C’est peu dire que l’ouvrage de M. Pierre Céré ne nous a pas laissé indifférent. Au-delà de son titre marquant et accrocheur, Voyage au bout de la mine. Le scandale de la Fonderie Horne, l’auteur propose une enquête approfondie – de l’aveu de l’auteur lui-même (p. 19) – sur l’histoire de la fonderie Horne et met en lumière les multiples situations qualifiées à juste titre de « compromis, passe-droits, impunité, laisser-faire » (p. 12) par le préfacier de l’ouvrage, le professeur Alain Denault. Alors que la fonderie Horne a occupé l’actualité ces dernières années pour la pollution qu’elle a causée et que les articles de presse se sont succédé pointant du doigt l’usine et les effets de son activité sur la santé de la population de Rouyn-Noranda, l’ouvrage tombe à point nommé. Cri du coeur de l’auteur lui-même originaire de Rouyn-Noranda, il propose de savoir ce qui s’est passé des années 80 jusqu’à nos jours. Loin du sensationnalisme, M. Céré prend un temps salutaire à la réflexion, celui de l’arrêt. En effet, l’ouvrage s’arrête sur l’histoire de ce « plus grand pollueur du Québec » qu’est la fonderie Horne (p. 60), sur ses liens étroits avec la classe politique québécoise et sur les conséquences de ses activités (conséquences connues depuis le milieu des années 80). Pour ceux et celles qui souhaitent simplement en apprendre davantage sur l’émergence de l’industrie extractive dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, l’analyse de M. Céré est enrichissante. L’histoire des villes de Rouyn et de Noranda (ce dernier nom étant issu d’une erreur de transcription) est particulièrement bien exposée aux pages 29 et suivantes, permettant de prendre conscience de l’importance de ce secteur d’activité (véritable « moteur de développement » : p. 29) pour cette région et de mieux comprendre les réactions parfois ambivalentes de la population locale face à la fonderie Horne. Nous devons concéder que la lecture de l’ouvrage de quelque 240 pages est agréable. Le style est direct, dynamique et vivant, donnant l’impression d’un reportage, alternant parties rédigées par l’auteur, extraits de documents et de citations, et entrevues. Si l’ouvrage frôle le militantisme tant le propos est assumé, il est richement documenté (sans l’alourdir inutilement) avec plus de 500 notes d’origine variée, qui viennent utilement renforcer la solidité des arguments avancés par l’auteur. L’ouvrage est conçu pour être lu et être compris, la preuve en est l’utilisation d’extraits de quelques lignes figurant en gras sur une page. À l’issue de la lecture, l’auditoire est déjà convaincu par l’auteur, celui-ci appelant à une réflexion profonde sur le modèle économique de demain plaçant l’humain, sa santé et son environnement au coeur de l’équation. L’ouvrage peut sembler éloigné de la sphère d’intérêt des juristes. Pourtant, il n’en est rien à notre avis. Il aborde le droit et la norme dans leur rôle social, tout autant que dans leur contribution à la construction de la responsabilité sociale des entreprises (plus connue sous le sigle « RSE »). L’ouvrage de M. Céré est porteur de plusieurs enseignements qui démontre une forme d’incapacité du droit – et du politique – (ce qui s’avère plus inquiétant au regard des enjeux sociétaux de notre époque), mais pas forcément de la normativité. En premier lieu, le droit demeure fondamentalement une science de l’organisation de la vie en Société. Il a donc son rôle à jouer dans le cas de la fonderie Horne d’autant que, comme le souligne l’auteur (sources à l’appui), « [d]epuis 45 ans, de nombreux rapports ont été produits sur l’état de contamination ambiante à Rouyn-Noranda et ses effets sur la santé publique ainsi que sur la santé environnementale » …
Pierre Céré, Voyage au bout de la mine. Le scandale de la Fonderie Horne, Montréal, Les Éditions Écosociété, 2023, 276 p., ISBN 978-2-89719-879-4.
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Ivan Tchotourian
Université Laval
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