’appelait la SCHL au lendemain de la guerre (CMHC, 1951 : 65) et de l’avènement du concept de « maison minimale »[10] issu des recherches de la société sur l’économie de la construction. Car non seulement la SCHL soutenait-elle financièrement les nouveaux propriétaires[11], mais elle encourageait aussi le développement et la diffusion de « modèles de petites maisons » en publiant, dès la fin des années 1940, des recueils de plans issus du « Canadian Small House Competition » qu’elle organisait et qui – à en juger par le nombre de plans soumis, à tout le moins[12] – remportaient la faveur des architectes des quatre coins du Canada. Les 67 Homes for Canadians (CMHC, 1947) et autres catalogues étaient, de surcroît, associés à des guides variés pour constructeurs ou futurs propriétaires, allant des Principes pour le regroupement de petites maisons au Choix d’un modèle de maison (SCHL, 1960) – brochure curieusement illustrée, en première page, d’un paysage de maisons toutes semblables les unes aux autres (figure 3).
Hormis cette uniformité bien caractéristique des représentations de la « bungalowpolis » des trente années suivantes, les publications de la SCHL tracent précisément les contours de l’avènement du bungalow. En 1947, la « maison pour la famille canadienne typique » portait déjà, avant la lettre, ces attributs que l’on reconnaît aujourd’hui :
Attractive house located in any suburban area in Canada. […] The dining alcove off the kitchen is just the place for family meals […]. The kitchen […] gives direct access to the basement and service entrance.
CMHC, 1947 : 14-15
C’est cette « small house », comme on la désignait dans les années 1940, qui prit au début des années 1950 le nom de bungalow. Sa popularité (et, sans doute, la spécificité de sa clientèle) étaient telles que la SCHL sépara ses publications de plans en deux catalogues : l’un de maisons de deux étages et plus, l’autre, comme il était intitulé en 1954, de « Bungalows and Split-level houses » (CMHC, 1954). Cette année-là, 65 des 72 dessins tombaient sous la nouvelle catégorie des « bungalows » qui ne retenaient du bungalow arts and crafts européen et étasunien que le nom : il n’y a en effet guère qu’au Canada (particulièrement au Québec) que, depuis, on nomme « bungalows » de telles habitations.
Du bangla au bungalow
Le nom bungalow est en effet connu comme dérivé du bangla (au XVIIe et XVIIIe siècles, en hindi, « du Bengale », puis, au XIXe siècle, en bengali, bangla ou bangollo, « maison au Bengale ») que les Néerlandais (Bangaelaer) et les Britanniques (Bungalow) avaient découvert dans leurs colonies et qui, connoté d’exotisme, s’est diffusé à l’enseigne de la villégiature au tournant du XXe siècle.
Anthony King (1995 : 254-255) a mis en exergue les origines étymologiques et sémiologiques de ce « bungalow », qui le dissocient du « bungalow québécois ». Apparu en Grande-Bretagne dans la seconde moitié du XIXe siècle, le bungalow, bien que fonctionnellement similaire au « cottage » préexistant, aurait permis de distinguer la maison de villégiature de celle du cottar ou paysan de l’époque féodale. Il convient en effet de signaler que, pour King et au regard de la Global Culture dont il analyse l’émergence, le bungalow, s’il est associé au développement suburbain, se définit systématiquement comme « maison de vacances », secondaire par rapport à un habitat urbain principal (King, 1995 : 259).
Intervient alors, dans ce mécanisme de distinction[13] comme dans la définition de la villégiature, le goût du pittoresque qui, comme l’a montré Rouillard (1984 : 253-258), prise à la fois la référence exogène (indienne, par exemple) et un travail fantaisiste des volumétries. La forme de ce bungalow révèle plusieurs constantes, clairement caractérisées, d’ailleurs, par Alan Gowans (1986 : 77) : pas de soubassement; toit débordant qui couvre une ou des vérandas (correspondant aux représentations du bangla); un ou un étage et demi; interpénétration des espaces intérieurs et extérieurs. Aux États-Unis, au Canada et en Europe occidentale, le bungalow dont on parle au début du XXe siècle est donc toujours cette maison de villégiature que son architecture souvent en bois et le profil bas de sa silhouette « écrasée » par un toit débordant soumettront volontiers à une ornementation (sinon à une composition[14]) arts and crafts – l’aspiration idéologique anti-machiniste et anti-industrielle épousant au demeurant l’idéal d’évasion « naturaliste » ou « ruraliste » associé à la villégiature – et rangent, dans la typologie plus générale des architectes de l’époque, parmi les « villas » (dans le monde francophone) et les « cottages » (dans le monde anglo-saxon[15]. C’est le « type même de la vieille maison française » (!) que la revue française Vie à la campagne convoque (figure 4), « charmante maison à rez-de-chaussée […] adaptée au cadre de la campagne agreste […] bâtie souvent en bois […] permettant de la monter rapidement » (Brummel, 1928); c’est, parmi d’autres, le « bungalow Webber », à Cap-Breton (Nouvelle-Écosse) et le « bungalow » pareillement photographié par William Notman and Son vers 1917 à Holland Cove, Île-du-Prince-Édouard (figure 5). L’image est aussi celle que nous renvoie, la même année, l’Observation and Description de la maison de William Coaker, à Port Union (Terre-Neuve) : « the bungalow erected for the General Manager, is the best of its kind in the country, and adds to the picturesque appearance of the settlement » (Scammell, 1917) (figure 6); en 1920, la Ha!Ha! Bay Sulphite Company acheta et importa, de Grande-Bretagne à Port-Alfred (Ville de La Baie/Saguenay), avec un lot de 9000 briques et 13 huttes, un semblable « bungalow » en bois (Noppen et Morisset, 1998 : 120).
C’est ce bungalow que codifièrent, en Californie, les architectes Charles Sumner Greene and Henry Mather Greene (figure 7) et qui, après avoir été diffusé sous une forme simplifiée par les catalogues de maisons préfabriquées (figure 8), notamment grâce aux plans de l’architecte de Los Angeles Henry Wilson, dit « The Bungalow Man » (Wilson, 1993 : IV), se multiplia dans les banlieues étasuniennes, ainsi que sur la côte ouest canadienne, dès avant la Première Guerre. L’arbre généalogique du bungalow se sépare néanmoins dans l’entre-deux-guerres. En Europe, particulièrement en France, où la tradition constructive est plus encline à la maçonnerie, l’image conjuguée d’une structure légère, contenue dans la construction en bois, et celle de la villégiature ont depuis connoté le bungalow, souvent réduit, même, à une simple cabine de plage (figure 9). Dans l’univers anglo-saxon, le sort du bungalow, comme le révèle sa fortune critique actuelle, fut tout autre : c’est plutôt la forme arts and crafts privilégiée par les frères Greene – évocatrice de la filiation des États-Unis à la Grande-Bretagne, mère-patrie de cette esthétique – qui caractérise toujours ces craftsman bungalows qui font aujourd’hui les pages couvertures d’un nombre croissant de revues et de livres en Amérique (figure 10).
On peut certes relever avec amusement que les arguments de vente aux États-Unis de ce bungalow arts and crafts, qu’on souhaitait, au début du XXe siècle, distinguer des grandes maisons Queen Anne, étaient étrangement similaires à ceux qui seraient avancés en faveur du bungalow québécois : pas d’escalier, économie grâce au seul étage (plomberie, etc.) et facilités de construction (Schweitzer et Davis, 1990 : 153). Là s’arrête cependant la comparaison possible entre le bungalow québécois, diffusé à partir des années 1950, et son homonyme plus ancien; rien n’indique quelque héritage formel entre la « small house » que la SCHL rebaptise bungalow vers 1954 et le bangla de villégiature du reste du monde. Le bungalow québécois ne semble partager avec celui-là que le fait d’être un pavillon unifamilial (une maison « détachée ») et la réputation de construction facile.
Si la déviation de la désignation, au Canada, peut expliquer l’exclusion du bungalow québécois des recherches qui se multiplient sur le bungalow arts and crafts, il convient donc de mettre un terme à la confusion latente entre tous ces bungalows parmi lesquels la « small house », et encore davantage le bungalow qui domine les banlieues québécoises, fréquemment associé à la ranch house étasunienne, pourraient paraître comme des parents pauvres ou des modèles réduits. En effet, bien que des chercheurs – dont King (1995, 259 : « Though the term bungalow is no longer in everyday use [in the USA], the single-storey ranch house developed from it (as also in Canada, though there the term persists) ») – aient associé le bungalow canadien au bungalow étasunien, à travers la « single-storey ranch house », Schweitzer et Davis (1990) ont plutôt montré que cette maison « ranch » des banlieues étasuniennes est apparue, parmi les variantes simplifiées du craftsman bungalow, dans les catalogues de maisons préfabriquées avant la Seconde Guerre mondiale : comme ces California bungalows, elle caractérise son ascendance au bangla par, notamment, la projection de son toit (formant une véranda) et, partant, par l’interpénétration des espaces intérieurs et extérieurs. Le bungalow canadien, quant à lui, naît plutôt de la construction de masse survenue après la Seconde Guerre; que la SCHL ait elle-même évoqué un « bungalow de type ranch » illustre la dissociation, dans l’esprit de ses idéateurs, de la désignation et des modèles. En bref, dans le Canada de l’époque, il peut exister un bungalow qui emprunte à la forme de la ranch house; mais il ne s’agit là que d’une codification formelle parmi d’autres, et non ni d’une ascendance, ni d’une typologie de l’habiter, contrairement à ce que laisse entendre, aujourd’hui, l’attribution a posteriori de la dénotation « ranch » à des bungalows québécois. Cette confusion peut néanmoins être mise en perspective, puisque l’attribution stylistique qui la sous-tend s’inspire sans doute des populaires recueils de styles architecturaux étasuniens, eux-mêmes largement construits à partir des dénominations poétiques que les compagnies de maisons préfabriquées (Sears, par exemple) attribuaient aux divers modèles qu’elles proposaient aux consommateurs.
Quant à la généologie du bungalow apparu au Canada au lendemain de la Deuxième Guerre, on peut envisager que sa connotation plus sophistiquée que celle de la « small house » ait incité la SCHL à emprunter son nom[16]. Une seconde hypothèse pourrait être explorée : le choix de nommer ici « bungalow » la small house n’était peut-être pas étranger à l’association qui a pu être faite entre la forme arts and crafts privilégiée dans les premières « cités-jardins » (Garden Cities) britanniques (Letchworth, particulièrement) (figure 11), celle du dit « bungalow » codifié aux États-Unis par les frères Greene et l’utopie de démocratisation de l’habiter à laquelle aspiraient les premières Garden Cities et, avant elles, l’image de marque de quelques novatrices « villes de compagnie ». Abondamment diffusé par les nombreuses publications de Raymond Unwin – architecte de New Earswick, ville de la compagnie Rowntree et (avec Barry Parker) de Letchworth, première Garden City, ainsi qu’auteur d’une part importante des manuels de planification urbaine de la première moitié du XXe siècle –, cet idéal bien anglo-saxon de pavillons unifamiliaux accessibles à la classe ouvrière, bien que voué à l’échec dans les Garden Cities, pouvait inspirer la SCHL à la recherche d’une « maison unifamiliale pour tous ». Cette connotation aurait alors migré de la Grande-Bretagne, cueillant au passage le nom étasunien de la maison arts and crafts, soit par des réseaux d’influence, soit avec l’importation, au Canada, d’expertises britanniques. Le personnage de Thomas Adams, secrétaire en Grande-Bretagne de la Garden City Association et fondateur, en 1919, cinq ans après avoir émigré, du Town Planning Institute of Canada, est assez bien connu : celui de H. L. Somerville, architecte auprès de la Wartime Housing, devrait être documenté davantage. Il semble en effet que de telles contributions britanniques se soient multipliées au lendemain de la Deuxième Guerre, comme Wolfe (1994) l’a d’ailleurs déjà souligné : « In the field of planning, CMHC recruited planners and architects, most often from Britain, designed and promoted layout and design schemes, and promulgated and enforced subdivision design and construction standards ».
Selon cette historiographie de sa désignation, il semble qu’il faille chercher ailleurs qu’aux États-Unis, comme c’est habituellement le cas, les origines du bungalow canadien ou les canaux de sa diffusion. Si la figure de son ancêtre probable, la maison Wartime, a abondamment puisé à sa parente étasunienne, elle-même inspirée par les expériences contemporaines de standardisation de la construction aux États-Unis (les premières Levittown restent les plus connues), le bungalow de la SCHL, nourri des spéculations des architectes canadiens, apparaît plutôt comme une figure assez originale dont l’influence aurait été plus exportée qu’importée. Quelques exemplaires européens plus tardifs (en Grande-Bretagne, notamment) pourraient ainsi avoir été conditionnés par l’exportation de l’expertise canadienne en matière de préfabrication (voir, par exemple, les cas évoqués par King, 195 : 250). Peut-être pourrait-on même imputer l’image éphémère du « bungalow » français aux « barraques » préfabriquées (figure 12), provenant souvent du Canada et de la Wartime Housing, qui abritèrent les populations européennes pendant la reconstruction. Mais le bungalow canadien semble bel et bien canadien. Et la « vie des formes » contenue dans sa naissance engendrerait une identité plus probante encore…
Du bungalow canadien au bungalow québécois
La small house – dont la figure qui nous intéresse apparaît dès 1947 dans les catalogues de la SCHL – appela en effet, dès sa naissance, plusieurs modulations. Parfois inscrites aux devis des concours, quelques constantes, certes, dessinaient les contours du type à la fin des années 1940 : un seul étage – sans escalier à monter, arguait la SCHL, « le travail de la ménagère est moins fatiguant » (SCHL, 1960 : 8) – d’environ 90 mètres carrés, répartis en un pôle « privé », autour des chambres, et un pôle « public », autour du vivoir. Une forme semblait épouser cette organisation fonctionnelle : un bungalow bas et allongé, présentant à la rue son long pan, au centre d’un terrain plus large que profond, dominait dès les années 1950 parmi les plans d’architectes québécois retenus par la société (figure 13). Les experts étaient pourtant unanimes, dès cette époque, à douter de la pertinence de diffuser le modèle d’une telle maison vorace en terrain et peu économique eu égard au développement du territoire[17].
Or, la codification de ce bungalow pourrait avoir été le fait des architectes québécois membres des divers jurys convoqués par la SCHL. Le débat sur les fondations du bungalow est à tout le moins probant du poids de leur opinion. Tandis que le concours de 1947 appelait à une maison sans fondations ni sous-sol, le rapport du jury mentionne en effet : « Preference was given to the house with a basement, particularly on the urging of one of the jury members ». Les récriminations du jury – sans doute du « membre du jury » québécois – s’étaient multipliées devant la maison primée pour le Québec, sans sous-sol, alors que tous convenaient, en dépit des directives du concours, que le climat québécois imposait, de toute façon, des fondations profondes.
Mise à mal par les experts, mais néanmoins favorisée par les architectes québécois, la figure du « bungalow à long pan », quant à elle, doit évidemment être créditée en partie de la diffusion de l’automobile, qui rendait possible l’étalement du développement que cette forme et son terrain oblong appelaient. Cependant, conformément aux divers avis des experts de la SCHL, le bungalow du reste du Canada évolua, de catalogue en catalogue, pour adopter un plan plus replié – en L, par exemple –, voire pour se masser sur un étage et demi ou deux étages, figures moins coûteuses en matériaux et propices à une densification plus économique du développement urbain. Après avoir dominé les catalogues de la SCHL et, sans doute, satisfait notamment les quelque deux millions de nouveaux Québécois qui s’étaient ajoutés à la population de la province de 1941 à 1961, le « bungalow à long pan » s’évanouit progressivement dès la fin des années 1950 : sur le papier, la SCHL sembla préférer le « split level »; dans le paysage canadien, on représenta rapidement plutôt des bungalows dont le petit côté donnait en façade (figure 14; voir aussi figure 8); dans l’imaginaire, enfin, puisque souvent la dénotation du « bungalow » soit retourna à l’originel arts and crafts du début du XXe – c’est le cas à Vancouver – soit, là où cette figure de villégiature avait peu d’échos, adopta par exemple le compromis du « semi-bungalow » (le split-level torontois).
Au Québec, au contraire, la figure du « bungalow à long pan » colonisa littéralement le paysage périurbain du Québec et se révéla de fait, au début des années 1960, typiquement québécoise (figure 15). Le paysage des Sainte-Foy, Charlesbourg, Beloeil, Fabreville, Brossard et autres nouvelles banlieues ne ressemblait dès lors ni au reste du Canada, ni au reste de l’Amérique, encore moins à l’Europe occidentale.
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer la diffusion de ce peu économique « bungalow à long pan » au Québec. On pourrait invoquer la Loi de l’habitation familiale – mieux connue sous le titre de « Rabais provincial » – qui, à compter de 1948, favorisa, en plus des mesures du National Housing Act fédéral (et à la grande joie des constructeurs[18]) la croissance du nombre de nouveaux propriétaires québécois. En vertu de cette loi (dont Réjàne Blary [1988 : 93] a souligné le caractère novateur), le gouvernement québécois subventionnait en effet 3 % des intérêts de certains emprunts hypothécaires; cela, semble-t-il, influa non seulement sur l’accroissement du nombre de propriétaires, mais sur la figure des maisons qu’ils achetaient. Comme l’annonçait un chroniqueur lors d’une « parade » de maisons en 1960 :
Les constructeurs avaient fait un effort pour présenter des maisons susceptibles de bénéficier du rabais provincial. Ainsi, 40 % des maisons de la Parade étaient à 12 500 $ ou moins – 27 % entre 12 500 et 14 000 – 32 % à 14 000 $ et au-dessus.
1960, « Semaine parade… » : 39
Davantage toutefois, la vive concurrence qui s’établit entre les jeunes municipalités périurbaines (beaucoup plus nombreuses que leurs homologues ontariennes de l’époque) en vue de s’arroger les développements résidentiels qui s’annonçaient pourrait avoir institué une tradition québécoise attribuant à l’administration municipale la responsabilité de la viabilisation du territoire, pérennisant ainsi, au Québec, l’usage prescrit pendant la guerre par les maisons Wartime, qui ne pouvaient être construites que sur des terrains déjà valorisés. Alors que l’Ontario, ainsi, voyait apparaître des promoteurs qui s’accaparaient de vastes territoires périurbains dont ils assumaient simultanément la viabilisation et la construction, le Québec comptait en effet un nombre croissant de villes où, comme l’ont remarqué Linteau et ses collègues, la municipalité « se charge[ait] de la viabilisation des terrains (construction des aqueducs, des égouts et des rues) ce qui permet[tait] à des entrepreneurs francophones d’être fort actifs dans le champ du développement urbain » (Linteau et al., 1989 : 283). Ce qui, en 1963, paraissait comme un avantage concurrentiel aux yeux des constructeurs, satisfaits de ce que « [la municipalité ait] jeté dans la balance toute l’aide désirable : rues, trottoirs et autres installations, dans un temps record » (1963, « La parade… » : 6), avait d’ailleurs pris le statut de « modèle québécois » une dizaine d’années plus tard :
[le Québec a un] système unique au Canada dans lequel les municipalités prennent en charge la construction de tous les services, les coûts étant amortis par les taxes d’amélioration locale, certains éléments étant défrayés par la taxation municipale ordinaire. C’est ainsi que les investissements initiaux des nouveaux développements sont considérablement réduits, permettant aux petites et moyennes entreprises de construction de répondre aux besoins du marché et d’alimenter une saine concurrence dont profite le public acheteur.
Bédard, 1976 : 28
Dans le contexte moins réglementé qui caractérisait l’urbanisme de la « Grande Noirceur » par rapport au reste du Canada, ce phénomène contribuait à la réduction du coût des terrains au Québec : en 1966, par exemple, un terrain à Montréal coûtait la moitié d’un terrain ontarien (et un terrain à Sherbrooke coûtait le tiers) (1968, « Tendances… » : 32). Les administrations municipales québécoises, en effet, comptaient sur une « taxe d’amélioration municipale » (on la nommait ainsi en 1968) répartie sur l’ensemble des contribuables de la ville (et non imputée aux seuls propriétaires des terrains valorisés par un développement particulier); elles étaient ainsi sans doute moins soucieuses du coût des infrastructures que ne l’étaient les promoteurs qui, ailleurs, en avaient la charge. « L’urbanisme duplessiste » soutint ainsi la prodigalité qu’appelaient des enfilades de terrains plus larges que profonds, d’autant que les municipalités québécoises, après cet effort de viabilisation initial, pouvaient escompter des taxes calculées sur la longueur des façades. Les propriétaires québécois n’avaient pourtant guère plus de raison de renier le « bungalow à long pan » : en 1968, le prix d’un bungalow et, a fortiori, celui d’un « bungalow à long pan » et de son vaste terrain dévolu aux ébats de la famille était au minimum de 20 % inférieur à ce qu’il atteignait dans le reste du Canada (1968, « Tendances… » : 32).
D’une maison de villégiature à cette figure de l’habiter, le « bungalow » établissait alors un modèle québécois dans le paysage. Et ce n’était là qu’un premier stade du long cycle de particularisations qui, inscrites dans sa nature même, engendreraient le bungalow québécois. Filtré par les conditions démographiques, socio-économiques et culturelles d’un après-guerre canadien qui recycla sa dénomination, le bungalow, ainsi approprié par le Québec, était en effet voué à se multiplier en milliers d’exemplaires. Là s’arrête l’histoire de l’architecture traditionnelle qu’on aurait pu connaître du bungalow québécois et qui, d’ailleurs, hormis la déviation de son nom, explique – en partie à tout le moins – l’état lacunaire de la littérature à son égard. Car les conditions qui favorisaient la genèse, au Québec, du « bungalow à long pan » le distancieraient davantage encore de la small house canadienne qui lui avait donné le jour, en favorisant un contexte de production finalement unique dont les effets marqueraient bien plus que l’échelle globale de l’espace urbain auquel on rattache habituellement ce « bungalow de banlieue ».
À mi-chemin entre le contexte socio-économique et le mariage intime du bungalow aux usages domestiques du Québec, le cadre politique de l’urbanisme québécois engendra en effet une espèce toute particulière de bâtisseur : le contracteur.
Du contexte socio-économique au contexte de production
Guertin et al., 1987As-tu posé ta toilette dans la cave?
– Pas encore, non. Parles-en pas à Janine, c’est ça que je veux lui faire comme cadeau….
D’emblée, la production des bungalows appartenait aux constructeurs bien plus qu’aux architectes : pour un article sur le bungalow dans les revues d’architecture des années 1950-1970, on en compte une quarantaine dans les revues d’entre-preneurs et de constructeurs. Et même s’il survint, occasionnellement, que le « constructeur » eût une formation d’architecte[19] ou que, plus rarement encore, on suggérât aux constructeurs « d’utiliser les services d’un architecte pour une meilleure conception »[20], le bungalow, après quelques exceptions au début des années 1950, s’avéra le royaume exclusif du « constructeur-développeur ».
Ce dernier prit le nom au Québec de « contracteur ». Ouvrier plutôt que « développeur » ou « promoteur », il n’achetait guère que quelques terrains à la fois (voire un seul) pour y bâtir une maison, finançant chaque nouvelle maison grâce aux liquidités obtenues de la vente de la précédente. L’expansion du marché que ce processus sous-tendait n’était pas sans soulever quelques protestations, qui illustrent au demeurant son succès :
En vérité, depuis la guerre surtout, mais même avant, l’industrie du bâtiment s’est muée en une industrie à caractère mercantile. De moins en moins de maisons sont bâties par des gens qui choisissent leur terrain et qui donnent à un entrepreneur le contrat de construction de la maison de leur choix. C’est plutôt le bâtisseur qui prend l’initiative et construit un certain nombre de maisons unifamiliales ou à loyer dans de grands lotissements qu’il met ensuite en marché en utilisant des artifices comme la maison-modèle, la campagne monstre de publicité et l’inauguration, en grande pompe, avec personnalités politiques et religieuses. L’efficacité dans la production nécessite en effet une certaine standardisation du produit, le constructeur essaie donc de différencier son produit en créant un marché artificiel qu’il coiffe d’un nom ronflant autant que possible anglais, mais généralement à armoirie ou encore évoquant des symboles chers à sa clientèle, la cité des rêves, la banlieue verte de St-Edredon, etc.
Langlois, chef urbaniste de la Cité de Duvernay, 1963 : 35
Bien que les plus célèbres contracteurs construisirent jusqu’à 800 maisons dans leur carrière[21], la plupart maintinrent ainsi leur pratique dans l’univers d’un marché du « particulier » qu’ils défendaient jalousement[22].
Attachés à leur statut de créateurs, les architectes, certes, dénoncèrent cette situation qui conjuguait la construction standardisée et une pratique dont ils se trouvaient exclus :
Même si on le pouvait et le voulait, on n’essayerait pas de faire une oeuvre d’art, ou, en tout cas, une oeuvre originale, car on ne sait pas qui l’achèterait… Il est certain que c’est le public lui-même qui a amené cet état des choses. En fait, il faut faire comme tout le monde et ce n’est pas un secret que l’uniformité est reine à travers toute l’Amérique du Nord.
1969, « Le point de vue… » : 32
Il est vrai que, tout en épousant intimement la maisonnée, le bungalow québécois adopta, au fil du temps, une figure stéréotypée, de 40 pieds de façade par 25 pieds de profondeur, avec une entrée latérale, un abri d’auto, une cuisine-salle à manger, trois chambres et une salle de jeux au sous-sol. C’est aussi le type mis en exergue par la SCHL, ainsi que par Fortin, Després et Vachon :
Le bungalow type est souvent implanté à environ 20 pieds (6 mètres) de la limite avant du terrain et à 2 mètres d’une des limites latérales de la parcelle où est implantée l’aire de stationnement. Le bungalow québécois mesure environ 25 pieds de profondeur (8 mètres) sur environ 40 pieds de largeur (12 mètres). Il est surmonté d’une toiture à faible inclinaison dont le faîte est souvent parallèle à l’axe de la rue. Un bungalow sur deux possède un abri d’auto, parfois un garage.
Fortin et al., 2002 : 20
Il conviendrait sans doute de moduler une telle caractérisation (née d’observations de bungalows de la région de Québec) en regard des bungalows de la région de Montréal, dont de nombreux exemplaires semblent avoir été construits avec un garage en sous-sol et dont certaines formes plus tardives adoptent l’organisation de split levels tout en préservant la figure extérieure du « bungalow à long pan ». Néanmoins, une certaine uniformité, à tout le moins statistique, pouvait apparaître dans les nouveaux lotissements. Près de trois quarts (73 %) des bungalows de la « parade d’habitations » tenue à Charlesbourg en 1963 appartenaient ainsi à cette même catégorie, celle du « bungalow à long pan » à trois chambres (1963, « La parade… » : 6).
L’homogénéisation décriée par les architectes, toutefois, ne tenait pas compte du marché compétitif des contracteurs québécois, ni ne considérait leur approche particulière de la systématisation des chantiers, laquelle, appuyée sur la standardisation des matériaux (des « 2 par 4 », par exemple), pouvait engendrer tout autant de bungalows que de formes.
Là s’insérait la clé de voûte de la diffusion du bungalow et de l’avènement du bungalow québécois. Dans un contexte politique qui soutenait la persistance de leurs pratiques constructives contre la préfabrication, les contracteurs, en s’emparant du bungalow, l’inscrivirent dans la continuité de la tradition qu’ils portaient, à mi-chemin entre leurs savoir-faire et les désirs du client, ce nouveau propriétaire dont ils étaient l’unique interlocuteur (au contraire du promoteur qui pouvait en concerner quelques centaines). Le non-dit qui domine dans les revues au sujet de la construction des bungalows – si ce n’est des diverses innovations auxquelles on sait que le Québec ne recourra guère –, le « marché du faites-le vous-même » qu’on évoqua à l’occasion dans les publicités des revues et les « fie-toi pas au plan »[23] qu’enjoignaient les contracteurs sont probants de cette situation qui explique que la plupart des bungalows, au Québec, aient été construits sans plan, au fil du dialogue entre le client et le constructeur.
Ce phénomène, caractéristique du système de production de l’architecture vernaculaire, perpétua d’ailleurs un certain nombre « d’anachronismes » dans des bungalows où le contracteur réitérait les habitudes québécoises : ainsi l’art ancestral québécois de la charpente se retrouva-t-il dans le plancher du rez-de-chaussée, où des « croix de Saint-André », plutôt que de simples entretoises, maintiennent l’écartement entre les solives[24]; la persistance des poteaux de bois en soutien des poutres dans les sous-sols, bien après la commercialisation d’homologues en métal, tient du même registre de continuité de la tradition[25]. C’est ainsi dans la tête du contracteur[26] que se perpétua un module constructif soutenu par les dimensions standardisées des matériaux et des composantes architecturales, elles-mêmes nées, bien sûr, des habitudes auxquelles pouvaient aussi se référer des propriétaires québécois qui savaient, souvent, « bricoler » leur maison. L’appropriation et la pérennisation des nombreuses maisons de la Wartime Housing Limited – exhaussées, agrandies, voire déménagées – n’avait à cet égard, au Québec, que ranimé les traditions inscrites dans un paysage fait, pour l’essentiel, d’architecture vernaculaire : le taux d’urbanisation de la population québécoise, qui crût de 50 % de 1921 à 1961, évoque de proches racines paysannes en appui des moyens des Québécois s’appropriant leur maison[27].
Dans un documentaire récent, Michel Lessard remarquait lui-même le caractère traditionnel d’un bungalow construit par son propre père en pièce sur pièce, défiant la charpente claire censée amoindrir les coûts de l’édification (Pigeon, 2003). L’effet combiné de la popularité de la figure du bungalow, lui-même issu des conditions de sa genèse au Québec, et de sa réputation de construction facile, bien plus qu’à être rangé sous les représentations de structures labiles ou de répétitions formelles infinies, donnait les conditions de passage de la tradition à la modernité. Ce métissage des pratiques anciennes et d’une matière nouvelle doit être mis en lien avec le renouveau formel de l’École d’Amsterdam (début du vingtième siècle) qui, là-bas, avait localisé la modernité; au Québec, depuis le contexte urbanistique jusqu’à la proximité du client, la survivance du contracteur manifeste la genèse d’un semblable particularisme.
Dans la mesure où le bungalow symbolisait, justement, l’accès à la propriété, il ne restait plus au futur propriétaire qu’à se l’approprier, oeuvrant lui-même au bungalow qu’on livrait parfois « non-fini » ou remettant ses choix au savoir-faire du contracteur. Au départ de la tradition avec laquelle il pouvait évoluer de pair, malléable à souhait, le bungalow se prêtait à un éventail presque infini d’appropriations, néanmoins domestiquées par les usages sociaux au fil de son évolution.
Ayant ainsi migré d’une idée générique de la villégiature (les bungalows plus ou moins arts and crafts du début du siècle, nous l’avons vu, n’appartenaient pas vraiment à une typologie donnée), le bungalow, particulièrement au Québec, avait dès lors pris le sens spécifique de « maison » et la forme courante du « bungalow à long pan » qu’encourageaient les pratiques urbanistiques de la Grande Noirceur. La standardisation dont il était issu, certes, n’était guère propre à impressionner une historiographie plus favorable à l’exception documentable qu’au multiple; au-delà d’une histoire des idées (celles de la SCHL, par exemple), le bungalow canadien, peut-être, révélait peu d’intérêt. Il en est autrement du bungalow québécois, puisque standardisation et contexte se conjuguèrent de façon particulière : de l’échelle urbaine à celle de l’habiter, le bungalow allait devenir un haut lieu d’identité.
Parties annexes
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier le Fonds FCAR (aujourd’hui FQRSC) et le CRSH pour l’appui soutenu à leurs travaux, ainsi que Robert Petrelli, pour les précieuses informations qu’il a fournies eu égard au cadre juridique des pratiques municipales québécoises évoquées dans cet article. Leur gratitude va aussi aux évaluateurs des Cahiers de géographie, dont les commentaires ont permis de préciser plusieurs éléments de cet article. Sa préparation s’inscrit dans le cadre des projets « Histoire critique de la forme urbaine » (CRSH), « Les paysages de la représentation » (FCAR) et participe de la programmation scientifique de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain dont Luc Noppen est titulaire, à l’UQÀM.
Notices biographiques
Historiens d’architecture, les auteurs sont tous deux professeurs au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal et chercheurs au Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT).
Notes
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[1]
Selon son étymologie et son usage premier, un « monument », comme l’ont souligné Aloïs Riegl et, à sa suite, Françoise Choay, est un ouvrage destiné à perpétuer un souvenir. C’est en ce sens que nous utilisons le mot ici, puisque cet article, ainsi que le second qui paraîtra à sa suite dans la prochaine édition des Cahiers de géographie du Québec, vise à montrer combien le bungalow québécois, matériellement et idéellement, porte la mémoire du XXe siècle du Québec et des Québécois; le bungalow devient alors, toujours selon le sens courant du « monument », un édifice remarquable par son intérêt, à la fois historique et ethnologique. C’est de l’intérêt de ce « monument » ignoré, voire décrié, dont nous souhaitons jeter ici les bases.
-
[2]
Luc Noppen, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, et Lucie K. Morisset sont tous deux professeurs au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal et chercheurs au Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions.
-
[3]
En plus de la revue American Bungalow Magazine, plusieurs ouvrages « grand public » consacrent récemment leurs pages aux beautés de l’exotique « bungalow » arts and crafts du début du XXe siècle, par exemple, Halberstadt, 2000. On rencontre aussi des rééditions d’ouvrages « d’époque », tel Wilson, 1993, California Bungalows of the Twenties.
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[4]
Il nous importe néanmoins de mentionner ici un excellent mémoire de maîtrise, non publié, réalisé en 1980 : L’architecture des bungalows de 1955 à 1960 (Aubert, 1980). L’auteure y a fait une analyse exceptionnelle et très détaillée des bungalows, particulièrement ceux construits au nord de Montréal, en vue d’identifier les « déterminants » de la forme des bungalows. Sans avoir réalisé une analyse comparative, l’auteure a pressenti de nombreux éléments que nous analysons dans cet article, à commencer par ce qu’elle nomme « le caractère autonome » de l’architecture du bungalow, « l’étendue du phénomène » et sa « non-reconnaissance » (p. VI), en plus de retracer, en parallèle de l’évolution des bungalows qu’elle étudie, de nombreuses données sur l’industrie des matériaux et le « mode de production » des constructeurs.
-
[5]
La problématique énoncée, qui n’en est pas moins louable au plan social, s’arrime au désir des banlieusards vieillissants de demeurer dans leur territoire d’appartenance, dans une perspective « écologique » : « faut-il poursuivre l’étalement urbain, dans une société vieillissante, ou plutôt consolider les milieux existants et les transformer pour répondre à de nouveaux besoins? » « Introduction », p. 7 dans Fortin et al., 2002.
-
[6]
Le Soleil, 20 octobre 1988, p. A-11 : résultats d’une enquête menée conjointement par la Société d’habitation du Québec et l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec.
-
[7]
Le même constat a déjà été fait quant à des bungalows canadiens conçus comme dégénérescences du « California Bungalow » : « Elsewhere in Canada, climatic constraints modified the California design even further […] the bungalow signature was often little more than brick piers and exposed rather porches on duplexes and row forms » (Ennals et Holdsworth, 1998 : 205-206).
-
[8]
Nous pensons notamment ici à des travaux qui se sont penchés sur les raisons de la « récupération » d’une ornementation dite « traditionnelle » dans la composition des façades des maisons construites au Québec durant la deuxième moitié du XXe siècle (forcément, donc, d’un certain nombre de bungalows) tels Parenteau, 1975, Perraton, 1977 ou encore Després, 1986. Un contexte théorique plus large à cet égard convoquera des travaux comme ceux de P. Oliver (dir.), 1975, M. Oliver, 1972 et encore davantage Rapoport, 1972, qui ont donné le coup d’envoi à l’étude de la maison (et spécifiquement de la façade) comme représentation du « Moi ». Puisque notre perspective est tout autre, ici, nous n’élaborerons pas davantage sur ce contexte théorique.
-
[9]
Il faut dire que le Canada, comme le remarquait d’ailleurs la SCHL, a pour caractéristique de s’être brusquement urbanisé au lendemain de la guerre : en 1950, les deux tiers de sa population vivent en milieu urbain ou suburbain, dans des habitations dont ils sont le plus souvent propriétaires (CMHC, 1951 : 65) ; il faut néanmoins mentionner ici que les Québécois restent, quant à eux, beaucoup plus longtemps, un « peuple de locataires », n’approchant la moyenne statistique canadienne à cet égard que dans les années 1970.
-
[10]
Nombre d’articles des années 1950-1960 valorisent les diverses approches de la préfabrication que sous-tend alors ce populaire concept de « maison minimale », sous des titres alléchants tels : « La maison usinée revient sensiblement moins cher » (1957), « Sans clous – presque sans outils… Cette maison préfabriquée se monte en deux heures » (1962) ou encore « Des maisons exemptes d’entretien… » (1965). Ce dernier article illustre par ailleurs l’apport de l’entreprise privée, en parallèle à celui du gouvernement fédéral, au développement des méthodes et de la commercialisation des constructions résidentielles – en l’occurrence ici Alcan, qui détenait une expertise de longue date dans ce domaine (voir à ce sujet Morisset, 1998) et qui innovera tout au long des années 1960 en matière de « maisons populaires », particulièrement avec la maison préfabriquée « Universelle Alcan » dont on annonçait, en 1968, qu’elle serait fabriquée entièrement en usine (une maison toutes les 90 minutes) pour être implantée par groupe de plus de 70 unités dans des quartiers lotis en conséquence (1968, « Matériaux classiques… »).
-
[11]
La Loi nationale sur l’Habitation de 1944 (National Housing Act), qui renouvelle la loi du même nom adoptée en 1938 (et subit divers amendements en 1954), spécifie la « participation du gouvernement fédéral et des prêteurs particuliers dans le cadre d’un régime de prêts hypothécaires conjoints aux fins de construction résidentielle » (Commission fédérale d’étude sur le logement et l’aménagement urbain, 1969 : 4). Les politiques de financement consistent pour l’essentiel en des prêts (jusqu’à la fin des années 1960) ou en des garanties de prêts, qui atteignent jusqu’à 90 % du prix de la maison. En 1961, la SCHL commencera aussi à accorder aux municipalités des prêts pour la construction d’égouts et d’usines de traitement des eaux usées, afin d’accroître la superficie des territoires « viabilisés » pouvant accueillir la profusion croissante de bungalows et les larges terrains sur lesquels ils s’érigeaient (1979, Rapport sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement : 8).
-
[12]
Plusieurs articles évoquent à mots plus ou moins couverts diverses dissensions entre le milieu des architectes et la SCHL, dont les réalisations (bien que la très vaste majorité des plans des catalogues aient été signés de main d’architecte) n’auraient pas toujours été à la hauteur de la « qualité » invoquée par les architectes. Parmi de tels articles, on peut remarquer le texte de la conférence, à l’Institut royal d’architecture du Canada, du président de la SCHL : Bates, 1958 : 305-308. On se rapportera aussi aux propos de l’architecte Edgard Tornay (1969, « Le point de vue… » : 32).
-
[13]
Nous l’entendons au sens où Marc Boyer l’entend, évoquant le tourisme « élitiste » et les marques de distinction de l’aristocratie « oisive » qui présida à son expansion, aux XVIIIe et XIXe siècles (Boyer : 2000, 129-184 passim).
-
[14]
Le travail arts and crafts sur le bungalow du début du siècle doit en effet aussi être mis en lien avec la réinvention de la maison et de son organisation spatiale, due aux architectes de ce mouvement. Si ce ne fut pas, bien sûr, le cas de la plupart des « bungalows » construits en sites de villégiature, c’est celui des « bungalows » des architectes Charles et Henri Greene que nous évoquons ici; il peut être intéressant, à cet égard, de souligner que cette réinvention de l’organisation spatiale misait tout particulièrement sur l’interpénétration des espaces (entre autres, des espaces intérieurs et extérieurs) et épousait ainsi parfaitement les besoins d’une maison de villégiature, ce qui pourrait appuyer le succès de la figure arts and crafts dans les bungalows.
-
[15]
Parmi les nombreux manuels et recueils de modèles à destination des architectes de « bungalows », on peut ainsi consulter, à Paris, Petites maisons, villas, bungalows, extrait de L’encyclopédie de l’architecture publiée en plusieurs éditions dans l’entre-deux-guerres ou, à Chicago, Practical bungalows and cottages for town and country (Hodgson : 1906).
-
[16]
Il convient de préciser ici, en regard des hypothèses de ce paragraphe, que l’un des types de maisons jumelées diffusées à Letchworth dès avant la Première Guerre mondiale, nommé le « Palace Gem », était annoncé comme un « detached bungalow ». Cet usage précoce de l’appellation pour une résidence principale, qui a pu aussi migrer avec le modèle de la Garden City par le biais, par exemple, de Thomas Adams, semble néanmoins extrêmement rare et a pu, à Letchworth comme dans les catalogues de la SCHL, n’être qu’un recyclage opportuniste d’une connotation de sophistication attachée au bungalow de villégiature pour qualifier une habitation ouvrière peu coûteuse. Voir, au sujet de ce « detached bungalow », Miller, 1989 : 83.
-
[17]
Le rapport du jury du concours de 1947 expose : « […] A fundamental issue of consideration was, of course, land coverage, since the bungalow type occupies a large proportion of the lot ». CMHC, 1947 : 74.
-
[18]
« Les constructeurs [ont] accepté avec joie le cadeau de quelques milliers d’acheteurs supplémentaires que le gouvernement leur a offert sur un plateau d’argent ». 1963, « La bonne maison… » : 36.
-
[19]
C’est le cas, plutôt exceptionnel, de Louis B. Magil (1966, « Le “constructeur…” » : 44).
-
[20]
C’est la 41e proposition des « 110 idées qui vendront votre maison » (1962 : 13), jugée, d’après le rang qu’elle occupe, sensiblement moins importante que « Utilisez les services d’un expert pour rédiger vos annonces » (proposition no 2 : 11) ou « Offrez aux acheteurs les services gratuits d’un décorateur » (proposition no 39 : 13).
-
[21]
C’est le cas de Roland Couillard. 1970, « Entrevue… » : 17.
-
[22]
Sans doute est-ce ainsi qu’il faut comprendre la méfiance qu’entretenait Roland Couillard à l’égard des coopératives d’habitation : « sans entrer en guerre contre ces organismes plus ou moins subventionnés, posons-nous la question : sont-ils capables de bâtir aussi vite que nous, la même qualité et moins cher? La réponse est non et personne n’a jamais osé relever le défi. De plus, par définition, une coopérative – ne faisant pas de profit – ne paye pas d’impôts. Si des coopératives devaient remplacer l’industrie privée, qui paierait les fonctionnaires, les routes, etc.? ». 1970, « Entrevue… » : 17.
-
[23]
Ordre ici extrait d’une conversation entre les constructeurs d’un bungalow, Leduc et Frappier, 1977.
-
[24]
D’édition québécoise, le Visuel, dictionnaire thématique illustré, répercute en effet aujourd’hui cet usage dans l’illustration de la « structure d’une maison ». Voir Corbeil et Archambault (1992 : 198).
-
[25]
On peut aussi créditer les premiers bungalows, alors revêtus de brique, du fait d’avoir aussi permis aux briqueteurs de recycler l’art qu’ils avaient mis en oeuvre dans les duplex et triplex urbains du début du siècle.
-
[26]
Divay et Gaudreau (1984 : 133) ont remarqué que les idées de ceux qu’ils appellent « les promoteurs », dans les années 1970, « s’inspirent de diverses sources, et surtout en règle générale d’expériences de projets résidentiels réussis qui ont bien marché et non de prototypes issus tout droit d’une planche à dessin ».
-
[27]
Linteau et ses collègues ont souligné que le taux d’urbanisation de la population québécoise est passé de 61,2 % en 1941 à 74,3 % en 1961; il n’était que de 36 % en 1901 et de 51,8% en 1921 (Linteau et al., 1989 : 470).
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