Numéro 63, 2009
Sommaire (14 articles)
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Présentation
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La Société des Dix en 2009
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Lucius Laliberté (1925-2009) : libraire et éditeur
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Les Premières Nations et la Guerre de la Conquête (1754-1765)
Denys Delâge
p. 1–67
RésuméFR :
Comment désigner cette guerre en Amérique opposant Français, Amérindiens, Britanniques de 1754 à 1765 ? Guerre de Sept Ans (1756-1763) selon sa durée en europe ? French indian War du point de vue des Britanniques ? Guerre de la Conquête selon celui des Canadiens ? Quelle période ? Les guerriers des Premières Nations ont combattu pour la défense de leurs pays contre l’invasion européenne de 1754 à 1765, c’est-à-dire, après la défaite française, encore cinq ans sous le leadership de Pontiac.
Au cours du conflit, la majorité des nations se sont rangées du côté des Français jugés moins menaçants et capables de les soutenir. Les tensions furent néanmoins nombreuses entre alliés. Pour vaincre les Français dont la force tenait à leur alliance avec les Amérindiens, les Britanniques ont travaillé avec succès à briser celle-ci. La participation amérindienne à cette guerre fut majeure : raids de frontières, petite guerre, embuscades, rôles d’éclaireurs et d’espions. Les guerriers ont toujours refusé leur intégration dans les troupes et la manière européenne de faire la guerre. ils ont été 1200 à 1800 à défendre Québec en 1759. Les sources distinguent régulièrement troupes régulières d’une part et, de l’autre, « Canadiens et Sauvages ». Les Canadiens ont combattu l’envahisseur avec la dernière énergie. Une identité canadienne a émergé et la proximité physique et culturelle avec les Amérindiens en constitue un trait certain. Cela fut source de tensions pour les conquis placés dans l’œil du vainqueur dont la tradition était celle de l’apartheid, non pas du métissage. enfin, si les Canadiens furent conquis, les Amérindiens ne le furent pas, cependant leur position dans le rapport de force s’en trouva grandement affaiblie.
EN :
What term best describes the war between the French, the Amerindians and the British from 1751 to 1765 ? The Seven Years War (1756-1763) according to its duration in europe ? The French and indian War from the British perspective ? The War of Conquest from the Canadian point of view ? How long exactly ? Under the leadership of Pontiac, the First Nations’ warriors fought from 1754 to 1765, which is still five years after the French defeat. They were defending their country against european invasion.
During this conflict, the great majority of Amerindian Nations fought alongside with the French as they were less threatening than the British and able to support them. Yet tensions between allies were omnipresent. To defeat the French whose strength relied on their alliance with the Amerindians, the British aimed and succeeded at breaking it. Amerindian participation in the war was major : raids on the frontier, guerrilla warfare, ambushes, spying and scouting activities. The warriors always resisted their integration into regular troops and refused to fight a european style war. From 1200 to 1800 warriors fought in the defence of Québec in 1759. Military sources always make the distinction between regular troops on the one side and « Canadians and Savages » on the other. The Canadians fought the invaders with the utmost energy. A Canadian identity clearly emerged during this war, characterized, among other traits, by a physical and cultural proximity with Amerindians. This became a source of tension because of the British tradition of apartheid with the First Nations. Finally, if the Canadians were defeated, the Amerindians were not, although they were much weakened in the balance of power that emerged.
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Québec 1713. Le palais de l’intendant brûle
Marcel Moussette
p. 69–100
RésuméFR :
L’incendie qui détruisit le palais de l’intendant à Québec durant la nuit du 5 au 6 janvier 1713 a laissé des traces durables qui sont parvenues jusqu’à nous sous diverses formes : la production de quatre récits de l’événement par des acteurs de l’époque ; et le dépôt de vestiges architecturaux et de débris qui ont fait l’objet de fouilles archéologiques. Le présent article consiste donc à exposer et discuter les deux sources documentaires issues de cet événement violent et soudain afin de voir en quoi elles nous en apprennent plus sur ce lieu de pouvoir et ceux qui l’ont occupé.
EN :
The fire that destroyed the intendant’s palace in Québec City during the night of January 5 to 6, 1713, left several long-lasting marks, which have come down to us in different forms : the production of four accounts of the event by contemporaries and the deposit of architectural remains and debris dug up by archaeologists. This paper presents and discusses the two documentary sources generated by this sudden and violent event in order to discover what they can contribute to our knowledge of this place of government and the people who lived there.
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Pierre Bédard : le devoir et la justice : 1re partie – La liberté du Parlement et de la presse
Gilles Gallichan
p. 101–160
RésuméFR :
Pierre Bédard (1762-1829) est un personnage méconnu de l’histoire du Québec. Premier leader d’une majorité parlementaire à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, il fonde en 1806 un journal politique, Le Canadien, pour répondre aux attaques des marchands anglais publiées dans le Quebec Mercury. Cette oligarchie marchande s’allie au gouvernement colonial pour neutraliser l’opposition, dirigée par Bédard, et les revendications qu’elle exprime au sein de l’Assemblée. en 1810, à l’issue d’une crise parlementaire, le gouverneur James Craig décrète des élections générales, fait saisir Le Canadien et emprisonne Pierre Bédard et plusieurs députés. Malgré ce coup de force, la population réélit les mêmes représentants. Bédard passe treize mois en prison, en réclamant un procès qu’il n’obtiendra jamais. il résiste seul aux volontés du pouvoir qui souhaite le contraindre à un aveu de sédition et de rébellion. Défendant courageusement le droit, la justice et la liberté d’expression, Bédard demeure un exemple de résistance à l’arbitraire et à l’oppression.
EN :
The career of Pierre Bédard (1762-1829) deserves to be more widely known. He was the first leader of a parliamentary majority in the Legislative Assembly of Lower Canada, and he founded the political journal Le Canadien in 1806 in response to attacks from english merchants in the Quebec Mercury. The mercantile oligarchy had allied itself with the colonial government to neutralize opposition forces, led by Bédard, and their demands expressed through the Assembly. In 1810, as the upshot of a parliamentary crisis, Governor James Craig ordered general elections, shut down Le Canadien and imprisoned Pierre Bédard along with several other assembly members. despite these repressive measures, the population re-elected the same representatives to the assembly. Bédard spent thirteen months in prison and was never brought to trial, despite his demands to be judged. singlehandedly he defied the colonial power and never yielded to attempts to coerce him into confessing to sedition and rebellion. as a courageous defender of justice and freedom of expression, Bédard remains an example of resistance to oppression and arbitrary government.
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« Que sont mes amis devenus … » : le réseau social d’Aristide Filiatreault, musicien et journaliste
Marie-Thérèse Lefebvre
p. 161–173
RésuméFR :
Journaliste libéral de la fin du XIXe siècle, connu pour ses prises de position anticléricales et sa lutte pour une révision radicale du système d’éducation en place, Aristide Filiatreault était également musicien. Il évoque ce milieu musical à la fin de sa vie, dans une série d’articles publiés en 1913 au quotidien La Presse. L’analyse de ces documents permet de reconstituer le réseau de sociabilité de ce journaliste et fait ressortir plusieurs personnalités qui ont participé ou soutenu les polémiques de cette fin de siècle.
EN :
Aristide Filiatreault is best remembered as an anticlerical and liberal journalist who ardently fought for a radical revision of the schools and the educational system in Quebec at the end of the 19th century. But he was also musician, a fact seldom acknowledged. In 1913, at the end of his life, he published a series of articles in the newspaper La Presse, in which he evokes the musical milieu of his time. an analysis of these documents enabled us to reconstruct Filiatreault’s social network, highlighting many key figures who either directly took part in or supported many of the polemics of this era.
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Les Jeune-Canada ou les « Jeune-Laurentie » ? La recherche d’un nationalisme (1932-1938)
Yvan Lamonde
p. 175–215
RésuméFR :
Une étude sur les Jeune-Canada (1932-1938) ne dépare certainement pas un numéro spécial sur la révolution tranquille. au contraire, car si on rappelle le nom de quelques animateurs du mouvement – André Laurendeau, Pierre Dansereau, Gérard Filion, Robert Charbonneau, Gérard Picard, Lucien L’Allier, Claude Robillard – on voit se dessiner la trajectoire qui va des années 1930 à la décennie 1960.
Ce mouvement de jeunes, typique de la décennie de la Crise, départage un certain nombre de choses : il remet en cause la manière de l’Action catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC), prend des distances vis-à-vis Henri Bourassa auquel ils font peur, renoue avec l’esprit de l’enquête de L’Action française de 1921 en se plaçant à l’enseigne de l’abbé Lionel Groulx. Après un certain nombre de tâtonnements, le jeune Laurendeau y définit leur nationalisme laurentien dans un tract, Notre nationalisme (1935), qui constitue une des pièces maîtresses de la pensée politique québécoise.
EN :
A study of Young Canada (1932-1938) is certainly not a blot on a special issue on the Quiet Revolution. On the contrary, by simply recalling the names of the leaders of the movement – André Laurendeau, Pierre Dansereau, Gérard Filion, Robert Charbonneau, Gérard Picard, Lucien L’Allier and Claude Robillard – the trajectory from the 1930s to the 1960s becomes clear.
This movement of young people, typical of the Depression years, marked out its own path : it questioned the ways of the Action catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC), remained aloof of Henri Bourassa who feared the movement and revived the investigative spirit of L’Action française of 1921 by following the lead of Lionel Groulx. After a number of tentative steps, the young Laurendeau defined their laurentian nationalism in a leaflet, Notre nationalisme (1935), that constitutes one of the masterpieces of Québécois political thought.
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Gilles Corbeil (1920-1986), un ‘passeur’ tranquille
Laurier Lacroix
p. 217–255
RésuméFR :
Le nom de Gilles Corbeil (1920-1986) est surtout connu par la galerie qu’il a dirigée pendant plus de quinze ans (1969-1985) ainsi que par la Fondation Émile-Nelligan, mise sur pied en 1979. Ces activités qui datent de la dernière période de sa vie occultent cependant une personnalité active dans le milieu du théâtre et de la musique, avant son implication dans le milieu des arts plastiques.
Fils de l’homme d’affaires Émile Corbeil, Gilles Corbeil a grandi dans un milieu bourgeois. Sa mère, Gertrude Nelligan, sœur du poète Émile Nelligan, décède alors qu’il n’a que cinq ans. il est initié au piano par sa sœur Juliette et il démontre un intérêt pour la littérature pendant ses études classiques au collège de Saint-Laurent. en 1937, il joint les Compagnons de Saint-Laurent, la troupe de théâtre spécialisée dans le répertoire chrétien avant de se consacrer aux auteurs classiques. entre 1947 et 1949, il se rend à Paris où il étudie avec Nadia Boulanger. De retour à Montréal, il s’implique activement dans le milieu de la peinture. Paul-Émile Borduas devient son mentor. il organise des expositions au Lycée Pierre Corneille où il enseigne, devient éditeur de la revue Arts et pensée et prépare l’exposition Espace 55 au Musée des beaux-arts de Montréal, en plus de développer sa propre pratique. il affirme ses convictions souverainistes et joint le Rassemblement pour l’indépendance nationale en 1961.
Gilles Corbeil se définit comme un amateur et un dilettante, davantage intéressé par la diffusion que par la collection des œuvres d’art. en plus des rentes qu’il touche de son héritage, il gagne un appoint en mettant à profit ses connaissances pour s’adonner au commerce de l’art dès le début des années 1950. L’ouverture de la galerie Gilles Corbeil lui permet d’afficher son intérêt pour la peinture telle qu’elle s’est développée dans la foulée du post-automatisme. il défend l’abstraction lyrique en présentant des artistes d’origine étrangère aussi bien que québécois. Par son implication dans plusieurs secteurs de l’art contemporain au Québec, pendant près de cinquante ans, Gilles Corbeil accompagne le changement des mentalités qui favorise la réalisation de la Révolution tranquille.
EN :
The name Gilles Corbeil (1920-1986) is known mainly because of the art gallery that he managed for over fifteen years (1969-1985) and by the emile Nelligan Foundation set up in 1979. However, these activities of the latter period of his life eclipse his earlier involvement in theatre and music well before he became active in the visual arts.
Son of businessman Émile Corbeil, Gilles grew up in a bourgeois setting. His mother, Gertrude Nelligan, sister of the poet emile Nelligan, died when he was only five years old. His sister Juliette introduced him to the piano and he developed an interest in literature during his classical studies at Saint-Laurent College. in 1937, he joined the Compagnons de Saint-Laurent, a drama company specialized in the Christian repertoire, after which he began his study of the classical authors. From 1947 to 1949, he studied in Paris with Nadia Boulanger. Back in Montréal, he became actively involved in painting ; Paul-Émile Borduas became his mentor. in addition to developing his own practice, he organized expositions at the Lycée Pierre Corneille where he also taught, became the editor of the journal Arts et pensée and prepared the exposition Espace 55 at the Montréal Museum of Fine Arts. He asserted his political convictions and joined the Rassemblement pour l’indépendance nationale in 1961.
Gilles Corbeil defined himself as a dilettante and an amateur and was more interested in the circulation than the collection of works of art. in addition to the income from his inheritance, he put his knowledge of the art world to profit and developed his own commercial practice in the early 1950s. The opening of the Galerie Gilles Corbeil allowed him to display his interest in painting as it developed in the stride of post-automatism. He defended lyrical abstraction by presenting the work of both foreign and Québécois artists. Through his involvement in several sectors of contemporary art in Québec for nearly fifty years, Gilles Corbeil accompanied the change in the way people think that brought on the Quiet Revolution.
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Châtelaine à Expo 67 : chronique de la modernité
Jocelyne Mathieu
p. 257–278
RésuméFR :
Toutes les expositions universelles ont été l’occasion de mettre le monde à jour ; Expo 67 a joué son rôle donnant l’occasion au Québec de se valoriser et de se comparer. Le magazine Châtelaine s’est voulu complice de la vision nouvelle de soi et des autres, ce qui servait bien sa mission. Les six mois pendant lesquels plus de 50 millions de visiteurs ont déambulé à Expo 67 se sont avérés un moment favorable aux changements dans la vie quotidienne des Québécois et plus particulièrement des Québécoises. Nous proposons d’examiner de plus près Châtelaine durant cette période en nous attardant à l’année de l’exposition universelle et internationale de 1967, couramment nommée Expo 67. À cette époque, on assiste à un bouleversement des idées reçues, à l’intrusion de modes au quotidien et, par conséquent, à l’apparition de nouveaux genres de vie. La notion de modernité s’impose comme une nécessité qui s’inscrit dans un processus de mise à distance des habitus et des coutumes et par l’absorption de modèles internationaux. La modernité s’affiche comme libératrice du poids du temps, signifie le nouveau et donne préséance à l’individuel. Les magazines comme Châtelaine contribuent à l’éducation continue de leur lectorat. Durant la période de transition que sont les années 1960, les changements proposés s’inscrivent dans l’esprit de la Révolution tranquille, en quête de modernité et d’une ouverture explicite au monde.
EN :
Every Universal exhibition has been an opportunity to bring society up-todate ; Expo 67, for example, played its role by allowing Québec to compare itself to others and become aware of its own value. The magazine Châtelaine supported this new vision of self and others, an approach that served its mission well. The six months during which more than 50 million visitors attended Expo 67 became a time of change in the daily lives of all Quebecers, but especially the province’s female population. We will be looking closely at Châtelaine during the period in question, and will pay particular attention to 1967, the year of the international and Universal exposition, commonly known as Expo 67. it was a time when preconceived notions were challenged, when fashion intruded into daily life, and when new lifestyles emerged. The notion of modernity is a necessity that forms part of the process of moving away from habits and customs, and assimilating international models. Modernity is also a means of liberation from the weight of time, and a sign of new times, when individuality takes precedence. Magazines such as Châtelaine help educate their readership on an ongoing basis. During the period of transition in the 1960s, the proposed changes were a reflection of the Quiet Revolution, when society sought modernity and became explicitly more open to the world.
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Loisir, culture, villégiature et tourisme dans les budgets des ménages québécois, 1969-2006
Simon Langlois
p. 279–306
RésuméFR :
Quatre ensembles de dépenses – pour la culture, le loisir, la villégiature et le tourisme – effectuées au sein du foyer et en dehors, ont occupé une place grandissante dans les budgets des ménages québécois au cours de la seconde moitié du XXe siècle. La fréquence des débours, les sommes affectées aux différents types de consommation, l’importance relative et la structure d’ensemble des dépenses sont étudiées. Les dépenses pour le loisir sont les plus importantes mais en régression dans le temps. La villégiature et le tourisme sont des activités en forte croissance tant en volume qu’en fréquence de consommation. D’autres activités comme le cinéma et les consommations à caractère culturel prennent place de plus en plus au sein du domicile, maintenant bien équipé avec une panoplie de biens électroniques utilisés afin de meubler les temps libres. Le contenu de ces fonctions de consommation est devenu très diversifié. Des changements dans les modes de vie et dans la structure de la population – hausse du revenu discrétionnaire, baisse de la fécondité, augmentation du nombre de retraités – de même que le développement de l’offre de produits et services nouveaux par le système de production expliquent l’extension considérable des dépenses pour le loisir et la culture dans les budgets des ménages. La consommation apparaît davantage individualisée, un aspect lié notamment à l’avènement de nouveaux équipements électroniques au domicile et dans la vie privée.
EN :
During the second half of the 20th century, an increasingly large part of the Québécois household budget was taken up by four sets of expenses : culture, leisure, vacations and tourism. The article examines outlay frequency, the sums allocated to different consumption types and the relative importance and overall structure of these expenses. Leisure expenses were highest but regressed over time. Vacations and tourism showed growth both in terms of volume and consumption frequency. Other activities such as cinema and culturally related consumption occurred increasingly within the home, now well equipped with a whole array of electronic devices for use during spare time. The contents of these consumption functions became more and more diversified. The considerable expansion of spending for leisure and culture in household budgets may be explained by changes in lifestyle and population structure – an increase in discretionary income, a decrease in fecundity, and an increase in the number of retired people – and by an increase in the supply of new products and services. Consumption became more individualized as more and more electronic equipment entered the home and private life.
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Chronique de la recherche des Dix
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Les Amis des Dix
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Index général