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Introduction

Le 14 juillet 2002, le maire de Québec et le ministre responsable de la Capitale nationale annonçaient en conférence de presse la mise sur pied d’une Corporation de développement économique métropolitain (CODEM, rebaptisée ensuite Pôle Québec-Chaudière-Appalaches). Celle-ci, quoique publiquement financée, sera largement dominée par les représentants du secteur privé. Elle « (…) sera le nouveau chapeau des organismes de développement économique. Son mandat ira de la promotion de la région à l’international à un service de mentorat pour les petites entreprises, en passant par la recherche d’investisseurs étrangers » (Le Soleil, vendredi 14 juin 2002 : A1).

Le 3 mars 2003, la Ville de Québec annonçait cette fois la constitution d’un Commissariat aux relations internationales (en remplacement de l’ancien Bureau des relations internationales), qui disposera d’une structure exécutive et d’un financement supérieur au demi-million de dollars (Le Soleil, mardi 4 mars 2003 : A11). Ce commissariat sera, entre autres, chargé de veiller au bon déroulement des activités internationales de la capitale, notamment dans le dossier de l’immigration.

Ces deux annonces représentent une étape supplémentaire dans l’histoire des relations internationales de la Ville de Québec et de sa région, marquée par les essais et les erreurs : la Ville de Québec, deuxième en importance pour sa population dans la province du même nom, entretient des relations internationales et diplomatiques depuis la fin des années 1950 avec des partenaires d’une dizaine de pays. Or, depuis le début des années 1990, on observe une accélération de ce phénomène, qui coïncide avec l’arrivée d’un ancien diplomate à la mairie de cette ville.

Les nouvelles formes de rapports internationaux entre municipalités visent de plus en plus à soutenir le développement économique des partenaires, grâce à la ratification d’ententes de collaboration, d’échanges d’expertise, voire de contrats fermes entre des représentants du monde industriel de chaque municipalité.

Le cas de Québec, ville de taille moyenne, est particulièrement intéressant en raison de sa situation géopolitique interne : jusqu’à tout récemment, le morcellement des pôles d’autorité (Québec faisant face à plusieurs autres villes concurrentes au sein de sa banlieue jusqu’aux fusions de 2002), la dispersion des zones de production (la plus forte zone de production industrielle se situant sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, alors que la majorité des services privés et publics se retrouvent dans un axe est-ouest, sur la rive nord) et la multiplication des points de service aux exportations et au rayonnement international (souvent financés par un ou plusieurs paliers de gouvernement) amenaient les autorités de la Ville de Québec à rechercher fréquemment un appui régional pour la plupart de ses démarches internationales.

Le désir d’insertion internationale progressivement manifesté par la Ville de Québec au cours des cinquante dernières années a donc amené celle-ci à se rapprocher d’autres acteurs régionaux pour plusieurs motifs : diversifier les possibilités d’échanges, profiter de l’expérience de ses partenaires, partager les coûts, etc. Cette façon de procéder peut-elle également permettre d’atteindre un plus haut degré de cohésion régionale entre des acteurs disposant de missions et de territoires d’opération différents?

Le présent texte a pour principal objectif de présenter l’évolution des rapports entre les acteurs régionaux, sous l’angle du développement historique de la perspective internationale de la Ville de Québec. De façon corollaire, il vise aussi à cerner les façons dont les interactions régionales et extrarégionales ont pu influencer les actions et les choix internationaux de la municipalité. Ainsi, on pourra vérifier partiellement le degré de collaboration régionale pour les dossiers internationaux et le niveau de cohésion atteint par les acteurs sur cette thématique.

Cadre théorique

De très nombreux travaux portant sur l’internationalisation des villes ont été publiés depuis les quinze dernières années. Ces écrits s’inscrivent dans une démarche plus large de redéfinition du territoire politique et de sa représentation extraterritoriale. Les recherches spécifiquement consacrées aux villes internationales s’attachent particulièrement à définir les limites du territoire et de l’action métropolitaine et urbaine dans un univers politique morcelé.

Le premier courant théorique véritablement consacré aux causes de l’internationalisation des agglomérations urbaines, issu des travaux du New International Cities Era (NICE), est apparu au tournant de la décennie 1990. À cette époque, l’idée dominante reposait sur l’évaluation d’une série de critères et d’indicateurs empiriques susceptibles de mesurer le degré d’internationalité d’une municipalité (Dommergues et Gardin, 1989; Soldatos, 1991; Plasse, 1991). Cette approche proposait, entre autres, l’atteinte d’un idéal type, grâce à l’établissement d’un système d’équilibre entre les représentants des milieux politiques et privés. Ainsi, une liste de treize critères a été établie par le groupe NICE, à partir des travaux de Soldatos (1991). Cette liste prenait en compte essentiellement des variables de transports, d’immigration, de localisation de sièges sociaux, mais aussi et surtout une masse critique de population (environ un million d’habitants) en deçà de laquelle une ville ne pouvait prétendre à l’internationalité.

Cette approche centrée sur les critères a rapidement été critiquée par d’autres auteurs.

Ce type d’analyse de l’internationalité des villes repose essentiellement sur un repérage d’un certain nombre d’attributs dont chacun s’accorde à reconnaître qu’ils sont effectivement ceux que l’on retrouve dans les villes dites internationales. Cependant, cette critériologie dit peu de choses pour expliquer comment et pourquoi ces caractéristiques sont importantes et semblent s’imposer comme des normes, car elles ne sont pas référées à une analyse des évolutions des systèmes économiques des villes. Par ailleurs, elle esquisse un modèle univoque de l’internationalité urbaine, qui ne semble concerner que quelques très grandes villes, en privilégiant une conception économique, culturelle et sociale délibérément élitiste.

(Bonneville, 1994 : 135)

Sous une apparente objectivité, le choix de critères d’analyse révèle davantage une sélection a priori ne reposant que sur des considérations généralement acceptées, mais n’ayant pas toujours de fondements empiriques clairs. Cette démarche suggère aussi des intentions normatives plus vastes, en caractérisant un idéal à atteindre.

Un second courant de recherche est apparu au milieu des années 1990, autour de la notion de métropolisation. Une brève revue de ce concept s’avère essentielle puisque, on le verra, il aide à interpréter la brève histoire de la paradiplomatie de la Ville de Québec. L’essor des territoires métropolitains s’inscrit dans un continuum amorcé de façon inégale selon les pays, mais en progression rapide depuis le deuxième conflit mondial. Pour Leresche (1995 : 4) :

Dans ce système mondial où les capitaux, les biens et les personnes sont dans l’obligation de se déplacer, où les informations et les services doivent être co-présents et en relation dans toutes les parties du monde, la concentration d’infrastructures fixes permet cette hypermobilité des capitaux, des biens et des personnes. Quand tout circule et s’échange, des points fixes sont vitaux. Ces derniers se localisent dans les grands ensembles urbains, renforçant ainsi leur croissance.

Le renforcement du territoire métropolitain comme espace prioritaire de développement est donc en partie lié au phénomène de globalisation économique et sociale que connaît notre époque. La métropolisation est aussi reliée à un constat interne fort simple souligné par Derycke (2000 : 9) :

De même, la petite ville monoindustrielle ou monoactivité est davantage exposée au risque du déclin ou de la crise que la grande ville qui abrite une très large gamme d’activités différentes, complémentaires ou concurrentes. La métropole est même regardée comme une sorte de mécanisme d’assurance contre le risque : risque de perte d’activité pour les entreprises, risque de diminution d’emploi pour les hommes.

Qu’il s’agisse de considérations globales ou locales, la métropolisation devient un élément incontournable dans un monde où les repères spatiaux traditionnels tendent à se modifier ou à se rapprocher (Rosenau, 1992).

Comment se constituent les territoires métropolitains? Encore une fois les explications, parfois contradictoires, abondent. Des éléments permettent toutefois d’établir un certain consensus : (1) la taille, comprise comme étant l’extension maximale de la zone urbanisée. Parfois, la taille métropolitaine inclut également les distances de navette entre l’habitat et le lieu de travail des salariés, ce qui permet d’avoir un indice assez précis de l’aire d’influence et d’attraction économique de la zone. La taille n’est toutefois pas perçue comme un élément limitatif : la complexité d’une évaluation concrète de la taille d’un espace donné vient diminuer la portée discriminante de ce facteur; (2) la configuration centralisée des activités socio-économiques et socioculturelles que la zone métropolitaine favorise, particu-lièrement dans les secteurs des services publics et privés, ainsi que pour les principaux équipements socio-récréatifs; (3) la segmentation spatiale, tant sur le plan politique que social, par le développement de sous-ensembles plus ou moins intégrés. L’espace métropolitain est alors perçu par certains comme une collection d’enclaves favorisant la ségrégation économique (Veltz, 1995). De façon moins dramatique, le territoire urbain peut aussi être vu comme le regroupement d’entités politiques ou administratives de tailles et de forces différentes, appelant des mécanismes de régulation; (4) souvent, l’absence ou la relative faiblesse des institutions politiques métropolitaines, directement produite par le troisième facteur. Le territoire métropolitain est régulièrement soumis à des pressions contradictoires de la part de ses membres, ce qui contribue ainsi à affaiblir la perspective d’ensemble et la production de politiques concertées.

S’appuyant sur la quatrième constatation, Leresche (1995 : 4) précise :

(…) la métropole n’est pas seulement la juxtaposition de biens, de ressources, d’expériences, de savoir-faire mais surtout un système de flux de personnes, de capitaux et d’information. Quelle qu’en soit l’importance, une politique purement patrimoniale ne permet pas une gestion métropolitaine. La maîtrise de ces flux devient en effet prioritaire et passe par la mise en place de réseaux de toutes sortes, fortement interconnectés les uns aux autres, qui devraient permettre de tirer profit aussi bien des ressources mondiales que locales.

Le Galès (1995 : 60) complète en soulignant que « le gouvernement des villes implique de plus en plus différents types d’organisations : autorités locales, mais aussi grandes entreprises privées, représentants de groupes privés, agence publiques et semi-publiques, représentants de différents segments de l’État, consultants, organismes d’études, associations ».

Pour ces auteurs, la multiplication des flux et des pôles de décisions échappant aux structures traditionnelles souligne toute l’importance de la mise en oeuvre d’un système de gouvernance métropolitaine. La « gouvernance » est un concept intrinsèquement lié à la notion de métropolisation. Elle peut être définie de plusieurs façons et ses applications théoriques et pratiques peuvent énormément varier, mais sa popularité croissante – tant auprès des décideurs que des chercheurs – rend importante son explication. Leresche (2001 : 38) la présente en contradiction avec la notion de gouvernement : « La gouvernance doit au contraire suggérer une multitude d’acteurs à la fois publics et privés, pris dans des réseaux de coopération/négociation peu hiérarchiques et multipolaires, qui supposent des arrangements informels ». Stoker (1998) définit aussi cinq propositions qui encadrent théoriquement la notion de gouvernance :

(1) Governance refers to a set of institutions and actors that are drawn from but also beyond government (2) Governance identifies the blurring of boundaries and responsibilities for tackling social and economic issues (3) Governance identifies the power dependence involved in the relationships between institutions involved in collective action (4) Governance is about autonomous self-governing networks of actors (5) Governance recognizes the capacity to get things done which does not rest on the power of government to command or use its authority. It sees government as able to use new tools and techniques to steer and guide.

La gouvernance est donc une façon de gérer un espace en collaboration avec plusieurs intervenants qui ne sont pas forcément reliés ou financés par le gouvernement. Dans le cas d’une zone métropolitaine, cette façon d’entrevoir la gestion des principales activités socio-économiques est pratiquement incon-tournable, tant le territoire est subdivisé et les acteurs sont nombreux. Même si la gouvernance peut prendre d’innombrables formes opérationnelles, son adoption par les autorités est perçue, par les chercheurs, comme naturelle et souhaitable, bien que contraignante et souvent difficile d’application.

Comment les notions de métropolisation et de gouvernance peuvent-elles être employées dans le cas d’une enquête sur les activités internationales d’une ville comme Québec? Un éclairage précieux est offert par Smouts (1998). Cette auteure « suggère une approche en terme de processus, centrée sur les acteurs, qui s’inspire franchement de celles des politiques publiques. En ne partant pas d’un acquis idéalisant ou niant le rôle ou la puissance de tel ou tel acteur, elle suggère de décrire et d’analyser empiriquement les mécanismes par lesquels les acteurs organisent ou régulent le système international et le type d’interactions stratégiques qu’ils développent pour résoudre les problèmes ou les conflits » (dans Leresche, 2001 : 43). Les activités internationales menées depuis un espace métropolitain par plusieurs acteurs indépendants supposent une forte fragmentation des intentions, des démarches et des résultats. L’analyse qui emploie l’angle de la gouvernance métropolitaine permet, dans un premier temps, de documenter ces relations, tant étrangères que domestiques, et de façonner une image du type de gouvernance existant ou en émergence entre les acteurs observés.

Cette façon de faire, en développement constant, insiste sur une compréhension intime du processus d’internationalisation des villes « en s’interrogeant sur son contenu, ses effets et ses enjeux pour le développement de ces villes, en affirmant d’entrée qu’il n’y pas de modèle ou de voie unique d’internationalisation, mais une grande variété de processus et de formes » (Bonneville, 1994 : 149). Cette démarche appelle à un examen détaillé du cursus historique parcouru par la ville étudiée avec l’étranger, mais aussi dans ses rapports avec ses partenaires métropolitains et régionaux, tel que le privilégie notamment l’ouvrage d’Heidi Hobbs (1994). Cette approche est, en quelque sorte, un complément méthodologique aux aspects théoriques mentionnés précédemment.

Une enquête en profondeur a été menée auprès du Bureau international du Service des archives et du Greffe de la Ville de Québec au cours de l’été 2002, afin de recueillir les documents officiels, la correspondance inter-organisationnelle et les rapports d’activités liés aux activités internationales de la ville depuis la fin des années 1950. Des entrevues ont aussi été envisagées, puis rejetées, en raison de l’anonymat exigé par les gens interrogés et rendant leur traitement difficile.

Ces informations ont été traitées en vue d’exposer la nature des liens formels qui unissaient la Ville de Québec et ses partenaires régionaux. Il s’agissait aussi de mesurer l’évolution et la nature des informations transmises. La section suivante du présent article consiste en une présentation sommaire des éléments marquants de l’histoire internationale récente de la Ville de Québec, regroupés en quatre périodes. La discussion reprendra ensuite les principaux thèmes soulevés au cours de cette présentation et tentera de cerner le rôle et l’influence de la Ville de Québec sur l’internationalisation de son territoire et de sa région.

Les premières années (1956-1986)

La Ville de Québec a, bien sûr, hébergé de grands événements internationaux avant les années 1950. On peut mentionner rapidement la visite du Prince de Galles dans les années 1930 ou la Conférence de Québec en 1942. Mais c’est à partir du milieu de la décennie 1950 que Québec a commencé à entretenir des liens plus étroits avec des partenaires municipaux situés tout d’abord en dehors la province, puis du pays. C’est aussi à compter de cette date que l’administration municipale commence, lentement, à s’autonomiser par rapport aux autres paliers de gouvernement.

Le premier épisode remonte à la conclusion d’une entente de jumelage signée entre la Ville de Québec et celle de Calgary, en Alberta. Les circonstances entourant cette ratification sont intéressantes, car elles révèlent un certain nombre de traits propres à la « diplomatie municipale » de Québec. Dans une lettre (26 mars 1956) du maire de Calgary, Donald MacKay, à ses conseillers, celui-ci souligne que : « Over Europe they found, in municipal fields of effort, that a great deal of good was accomplished by interlocking, in a good-will manner, cities from various countries of the continent ». Il continue en mentionnant que « it was suggested (par la Fédération canadienne des municipalities ou FCM) that probably a much better spirit of goodwill could be co-operatively promoted in Canada itself by the interlocking of French-speaking and English-speaking cities in our own country ». Une seconde lettre (27 avril 1956) envoyée au maire de Québec, Wilfrid Hamel, confirme la demande de jumelage proposée par Calgary.

Ainsi, l’idée du jumelage est inspirée d’un exemple européen et mis en valeur par la FCM, qui cherche à rapprocher les deux communautés linguistiques du Canada. L’objectif de ce jumelage est aussi de rapprocher deux événements très importants pour chaque ville, soit le Stampede de Calgary et le Carnaval de Québec, une délégation représentant chaque partenaire participant alternativement à l’un ou l’autre. Pour cette première entente, on ne note pas la présence d’autres partenaires régionaux.

Une deuxième entente est ratifiée dès 1962, cette fois avec Bordeaux, France. Un compte-rendu publié par la mairie de cette ville en 1994 souligne que ce jumelage a été signé dans le cadre d’une exposition d’art canadien à Bordeaux et de la présence d’artistes québécois. Il est important de souligner que les racines de cette entente proviennent d’une collaboration de longue date entre l’Université Laval de Québec et des composantes de l’Université de Bordeaux, comme l’atteste la correspondance entre les autorités municipales.

Ce premier jumelage international ne parvient toutefois pas à soulever énormément d’intérêt, si bien qu’au cours de ses 25 premières années, très peu de projets sont réalisés entre les deux villes. Mentionnons tout de même l’échange d’emplois d’été pour étudiants et diverses manifestations culturelles, la plupart parrainées par les gouvernements québécois et français.

La prise de conscience (1986-1995)

Le milieu des années 1980 marque un véritable tournant pour la diplomatie municipale de la Ville de Québec. La mise sur pied de la Communauté urbaine de Québec (CUQ) et la création de deux agences vouées à la promotion économique, l’Office du tourisme et des congrès de la CUQ (OTCCUQ) et la Société de promotion économique du Québec métropolitain (SPÉQM) a probablement contribué à donner à la région toute entière une certaine vision internationale. La mairie, dirigée alors par Jean Pelletier, semble aussi mieux disposée à ce type d’activités, car dès décembre 1985, le jumelage avec Bordeaux est relancé, grâce à la visite du maire de Québec. En mai 1986, à l’occasion d’une nouvelle visite du maire de Québec à Bordeaux, on constate une innovation intéressante : cette fois, le cabinet politique est accompagné par des fonctionnaires responsables du développement économique et par un petit groupe de gens d’affaires.

À la même époque, deux autres villes étrangères manifestent leur intérêt pour un rapprochement avec Québec : Albany, capitale de l’État de New York (États-Unis) et X’ian, capitale de l’État du Shaanxi (Chine). Dans le cas de la ville américaine, différents documents issus des archives mentionnent que l’origine du jumelage est double : d’une part, la délégation du Québec à New York avait préparé un document d’information à ce sujet en 1985, suivi par une mission de fonctionnaires municipaux d’Albany à Québec en avril 1986. Le rapprochement entre ces deux vieilles capitales s’inscrivait alors dans une stratégie plus large du gouvernement québécois, qui cherchait à se rapprocher diplomatiquement des États-Unis. Le jumelage, ratifié en juillet 1986, semble être rapidement tombé dans l’oubli. En effet, on constate qu’entre 1986 et 1990, les activités relatives à ce jumelage se sont limitées à des visites de courtoisie de la part des autorités de chaque ville (comme le mentionne un mémorandum signé par Monique Jolin, fonctionnaire de la Ville de Québec).

Quant à la ville chinoise, l’initiative du rapprochement revient à l’ambassadeur chinois en poste à Ottawa en 1985, qui transmet une demande des autorités de la ville de X’ian. Dans un mémoire à diffusion restreinte publié en 1996, on indique que la Ville de Québec a « tergiversé » pendant trois ans avant d’envoyer différents fonctionnaires de la Ville en Chine pour évaluer le potentiel de cette entente. Il est également important de noter que ces visites comportent presque toutes des représentants de l’Université Laval et du monde des affaires. Une première entente de coopération est signée au début 1989, mais les événements de la Place Tienan’men refroidissent ensuite considérablement les relations entre les deux villes, notamment en raison des prises de positions du gouvernement canadien et de la suspension temporaire des liens diplomatiques entre les deux pays.

Toutefois, ce renouveau de l’intérêt international de la Ville de Québec manque – de l’aveu même de ses fonctionnaires, comme en témoignent les notes internes diffusées à la fin des années 1980 – de suivi dans les dossiers, ce qui contribue à fragiliser les ententes fraîchement signées. Cette lacune est en partie réglée avec l’arrivée au poste de maire de Jean-Paul l’Allier, ancien diplomate et ministre, qui met sur pied, dès janvier 1990, un Bureau des relations internationales, chargé du suivi des dossiers liés aux jumelages et aux questions de protocole.

Cette nouvelle institution ne modifie toutefois pas l’habitude de Québec de recevoir plutôt que d’initier des propositions d’entente et de jumelage de la part de partenaires étrangers ou domestiques. Ainsi, en 1989, la FCM met sur pied un programme destiné à lier des villes canadiennes à des municipalités africaines, Québec devant être jumelée (sans grand succès) à la capitale mauritanienne, Nouakchott. Dans le même esprit, c’est par un renouvellement de la coopération bilatérale entre le Québec et la Wallonie que la capitale québécoise conclut une entente de partenariat avec la ville wallonne de Namur en 1991. Encore une fois, la visite du maire de Québec en Belgique est suivie par un cortège de représentants institutionnels du secteur économique, notamment de la Chambre de commerce du Québec métropolitain.

Un autre épisode, mis en lumière par les recherches doctorales de Sarah Russeil (du groupe de recherche RIVES, Université de Lyon, communication personnelle), révèle à nouveau un certain attentisme de la part des autorités municipales de Québec en matière internationale : la reconnaissance de Québec comme ville du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1985 n’est pas le fait de la municipalité, mais provient bel et bien d’une initiative fédérale. De même, la mise sur pied de l’Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) et l’installation du siège social de cet organisme dans la capitale provinciale serait essentiellement le fruit du travail diplomatique des gouvernements québécois et canadiens.

À l’heure de la concertation régionale (1995-2002)

La multiplication des activités internationales de la Ville de Québec va de pair avec leur régionalisation. En effet, la structure régionale éclatée décrite en introduction pousse les autorités municipales à établir des liens de plus en plus formels avec différents partenaires institutionnels régionaux, tels que la SPÉQM et l’OTCCUQ, liés à la ville par le financement, mais aussi l’Université, le Parc technologique et les milieux culturels.

Les motivations qui amènent la ville à agir de la sorte peuvent être perçues sous l’angle de l’évolution historique. Depuis 1993, il existait dans la région un forum de discussion entre acteurs internationaux, inspiré des recommandations issues d’une recherche menée par Gaston Plourde (1993). On pouvait y retrouver des représentants des principaux organismes de développement de la région, des milieux politiques et académiques, réunis de façon informelle pour échanger de l’information relative aux activités de leurs institutions. On y retrouvait également des partenaires de la rive sud de Québec, notamment le Mouvement Desjardins, la Ville de Lévis, etc.

La Ville de Québec participe activement à ces travaux, d’autant plus que ses propres activités internationales allaient toujours en s’accélérant. Avec Bordeaux, on compte plus d’une trentaine d’activités réalisées entre 1989 et 1998, majoritairement politiques et culturelles, comme des expositions ou des inaugurations. Les autorités de X’ian reviennent également à la charge et proposent de transformer l’entente de coopération en un jumelage dès 1997. Même le jumelage avec Calgary reprend vie grâce à la visite d’une délégation québécoise plus importante au Stampede de 1997.

Devant ces obligations internationales de plus en plus pressantes, la Ville recherche des appuis régionaux plus formels. Ainsi, en 1998, Québec participe, de près, à la formation d’un Fonds Québec international, chargé de financer les activités diplomatiques de la région et les projets jugés structurants. Ce projet, piloté par le Conseil régional de concertation et de développement de la région de Québec (CRCDQ), compte sur du financement à la fois fédéral et provincial. Une fois les sommes obtenues, le Fonds doit se convertir – pour des raisons politiques (le financement est mixte, fédéral et provincial, et le CRCDQ est trop identifié au gouvernement québécois) – en une organisation à part entière dotée d’une permanence : le Groupe de rayonnement international des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (GRI).

« Le GRI est en quelque sorte un réseau formalisé d’acteurs régionaux ayant un intérêt commun à l’international. Sauf que ce réseau est exclusivement constitué d’acteurs métropolitains qui continuent à représenter l’ensemble des régions 03-12 » (Racine et Villeneuve, 2001 : 52). En effet, la représentation régionale de cet organisme est doublement exclusive : institutionnelle d’une part et métropolitaine d’autre part. Seules des institutions de la rive nord de Québec prennent part au débat et ont un droit de vote, le Conseil régional de Chaudière-Appalaches étant un observateur invité.

Ce GRI est par ailleurs largement dominé par des organisations ayant un intérêt international soutenu, tel que la Ville de Québec. Le rapport publié en 2001 à la suite d’une tournée des partenaires révèle une profonde dissension quant à l’allocation des fonds provenant de cet organisme. Plusieurs intervenants mentionnent alors que le GRI joue trop bien le jeu de la Ville de Québec pour le financement de ses missions internationales, sur lesquelles nous reviendrons.

Malgré ces considérations, la Ville de Québec – particulièrement depuis le début des années 1990 – continue de maintenir des liens fréquents et bilatéraux avec ses partenaires régionaux. Ces échanges plus ou moins officiels d’informations se mesurent par l’envoi de lettres, de fax ou de courriels, qui invitent à la participation ou transmettent simplement des informations sur les jumelages de la ville. Il est à noter cependant qu’en dehors de l’expérience du GRI (qui a pris fin en 2001) il n’existe pas de véritable mécanisme formel de transmission de l’information ou de concertation relativement aux activités internationales entre les différents intervenants de la région métropolitaine. Il n’existe apparemment pas non plus de liens formels avec les organismes situés en périphérie de cette zone géographique.

L’ère des missions régionales (1996-2002)

Une autre facette de la collaboration intra-régionale pour les activités internationales est illustrée par les missions régionales à l’étranger. Ces missions, difficiles à organiser, requièrent la participation d’un très grand nombre d’acteurs pour leur réalisation et deviennent donc un rouage essentiel à l’établissement de relations formelles et continues entre les principaux partenaires institutionnels de la région.

Selon les sources officielles, entre 1996 et 2002, on compte plus d’une dizaine de missions dont la préparation et l’exécution ont impliqué plus d’un partenaire. Soulignons également que le qualificatif « économique » est pratiquement toujours accolé au mot « mission. » La toute première mission économique régionale est menée au World Trade Center de Bordeaux en 1996, à l’initiative de la SPÉQM. Cette mission est suivie par la tenue d’un « Noël québécois » à Bordeaux en 1997, auquel participent plusieurs acteurs culturels de la région de Québec. Une nouvelle mission économique régionale est mise sur pied en 1999, essentiellement cette fois par la Ville de Québec, dans le cadre du « Printemps du Québec à Bordeaux ». Avec un programme plus étendu, cette mission entend faire place à différents intervenants de toute la région.

Cette mission économique « régionale » accueille neuf entreprises, situées pour la plupart autour de Québec, et ayant chacune délégué un représentant. Elle permet également d’instituer plus formellement les discussions entourant les Rencontres Champlain-Montaigne, sur lesquelles nous reviendrons.

C’est avec la ville de X’ian que les missions semblent être les plus importantes. La municipalité chinoise envoie d’ailleurs deux délégations officielles entre 1997 et 1999 et réclame alors un engagement plus soutenu de la part de Québec. Les autorités québécoises mettent donc sur pied une première mission économique régionale en avril 1999, avec la participation de huit institutions et de quatre entreprises. Le rapport de mission rédigé par la SPÉQM à cette occasion montre un intérêt légèrement mitigé pour le marché chinois, demandeur d’investissements, mais assez peu investisseur lui-même. Ce même rapport précise que les principaux gains attendus des missions chinoises sont d’ordre politique et pourraient être utiles à moyen terme. Quant aux rapports produits par les entreprises participantes, ils indiquent tous un intérêt pour le marché de la Chine continentale, sans toutefois qu’aucun résultat concret n’ai été obtenu lors de la mission.

La nature politique des liens entre Québec et X’ian se concrétise en mai 2001 dans la foulée d’une nouvelle mission en Chine où les deux villes procèdent à leur jumelage officiel. Comprenant cette fois 19 membres, dont quatre du secteur privé, cette mission fait encore une place significative aux représentants provenant du territoire même de Québec. Pourtant, l’analyse de la provenance des fonds alloués à cette mission, voire à toutes les missions économiques régionales entre 1997 et 2002, souligne que la Ville de Québec n’est pas le principal bailleur de fonds. Le GRI, le CRCDQ et plusieurs ministères provinciaux sont au nombre des subventionnaires.

Les missions semblent toutefois devenir le mode d’expression diplomatique préféré des autorités municipales québécoises, car Namur (jumelée à Québec depuis 1999, au cours de la visite du bourgmestre de cette ville) est également visitée de cette façon au printemps 2000 dans le cadre d’une Semaine du Québec à Namur. Même les jumelages plus anciens, comme Calgary ou Albany, sont relancés grâce aux missions diplomatiques régionales et économiques qui se traduisent par deux expéditions planifiées en 2001 et 2002.

La paternité de l’idée même de mission économique revient à l’État fédéral canadien et à son Équipe Canada, plus tard copiée par le gouvernement québécois. La Ville s’est donc directement inspirée de ce modèle, en l’adaptant selon ses besoins et ses moyens. Cette filiation est particulièrement visible au cours de la visite d’Équipe Québec en Amérique latine en 2000. De nombreux représentants régionaux participent à cette mission, de loin la plus courue. À cette occasion, les autorités de la ville de Québec en profitent pour visiter, sans le reste de la délégation québécoise, Montevideo – capitale uruguayenne, liée par un pacte d’amitié à la vieille capitale depuis 1998. Il faut souligner que, pour cette portion de la mission, la participation régionale était nettement plus faible (moins de la moitié des participants) que lors des missions au Chili ou en Argentine.

Par ailleurs, l’intérêt des missions régionales est double : d’une part, elles permettent d’augmenter la visibilité du groupe en créant un événement diplomatique de plus grande envergure; d’autre part, les missions régionales permettent de partager à plusieurs la facture totale, qui augmente en proportion de l’éloignement des partenaires étrangers.

Il existe toutefois certains effets pervers aux missions économiques régionales, qu’ont relevés notamment les évaluations et rapports soumis par certains participants du secteur privé. Ainsi, la plus grande force d’action donnée par une présence multisectorielle régionale peut tout aussi bien être perçue comme une dispersion des efforts et nuire à la dimension proprement économique de la mission. De plus, l’aspect régional de ces missions cache le fait que la participation provient essentiellement de la rive nord de la région métropolitaine, où cohabitent la plupart des grandes institutions internationales. Cette relation de proximité, déjà décrite dans une recherche menée au CRAD (Racine et Villeneuve, 2001), permet de recueillir plus facilement appuis et financement, mais paraît exclure d’office des participants provenant des régions périphériques, dont les priorités sont différentes et le financement, plus précaire.

Discussion

Cette discussion permettra de mieux cerner le rôle de la Ville de Québec comme acteur international au sein de sa région. Elle prendra la forme de deux interrogations : « quel rôle? », qui tracera un bilan de l’évolution de la position internationale de la ville par rapport aux autres partenaires régionaux; « quelle région? », qui pose la question de l’aire d’influence réelle des politiques internationales de Québec.

Quel rôle?

Depuis le premier jumelage ratifié avec Calgary, le rôle de Québec comme agent d’internationalisation a considérablement évolué. Entre 1957 et 1985, les autorités municipales ne considéraient pas les relations avec l’extérieur comme faisant véritablement partie de leur mandat. Il faut attendre l’émergence de nouveaux acteurs régionaux voués aux relations internationales au cours des années 1980 pour que la ville assume un plus grand rôle et devienne un foyer diplomatique important pour la région.

S’il faut qualifier le rôle de l’autorité politique que représente la Ville de Québec, on doit employer le terme de « catalyseur » des efforts internationaux. La région de Québec se compose d’une multitude d’organismes et d’entreprises de toutes tailles qui disposent de leurs propres contacts à l’étranger. La Ville fait partie de ces acteurs, au sein d’un réseau ou d’un système de gouvernance orienté vers les relations internationales. La particularité de Québec repose toutefois sur un mandat politique démocratiquement acquis, sur une capacité de représentation publique qu’aucun autre organisme régional, hormis les branches locales des gouvernements québécois et canadien, peut se targuer d’avoir.

Les relations établies entre partenaires régionaux sont par conséquent essentiellement utilitaires et instrumentales. Les différents organismes internationaux de la région sollicitent le concours de la ville pour ajouter une dimension politique à leurs tractations internationales et ainsi obtenir un gage de légitimité. Quant aux autorités municipales, le recours aux partenaires régionaux est rendu essentiel par la multiplication rapide de ses activités internationales : la ville recherche une base représentative plus large, en ajoutant des dimensions spécifiques ad hoc (économie, culture, éducation) à ses propres activités diplomatiques. Plus terre à terre également, la Ville a besoin d’un support logistique accru et de plusieurs sources de financement, rendues nécessaires par l’augmentation de ses activités, mais aussi en raison de sa difficulté à justifier les dépenses liées aux activités internationales auprès de sa population.

Il semble que la limite d’intégration de ce système de gouvernance institutionnelle soit atteinte. L’échec et la dissolution du GRI permettent de tirer le constat que la Ville de Québec est un acteur central de ce système, mais que les efforts intégrateurs misant sur une collectivisation non coercitive des activités internationales n’ont toujours pas fonctionné.

Quelle région?

Autrefois réunies en un seul ensemble géo-administratif, les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches sont séparées depuis la fin des années 1980. Divisées par le fleuve Saint-Laurent, ces régions le sont aussi par leur structure économique.

La région de Québec (652 000 habitants) est plus populeuse que sa voisine (390 000 habitants) et dispose d’une infrastructure étatique majeure, étant le siège du gouvernement québécois. On y retrouve un important réseau d’institutions académiques et de recherche, de même que de nombreuses maisons de production et de représentations culturelles. Sa structure économique privée est essentiellement basée sur l’offre de services, tel que l’assurance.

La région de Chaudières-Appalaches, quant à elle, compte sur une économie axée sur le secteur secondaire, la production de biens exportables et les PME. Le plus grand centre urbain de cette région est la ville de Lévis, située juste au sud de Québec, et se trouve compris dans sa région métropolitaine. Sinon, on note l’émergence de quelques pôles secondaires, dont Saint-Georges de Beauce, Montmagny ou Thetford Mines. La région ne dispose pas de campus universitaire (notons tout de même la présence d’une branche de l’Université du Québec à Rimouski), mais possède quelques collèges.

La place de la ville de Québec est centrale dans cet espace socio-économique d’un peu plus d’un million d’individus. En tant que métropole régionale, elle dispense des services de proximité et d’affaires très importants pour la population et les entreprises des deux territoires. La recherche de Racine (2000) montre l’importance du réseau académique pour les étudiants issus de Chaudière-Appalaches qui viennent souvent dès le collégial. Cette même recherche explique aussi que la ville centrale est une pourvoyeuse essentielle de biens de consommation et de divertissement pour la population des régions périphériques. Dans le cas des entreprises, une étude récente avance que les entreprises dynamiques situées au sud de Québec entretiennent des liens privilégiés avec les organismes de transfert technologique et d’incubation : « we can reasonably argue that the Beauce region appears to evolve and rely upon the greater Québec region “home base” as a hub supporting firm’s needs in terms of networks and knowledge provision » (Doloreux : 23).

En regard de ces éléments, qui suggèrent une certaine collaboration par la « base » - encouragée par le facteur de proximité - comment expliquer les grandes divergences d’opinions entre les responsables de chaque région en ce qui concerne le développement de leurs relations extérieures? Encore une fois, c’est au fil de l’évolution politique et historique des deux régions qu’il faut aller chercher des réponses.

La création de la région de Chaudière-Appalaches remonte à la même époque que le développement de l’intérêt international de la ville de Québec. La nouvelle région, composée de onze Municipalités régionales de comté (MRC), faisait face à un défi important d’identification : presque la moitié de sa population vivait dans un espace géographique assimilé à la banlieue de Québec, le reste étant réparti dans des sous-régions fortement rurales. Quant aux MRC industrialisées, elles appartiennent à un sous-ensemble disposant d’une identité propre et entretenue, la Beauce.

C’est cette recherche d’identité qui semble amener les organismes régionaux à considérer avec une certaine méfiance les propositions de collaboration internationale issues de la Ville de Québec et de ses partenaires. Ces derniers ont d’ailleurs pris l’habitude de se passer de l’avis, voire de la présence des organismes de Chaudière-Appalaches, comme en fait foi l’expérience du GRI ou de la future CODEM, puisque les futurs organismes fusionnés de la rive sud n’ont pas été consultés.

Ce sont donc deux identités politiques régionales qui se font face. Celle de Chaudière-Appalaches est en construction et résiste à une appropriation de son potentiel international par la ville et la région de Québec. À cette fin, les principaux organismes de la rive sud (principales municipalités, Conseil régional, etc.) on confié à Chaudière-Appalaches Export, l’équivalent de la SPÉQM, le mandat de formuler une politique internationale pour la région. Cet énoncé sera, de l’aveu même de la directrice-générale de l’organisme, imprégné par des considérations économiques et donnera probablement naissance à une organisation calquée sur le modèle de la CODEM.

Malgré une certaine complémentarité multidimensionnelle (économiques, culturelle, académique), les régions de Québec et Chaudière-Appalaches demeurent incapables de lier leur destin international.

Conclusion

Les analyses menées précédemment porte à croire qu’il existe un système de gouvernance en émergence dans la grande région de Québec, dédié aux relations avec l’étranger. La Ville de Québec occupe une place centrale dans ce système, qu’elle a aidé à forger et qu’elle anime depuis le milieu des années 1980. Ses intérêts internationaux diversifiés et en constante évolution ont permis à d’autres partenaires de se greffer périodiquement à ses activités, dans des formes plus ou moins institutionnalisées, comme dans le cas du GRI.

Pour reprendre les termes de l’introduction, il appert effectivement que le développement des réseaux internationaux de la Ville de Québec a progressivement amené celle-ci à se rapprocher d’autres organisations métropolitaines et régionales, afin d’élargir sa base représentative. D’où, entre autres, la popularité des missions régionales ou la mise sur pied d’« organismes-chapeaux » comme le défunt GRI ou la future CODEM, qui prennent en compte Chaudière-Appalaches malgré elle.

Cependant, on remarque aussi de profondes divergences politiques et administratives. Ainsi, les liens inter-fluviaux sont pratiquement absents, limités à quelques échanges d’informations, en fonction des travaux de la nouvelle Communauté métropolitaine, dont le territoire englobe Québec et Lévis. La Ville de Québec, tout comme d’ailleurs celles de Lévis et de Saint-Georges, agissent régulièrement comme catalyseurs de certains projets internationaux proposés par d’autres organismes, mais ces derniers n’échangent que très peu sur la nature de leurs activités internationales.

Ce système de gouvernance lentement mis sur pied et animé par la Ville de Québec et ses partenaires est, en conséquence, extrêmement fragile. Le peu de collaboration formelle enregistrée entre les partenaires, de quelque provenance géographique qu’ils soient, semble indiquer des dissensions profondes. Trois éléments sont à retenir.

Tout d’abord, il existe, au sein même de la grande région de Québec-Chaudière-Appalaches, de fortes identités sous-régionales qui se manifestent particulièrement sur le plan politique. Ce phénomène constitue un frein majeur à la mise en commun des intérêts internationaux, dans la mesure où chaque partie tente de se doter de ses propres stratégies. Dans ce contexte, la portion métropolitaine située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, de loin la mieux structurée institutionnellement, est capable d’imposer ses vues et objectifs sur les questions internationales, mais dans un cadre géographique plus restreint. Cette observation doit être mise en perspective avec les éléments clés du cadre théorique, qui soulignaient toute l’importance de la proximité géographique au sein d’un espace métropolitain aux contours flous.

Deuxièmement, le secteur industriel de la région de Québec-Chaudière-Appalaches est particulièrement fragile et vulnérable et recherche par-dessus tout des avenues internationales connues et rapidement rentables. La faible participation du secteur privé aux activités internationales de Québec et de sa région peut s’interpréter en termes de destinations prioritaires, la Ville cherchant à consolider ses jumelages, les entreprises cherchant des occasions d’exporter. L’autonomisation de la sphère économique par la CODEM est, en quelque sorte, une forme de réponse institutionnelle visant à modérer cet écartèlement des priorités entre le public et le privé.

Le dernier facteur est une interprétation socio-administrative de la structure institutionnelle de la zone métropolitaine. Les différentes organisations parapubliques et municipales qui gèrent les activités internationales courantes de la région ont des priorités sectorielles et des expertises variées, qui s’ajoutent à des habitudes de travail bien ancrées. Ces phénomènes contribuent à créer, au sein de ces organismes, un certain individualisme institutionnel qui ne favorise aucunement le partage d’expertises ou d’informations. La mise en commun des efforts internationaux relève donc, en ce sens, davantage de la collection d’intérêts individuels que d’une réelle concertation.

En somme la Ville de Québec se révèle être un laboratoire très intéressant pour apprécier les étapes historiques et les embûches permanentes que doivent affronter les villes de taille moyenne désireuses de se tailler une place sur la scène internationale.

La logique de métropolisation, telle qu’elle est décrite dans le cadre théorique, amène bien une augmentation de la collaboration inter-organisationnelle. Elle permet aussi d’entrevoir l’éclosion d’une certaine cohésion d’ensemble quant aux politiques de rayonnement et de promotion internationale, par la structuration d’un système de gouvernance. Toutefois, ces remarques s’appliquent à un espace limité et caractérisé par un réseau très dense d’intervenants publics et parapublics.

La structure socio-économique et politique éclatée du territoire entourant la zone métropolitaine septentrionale de Québec constitue en elle-même un défi permanent pour les membres de ce système de gouvernance dédiée aux activités internationales. Ces acteurs institutionnels doivent ainsi tenir compte des particularismes de chaque entité politico-territoriale ceinturant le coeur de la Capitale. Cette difficile exigence est assez peu respectée et contribue toujours à ralentir le développement d’une plus grande cohésion d’ensemble dans la sphère des activités internationales menées depuis le territoire régional de Québec et Chaudière-Appalaches.