
Numéro 57, 2003
Sommaire (14 articles)
In memoriam
Tradition et modernité dans la culture québécoise au XXe siècle
-
La politique culturelle d'Athanase David, 1919-1936
Fernand Harvey
p. 31–83
RésuméFR :
Athanase David fut secrétaire de la province de Québec de 1919 à 1936 à l'époque du gouvernement libéral dirigé par Louis-Alexandre Taschereau. Dès son arrivée à la tête de ce ministère, David fait adopter une série de lois dans le but de favoriser le développement culturel du Québec: création des Bourses d'Europe pour favoriser le perfectionnement des diplômés universitaires et des artistes en France, bonification des Prix d'Europe pour les musiciens, développement d'un service d'archives provinciales, création d'une Commission des monuments historiques, construction du Musée du Québec, mise sur pied d'un enseignement supérieur des beaux-arts à Québec et à Montréal, institutionnalisation des Prix David pour les plus méritants, aide ponctuelle à la vie musicale et à divers organismes culturels et soutien à la création d'une émission de radio éducative et culturelle, « L'heure provinciale ». Profitant d'une conjoncture économique favorable au cours des années 1920 et malgré les difficultés de la crise économique des années 1930, David s'est employé durant 15 ans à soutenir l'émergence de nouvelles élites culturelles et à mettre sur pied les premières institutions culturelles d'État. Il a encouragé l'émergence d'une littérature et d'un art canadien, tout en puisant dans l'expertise française.
EN :
Athanase David was Secretary of the province of Quebec from 1919 to 1936 during the reign of Louis-Joseph Taschereau's Liberal government. From the very beginning, David passed a series of laws in order to promote Quebec's cultural development: the creation of the "Bourses d'Europe" to encourage the professional development of university graduates and artists in France, increases in the "Prix d'Europe" for musicians, the establishment of a provincial archives service, the creation of the Historic Monuments Commission, the construction of the Musée du Québec, the foundation of post-graduate studies in the fine arts in Quebec City and Montreal, the institutionalisation of the "Prix David" for merit, selective assistance for music and several cultural organisations in addition to support for the creation of an educational and cultural radio show, "L'heure provinciale". Taking advantage of the favourable economic circumstances of the 1920s and despite the Depression of the 1930s, David worked for 15 years towards the emergence of a new cultural elite and the establishment of the first state cultural institutions. He encouraged the rise of Canadian art and literature by drawing on the expertise of the French.
-
Les Soirées-Mathieu (1930-1935)
Marie-Thérèse Lefebvre
p. 85–118
RésuméFR :
Le compositeur québécois Rodolphe Mathieu (1890-1962) est peu connu. Pionnier de la modernité musicale au Québec, il joint le groupe des modernes dès 1915 et compose l'essentiel de son oeuvre avant 1933. Membre de la communauté intellectuelle et artistique montréalaise, il écrit plusieurs textes où apparaissent les premières réflexions sur le processus de la création. Au courant régionaliste qui prône le retour au folklore comme source d'inspiration d'une musique typiquement canadienne, il oppose une démarche créatrice qui vise l'originalité et l'individualité. Convaincu que le développement intellectuel devait passer par la discussion et la confrontation des idées, il organise entre 1930 et 1935 les Soirées-Mathieu, un lieu pluridisciplinaire qui met en lumière le réseau de sociabilité du compositeur. Parmi les invités, on note la présence d'André Laurendeau qui fut son élève. L'étude du rapport de Laurendeau à la musique révèle qu'il caressa l'idée d'une carrière musicale avant de s'engager définitivement dans la voie du journalisme politique.
EN :
The Quebec composer Rodolphe Mathieu (1890-1962) is but little known. A pioneer of musical modernity in Quebec, he joined the modern group in 1915 and composed most of his works before 1933. A member of Montreal's intellectual and artistic community, he wrote several texts in which appear some of the first reflections on the creative process. While a regionalist tendency advocated a return to folklore as a source of inspiration for typically Canadian music, he chose to promote a creative course which aimed at originality and individuality. Convinced that intellectual development necessarily came from discussion and the confrontation of ideas, between 1930 and 1935 he organised the "Soirées Mathieu", multidisciplinary moments that featured the composer's extended social network. Among the guests was André Laurendeau, one of his students. The study of the relationship between Laurendeau and music shows that he envisaged a musical career before he committed himself to political journalism.
-
L'éducation familiale et la valorisation du quotidien des femmes au XXe siècle
Jocelyne Mathieu
p. 119–150
RésuméFR :
Les programmes d'enseignement ménager, d'éducation familiale ou d'économie domestique ont été conçus particulièrement pour instruire et éduquer les filles afin de les préparer à devenir des «femmes dépareillées». Au Québec, la première école ménagère ouvre en 1882 et les derniers instituts familiaux ferment à la fin des années 1960. Plusieurs principes sous-tendent cet enseignement et au-delà des savoirs et des savoir-faire s'impose un savoir être. L'hygiène qui, au XIXe siècle et au début du XXe, fait l'objet de campagnes d'information et d'un travail assidu des médecins auprès de la population accablée par plusieurs épidémies, ainsi que la propreté sont au coeur d'un savoir-faire fondamental tant pour le corps, la maison, l'alimentation que le vêtement. Le développement des Instituts familiaux durant les années 1940 et 1950 fera en sorte que le savoir de base, traditionnel et modernisé, sera inscrit dans une formation générale, qui dépasse assez largement les savoir-faire. Tout l'enseignement développé vise à modeler une femme qui sait tout et qui peut répondre à tout; celle qui gouverne la maison, qui sait compter et sur qui l'on peut compter; celle qui est habile en tout et qui attire l'admiration de tous. En somme, une personne idéale qui n'a aucune raison de souhaiter mieux.
EN :
The teaching programmes for housekeeping, family education, and household economy were established specifically to instruct and educate girls in order to prepare them to become "exceptional women." The first housekeeping school in the province of Quebec opened its doors in 1882 and the last family institutes closed in 1967. Several principles inspired this teaching and beyond knowledge and know-how there could be found notions of how to live. Hygiene, which in the nineteenth century and early twentieth century was the subject of campaigns of public education and a primary objective of doctors working with a population hit by several epidemics, and cleanliness are at the heart of fundamental know-how as much for the body as for the home, for food and for clothing. The development of family institutes in the 1940s and 1950s was such that basic knowledge, both traditional and modern, was included in general training which went well beyond mere technical questions. This expanded teaching sought to create a woman who knew everything and who therefore could respond to every situation ; she who governed the home, who knew how to count and upon whom everyone could count ; she who was skilful in everything and who was admired by all. In short, an ideal person who had no reason to hope for better but who could not be replaced.
-
De Toulouse à Limoilou: un itinéraire capucin (1902-1934) : deuxième partie: la bure, l'église et la cité
Gilles Gallichan
p. 151–204
RésuméFR :
À leur arrivée à Limoilou en 1902, les capucins toulousains héritent d'une paroisse pauvre au bord de la banqueroute. Avec prudence, ils relèvent les finances malgré de nombreuses difficultés dont un grave incendie qui ravage l'église Saint-Charles en 1916. Leur oeuvre pastorale vise un encadrement moral et social du milieu en pleine expansion. En 30 ans, la population du quartier est multipliée par vingt et de nouvelles paroisses sont fondées. L'action des capucins déborde le cadre religieux, animant la vie culturelle et communautaire et les engageant dans l'action sociale directe en particulier pendant la crise économique de 1930. Au fil des années, la communauté se « canadianise ». Le noviciat établi à Limoilou en 1903, permet une adaptation de l'ordre des frères mineurs capucins aux réalités locales et, après un « régime français » de 30 ans, les postes de curé et de gardien du couvent passent définitivement aux mains des Québécois en 1934.
EN :
Upon their arrival in Limoilou in 1902, the Capuchin monks from Toulouse inherited a poor parish on the verge of bankruptcy. They carefully redressed the finances of the parish despite numerous obstacles such as a serious fire which destroyed St. Charles church in 1916. Their pastoral work aimed at creating a social and moral framework in a rapidly changing society. Within 30 years, Limoilou's population had increased twenty-fold and new parishes were established. The work of the Capuchins went beyond the religious, embracing both cultural and community life while engaging in direct social action particularly during the Depression of 1930. Over the years, the order has become "Canadianized." The novitiate founded in Limoilou in 1903 provided a period of adaptation for young Capuchin brothers to adjust to local circumstances and after a "French regime" of 30 years, the positions of parish priest and convent guardian were in 1934 filled by natives of Quebec.
-
Le philosophe André Dagenais devant la critique
Pierre Trépanier
p. 205–262
RésuméFR :
La philosophie d'André Dagenais, le triadisme, est un spiritualisme dialectique d'inspiration augustino-scotiste. Fruit d'une élaboration persévérante, par « tâtonnements orientés », en de multiples livres, brochures et articles, elle heurte à la fois la modernité positiviste et un certain catholicisme thomiste. Elle suscite donc un double contingent d'adversaires, qui domineront la réception critique de l'oeuvre et refuseront d'engager sérieusement le dialogue avec le philosophe. Avant la Révolution tranquille, la critique conservatrice, dans l'ensemble, accueille favorablement une pensée qui ne révèle pas encore tout son potentiel contestataire, du moins jusqu'à la publication de l'Emmanuel, en 1956. À partir de ce moment, elle hésitera entre la condamnation, la condescendance et le silence, avec toutefois de notables exceptions. Ainsi, pendant de nombreuses années, le chanoine Lionel Groulx, le clerc de Saint-Viateur Gustave Lamarche et le jésuite Thomas Mignault entoureront le philosophe de leur sympathie fidèle et active. Du côté des « modernes », deux événements en sens contraire se produisent en 1963 et 1964. L'essayiste Guy Sylvestre se livre à un éreintement injuste de la production de Dagenais tandis que la parution de Vingt-quatre défauts thomistes brouille les cartes: d'aucuns ont vu un brûlot anticlérical là où il y avait, pour l'essentiel, une invitation pressante au pluralisme intra-ecclésial. Au cours des dernières décennies, malgré de rares appréciations assez bienveillantes, l'indifférence l'emporte sur l'hostilité. Mais l'oeuvre reste, enhardie par la rencontre du teilhardisme. Probe, exaltante, non-conformiste, elle intéressera les chercheurs de Sagesse, surtout les exemplaristes. Depuis Platon et Augustin jusqu'à Teilhard de Chardin et André Dagenais, ces derniers, en effet, ne cessent d'approfondir la doctrine de la participation dans leur quête du Bien Intelligible.
EN :
André Dagenais's philosophy, "le triadisme," is dialectic spiritualism of Augustinian-Scotist inspiration. The product of persistent elaboration through "educated trial and error" in numerous books, pamphlets, and articles, it was confronted both by positivist modernity and a certain Thomist Catholicism. This philosophy was opposed therefore by a dual contingent of adversaries that dominated the critical reception of its works and refused to engage in serious dialogue with the philosopher. Before the Quiet Revolution, criticism coming from conservative quarters was generally favourable towards this thought which had yet to reveal its contestatory potential at least until the publication of L'Emmanuel in 1956. From that moment onwards, conservative criticism oscillated between condemnation, condescension, and silence with some notable exceptions. Indeed, for several years, Lionel Groulx, the Clerc de Saint-Viateur Gustave Lamarche, and the Jesuit Thomas Mignault were actively sympathetic to the philosopher. From the "modern" point of view, two events of a contrary nature occurred in 1963 and 1964. The essayist Guy Sylvestre pulled Dagenais's work to pieces while the publication of Vingt-quatre défauts thomistes confused the issue: whereas some saw inflammatory anticlericalism it is essentially a pressing invitation to intra-ecclesial pluralism. Over the last few decades, despite a few rather positive reviews, indifference has replaced hostility. But this work remains and is strengthened by the influence of Teilhardism. Upright, noble, and nonconformist, this philosophy will interest searchers of Wisdom, especially Exemplarists. All, from Plato and St. Augustine up to Teilhard de Chardin and André Dagenais, continue to develop the doctrine of participation in their search for the Intelligible Good.
Zone libre
-
Un aspect inconnu du débat autour de la bibliothèque publique à Montréal: la Montreal Free Library (1889- )
Yvan Lamonde
p. 263–271
RésuméFR :
La Montreal Free Library (1889- ) n'a jamais été mentionnée dans les études canadiennes et québécoises sur les bibliothèques. Son qualificatif de bibliothèque « gratuite » pose des questions nouvelles à propos de l'établissement d'une bibliothèque publique (1917) à Montréal, et avant même la fondation de la Westmount Public Library (1899). L'article fait l'histoire de cette bibliothèque, analyse le contenu de ses catalogues et l'inattendue proéminence du roman tout en dégageant la signification de cette gratuité dans le contexte de l'histoire des bibliothèques à Montréal à la fin du XIXe siècle.
EN :
The Montreal Free Library (1889-) has never been mentioned in studies on libraries in Quebec and Canada. Its "free" quality raises new questions concerning the establishment of a public library in Montreal (1917) well before the foundation of the Westmount Public Library (1899). The article traces the history of this library, analyses the contents of its catalogues (and the unexpected prominence of the novel) while showing the significance of its being "free" in the context of the history of libraries in Montreal at the end of the nineteenth century.
-
1655 : Raid Agnier sur l'île aux Oies
Marcel Moussette
p. 273–297
RésuméFR :
Le raid perpétré par un groupe d'Iroquois sur l'établissement naissant de l'île aux Oies, en 1655, aurait pu passer pour un triste événement parmi bien d'autres, durant cette pénible période d'hostilités entre Français et Iroquois. Cependant, outre le massacre du seigneur Moyen et de son épouse, l'enlèvement de leurs trois enfants et de deux autres d'une famille de colons, suivi par leur libération grâce à l'initiative d'habitants de Ville-Marie, a retenu l'attention de plusieurs auteurs de l'époque qui en ont fait le récit. Par la suite, l'incident a été oublié et ce n'est qu'aux XIXe et XXe siècles que certains historiens le rappelèrent dans leurs écrits. C'est la construction de ce récit et son inscription dans la mémoire collective à différentes époques qui sont examinées dans cet article.
EN :
The raid perpetrated by a party of Iroquois on the new settlement of Ile aux Oies could have been perceived simply as another sad event among so many others during that painful period of war between the French and the Iroquois. However, in addition to the massacre of seigneur Moyen and his wife, there was kidnapping of their three children and two others from a family of settlers, followed by their eventual liberation through the efforts of people in Ville-Marie (Montreal). This chain of events was noticed at the time by several authors who recounted the story. Later, the incident was forgotten and it was only in the XIXth and XXth centuries that some historians began to mention it in their writings. The construction of this story and its inscription in the collective memory at different times are examined in this article.
-
Philippe Aubert de Gaspé ou les affaires du «bon gentilhomme»
Roger Le Moine
p. 299–321
RésuméFR :
Dans son célèbre roman Les Anciens Canadiens, Philippe Aubert de Gaspé (1786-1871) par le truchement de Monsieur d'Egmont en qui on a reconnu l'auteur, veut laisser croire qu'il a été victime de « faux amis » alors qu'il a été l'artisan de son propre malheur. Dès les débuts de sa carrière d'avocat, il multiplie les dettes et vit au-dessus de ses moyens. Les expédients financiers l'amènent à des actions douteuses, puis franchement illégales envers les membres de sa famille, les clients et, dans le cadre de sa pratique professionnelle à titre de shérif, envers le gouvernement. Ses défalcations malhonnêtes contribuent notamment à la ruine de Joseph-François Perrault qui avait entrepris la mise sur pied d'écoles au bénéfice de la jeunesse du Bas-Canada. Destitué et accusé de malversation, Aubert de Gaspé se réfugie à Saint-Jean-Port-Joli. La justice met plusieurs années à l'atteindre, mais des actions sont prises contre lui. Il doit faire face à la justice et purger une peine d'emprisonnement à Québec entre 1838 et 1841.
EN :
In his famous novel, Les Anciens Canadiens, Philippe Aubert de Gaspé (1786-1871) refers to the financial difficulties of his main character, monsieur d'Egmont, perhaps all the while thinking of his own problems with his numerous creditors. In fact, from the very beginning of his career as a lawyer, the future seigneur of Saint-Jean-Port-Joli accumulated a multitude of debts and lived well beyond his means. Financial expedients caused him to perform some dubious and then outright illegal acts towards family members, clients, and in his professional capacity as sheriff, the government. This dishonest behaviour was notably the cause of Joseph-François Perrault's financial ruin, he who had begun to establish schools for the youth of Lower Canada. Destitute and accused of embezzlement, Aubert de Gaspé escaped to his domain. After a period covering several years, the law finally caught up with him and legal action was taken. He ended up serving a prison sentence at Quebec from 1838 to 1841.
-
Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1757-1810), aventurier du livre et de l'estampe : deuxième partie: du costume à la tenue d'Ève
Bernard Andrès
p. 323–352
RésuméFR :
Des Grasset de Saint-Sauveur, on connaît surtout André (1758-1792), martyr de la Révolution française, béatifié en 1926 et dont un collège porte aujourd'hui le nom. Cet article concerne plutôt son frère aîné, personnage à l'antipode: Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1757-1810), dont j'ai esquissé le parcours editorial dans le précédent Cahier des Dix (2002). Le présent article s'arrête à certaines de ses oeuvres en montrant ce qu'elles doivent à l'époque et ce qu'elles introduisent aussi de nouveau dans l'espace littéraire et éditorial (surtout si l'on songe qu'elles sont le fait d'un Montréalais de naissance). On y voit l'importance que cet entreprenant auteur, graveur et compilateur accorde au costume dans ses Encyclopédies des voyages [...], Voyages pittoresques [...], Fastes du peuple français [...], Tableaux cosmographiques [...] et autres Tableaux des principaux peuples [...]. L'article étudie également ce que dit Grasset des Canadiens dans le tome V (Amérique) de l'Encyclopédie des voyages (1796): il n'y est pas question de ses lointains compatriotes francophones, mais des seuls « Sauvages » de l'Amérique, comme si sa perception du Canada (et l'image qu'il veut en donner aux Européens) avait occulté la présence des colons de la province, pourtant implantés là depuis des générations. De plus, l'image qu'il donne des Amérindiens est-elle bien fidèle, où s'inspire-t-elle plutôt d'une tradition antiquisante de l'iconographie concernant ce sujet fort prisé à l'époque? Tout se passe en fait comme si le critère général des publications de Grasset était le «pittoresque». Toutefois, Grasset ne se contente pas de suivre la mode: il témoigne aussi sur certains sujets d'une pensée d'avant-garde, qu'il s'agisse de sa perception des Noirs en Afrique, ou surtout du récit libertin qu'on lui attribue : Hortense ou la jolie courtisane [...]. Dans ce récit rocambolesque sur les mésaventures amoureuses d'une Européenne perdue aux Amériques avec le « nègre Zéphire », peut se lire toute une réflexion sur les mariages interraciaux. Le Blanc n'y impose pas toujours ses valeurs et l'acculturation, pour Grasset, s'effectue aussi bien dans les deux sens. Autant de découvertes qui nous invitent à mieux connaître cet auteur d'origine canadienne dont l'oeuvre mériterait à coup sûr d'être rééditée et systématiquement analysée.
EN :
Of the Grasset de Saint-Sauveur family, André (1758-1792) is the most well known member. He was not only a martyr of the French Revolution who was beatified in 1926 but a college was also named after him. This article, however, is about his older brother, a character his exact opposite: Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1757-1810) whose editorial career was outlined in the last Cahiers des Dix (2002). This essay examines some of his works by showing the period's influence on them and that which they introduced as novel in the literary and editorial world of the era (especially when we take into account the fact that these works are the product of a writer who was born in Montreal). We see the importance that this enterprising author, engraver, and compiler placed on costumes in his Encyclopédie des voyages [...], Voyages pittoresques [...], Fastes du peuple français [...], Tableaux cosmographiques [...], and other Tableaux des principaux peuples [...]. The article also analyses what Grasset says about the Canadians in tome V (America) of l'Encyclopédie des voyages (1796): here we do not learn about his French-speaking compatriots but only about the "Sauvages" of America, as if his perception of Canada (and the image he wants to present to Europeans) had concealed the settlers in the province even though they had been there for generations. Also, is his image of the Amerindians an accurate one or rather does it flow from an antiquarian tradition regarding the iconography of this very popular subject in the period? In fact, it appears as though the general criteria for Grasset's publications was the "picturesque." However, Grasset does more than simply follow the fashion of the times: he is decidedly avant-gardist when he reveals his views on the Blacks in Africa and especially in the libertine text attributed to him: Hortense et la jolie courtisane [...]. In this fantastic story about a European woman lost in America in the company of the "nègre Zéphire", the reader is treated to reflections on interracial marriages. Here, the White man does not always impose his value system and acculturation for Grasset is a two-way street. These are some of the many discoveries that invite us to get to know this Canadian author better and whose works definitely deserve to be published again and systematically analysed.