Résumés
Résumé
L’auteur livre ici une critique jurilinguistique ou métajuridique de la notion ou de la qualification de « contrat par adhésion », proposée au début du xxe siècle par Georges Dereux en remplacement de celle de « contrat d’adhésion » qui a été consacrée par le législateur. En effet, pour Dereux et ses continuateurs, la qualification de « contrat d’adhésion » est une notion grammaticalement inexacte qui violerait les règles élémentaires de la syntaxe. À travers le prisme de la linguistique et de la philosophie du langage, il ressort toutefois que la critique dereusienne n’a de pertinence qu’en apparence. Elle méconnaît précisément certains usages du langage et les spécificités du « Droit » en tant qu’acte de langage et de communication. Au-delà de la qualification de « contrat d’adhésion », l’étude s’inscrit plus largement dans le champ de la jurilinguistique qui reste une nouvelle discipline, voisine de la légistique, mais encore peu explorée par la doctrine juridique.
Abstract
In this article, the author offers a jurilinguistic or metajuridical critique of the notion or qualification of “contract by adhesion”, proposed at the beginning of the 20th century by Georges Dereux to replace that of “contract of adhesion” enshrined by the legislator. For Dereux and his followers, the term “contract of adhesion” was a grammatically inexact notion that violated the elementary rules of syntax. Through the prism of linguistics and the philosophy of language, however, it becomes clear that Dereux’s criticism is only superficially relevant. It ignores certain uses of language and the specific features of “law” as an act of language and communication. Beyond the qualification of “contract of adhesion”, the study is part of the broader field of jurilinguistics, which remains a new discipline, close to legistics, but still little explored by legal doctrine.
Resumen
El autor propone aquí una crítica jurilingüística o metajurídica de la noción (o de la cualificación) del « contrato por adhesión » propuesta a principios del siglo XX por Georges Dereux, para reemplazar la del « contrato de adhesión » que ha sido consagrada por el legislador. De hecho, para Dereux y sus sucesores, la cualificación de « contrato de adhesión » es una noción gramaticalmente inexacta que infringiría las reglas básicas de la sintaxis. No obstante, a través del prisma de la lingüística y de la filosofía del lenguaje, se desprende que la crítica de Dereux es relevante sólo en apariencia, ya que justamente ignora algunos usos del lenguaje y las especificidades del « Derecho » como acto de lenguaje y de comunicación. El estudio se ha inscrito de forma más amplia en el ámbito de la jurilingüística, que es una disciplina nueva, próxima a la legística, pero aún poco explorada por la doctrina jurídica.
Corps de l’article
Depuis son apparition au début du xxe siècle, la notion de « contrat d’adhésion » a tant déchaîné les passions dans la doctrine juridique[1]. Alors que les juristes sont habitués à utiliser dogmatiquement les concepts ou les qualifications juridiques, sans recul épistémologique ni distanciation critique sur leur fondement linguistique, certaines critiques les plus inattendues se sont situées sur le terrain de la grammaire. Ces dernières ont estimé que le « contrat d’adhésion » devrait être requalifié de « contrat par adhésion ».
En effet, au-delà de la contestation de la qualification même de « contrat », qui oppose historiquement les thèses anticontractualiste, contractualiste et hybridiste[2], le « contrat d’adhésion » a pu être perçu comme une notion grammaticalement inexacte depuis les travaux de Georges Dereux[3], aujourd’hui repris par une frange de la doctrine contestataire[4]. Lui préférant la notion de « contrat par adhésion », Dereux et ses continuateurs considèrent la notion, devenue classique, de « contrat d’adhésion » comme une agrammaticalité, voire un solécisme[5] ou une erreur de langage qui contreviendrait à une règle de syntaxe. La préposition « de » attribuerait à la notion de « contrat d’adhésion » un faux sens, un contresens ou même un non-sens selon le degré de perception de l’auditoire[6]. La faute de syntaxe déteindrait en l’espèce sur la sémantique de la notion, en la faussant[7].
La linguistique étant en partie une science normative ou prescriptive[8] comme le « Droit[9] », cette critique que nous qualifierons, par éponymie, de « dereusienne » s’inscrit dans le contexte de la grammaire dite normative ou prescriptive. Celle-ci juge un énoncé vrai ou faux ou prescrit ce que doit être un énoncé exact, selon les normes ou les règles de langage préétablies institutionnellement par la doctrine la plus autorisée ou l’académie de la langue[10], et cela, par opposition à la grammaire dite descriptive qui se contente de décrire le fonctionnement d’un langage, sans aucun jugement de valeur ni jugement de vérité[11].
Ainsi, la présente étude n’a pas tant pour objet de remettre en cause la qualification ou la dimension contractuelle, désormais acquise du « contrat d’adhésion », mais plutôt à questionner la formulation syntaxique de cette qualification en tant qu’énoncé, à la fois linguistique et juridique. Il faut le souligner, le « contrat d’adhésion » est désormais un « contrat », au sens juridique du terme. Certes, il l’est moins par la volonté commune des parties que par l’effet, la détermination ou l’autorité de la loi, mais il n’en demeure pas moins un « contrat » parce que le Droit positif l’a définitivement qualifié, consacré ou institué comme tel, en y attachant des conséquences « contractuelles » dans l’ordre juridique.
La question n’est donc plus celle de la contractualité du « contrat d’adhésion », mais bien celle de la grammaticalité même de cette notion ou qualification juridique, c’est-à-dire de son exactitude syntaxique en tant qu’énoncé linguistique et juridique. Autrement dit, la notion ou qualification juridique de « contrat d’adhésion » est-elle ou devrait-elle être conforme aux règles de la grammaire dite prescriptive ? La syntaxe désigne ou étudie la disposition des mots d’un énoncé[12], ce dernier n’étant pas le produit d’un assemblage arbitraire des mots, auquel cas on ouvrirait la porte à toute sorte de charabia ou galimatias, mais une suite qui obéit à une certaine logique ou à un ordre combinatoire sur le plan linguistique[13]. Dans un même ordre d’idées, la question consiste aussi à savoir si tout énoncé du langage juridique, ou plus généralement le Droit en tant que forme de langage artificiel ou langage spécialisé, est astreint aux mêmes règles d’énonciation (de diction, d’écriture ou de disposition) que les énoncés du langage commun, aussi appelé « langage naturel[14] ».
Par ricochet, la question pourrait également se poser de savoir si le Droit comme type particulier de langage fictionnel ou métaphorique[15] – de surcroît, langage d’autorité, de pouvoir ou de commandement – peut créer ou générer, par l’usage, ses propres normes de langage, voire de nouvelles normes d’énonciation, dissymétriques ou asymétriques par rapport aux normes classiques d’énonciation du langage commun. L’analyse de la structure morphosyntaxique de la qualification juridique de « contrat d’adhésion » nous permettra de répondre à ce questionnement, sans pour autant nier l’évidence que le langage juridique, nonobstant les spécificités inhérentes à sa syntaxe, recourt aux mêmes règles de grammaire que le langage commun, voire les autres types de langage spécialisé[16]. Pour ce faire, il convient de présenter de prime abord la thèse de Dereux (partie 1) avant d’exposer successivement des contre-arguments linguistiques (partie 2) et philosophiques (partie 3) qui en limitent la portée.
1 De la thèse du « contrat par adhésion » : un double pari tronqué
Pour Dereux et ses continuateurs[17], il serait plus conforme aux règles de grammaire ou de la syntaxe de parler de « contrat par adhésion » et non de « contrat d’adhésion ». Dereux s’en explique ainsi :
-
[E]n disant « contrat d’adhésion », on a l’air de viser une certaine convention particulière qui serait l’adhésion, et pourrait être mise sur le même pied que le contrat de vente, le contrat de louage, et les autres. En fait, on veut désigner une convention réalisée par la simple adhésion d’une personne à une offre dont elle n’a pu discuter les termes. Nous dirons donc dans cette étude « contrat par adhésion », comme nous disons « testament par acte notarié » ou « commencement de preuve par écrit »[18].
D’un point de vue analytique, la thèse de Dereux repose sur un argument linguistique tiré de la fonction syntaxique des prépositions « par » et « de » en grammaire, fonction que l’auteur transpose dans le langage juridique. La fonction syntaxique désigne le rôle que joue un mot ou un groupe de mots dans la structure grammaticale d’un énoncé[19]. C’est en l’occurrence la fonction que remplissent respectivement les prépositions « par » et « de » dans l’énonciation des qualifications juridiques contractuelles ou la formulation des « groupes nominaux[20] » de qualification des contrats spéciaux et, par voie de conséquence, dans la coconstruction de leur sens en Droit. La préposition désigne en grammaire un mot-outil invariable qui sert à exprimer le rapport d’un terme à un autre sur le plan logique[21]. Elle introduit le plus souvent un complément ou un attribut.
De ce point de vue, la préposition « par » indique ou précise la procédure, la méthode, la manière, le moyen, le mode, le canal ou le procédé de conclusion du contrat[22]. Par exemple, contrat par écrit, contrat par correspondance ou contrat par voie électronique. Ceci à la différence de la préposition « de » qui, selon Dereux, indiquerait l’espèce ou le type, voire l’objet du contrat[23]. Par exemple, contrat de vente, contrat de transport, contrat de bail. Les expansions telles que « par écrit », « par correspondance », « par voie électronique », tout comme « de vente », « de transport », « de bail », agissent en l’espèce comme des « qualifiants » ou des « déterminants marqueurs d’extension[24] », voire des « caractérisants[25] ». Elles remplissent par conséquent une fonction de caractérisation, de spécification ou de classification des contrats.
Bien plus, l’argument purement linguistique de Dereux peut être efficacement projeté sur un plan juridique ou métalinguistique pour sous-tendre la critique de fond souvent faite au contrat d’adhésion quant à l’effritement de la volonté ou à l’emprisonnement de la « liberté » de l’adhérent. En effet, selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), la préposition « par » marque souvent un « point de passage oblig[é][26] ». Or, lorsqu’on sait la façon dont se conclut le contrat d’adhésion où l’adhérent, s’il veut bénéficier des services du stipulant, n’a pas d’autre choix que d’adhérer[27], l’adhésion par l’acceptation des conditions générales du stipulant étant une sorte de « passage obligé » pour l’adhérent[28], on peut conclure que la préposition « par » joue pleinement sa fonction syntaxique et même lexicale[29]. Les formules « on y adhère plutôt que l’on n’y consent[30] », « adhérer ou adhérer[31] », employées par la doctrine pour signifier ce « passage obligatoire » pour l’adhérent, ou « obligation d’adhérer », et plus généralement de « conditions générales[32] », de « clauses non négociables[33] » ou de stipulations imposées ne pouvant être librement négociées[34], qui ont été consacrées par le législateur pour définir le contrat d’adhésion, sont particulièrement saisissantes.
À ce titre, on pourrait noter que la préposition « par » remplit, au-delà de la syntaxe, une certaine fonction épistémique en ce qu’elle participe finalement à la construction d’un discours critique des juristes sur le « contrat d’adhésion », non seulement en tant qu’énoncé ou acte de langage, mais surtout en tant qu’institution ou phénomène juridique jugé « liberticide ». La notion de « contrat par adhésion » peut dès lors paraître pertinente d’un triple point de vue linguistique, juridique et épistémologique. Toutefois, comme nous le découvrirons en faisant appel à des contre-arguments tirés de la linguistique générale et de la philosophie du langage, il n’en est rien.
La critique dereusienne reste un double « pari tronqué » : d’abord, un pari monosémique sur la fonction syntaxique et sémantique de la préposition « de », qu’elle présuppose comme étant « une » en grammaire ; ensuite, un pari monophonique ou monologique, en ce qu’elle méconnaît finalement la « partition » ou le « point de vue » des autres champs de connaissance qui participent en fin de compte à la complétude de l’analyse et de la compréhension du langage juridique. Elle méconnait en effet certains usages du langage et du Droit, voire certaines leçons élémentaires de la linguistique générale et de la philosophie du langage.
2 Les contre-arguments linguistiques
La critique dereusienne de la notion ou qualification de « contrat d’adhésion » n’a de pertinence qu’en apparence. Bien qu’elle semble tomber a priori sous le sens, elle reste sommaire et lacunaire a posteriori. Elle n’épuise pas toutes les fonctions de la préposition en théorie linguistique. À ce titre, il y a lieu de distinguer les contre-arguments tirés de la fonction polysémique de la préposition « de » (2.1) de ceux tirés de la qualification juridique comme métaphore de la réalité (2.2).
2.1 De la fonction syntaxique de la préposition polysémique « de »
La notion ou qualification juridique de « contrat d’adhésion » n’est pas dénuée de sens ou de fondement. Elle existe dans cette formulation syntaxique, entre autres, dans la doctrine en common law, sous l’appellation de « contract of adhesion[35] » – et non « contract by adhesion », comme aurait pu le prétendre la critique dereusienne. On ne peut dire que c’est une espèce de « tradaptation[36] » ou « transdaptation » (Nachdichtung)[37], puisqu’on trouve la même formulation (« contract of adhesion ») dans la version anglaise officielle du Code civil du Québec[38].
En réalité, même d’un point de vue purement linguistique, la critique dereusienne pèche par son « pari monosémique ». Elle considère, à tort, que la préposition « de » ne recèle qu’une seule « signification » ou ne remplit qu’une seule fonction syntaxique dans tous les énoncés qualificatifs en matière contractuelle. Or, en grammaire, « les prépositions ont de nombreux sens phénoménologiques ou sens en emploi, c’est-à-dire plusieurs valeurs intuitives qui varient en fonction de certains aspects du contexte[39] ».
Ces différents « sens en emploi[40] » sont dérivés de certains mécanismes rhétoriques du langage, dont l’analogie et la métaphore. On parle alors de « préposition polysémique », de « polysémie prépositionnelle[41] », de « préposition abstraite » ou d’« instabilité sémantique[42] ». On dit aussi que la préposition sert à exprimer plusieurs relations ou rapports logiques entre deux termes. La préposition « de » en constitue justement une des plus prolifiques[43], tout comme d’ailleurs la préposition « par », auquel cas on pourrait paradoxalement retourner l’argument de Dereux contre lui-même, en faisant observer que la notion de « contrat par adhésion » n’aurait pas forcément le sens qu’il lui attribue, dans certains contextes situationnels, où « par » exprime, non pas un rapport de « moyen/manière », mais de temps, de lieu, de cause ou d’agent[44].
En théorie linguistique, les différentes fonctions ou relations ou encore les divers sens d’une préposition sont, en principe, réputés non exhaustifs, et ce, du fait de la créativité même du langage qui reste impossible à prédire une fois pour toutes, de façon définitive[45]. À ce titre, selon le CNRTL, le terme « de » joue trois principales fonctions à titre de préposition : primo, il peut « prend[re] une valeur sémantique en corrélation avec celle du mot subséquent[46] » ; deuxio, il peut « marque[r] une relation syntaxique ; il est [alors] introducteur de subst[antif], de pron[om] ou d’inf[initif] en fonction de compl[ément], de suj[et], d’attribut, d’appos[ition], ou en fonction expressive[47] » ; tertio, il peut constituer un « élément formateur de loc[utions] adv[erbiales], prépositives, conj[onctives], etc.[48] ». Ce sera autour de ces trois principales fonctions que s’articulera notre analyse linguistique de la critique dereusienne.
De prime abord, l’expression « contrat d’adhésion » correspond à ce que la théorie linguistique appelle une « synapsie[49] », c’est-à-dire une collection de mots liés par le « joncteur[50] » ou « relateur[51] » de, par opposition à un « mot composé » contenant deux termes unis, mais distingués ou distinguables – par exemple, porte-fort, jurisprudence (juris-prudence), juridiction (juris-diction)[52] – ou encore un « mot congloméré » contenant plus de deux termes unis – par exemple, laissé-pour-compte, gendarmes (gens-des-armes)[53]. Dans la synapsie « contrat d’adhésion », le terme « contrat » constitue le déterminé ; la préposition « d’ », le joncteur ou relateur ; et le terme « adhésion », le déterminant, caractérisant ou spécifiant.
Pour Benveniste, considéré comme le père de la synapsie, « [celle-ci] prodigue sans trêve ses créations. Tous les vocabulaires techniques y font appel, et d’autant plus aisément qu’elle seule permet la spécification détaillée du désigné, et la classification des séries par leur trait distinctif. Son extrême flexibilité paradigmatique fait de la synapsie l’instrument par excellence des nomenclatures[54]. »
C’est ainsi que le vocabulaire juridique, à l’instar des autres vocabulaires techniques, recourt régulièrement aux synapsies dans le procédé de la qualification, de la classification ou de la spécification des objets juridiques : contrat de vente, contrat de transport, vol à main armée, etc.
Ensuite, à titre de préposition polysémique, il arrive en grammaire que la préposition « de » « entre en concurrence avec par », où cette dernière exprime, tout comme la première, « le moyen [ou] la manière[55] ». Le terme « adhésion » correspond alors à un « complément du nom » « contrat », plus particulièrement un « complément circonstanciel de moyen[56] » introduit par la préposition « d’ ». Le terme « contrat » est, en l’espèce, ce que la théorie linguistique appelle un « déverbal » ou un « nom déverbal » provenant du verbe « contracter ». Cela fait en sorte que « contrat par adhésion » et « contrat d’adhésion », qui sont des « binominaux déverbaux[57] », veulent dire exactement la même chose, au sens de « contracter » ou « contrat » conclu, par le « moyen » d’une « adhésion ». Le CNRTL indique ainsi que la préposition « de » exprime une « condition préalable » qui peut être « un moyen à partir duquel une chose a ou peut avoir lieu[.] De marque le moyen, l’instrument ou l’intermédiaire. Il signifie “à l’aide de” et entre en concurrence avec par et avec[58] ».
De surcroît, la préposition « de » peut également « introdui[re] un compl[ément] déterminatif[59] », c’est-à-dire exprimer ou préciser la « modalité », le « genre », l’« espèce », le « caractère » ou la « qualité » de quelque chose, au sens de « qualification[60] » ou de détermination de cette qualité. De ce point de vue, le « contrat d’adhésion » qualifie un genre ou un sous-genre abstrait de contrat dont l’adhésion constitue la principale « qualité », le « caractère » ou la modalité » de formation. Et c’est particulièrement sous cet angle de la qualification que la notion de « contrat d’adhésion » garde toute sa pertinence, sur le plan tant linguistique que juridique.
En effet, l’adhésion ou le mode de formation sans négociation (la partie) constitue ici le principal élément de préqualification du contrat (le tout), voire le seul élément de qualification abstraite que la doctrine ou le législateur a bien voulu mettre en exergue à ce stade pour justifier l’application d’un régime juridique spécial à ce sous-genre de contrat. Ceci dans une relation métonymique du tout à la partie ou de la partie au tout, où l’adhésion – en tant que l’une des qualités ou l’un des éléments caractéristiques de ce contrat ou de sa formation (partie) – est utilisée pour préqualifier ou qualifier abstraitement le contrat (tout).
« [E]n parlant d’une partie, d’un ensemble, d’un élément d’un tout[61] », on dit à ce titre que la préposition « de » a une « valeur [ou fonction] partitive[62] », lorsque « [l]e point de départ est un tout [contrat] dont on tire une partie [adhésion][63] ». Le type, l’espèce ou l’objet concret du contrat entrera en scène plus tard, au moment de la finalisation ou de la concrétisation de l’opération de qualification du contrat, à travers l’examen de son contenu obligationnel[64], en vue de déterminer en outre qu’il s’agit d’un contrat de vente, de transport, de bail, etc.
En l’espèce, « contrat d’adhésion » correspond à une qualification générique, préqualification abstraite ou qualification incomplète. Dans l’expression « contrat d’adhésion », l’adhésion ne renvoie pas à l’espèce, au type ou à l’objet du contrat, mais seulement à une sous-catégorie ou à un sous-genre de contrat devant encore faire l’objet d’une qualification spécifique ou concrète, c’est-à-dire être spécifié selon le cas d’espèce (vente, transport, bail, etc.). Il en va de même pour la notion ou qualification générique de « contrat de gré à gré », cette dernière tournure étant devenue une locution juridique (vente de gré à gré, marché de gré à gré, etc.) qui provient de la locution adverbiale figée, éponyme, où est mise en exergue la négociation comme principal élément de préqualification de ce sous-genre ou de cette sous-catégorie de contrat. C’est ainsi qu’un auteur a pu considérer à tort que la qualification de « contrat de gré à gré » ne pouvait à elle seule remettre en cause, à titre de contre-exemple, la critique dereusienne de celle de « contrat par adhésion »[65].
Pourtant, le gré à gré ou la négociation constitue, au même titre que l’adhésion, un moyen de formation du contrat, auquel cas on aurait pu conjecturer, par apriorisme, qu’une hypothétique qualification de « contrat par gré à gré » devrait se substituer à celle de « contrat de gré à gré », pour faire sens. Cela apparaîtrait aujourd’hui comme un faux sens, un contresens ou même un non-sens pour les juristes et les non-juristes tant l’usage juridique de la tournure « contrat de gré à gré » a déjà décidé de ce qui doit être le bon sens depuis son entrée ou son ancrage dans le discours des juristes.
D’ailleurs, on trouve le même type de raisonnement métalinguistique et/ou juridique en ce qui concerne la notion ou qualification juridique de « contrat de consommation ». Là encore, il ne faut pas se fier uniquement à la syntaxe ou au sens littéral d’un terme ou d’une expression au détriment du contexte juridique pour conclure trop facilement, en suivant la critique dereusienne, que la « consommation » est l’espèce, le type ou l’objet véritable du contrat, car l’apparence se révèle ici fort trompeuse. Si tel était effectivement le cas dans le raisonnement du législateur, la qualification juridique de « contrat de consommation », tout comme celle de « contrat d’adhésion », serait autosuffisante, de sorte qu’il n’y aurait plus besoin de compléter, de préciser ou de spécifier en outre que c’est un contrat de vente, de transport, etc.
De plus, si l’on s’en tenait à ce point de vue biaisé basé uniquement sur la syntaxe ou le sens littéral, la qualification juridique de « contrat de consommation » renverrait à « tous les contrats de consommation des biens et services », y compris donc entre commerçants ou professionnels. Or, une telle qualification juridique, selon le législateur, ne vaut que pour les seuls « contrats de consommation » entre personnes physiques qui se procurent un bien ou un service pour un usage personnel, non professionnel ou non commercial[66].
L’espèce, le type ou l’objet juridique du « contrat de consommation », qui n’est donc pas la « consommation », comme le laisserait présager la structure syntaxique ou le sens littéral de sa qualification juridique prise de façon abstraite, ne sera déterminé que postérieurement à travers une analyse concrète de son contenu obligationnel, auquel cas cela pourrait être un contrat de vente, de transport, etc. L’expression « contrat de consommation » s’avère en réalité, au même titre que « contrat d’adhésion », une simple qualification générique à laquelle viendra se greffer une qualification spécifique du type vente, transport, etc.[67].
La qualification juridique ou plus exactement la « qualification générique » de « contrat de consommation » et sa signification reposent ici sur plusieurs éléments, dont la qualité des parties et l’usage personnel du bien ou du service[68], qui ne se déduisent même pas de sa structure morphosyntaxique, ou qui prennent le contrepied de cette dernière[69]. La situation est exactement la même dans le contexte de l’expression « contrat d’adhésion », de sorte qu’il faut suivre en la matière le raisonnement pratique du législateur ou des juristes, et non le raisonnement théorique des linguistes ou des grammairiens. En l’espèce, c’est la ratio legis ou telos, c’est-à-dire le but poursuivi par le législateur qui fonde et conditionne la qualification juridique et sa signification, et non uniquement la syntaxe ou le sens littéral des mots qui la composent. On voit bien là que le contexte juridique dépasse la syntaxe ou le sens littéral des mots du Droit et qu’il participe activement à la cocréation ou à la coconstruction du sens de l’énoncé ou de la qualification « contrat de consommation ».
Dès lors, la qualification juridique de « contrat de consommation » constitue l’une des fictions ou l’une des métaphores du Droit[70], dans la mesure où elle énonce littéralement quelque chose qui n’est pas vraiment ce qu’elle veut dire ou nommer dans la réalité juridique et sociale. La théorie linguistique parle souvent d’« idiotisme » ou d’« expression idiomatique » pour désigner ce type d’expression ou de construction propre à un groupe de locuteurs. Cette construction résiste à l’analyse grammaticale en ce qu’elle fait sens par son tout, et non par chacun des mots qui la compose[71]. Ainsi, « contrat de consommation » ne désigne pas ni ne signifie l’ensemble des contrats qui aboutissent à la « consommation », pas plus que l’utilisation finale d’un bien ou d’un service quelconque par toute personne, mais seulement une parcelle de cette réalité ou une catégorie de ces contrats lorsqu’ils sont conclus par des personnes physiques en vue d’un usage strictement personnel ou non professionnel.
La qualification juridique de « contrat de consommation » ne doit donc pas être analysée ni comprise au sens commun ou littéral, c’est-à-dire conformément aux normes classiques du langage ordinaire selon lesquelles un énoncé signifie toujours ce qu’il énonce ou énonce ce qu’il désigne ou bien ce que l’énonciateur veut vraiment dire. Cette qualification doit plutôt être comprise au sens figuré, au sens allégorique ou spirituel de ce qu’un énoncé peut toujours énoncer ou dire plus ou moins ce que l’énonciateur voudrait dire ou nommer, parfois en prenant le contrepied de la réalité sociale. Et c’est là tout le sens des qualifications juridiques en tant que métaphores.
2.2 Les qualifications juridiques comme métaphores
En réalité, les qualifications juridiques, comme l’ensemble des normes juridiques, en ce qu’elles résument ou subsument des faits complexes dans des concepts dit juridiques, constituent des métaphores de la réalité sociale[72]. Elles sont en particulier des métaphores taxonomiques ou classificatoires de la réalité juridique et sociale[73]. C’est ce qu’observe un auteur :
Tout acte nucléaire de classification s’établit sur une opposition matricielle entre la métaphore et la métonymie : ces deux schèmes élémentaires, loin de s’exclure, s’incorporent l’un l’autre à titre de composante ou de relais interne (il y a de la métaphore dans toute métonymie, et vice versa). Les grands systèmes classificatoires repérables dans l’histoire retranscrivent intégralement l’existence et la forme de cette dualité : ils se structurent suivant l’un des deux schèmes tout en impliquant secondairement l’autre. Une classification fondée sur la ressemblance et la dissemblance (c’est-à-dire d’essence métaphorique) utilise toujours quelque peu des éléments métonymiques, de même qu’une classification généalogique (donc, principalement métonymique) fait obligatoirement appel à des similitudes métaphoriques. À travers cette imprégnation mutuelle, le couple métaphore/métonymie peut rendre compte de la répétition — dans l’histoire et dans l’éventail des prétentions scientifiques — d’un mode logique des affrontements doctrinaux que l’on pourrait étiqueter comme le duel des conceptions à dominante synchronique et des argumentations à dominante diachronique[74].
La qualification ou notion juridique de « contrat d’adhésion » constitue ainsi une métonymie – qualification du tout (contrat) par la partie (adhésion) –, voire une métaphore qualificative qui doit être comprise au second degré ou au sens figuré où l’adhésion devient la « figure » du contrat, c’est-à-dire ce par quoi on reconnaît le « contrat d’adhésion »[75]. Toutefois, cela ne signifie pas que les mots « contrat » et « adhésion » – et encore moins « de » – changent de signification en l’espèce. En effet, « quand ils sont en usage métaphorique, les mots ne perdent rien de leur signification (au contraire, on l’a vu, ils s’y ressourcent et l’intensifient), mais ils s’insèrent alors différemment dans les jeux collocatifs, paradigmatiques et autres, des énoncés. Ils ont une autre grammaire[76] ». Une chose, ici le contrat, est alors nommée ou qualifiée par l’une de ses qualités ou son moyen de formation, l’adhésion. Le tout s’inscrit dans une « stratégie argumentative » dont le but est d’attirer l’attention du public sur ce moyen atypique de formation du contrat, contraire à la norme qui devrait être la négociation, et qui dès lors expose l’adhérent à une vulnérabilité ou à un risque d’exploitation de la part du stipulant. L’expression « contrat d’adhésion » correspond donc à une métaphore-énoncé ou à un énoncé métaphorique, par opposition à la métaphore-mot ou au trope[77].
La métaphore étant traditionnellement définie comme une « anomalie » du langage, voire une création, une recréation, une mutation ou une « déviation » du sens[78], il n’est donc pas exclu que la « déviation », la mutation ou la recréation se déporte sur la structure syntaxique de l’énoncé[79]. De ce point de vue, la notion ou qualification juridique de « contrat d’adhésion » correspond d’abord à une métaphore in praesentia[80]. La préposition « de » est ainsi un « complément de qualité »[81] ; le comparant, l’adhésion ; et le comparé, le contrat. Dans une relation métonymique ou synecdochique de qualification ou d’identification du tout par la partie, le contrat est ici comparé à une adhésion, ou identifié par celle-ci, plutôt qu’à une négociation qui caractérise traditionnellement le contrat dans le sens commun, ce qui constitue une représentation vraie, figurée ou imagée, efficace ou performative de la réalité sociojuridique du contrat d’adhésion, caractérisé par l’absence de négociation.
De plus, la doctrine linguistique observe ceci :
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[L]a syntaxe [a] une importance fondamentale pour la métaphore. En l’absence de tout lien préconstruit entre N1 [contrat] et N2 [adhésion], la syntaxe, à elle seule, impose entre eux une relation, classification, identification, etc., si bien que la figure en définitive repose plus sur le cadre syntaxique que sur les liens sémantiques de ressemblance ou d’analogie que la tradition rhétorique met en avant pour l’expliquer. Et de fait, la part de la syntaxe est telle que dans ces configurations in praesentia elle conduit nécessairement à une interprétation métaphorique alors même que N1 [contrat] et N2 [adhésion] présentent des relations de partie à tout ou de contiguïté qui, dans cette même tradition, sont données comme fondant les synecdoques et les métonymies.
[…] la présence d’une restriction vient éventuellement souligner la réduction de N1 [contrat] à une de ses parties ou [à] un de ses attributs [adhésion]. Il est frappant que la relation synecdochique ou métonymique qui existe hors contexte entre N1 [contrat] et N2 [adhésion] importe moins que la classification qui naît du cadre.
Les configurations in praesentia ne sont donc pas spécifiques à la métaphore et le seul point qui oppose les emplois figurés aux propres est le rôle prépondérant qu’y joue la syntaxe[82].
Au-delà donc du rôle prépondérant qu’y joue la syntaxe, cette doctrine souligne également l’importance de la classification qui peut naître du cadre morphologique d’une métaphore in praesentia. Tel est bien le cas de la métaphore ou de la qualification juridique de « contrat d’adhésion » qui participe effectivement à l’oeuvre de classification des contrats.
La notion ou qualification juridique de « contrat d’adhésion » correspond ensuite à une « métaphore morte », c’est-à-dire une métaphore lexicalisée ou passée du langage juridique (langage spécialisé ou métaphorique) au langage commun (langage ordinaire ou langage courant), où elle n’est plus forcément perçue comme telle et comprise dans son sens figuré[83]. Ainsi que l’observe la doctrine, « [n]’ayant pas la construction du propre, les métaphores cessent peu à peu de lui être reliées et se lexicalisent : la figure finit par ne plus être perçue comme telle et devient une unité autonome[84] ». Et lorsque la métaphore se lexicalise et devient une unité linguistique autonome, l’analyse de sa structure syntaxique peut être biaisée, si elle méconnaît précisément son origine ou son essence métaphorique.
En l’espèce, la métaphore ou « la figure en définitive repose plus sur le cadre syntaxique que les liens sémantiques de ressemblance ou d’analogie[85] » entre les deux termes. C’est justement le cas de la notion ou qualification juridique de « contrat d’adhésion » dont le fait de dire, selon la critique dereusienne, qu’elle est syntaxiquement inexacte revient précisément à méconnaître non seulement sa dimension ou son essence métaphorique, mais aussi sa normalité désormais acquise par sa lexicalisation[86].
3 Les contre-arguments philosophiques
Quand bien même la structure morphosyntaxique de la notion ou qualification de « contrat d’adhésion » serait biaisée, cela n’enlèverait rien à sa validité ou à son efficacité (juridique) en tant qu’acte de langage ou jeu de langage, a fortiori du Droit. Au moins trois puissantes raisons tirées de la philosophie du langage plaident en faveur de cela : l’autorité du langage du Droit (3.1), l’autorité de l’usage en matière de langage ou la façon dont le langage se crée et se normalise par son usage (3.2) et la fonction du langage principalement comme moyen de communication (3.3).
3.1 Le Droit comme langage d’autorité et non de vérité
Bien que le Droit soit langage[87], le langage n’est pas la fin du Droit, mais seulement un simple moyen lui permettant de remplir sa fin suprême qui est la justice. Le langage, a fortiori le langage du Droit, n’est que « convention », et non « convention de vérité » et encore moins « vérité ». Il en va de même des noms des choses ou des qualifications qui ne sont que des conventions de langage ou conventions linguistiques[88]. En effet, les qualifications juridiques, au même titre que les définitions qui parfois les prédéterminent, « n’expriment aucune [vérité ni] nature des choses mais seulement des conventions de langage[89] ».
La « convention » de langage, et par extension toute convention sociale, renvoie ici à un fait collectif, plus ou moins formel ou tacite, impliquant une « signification » ou des « habitudes d’action[90] », accepté par la majorité, parce qu’il est imposé par le législateur comme devant être accepté par tous, ce dernier incarnant de surcroît la « volonté générale » de la société. Et le simple fait que l’énoncé « contrat d’adhésion » signifie effectivement dans la pratique juridique ou la réalité sociale un contrat qui se forme par le moyen de l’adhésion d’une partie aux conditions de l’autre, ou est entendu comme tel dans l’esprit des juristes et même des membres de la communauté sociale, usagers ou destinataires du Droit, permet de constater que la convention de langage « contrat d’adhésion » fonctionne, qu’elle est valide, performative, opératoire ou efficace. Et cela seul suffit à en faire, non pas la « vérité » ni la « vraie vérité », mais une « vérité vraie » ou « valide » sur le plan aussi bien juridique que linguistique.
D’ailleurs, la vérité juridique n’est pas une vérité linguistique, pas plus que la vérité linguistique n’est une vérité juridique. Bien plus, la vérité juridique n’est pas toujours une « vérité vraie », mais une « vérité d’autorité » qui s’impose parfois au détriment de la « vraie vérité »[91]. Cela est particulièrement vrai en matière de qualification juridique en tant qu’énoncé linguistique ou pur produit du nominalisme philosophique. Le Droit y dit ou nomme quelque chose d’autorité, et cela devient « la vérité du Droit » ou « une vérité juridique » par le simple fait de l’avoir dit ou nommé ainsi. Tel est le cas a fortiori lorsque le détenteur du pouvoir quasi souverain de dire le Droit (imperium et jurisdictio), soit le législateur lui-même, porteur de la « volonté générale », le qualifie ou le nomme ainsi, comme pour le « contrat d’adhésion ».
C’est dire que la qualification légale est un acte de pouvoir, un acte de volonté (et non de connaissance), un acte de prescription (et non de description, même lorsqu’elle semble décrire la réalité)[92]. Le Droit ou le législateur y dit ce qui doit être, et non forcément ce qui est[93], peu importe que ce « être » soit un « étant social » ou un « étant linguistique ». La qualification juridique n’est jamais « véridiction », mais elle est prescription, « juridiction » ou jurisdictio au sens de ius decere[94], voire « fiction-diction »[95], selon la « volonté », pour ne pas dire le « bon vouloir » du législateur qui n’a de limite que dans le maintien de la cohérence du système juridique à titre de jeu de langage et dans l’impuissance du langage à tout dire. Elle a, par ce fait même, « valeur de vérité » autant pour la communauté des juristes que pour la communauté sociale (usagers ou destinataires) des « Dires du Droit » qui s’imposent à elles en tant que normes impératives.
En effet, plus que tout autre type de langage juridique, le langage de la qualification juridique, a fortiori légale, correspond à un langage d’autorité[96], peu importe qu’il procède par fictions[97]. Les présomptions ou les fictions, au sens de constructions de l’esprit[98], ne sont en l’espèce que des « qualifications fictives », des « fictions qualificatives » ou de « fausses qualifications des faits » par l’autorité normative[99]. Celles-ci se révèlent certes contraires à la vérité ou à la réalité, qu’elle soit juridique, sociale, linguistique, etc.[100], mais elles sont faites à dessein et considérées comme « vraies » par la communauté juridique et sociale[101], au sein de laquelle ces fictions sont devenues des « normes » ou des « conventions », à la fois linguistiques et juridiques, frappées du sceau de l’autorité et donc aussi d’une « certaine vérité », instituée.
Pour reprendre les propos de John Rogers Searle[102], les qualifications juridiques ou légales deviennent alors des sortes de « faits de langage institués » par l’autorité normative ou « faits institutionnels de langage » (auxquels le Droit assigne des fonctions), dont on doit tenir compte comme tels, c’est-à-dire à titre de « faits de langage » par la linguistique, la grammaire ou tout autre champ de connaissance sur le Droit. Autrement dit, le fait pour le législateur de nommer « contrat d’adhésion » tout contrat par lequel une partie impose à l’autre un ensemble de clauses essentielles non négociables transforme cette façon de le dire ou de le nommer ainsi en norme de qualification d’un tel contrat ou acte juridique. En l’espèce, « nommer (qualifier) c’est normer[103] », au sens fort du terme. La qualification juridique devient dès lors non seulement une norme juridique, instituée par la prescription de l’autorité normative, mais aussi une norme linguistique, confortée par son usage en tant qu’acte de langage, désormais ancrée dans le fonctionnement du langage des juristes et des non-juristes.
3.2 Le langage comme usage
Le langage, c’est aussi l’usage, et non forcément son bon usage. L’usage est, de ce fait, le seul arbitre ou validateur du langage, c’est-à-dire la règle des règles ou première règle du langage[104] : Quem penes arbitrium est, et jus et norma loquendi[105]. Bien plus ou autant que la grammaire, l’usage fait autorité dans le langage. Dereux lui-même reconnut le principe, mais considéra à son époque que la matière ou l’expression contrat d’adhésion étant « si neuve, l’autorité de l’usage ne [pouvait] guère être invoquée »[106]. Plus d’un siècle après la proposition de la notion ou qualification de « contrat par adhésion », le constat s’avère clair et sans appel : les jurislateurs ne l’ont jamais intégrée dans leurs discours. Au contraire, ils l’ont rejetée, lui préférant l’actuel usage de « contrat d’adhésion » quasi unanimement usité dans le discours juridique.
Ainsi convient-il de faire droit à l’autorité de l’usage « contrat d’adhésion » dans le langage du Droit. En effet, l’usage fait la norme du langage, ou même l’erreur commune fait le Droit, à supposer qu’il y en ait une, en attendant une hypothétique requalification légale, de lege ferenda, de « contrat par adhésion » par le législateur ou encore la généralisation de son usage par la majorité des juristes : « car l’usage est le roi des langues, pour ne pas dire le Tyran […] l’usage […] en matière de langue l’emporte toujours par-dessus la raison [linguistique][107] ». Cela se vérifie d’autant plus dans le cas d’espèce que la qualification de « contrat d’adhésion », par la force de son usage dans le langage du Droit, s’est progressivement lexicalisée, en intégrant le langage commun : elle est devenue ainsi une norme lexicale[108], à défaut de satisfaire a priori à la norme grammaticale[109].
D’ailleurs, les normes ou les conventions linguistiques sont souvent le produit de l’usage qui reste le meilleur moyen, voire la voie royale de la création ou de la normalisation du langage[110]. L’art d’écrire ou de dire le Droit, comme celui de nommer les objets juridiques par le langage, relève du (génie) poétique, au sens étymologique de création ou d’autocréation (poièsis)[111]. On considère d’ailleurs que le Droit est un jeu de langage (Sprachspiele) circulaire, autoréférentiel ou système autopoïétique qui s’autocrée, s’autoreproduit, s’autorégule, s’auto-interprète, s’autovalide, s’autolégitime, communique et élabore ses significations par référence à ses propres concepts, règles et procédures[112]. Le Droit en tant que langage ou jeu de langage autopoïétique constitue ainsi une « expérience de pensée » ou une « expérience en imagination » (thought experiment ou Gedankenexperiment) où l’usage des mots crée ipso facto, par son autorité, de nouvelles règles du langage ou « règles du jeu ».
3.3 Le langage comme moyen de communication
L’une des principales fonctions du langage est la communication[113]. Et si ce dernier constitue un moyen de communication, a fortiori un énoncé linguistique, l’acte de communication[114], qui est aussi un acte de signification, pour être parfait suppose la transmission et la réception ou la compréhension d’un message, d’un énoncé linguistique ou d’un faisceau de significations entre le transmetteur, destinataire médiat ou immédiat. Dès lors, à partir du moment où la notion ou qualification juridique de « contrat d’adhésion » en tant qu’énoncé linguistique est toujours apte ou efficace à communiquer les messages du Droit, c’est-à-dire joue encore pleinement son rôle de communication d’un faisceau de significations juridiques ou d’un ensemble des conséquences que l’ordre juridique attache à cette réalité sociale ou contractuelle, sans ambiguïté aucune, entre les juristes, d’une part, et les autres membres de la communauté sociale, d’autre part, il n’y a pas lieu de s’en inquiéter ou de la « requalifier ».
Ce qui importe finalement en matière de langage ou de communication n’est pas tant le fait de dire ceci ou cela, mais surtout de comprendre que ceci signifie cela. Autrement dit, au bout du compte en Droit n’est pas tant la forme du langage, mais le fond, la signification ou la fonction du langage, sauf bien sûr lorsque les uns sont de nature à empiéter sur les autres ou à les influencer. Ainsi, remplacer « contrat d’adhésion » par « contrat par adhésion » ne présente aucun intérêt juridique ni ne change quoi que ce soit à la réalité juridique et sociale qualifiée et entendue comme telle. Le langage est ici subordonné à la raison juridique ou ratio legis de la qualification, de sorte que sans grief ni intérêt lésé ou à agir, ni motif légitime ou raisonnable, nul ne peut se prévaloir d’un argument purement et simplement grammatical pour solliciter un changement juridique[115]. Certes, en tant que type particulier de langage spécialisé ou artificiel, le Droit, et précisément la légistique, accorde une certaine importance à ses formes d’écriture, mais cela ne saurait le réduire à un simple esthétisme ou à un purisme langagier. Le Droit ou son langage est bien davantage que cela.
Pour paraphraser Condillac, le juriste ne devrait pas être un adepte de ces grammairiens « plus occupés des mots que des pensées[116] » qu’ils véhiculent ou, disons-le, plus préoccupés des mots que des maux du « contrat d’adhésion » car, dit-il, en matière de langage, « l’usage n’est pas aussi peu fondé en raison qu’ils le prétendent, il s’établit d’après ce qu’on sent, et le sentiment est bien plus sûr que les règles des grammairiens[117] ». Cette critique était fort répandue chez les penseurs des Lumières des xviie et xviiie siècles qui voient « le langage comme le grand séducteur [dangereux], qui nous pousse à nous satisfaire de simples mots, au lieu de nous concentrer sur les idées qu’ils désignent[118] ». L’une des critiques souvent formulées par la doctrine classique aux qualifications ou aux catégories juridiques en tant que formes ou contenants est justement qu’elles détournent l’attention des juristes sur leurs contenus ou les enjeux réels du Droit, notamment la justice qui reste sa finalité suprême et ultime[119].
Certes, on dit souvent – selon une formule attribuée à Sartre – que, « pour changer les choses, quelques fois il faut changer les mots avec lesquels on les désigne », mais l’expérience humaine montre aussi que, « quand les hommes ne peuvent [ou ne veulent pas] changer les choses, ils changent les mots[120] » avec lesquels on les désigne pour donner le sentiment illusoire qu’ils ont au moins changé quelque chose. On pourrait en dire autant du « contrat d’adhésion » s’il devait être simplement requalifié de « contrat par adhésion », sans que le Droit soigne ses véritables maux que sont le liberticide et l’injustice. Plutôt que des « mots du contrat d’adhésion », les juristes devraient se préoccuper davantage des « maux du contrat d’adhésion ».
Ainsi, les « maux du Droit » sont et devraient être bien plus préoccupants aux yeux du juriste que les « mots du Droit », sauf à dire, et il est légitime d’en douter, que le traitement de ceux-ci passe absolument par le traitement de ceux-là[121]. Cela ne signifie pas qu’il faut promouvoir une certaine agrammaticalisation ou dégrammaticalisation du Droit au profit de la lexicalisation, mais que le sens, le message ou les effets du Droit doivent toujours primer toute autre considération puriste[122], voire linguiciste[123] ou académiciste dans la construction du langage juridique[124]. Cependant, cela ne porte en rien atteinte au droit de la doctrine minoritaire de continuer à faire usage de la notion de « contrat par adhésion », en espérant qu’elle se lexicalise, se vulgarise, se normalise et s’impose avec le poids de son usage dans les discours des jurislateurs[125].
Conclusion
La grammaire est une ressource du Droit et non une source du Droit[126]. Bien au contraire, le Droit peut même devenir une source à part entière de la grammaire[127]. C’est le cas, d’une part, lorsque les grammairiens ou les usagers d’une langue adoptent la « grammaire » d’une forme de langage juridique entrée dans l’usage de la langue ordinaire. Pensons ici au phénomène récurent et constant de la lexicalisation ou de la vulgarisation des métaphores juridiques, notamment les qualifications légales[128], qui sont passées du langage spécialisé du Droit, où elles ont été construites de toutes pièces, au langage commun. C’est aussi le cas, d’autre part, lorsque le législateur légifère en matière de langue et attribue compétence à une instance désormais chargée de réguler ou de fixer les normes de la langue et de sa grammaire[129]. Il en va ainsi notamment de la Proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive, no 1816, adoptée en première lecture par le Sénat le 30 octobre 2023 et en cours d’examen à l’Assemblée nationale, portant modification de la Loi no 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française (loi Toubon) et dont le but est d’interdire « l’écriture inclusive » dans « les publications, revues et communications » diffusées en France par des personnes morales de droit public ou des personnes privées exerçant une mission de service public ou bénéficiant d’une subvention publique. « Tout acte juridique » rédigé en violation de cette interdiction d’ordre public devant être frappé d’une nullité de plein droit.
Cela dit, la connaissance métalinguistique est toujours souhaitable en Droit, notamment parce qu’elle facilite la tâche du juriste ou des usagers du Droit dans la compréhension, l’expression et le respect des messages du Droit. Il y va en effet de l’intérêt de l’intelligibilité et de l’accessibilité du Droit. Une auteure a ainsi pu dire que « [l]es juristes font office de grammairiens, car la vérité du droit se joue à la virgule près[130] ». Les juristes seraient une sorte de grammairiens qui s’ignorent.
Cependant, la grammaire des grammairiens (au sens de la grammaire normative), bien qu’elle soit nécessaire en Droit, n’est une condition ni sine qua non ni autosuffisante dans un système juridique. En effet, en tant que jeu de langage à part entière ou entièrement à part, le système juridique a ses propres règles du jeu, où la communication des messages du Droit peut parfois, pour des raisons d’efficacité ou d’économie du langage (clarté, simplicité et brièveté), se passer, volontiers, de certaines règles de grammaire, facultatives ou superfétatoires[131].
En outre, le Droit en tant que langage et, a fortiori, langage de pouvoir a vocation à créer par l’usage ou par voie d’autorité ses propres normes de langage ou du moins de nouvelles normes de langage que le linguiste ou le grammairien ne saurait méconnaître comme « faits de langage institués » lorsqu’il prend le langage du Droit comme objet d’études. C’est dire que le Droit a sa propre grammaire que la grammaire des grammairiens doit toujours prendre en considération. D’ailleurs, historiquement, l’écriture du langage ou l’invention de l’écriture[132] n’est-elle pas née de l’écriture du Droit[133] qui l’a en partie façonnée dans sa « grammaire »[134] ?
Parties annexes
Notes
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[1]
Voir : Gaël Chantepie et Mathias Latina (dir.), Le contrat d’adhésion. Perspectives franco-québécoises, Paris, Dalloz, 2018 ; Mustapha Mekki, « La notion de contrat d’adhésion : on est loin de la “haute définition” ! », Revue des contrats. 2019.2.112 ; Benoît Moore, « Le contrat d’adhésion en droit québécois », Revue des contrats. 2019.2.123 ; Anne-Cécile Martin, « Le contrat d’adhésion en droit de la consommation et de la concurrence », Revue des contrats. 2019.2.128 ; Gerald Mäsch, « Un survol du régime du contrat d’adhésion en droit allemand », Revue des contrats 2019.2.119 ; Thierry Revet, « La réception du contrat d’adhésion par la théorie générale du contrat », Revue des contrats. 2019.2.106.
-
[2]
Raymond Saleilles, De la déclaration de volonté, Paris, Pichon, 1901, p. 229-230 ; Léon Duguit, L’État. Le droit objectif et la loi positive, Paris, Dalloz, 2003, p. 54-57 ; Georges Berlioz, Le contrat d’adhésion, Paris, L.G.D.J., 1973 ; Nathalie Croteau, Le contrat d’adhésion : de son émergence à sa reconnaissance, Montréal, Wilson & Lafleur, 1996.
-
[3]
Georges Dereux, « De la nature juridique des “contrats d’adhésion” », RTD civ. 1910.503.
-
[4]
Marc-Antoine Picotte, « Adhérer ou adhérer : proposition sur la notion de contrat (par adhésion) », (2021) 51-2 R.G.D. 519, 523-524 ; Marc-Antoine Picotte, Adhérer ou adhérer : essai sur la notion de contrat (par adhésion), mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté de droit, Université de Montréal, 2018, p. 6-7.
-
[5]
Le terme solécisme provient étymologiquement de Soles, ville de la Cilicie en Turquie antique, alors colonie athénienne, dont les habitants étaient particulièrement connus pour leur façon de dénaturer, de mal articuler ou de parler mal la langue attique du grec ancien. Le solécisme rappelle le barbarisme qui, lui, renvoie à une faute de langage dans l’emploi d’un mot soit dans une forme, soit dans un sens, inexistants. Le terme barbarisme provient de Barbaros qui désigne dans la Grèce antique les étrangers ou non-Grecs qui articulent ou parlent mal la langue grecque (Barbarophonoi). Voir : Jean-Marc Civardi, « La défaite de solécisme par Despautère : grammaire latine et théâtre jésuite », dans Anne Piéjus (dir.), Plaire et instruire. Le spectacle dans les collèges de l’Ancien Régime, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 137, par. 22-24, [En ligne], [books.openedition.org/pur/28918] (25 septembre 2023) ; Pierre Flobert, « La théorie du solécisme dans l’Antiquité : de la logique à la syntaxe », Revue de philologie, de littérature et d’histoire anciennes, vol. 60, 1986, p. 173 ; Malcolm Donald Hyman, Barbarism and Solecism in Ancient Grammatical Thought, thèse de doctorat, Providence, Department of Classics, Brown University, 2002.
-
[6]
Dans la théorie linguistique, le faux sens renvoie à un décalage ou à un changement de sens ; le contresens, à un sens contraire à la réalité, à la norme ou à la pensée de l’énonciateur ; et le non-sens, à l’absurde ou à l’absence de signification. La limite entre les trois notions reste cependant très ténue. Voir André Dussart, « Faux sens, contresens, non-sens… un faux débat ? », Meta, vol. 50, no 1, 2005, p. 107.
-
[7]
Pascal Vaillant, « La syntaxe, c’est de la sémantique », Documents, textes et oeuvres (autour de François Rastier), présenté au Centre culturel international de Cerisy, 12 juillet 2012, [En ligne], [hal.science/view/index/identifiant/hal-00992446] (25 septembre 2023) ; Ûrij Derenikovic Apresjan, « Syntaxe et sémantique », Langages, 4e année, n° 15, 1969, p. 57 ; Alan J. Ford, « Quelques rapports entre syntaxe et sémantique dans un modèle de description linguistique », Cahier de linguistique, n° 2, 1973, p. 157 ; Henri Vernay, Syntaxe et sémantique. Les deux plans des relations syntaxiques à l’exemple de la transitivité et de la transformation passive. Étude contrastive français-allemand, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1980.
-
[8]
Sylvain Auroux, « La linguistique est une science normative », dans Sylvain Aurioux, La raison, le langage et les normes, Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 221 ; René Lagane, « Science linguistique et normativité : le cas de Ferdinand Brunot », Langue française, n° 16, 1972, p. 88 ; Alain Rey, « Usages, jugements et prescriptions linguistiques », Langue française, n° 16, 1972, p. 4.
-
[9]
L’usage de la majuscule initiale dans le terme « Droit » est un choix doctrinal significativement orienté afin de distinguer le « Droit (objectif) » du « droit » ou des « droits (subjectifs) », à plus forte raison dans la présente étude où le « Droit » est représenté comme un langage d’autorité, de pouvoir ou de commandement. La majuscule initiale participe de ce fait à la mise en exergue de ce caractère impératif, prescriptif, voire performatif du « Droit » en tant qu’acte de langage contraignant qui s’impose aux destinataires, aux usagers ou aux opérateurs du « Droit ». En outre, ce « Droit objectif » en tant qu’objet d’études est traditionnellement subdivisé ou analysé en plusieurs branches ou disciplines (Droit privé, Droit public, etc.), traditions juridiques (Droit civil, Droit coutumier, etc.) ou systèmes juridiques (Droit français, Droit québécois, etc.) qui conservent dès lors une majuscule à l’initiale pour éviter d’être confondus avec les droits subjectifs, auquel cas le « Droit » en tant que corpus normatif ou « système de normes » est parfois assimilé à ses représentations à titre de corpus théorique ou de « savoir sur les normes ». Il est vrai que cette forme d’écriture (majuscule à l’initiale) n’est pas toujours usitée dans la doctrine juridique. Cependant, elle n’en garde pas moins une certaine pertinence selon le contexte. Voir Muriel Fabre-Magnan, « Le Droit et les droits », dans Muriel Fabre-Magnan, Introduction au droit, Paris, Presses universitaires de France, 2021, p. 5-9 ; Bureau de la traduction du Canada, Juridictionnaire, s.v. « Droit », I. 4, [En ligne], [www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/juridi/index-eng.html?lang=eng&lettr=indx_catlog_d&page=9caBV5ArAAAA.html] (25 septembre 2023).
-
[10]
Jean-Pol Caput, « Naissance et évolution de la notion de norme en français », Langue française, n° 16, 1972, p. 63 ; Jacqueline Authier et André Meunier, « Norme, grammaticalité et niveaux de langue », Langue française, n° 16, 1972, p. 49 ; Geneviève Petiot et Christiane Marchello-Nizia, « La norme et les grammaires scolaires », Langue française, n° 16, 1972, p. 99 ; Émile Genouvrier, « Quelle langue parler à l’école ? Propos sur la norme du français », Langue française, n° 13, 1972, p. 34.
-
[11]
Joëlle Gardes Tamine (dir.) et autres, Cours de grammaire française, Paris, Armand Colin, 2023, p. 10.
-
[12]
Il s’agit de la syntaxe comme relation entre les différents mots, signes ou éléments d’un énoncé, à distinguer de la syntaxe comme étude ou partie de la grammaire qui prend pour objet cette relation, encore appelée « syntaxique ». La syntaxe étudie la structure des énoncés, tandis que la sémantique étudie leur sens. Voir Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), Ortolang. Outils et ressources pour un traitement optimisé de la LANGue, s.v. « Syntaxe », [En ligne], [www.cnrtl.fr/definition/syntaxe] (25 septembre 2023) ; Joëlle Tamine, « Introduction à la syntaxe : notions générales », L’information grammaticale, no 18, 1983, p. 36.
-
[13]
Michel Charolles, « Introduction aux problèmes de la cohérence des textes », Langue française, n° 38, 1978, p. 7.
-
[14]
Voir : Jean-Claude Gémar, « Les fondements du langage du droit comme langue de spécialité. Du sens et de la forme du texte juridique », (1990) 21-4 R.G.D. 717 ; Jerzy Wroblewski, « Les langages juridiques : une typologie », Droit et société 1988.8.13 ; Jean-Blaise Grize, « Langues naturelles et langages formels », Revue européenne des sciences sociales, vol. 22, no 66, 1984, p. 231.
-
[15]
Alessandro Giuliani, « Nouvelle rhétorique et logique du langage normatif », Logique et analyse, vol. 13, nos 49/50, 1970, p. 65.
-
[16]
J.-Cl. Gémar, préc., note 14, 723-726.
-
[17]
M.-A. Picotte, « Adhérer ou adhérer : proposition sur la notion de contrat (par adhésion) », préc., note 4 ; M.-A. Picotte, Adhérer ou adhérer : essai sur la notion de contrat (par adhésion), préc., note 4.
-
[18]
G. Dereux, préc., note 3, p. 504.
-
[19]
Voir Françoise Guérin, « Les fonctions syntaxiques dans la théorie fonctionnaliste d’André Martinet », La linguistique, vol. 45, no 2, 2009, p. 81 ; Jack Feuillet, « Quelques réflexions sur les fonctions syntaxiques », La linguistique, vol. 45, no 2, 2009, p. 87 ; Colette Feuillard, « À propos des fonctions syntaxiques », La linguistique, vol. 45, no 2, 2009, p. 93 ; Jean-Baptiste Coyos, « Les fonctions syntaxiques sont des unités linguistiques », La linguistique, vol. 45, no 2, 2009, p. 115.
-
[20]
Un groupe nominal (GN) est un mot ou une suite de mots formant une unité syntaxique et sémantique dont le noyau, encore appelé « mot principal », est un nom (N). Il est souvent assimilé à un syntagme nominal (SN) qui constitue pourtant une entité plus grande, comprenant le nombre (No), d’où GN = Dét (déterminant) + N et SN = No + GN. Voir : Maria Khachaturyan, « Groupe nominal », Mandenkan, vol. 54, 2015, p. 71 ; Mohamed Camara, « Syntagme nominal expansif ou l’expression de l’hétérogénéité et/ou de l’homogénéité dans Petit bodiel de Hampate Ba », Multilinguales, vol. 11, 2019, par. 4-10, [En ligne], [doi.org/10.4000/multilinguales.3962] (25 septembre 2023) ; Martin Riegel, « Le syntagme nominal dans la grammaire française : quelques aperçus », Modèles linguistiques, vol. 42, 2000, p. 53, par. 24-30 ; Marc Wilmet, Grammaire critique du français, Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2010, p. 367-498.
-
[21]
Danielle Leeman, « La préposition française : caractérisation syntaxique de la catégorie », Modèles linguistiques, vol. 53, 2006, p. 7.
-
[22]
CNRTL, préc., note 12, s.v. « Par », [En ligne], [www.cnrtl.fr/definition/par] (25 septembre 2023).
-
[23]
Id., s.v. « De », [En ligne], [www.cnrtl.fr/definition/de] (25 septembre 2023).
-
[24]
Les « qualifiants » s’opposent aux « quantifiants », ou « déterminants marqueurs d’extensité », et aux « quantiqualifiants » qui procurent une information relative à la fois à l’extensivité (quantité) et à l’extension (qualité). L’« extension » désigne l’ensemble des êtres du monde auxquels un mot est applicable hors énoncé et l’« extensivité », la quantité d’êtres du monde auxquels un nom ou un groupe nominal est appliqué. Voir M. Wilmet, préc., note 20, p. 371-498, 730-731.
-
[25]
Le « caractérisant » désigne toute expression qui restreint l’extension du nom.
-
[26]
CNRTL, préc., note 12, I. A.
-
[27]
Voir Gaël Chantepie, « Le consentement de l’adhérent », Revue des contrats. 2019.2.140.
-
[28]
Le contrat d’adhésion, et plus exactement l’acceptation des conditions générales du stipulant par l’adhérent, constitue de ce point de vue plus un acte de nécessité qu’un acte de volonté commune des parties : nécessité d’abord juridique de conclusion et de validité du contrat ; nécessité ensuite économique de bénéficier des services du stipulant. En l’espèce, ce n’est pas tant la volonté de l’adhérent qui est librement exprimée que la nécessité juridique et économique qui l’a emportée, voire l’efficacité juridique et économique qui est recherchée par celui-ci.
-
[29]
Sur la fonction lexicale d’un mot, voir Igor Mel’cuk et Alain Polguère, « Les fonctions lexicales dernier cri », dans Sébastien Marengo (dir.), La théorie sens-texte. Concepts-clés et applications, Paris, L’Harmattan, 2021, p. 75.
-
[30]
Jean Carbonnier, Droit civil. Les obligations, t. 4, 22e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 89.
-
[31]
M.-A. Picotte, « Adhérer ou adhérer : proposition sur la notion de contrat (par adhésion) », préc., note 4 ; M.-A. Picotte, Adhérer ou adhérer : essai sur la notion de contrat (par adhésion), préc., note 4.
-
[32]
Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, J.O. 11 février 2016, art. 1110, al. 2, [En ligne], [www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=uNpE2icpAZrhs7GxvVHBoeNldSv3V6deoj07JYZtOrw=] (25 septembre 2023) : « Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. » Voir aussi Code de la consommation, Titre I er : Conditions générales des contrats, art. L211-1 - L219-1, [En ligne], [www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006069565/] (19 octobre 2023). Voir aussi Paul Alain Foriers (dir.) et autres, Les conditions générales de vente, Bruxelles, Bruylant, 2013.
-
[33]
Code civil français, art. 1110, al. 2 : « Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. »
-
[34]
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1379 al. 1 (ci-après « C.c.Q. ») : « Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées. »
-
[35]
Ronald L. Hersbergen, « Contracts of Adhesion under the Louisiana Civil Code », 43 La. L. Rev. 1 (1982-1983) ; Arthur Lenhoff, « Contracts of Adhesion and the Freedom of Contract : A Comparative Study in the Light of American and Foreign Law », 36 Tul. L. Rev. 481 (1961-1962) ; Vera Bolgar, « The Contract of Adhesion. A Comparison of Theory and Practice », 20 Am. J. of Comp. L. 53 (1972) ; Friedrich Kessler, « Contracts of Adhesion – Some Thoughts about Freedom of Contract », 43 Colum. L. Rev. 629 (1943) ; Cornell Law School, Legal Information Institute, s.v. « Adhesion contract (contract of adhesion) », [En ligne], [www.law.cornell.edu/wex/adhesion_contract_(contract_of_adhesion)] (26 septembre 2023).
-
[36]
La tradaptation est une forme de traduction qui réalise une synthèse entre la traduction et l’adaptation d’un texte à son contexte : Marie-Christiane Hellot, « La tradaptation : quand traduire, c’est adapter Shakespeare », Jeu, vol. 133, no 4, 2009, p. 78 ; Georges L. Bastin, « La notion d’adaptation en traduction », Meta, vol. 38, no 3, 1993, p. 473. Voir aussi : Antoine Berman, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard, 1995, p. 16 ; Henri Meschonnic, Éthique et politique du traduire, Lagrasse, Verdier, 2007.
-
[37]
Au même titre que la tradaptation, la transdaptation est une forme de traduction qui se situe entre la transcription et l’adaptation d’un texte : Henri Meschonnic, Poétique du traduire, Lagrasse, Verdier, 1999, p. 53 et 275.
-
[38]
C.c.Q., art. 1379 : « A contract of adhesion is a contract in which the essential stipulations were imposed or drawn up by one of the parties, on his behalf or upon his instructions, and were not negotiable.Any contract that is not a contract of adhesion is a contract by mutual agreement. »
-
[39]
Pierre Cadiot, Les prépositions abstraites en français, Paris, Armand Colin, 1997, p. 10.
-
[40]
Id.
-
[41]
Catherine Chauvin, « Polysémie prépositionnelle entre invariance, figement et analogie : une étude de cas en anglais (She Was in High Heels, in her Makeup, in a Belt) », Language Design, numéro spécial, 2016, p. 307 ; Catherine Chauvin, « Quelques éléments de sémantique des prépositions, entre monosémie, polysémie et homonymie », Études anglaises, vol. 62, no 4, 2009, p. 455 ; Abdelâali Talmenssour, « Les prépositions comme opérateurs de polysémie : l’exemple du mot “tête” en phraséologie amazighe », Revue des études amazighes, vol. 2, n° 2, 2018, p. 75.
-
[42]
P. Cadiot, préc., note 39.
-
[43]
Le Bureau de la traduction du Canada, Le Rouleau des prépositions, s.v. « La préposition », 3.1, [En ligne], [www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/rdp/index-fra.html?lang=fra&lettr=&page=../preposition] (26 septembre 2023), nous renseigne ainsi que la préposition « de » exprime au moins une quatorzaine de relations logiques entre deux termes : origine, cause, mesure, manière, agent, appartenance, détermination, matière, genre, espèce, contenu, contenant, limitation, moyen :
-
[44]
Badreddine Hamma, « État des lieux sur la sémantique de la préposition par », Modèles linguistiques, vol. 54, 2006, p. 81.
-
[45]
Bureau de la traduction du Canada, préc., note 43.
-
[46]
CNRTL, préc., note 12, I.
-
[47]
Id., II.
-
[48]
Id., III.
-
[49]
Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, t. 2, Paris, Gallimard, 1974, p. 172-173 :
-
Nous voudrions insister tout particulièrement sur un type de composition, qui n’étant pas encore reconnu dans sa nature propre, n’a pas de statut défini. Il consiste en un groupe entier de lexèmes, reliés par divers procédés, et formant une désignation constante et spécifique. On en trouve le noyau initial dans des exemples déjà anciens comme : pomme de terre, robe de chambre, clair de lune, plat à barbe. Le fait nouveau et important est qu’il prend aujourd’hui une extension considérable et qu’il est appelé à une productivité indéfinie : il est et sera la formation de base dans les nomenclatures techniques. Il suffit de mentionner des termes comme modulation de fréquence, avion à réaction, pour donner une idée du type, mais aussi pour montrer qu’il est construit sur un modèle qui n’est plus celui de la composition classique.
Pour désigner ces grandes unités et pour consacrer le phénomène spécifique qu’elles représentent, un terme nouveau devient nécessaire, qui soit distinct de « composition » (il s’agit précisément de quelque chose d’autre que la composition), distinct aussi de « syntagme », pour laisser à « syntagme » sa désignation propre qui s’applique à n’importe quel groupement, même occasionnel, opéré par des moyens syntaxiques, alors que nous avons ici une unité fixe. Nous proposons à cette fin un terme qui semble adéquat et clair : SYNAPSIE, de gr. ativaij’iç « jonction, connexion, collection de choses jointes », avec son dérivé synaptique (gr. auvoamxéç « relatif à la connexion »), qui pourra éventuellement fournir des composés : mono- di- polysynaptique. Rien n’empêche même de prolonger cette dérivation dans notre terminologie et de dire synapter, synaptable, etc.
Ce qui caractérise la synapsie est un ensemble de traits dont les principaux sont : 1o la nature syntaxique (non morphologique) de la liaison entre les membres ; — 2o l’emploi de joncteurs à cet effet, notamment de et à ; — 3o l’ordre déterminé + déterminant des membres ; — 4o leur forme lexicale pleine, et le choix libre de tout substantif ou adjectif ; — 5o l’absence d’article devant le déterminant ; — 6o la possibilité d’expansion pour l’un ou l’autre membre ; — 7o le caractère unique et constant du signifié.
-
-
[50]
« De » constitue en l’espèce un « mot de liaison » : P. Cadiot, préc., note 39, p. 18.
-
[51]
Id.
-
[52]
É. Benveniste, préc., note 49, p. 171 :
-
Il y a composition quand deux termes identifiables pour le locuteur se conjoignent en une unité nouvelle à signifié unique et constant. Ils peuvent être d’origine savante, c’est-à-dire gréco-latine : centimètre, palmipède, télégraphe ; ou entièrement français et de types variés : portefeuille, orfèvre, betterave, marchepied, averse, entresol. Il faut en tout cas que le locuteur puisse isoler et identifier les deux termes. Si l’un d’eux ne peut être reconnu, l’autre demeure incertain. On pourra bien, dans aubépine, soupçonner épine, mais faute de savoir ce qu’est aub(e), même épine finira par sembler douteux. Il faut aussi que le sens des membres pris isolement ait un rapport à peu près intelligible avec celui du composé ; c’est pourquoi le locuteur ne ramènera pas spontanément plafond à un composé plat-fond. Le sentiment de la composition est déjà aboli ici.
-
-
[53]
Id., p. 171 :
-
Des composés nous distinguerons les conglomérés. Nous appelons ainsi des unités nouvelles formées de syntagmes complexes comportant plus de deux éléments. Les uns sont des syntagmes prédicatifs convertis en substantifs : va-nu-pieds, meurt-de-faim, monte-en-l’air, décrochez-moi-ça. Les autres, des locutions adverbiales où vivent des éléments archaïques : dorénavant (= d’ore en avant), désormais (= dès or mais) ne sont plus guère analysables, et jamais ne l’est plus du tout, mais dans aujourd’hui on perçoit encore au moins « au jour d’... », et dans auparavant les trois membres « au par avant », même si leur agencement syntaxique n’apparaît pas immédiatement. Le syntagme prédicatif ancien n’a guère se resserre ainsi dans notre naguère. Le trait général de ces conglomérés est qu’une construction complexe se soude en un bloc, sans que les éléments soient mutilés ou altérés. Ceux-ci peuvent être complètement ou incomplètement reconnaissables, selon l’âge du congloméré : dans justaucorps (« juste au corps ») ils se dégagent bien ; dans gendarme il faut la conversion préalable au pluriel pour que gens retrouve sa fonction contextuelle. D’une manière générale, les conglomérés tendent à l’état de signe compact.
-
-
[54]
Id., p. 174.
-
[55]
CNRTL, préc., note 12, I. B. 6.
-
[56]
Les compléments circonstanciels, assimilés par extension aux circonstants, indiquent les circonstances dans lesquelles se déroule ou se réalise l’action (lieu, moment, cause, but, conséquence, manière, instrument, moyen, etc.). Voir : Danielle Leeman, Les circonstants en question(s), Paris, Kimé, 1998 ; Christine Bracquenier, « Circonstants et spécifiants vers une nouvelle analyse sémantico-syntaxique de la phrase russe », Revue des études slaves, vol. lxxxiv, nos 1-2, 2013, p. 85.
-
[57]
Brigitte Kampers-Manhe, « Le statut de la préposition dans les mots composés », Travaux de linguistique, vol. 42-43, nos 1-2, 2001, p. 97, aux pages 103-105.
-
[58]
CNRTL, préc., note 12, I. B. 6.
-
[59]
Id., I. C. 3.
-
[60]
Id., I. C. 5. b).
-
[61]
Id., I. A. 6. b).
-
[62]
Id.
-
[63]
Id., I. A. 6.
-
[64]
Pascal Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », R.T.D. civ. 1999.4.771.
-
[65]
M.-A. Picotte, « Adhérer ou adhérer : proposition sur la notion de contrat (par adhésion) », préc., note 4, p. 523, par. 18 : « Pour celles qui seraient tentées de fournir le contre-exemple de “contrat de gré à gré”, rappelons qu’il s’agit d’une locution adverbiale et qu’elle est ainsi figée. Par conséquent, cet adverbe n’a rien à voir avec l’explication livrée dans le présent texte » ; M.-A. Picotte, Adhérer ou adhérer : essai sur la notion de contrat (par adhésion), préc., note 4, p. 7, par. 42.
-
[66]
Code de la consommation, art. liminaire (1°) : « Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Pour le Québec, voir la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1, art. 1 (e) : « “consommateur” : une personne physique, sauf un commerçant qui se procure un bien ou un service pour les fins de son commerce », et l’article 1384 du C.c.Q. :
-
Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d’application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l’une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l’autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d’une entreprise qu’elle exploite.
-
-
[67]
Jérôme Julien, « Sonder les coeurs et les reins, ou de la qualification contractuelle », dans Marc Nicod (dir.), Les affres de la qualification juridique, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2015, p. 67, par. 3.
-
[68]
La notion ou signification juridique du « consommateur » se départit ici de la signification linguistique et économique de consommateur en tant que tout utilisateur final d’un bien ou d’un service. Voir CNRTL, préc., note 12, s.v. « Consommateur », [En ligne], [www.cnrtl.fr/definition/consommateur] (26 septembre 2023).
-
[69]
La morphosyntaxe est l’étude des formes et des règles régissant l’organisation, la formation ou la construction des énoncés linguistiques et la structure morphosyntaxique de l’ensemble des mots qui composent un énoncé. Voir Christophe Parisse, « La morphosyntaxe : qu’est ce qu’est ? Application au cas de la langue française ? », Rééducation orthophonique, 47e année, no 238, 2009, p. 7.
-
[70]
Louis Pinto, « La construction sociale d’une fiction juridique : le consommateur, 1973-1993 », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 199, no 4, 2013, p. 4 ; Martin Bruegel, « Un distant miroir. La campagne pour l’alimentation rationnelle et la fabrication du “consommateur” en France au tournant du xxe siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 199, no 4, 2013, p. 28 ; Eva Barlösius, « “Consommateurs imaginaires” – modèles de la politique des consommateurs. Une approche sociologique », traduit par Marion Schiegritz, Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 199, no 4, 2013, p. 68.
-
[71]
Monique Brézin-Rossignol, L’idiotisme. Dictionnaire d’expressions idiomatiques, 2e éd., Paris, L’Harmattan, 2021.
-
[72]
Gérard Timsit, « La métaphore dans le discours juridique », Revue européenne des sciences sociales, vol. xxxviii, no 117, 2000, p. 92 : « Tout le discours juridique, en effet – un discours dont la loi est l’expression la plus essentielle –, tout le discours juridique est une métaphore. La loi, dirais-je volontiers, est une métaphore de la réalité. » Voir Marie-Claude Prémont, Tropisme du droit. Logique métaphorique et logique métonymique du langage juridique, Montréal, Liber-Thémis, 2003.
-
[73]
Michelle Cumyn, « La classification des catégories juridiques en droit comparé – Métaphores taxonomiques », (2008) 110-2 R. du N. 1 ; Michelle Cumyn, « Les catégories, la classification et la qualification juridiques : réflexions sur la systématicité du droit », (2011) 52-3-4 C. de D. 351 ; Michelle Cumyn et Frédéric Gosselin, « Les catégories juridiques et la qualification : une approche cognitive », (2016) 62-2 R.D. McGill 329 ; Patrick Tort, La raison classificatoire. Quinze études, Paris, Aubier, 1989.
-
[74]
Georges Guille-Escuret, « P. Tort, La raison classificatoire. Quinze études », L’Homme, 1990, vol. 30, n° 114, p. 146, aux pages 146-147.
-
[75]
Voir : Joëlle Tamine, « L’interprétation des métaphores en “de” : le feu de l’amour », Langue française, n° 30, 1976, p. 34 ; Joëlle Tamine-Gardes, « Sur la difficulté et l’importance de comprendre le sens figuré », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n° 1, 1985, p. 30 ; Georges Kleiber, « Du triple sens de Métaphore », Langue française, vol. 189, 2016, p. 15.
-
[76]
Pierre Cadiot, « Métaphore prédicative nominale et motifs lexicaux », Langue française, n° 134, 2002, p. 42.
-
[77]
La métaphore-énoncé, ou énoncé métaphorique, se distingue de la métaphore-mot, ou trope, dont l’existence autonome est souvent contestée. Voir : Pierre Labranche, « La métaphore : la sémantique du mot et de la phrase », Langues et linguistique, numéro spécial, 2011, p. 65-68 ; René-Marie Jongen, « La métaphore comme éponyme et comme prédication d’identité », dans René Jongen (dir.), La métaphore. Approche pluridisciplinaire, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 1980, p. 63, par. 1.
-
[78]
Georges Kleiber, « Métaphore : le problème de la déviance », Langue française, no 101, 1994, p. 35 ; Tzvetan Todorov, « Les anomalies sémantiques », Langages, n° 1, 1966, p. 100, aux pages 122-123 ; Ru˚žena Ostrá, « Anomalies sémantiques et économie de la langue », Études romanes de Brno, vol. 9, 1977, p. 67 ; Ru˚žena Ostrá, « Anomalies sémantiques et référence », Études romanes de Brno, vol. 12, 1981, p. 63.
-
[79]
Joëlle Tamine, « Métaphore et syntaxe », Langages, 12e année, n° 54, 1979, p. 65, à la page 70.
-
[80]
On parle de « métaphore in praesentia » lorsque le comparé et le comparant sont présents dans l’énoncé métaphorique (il est alors question de « relation de coprésence ») par opposition à la « métaphore in absentia » où seul le comparant est présent dans l’énoncé métaphorique.
-
[81]
J. Tamine, préc., note 79.
-
[82]
Id., aux pages 71-72.
-
[83]
La « métaphore morte » est la métaphore devenue vulgaire qui a perdu tous ses sens contextuels en se fondant dans le langage commun. On dit qu’elle a stabilisé et vulgarisé le sens de l’énoncé, qu’elle a dissolu le sens métaphorique, qu’elle a perdu son sens poétique et esthétique, qu’elle a été lexicalisée. La « cause du contrat », les « sources du droit », etc., sont autant d’exemples de métaphores mortes dans le discours juridique. La « métaphore morte » s’oppose dès lors à la « métaphore vive ». Cette dernière est une métaphore encore active qui garde et fait toujours émerger les sens selon les contextes. Elle dynamise et vivifie l’énoncé en l’inscrivant dans un élan d’imagination constante qui fait penser au-delà des concepts. Voir : Paul Ricoeur, La métaphore vive, Paris, Seuil, 1975 ; Luc Brisson, « La métaphore vive de Paul Ricoeur », Dialogue, vol. 15, no 1, 1976, p. 133 ; Sylvianne Rémi-Giraud, « De la création à l’extinction : métaphore(s) et mondes de discours », Cahiers de praxématique, vol. 46, 2006, p. 61 ; Ronald Landheer, « La métaphore, une question de vie ou de mort ? », Semen, vol. 15, 2022, [En ligne], [journals-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/semen/2368] (28 septembre 2023).
-
[84]
J. Tamine, préc., note 79, à la page 73.
-
[85]
Id., à la page 72 (l’italique est de nous).
-
[86]
R. Ostrá, « Anomalies sémantiques et économie de la langue », préc., note 78, à la page 76 :
-
[T]oute « anomalie » sémantique, quelque insolite qu’elle ait été à sa création, est susceptible de lexicalisation : si elle a assez de succès pour être répétée avec une certaine fréquence, elle deviendra routine. N’étant plus insolite, elle n’a plus le pouvoir d’évoquer le contenu entier de l’unité lexicale employé de façon anomale, avec tout l’arrière-fond de la sphère conceptuelle d’origine. À ce moment, la construction anomale perd sa richesse sémantique, elle se lexicalise en devenant strictement référentielle et s’installe dans la normalité.
En appliquant ce qui vient d’être constaté à l’étude de la métaphore, on se rend compte qu’une métaphore vivante, celle qui fait image, doit nécessairement se présenter à l’esprit comme une construction sémantiquement anomale. Ce n’est d’ailleurs que dans la mesure où elle est perçue comme telle qu’elle peut être correctement interprétée par le destinataire du message.
-
-
[87]
Alain Sériaux, Le droit comme langage, Paris, LexisNexis, 2020.
-
[88]
Brigitte Boudon, « Platon. D’où vient le nom des choses ? », dans Nicolas Journet (dir.), Les grands penseurs du langage, Auxerre, Éditions Sciences humaines, 2019, p. 5. Le terme nomen proviendrait d’ailleurs de la même racine que nomos, ce qui a fait dire que « nommer c’est normer », en Droit comme en toute autre matière. Le nom, ainsi que la norme, reste donc une convention linguistique et sociale. Voir Olivier Jouanjan, « Nommer/Normer. Droit et langage selon la “Théorie structurante du droit” », dans Dominique Rousseau et Michel Morvan (dir.), La dénomination, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 39.
-
[89]
Léon Husson, Nouvelles Études sur la pensée juridique, Paris, Dalloz, 1974, p. 255.
-
[90]
David K. Lewis, Convention. A Philosophical Study, Oxford, Blackwell, 2002 ; Nicolas Brisset, « D’une convention à une autre : quand la rationalité “performe” le réel », Revue de philosophie économique, vol. 15, n° 2, 2014, p. 69, aux pages 71-73 ; Maciej Grochowski, « Les conventions sémantiques, les conventions référentielles et les explications des noms d’artefacts », Langages, 23e année, n° 89, 1988, p. 39.
-
[91]
Auctoritas non veritas facit jus, res judicata pro veritate habetur.
-
[92]
Jacques Petit, « À propos de la théorie de la qualification : le juge et les qualifications légales », L’office du juge, présenté au Palais du Luxembourg, 29 et 30 septembre 2006, p. 148, à la page 157 :
-
Si l’opération de qualification est le choix délibéré de la qualité juridique qui convient à une situation concrète, soit un acte de volonté, alors la qualification légale n’est plus une description mais une prescription, une norme par laquelle il est affirmé que tel objet doit être considéré comme ayant tel qualité juridique, lors même qu’il n’en remplirait pas les critères établis par le droit positif.
Voir aussi Sébastien Pimont et Vincent Forray, Décrire le droit… et le transformer. Essai sur la décriture du droit, Paris, Dalloz, 2017.
-
-
[93]
Olivier Cayla, « Ouverture : La qualification, ou la vérité du droit », (1993) 0-18 Droits 3.
-
[94]
Voir : François Leimdorfer, « Le pouvoir de nommer et le discours juridique. Deux exemples d’acte de parole en droit », Sociétés contemporaines, nos 18-19, 1994, p. 145 ; Eric Landowski, « Vérité et véridiction en droit », Droit et société 1988.8.45 ; François Ewald, « Juridiction et véridiction », Grief 2014.1.1.205 ; Jean-Claude Coquet, « Les discours de la véridiction », dans Herman Parret (dir.), De la croyance. Approches épistémologiques et sémiotiques, Berlin, Walter de Gruyter, 2016, p. 57.
-
[95]
Par la fiction-diction, le Droit dit la fiction, comme si elle représentait la réalité. C’est une conséquence de la performativité du langage du Droit, quoiqu’il puisse produire une illusion. Voir : Jacques Bouveresse, « Fait, fiction et diction », dans Études de philosophie du langage, Paris, Collège de France, 2013, [En ligne], [books.openedition.org/cdf/1972] (28 septembre 2023) ; Jacques Bouveresse, « Langage et illusion », dans Études de philosophie du langage, Paris, Collège de France, 2013, [En ligne], [books.openedition.org/cdf/1980] (28 septembre 2023) ; Jacques Bouveresse, « Fait, fiction et diction », Les Cahiers du musée d’art moderne, n° 41, 1992, p. 15 ; Gérard Genette, « Fiction ou diction », Poétique, vol. 134, no 2, 2003, p. 131 ; Gérard Genette, Fiction et diction, Paris, Seuil, 2004.
-
[96]
J. Julien, préc., note 67.
-
[97]
Sandrine Chassagnard-Pinet, « La place de la fiction dans le raisonnement juridique », dans Shahid Rahman et Juliele Maria Sievers (dir.), Normes et fiction, College Publications, 2011, p. 1, à la page 4 : « Les réticences que la fiction suscite viennent du mensonge qu’elle recèle. La fiction juridique repose sur un forçage des catégories juridiques. Le mensonge se niche dans l’opération de qualification qui est au coeur de tout raisonnement juridique. » ; Jean J.-A. Salmon, « Les différents stades du raisonnement juridique », (1982) 175 R.C.A.D.I. 272, à la page 290 :
-
La fiction est un procédé de technique juridique par lequel on qualifie une situation soit de manière contraire au réel, soit de manière contraire aux éléments constitutifs d’une catégorie juridique dont cette situation devrait relever, en vue de lui attribuer les conséquences juridiques de la qualification fictive.
[…]
Un premier groupe de fictions rassemble celles dont le but est purement de simplification légistique : la qualification énoncée est utilisée comme raccourci, pour faciliter l’exposition de la règle : cette méthode se rencontre dans les textes écrits, aussi bien dans les traités internationaux que dans les lois nationales relatives au droit international ; elle se présente sous deux formes : ou bien il s’agit de l’insertion forcée d’un fait dans une catégorie à laquelle il ne correspond pas afin d’assurer à ce fait le traitement prévu par la catégorie, ou bien il s’agit de l’exclusion forcée d’un fait de la catégorie à laquelle il correspond afin de lui assurer un autre traitement.
-
-
[98]
René Sève, « L’institution juridique : imposition et interprétation », Revue de métaphysique et de morale, vol. 95, no 3, 1990, p. 311, aux pages 314-315 : « En définitive, pour l’ontologie juridique moderne, la nature profonde – entendre souvent inaperçue – des entités juridiques est celle de fictions fabriquées par l’esprit pour recouvrir ou étiqueter la vraie réalité, naturelle ou immédiate, c’est-à-dire la réalité physique. »
-
[99]
Quentin Guiguet-Schielé, « Les présomptions et fictions (dis)qualificatives », dans M. Nicod, préc., note 67, p. 203 ; Ana Dimiskovksa, « Les fictions jurisprudentielles et le raisonnement défaisable en droit », dans S. Rahman et J. M. Sievers, préc., note 97, p. 95, à la page 97 :
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En synthétisant les éléments de quelques définitions classiques, on pourrait dire que la fiction représente un procédé de technique juridique, fondé sur la qualification des faits qui est contraire à la réalité, c’est-à-dire, qui suppose quelque situation différente de la réalité, afin de produire un certain effet de droit, en lui attribuant des conséquences juridiques qui découlent de cette qualification fictive.
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[100]
François Gény, Science et technique en droit privé positif. Nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, t. 3, Paris, Sirey, 1921, p. 369-371 ; Chaïm Perelman, « Présomptions et fictions en droit, Essai de synthèse », dans Chaïm Perelman et Paul Foriers (dir.), Les présomptions et les fictions en droit, Bruxelles, Bruylant, 1974, p. 339 ; Chaïm Perelman, Logique juridique. Nouvelle rhétorique, 2e éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 62 ; Patricia Partyka, Approche épistémologique de la notion de qualification en droit privé français, thèse de doctorat, Montpellier, Université de Montpellier, 2004.
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[101]
K. Stoyanovitch, « Centre national de recherches de logique, le fait et le droit. Études de logique juridique », (1962) 14-4 R.I.D.C. 803, 804 : « [I]l est des cas où la qualification juridique diffère de celle du langage courant : c’est lorsqu’on a recours aux fictions juridiques. Ce sont des qualifications inexactes, mais faites à dessein, en vue d’une condensation encore plus grande des faits que celle obtenue par une qualification simple. »
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[102]
John R. Searle, « What Is an Institution ? », Journal of Institutional Economics, vol. 1, no 1, 2005, p. 1 ; John R. Searle, La construction de la réalité sociale, Paris, Gallimard, 1998.
-
[103]
O. Jouanjan, préc., note 88, p. 40.
-
[104]
Paul de Longuemare, Une famille d’auteurs aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles : les Sainte-Marthe. Étude historique et littéraire d’après de nombreux documents inédits, Genève, Slatkine, 1970, p. 29-30.
-
[105]
Horace, Ars poetica ou Epistola ad Pisones (19 AEC). Voir : Horace, Q. Horatti Flacci Opera : Nova Editio Stereotypa, Iteratis Curis Castigada Et Expolita, Lipsiae, Tauchniti, 1985, p. 276 ; Horace, L’art poétique. Les auteurs latins expliqués d’après une méthode nouvelle par deux traductions françaises, l’une littéraire et juxtalinéaire présentant le mot à mot français en regard des mots latins, l’autre correcte et fidèle précédée du texte latin avec des sommaires et des notes, trad. E. Taillefert, Paris, Hachette, 1845, p. 10 et 11 :
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Multa renascentur, quae iam cecidere ; cadentque, Quae nunc sunt in honore vocabula ; si volet usus, Quem penes arbitrium est, et ius, et norma loquendi : « Que de mots sont déjà tombés, qui renaîtront un jour sans doute ! combien d’autres, qui sont de mode aujourd’hui, tomberont à leur tour, si l’usage le veut jamais, l’usage, cet arbitre absolu, ce maître, ce régulateur du langage » ou encore littéralement Multa vocabula, quae cecidere jam, renascentur ; quae que sunt in honore nunc, cadent, si usus, penes quem est arbitrium, et jus, et norma loquendi, volet : Beaucoup de mots, qui sont tombés déjà, renaîtront ; et des mots qui sont en honneur maintenant, tomberont un jour, si l’usage, au-pouvoir duquel est la toute-puissance, et l’autorité, et la règle du parler, le veulent ainsi.
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[106]
Dereux, préc. note 3, p. 504.
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[107]
Claude Vaugelas, Remarques sur la langue française utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire, Paris, Jean Camusat et Pierre Le Petit, 1647, p. 15-17 :
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Recouvert pour recouvré est un mot que l’usage a introduit depuis quelques années contre la règle, et contre la raison […] Je dis qu’il est contre la règle, parce que ce participe se formant de l’infinitif recouvrer, il ne faut qu’ôter le r, d’où se fait recouvré […] J’ajoute qu’il est contre la raison parce que recouvert veut dire une autre chose, et que la raison ne veut pas que l’on fasse des mots équivoques, quand on s’en peut passer. L’usage a néanmoins établi recouvert pour recouvré, c’est pourquoi il n’y a point de difficulté qu’il est bon : car l’usage est le roi des langues, pour ne pas dire le Tyran : Mais parce que ce mot n’est pas encore si généralement reçu, […] dans une lettre, ou quelque autre petite pièce, je mettrais plutôt recouvert comme plus usité. Je dirais donc recouvré, avec les gens de Lettres, pour satisfaire à la règle et à la raison […] et recouvert, avec toute la Cour pour satisfaire à l’usage, qui en matière de langue l’emporte toujours par-dessus la raison.
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[108]
Louis Guilbert, « Peut-on définir un concept de norme lexicale ? », Langue française, n° 16, 1972, p. 29, à la page 30 :
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Les règles de la grammaire, limitées en nombre, en vertu de la structure de la langue, sont d’une permanence relative. Si un changement intervient dans une règle, il se produit au niveau de la performance, sous la forme d’une déviation, d’une « faute », et sa transformation en règle nouvelle implique un usage répété, une longue évolution […].
Le changement des règles grammaticales échappe à la création consciente. Aucun locuteur, en effet, n’a un comportement linguistique naturel qui le conduise à faire volontairement des fautes […] Le locuteur, normalement, en vertu de la récursivité des règles, produit une infinité de phrases différentes. Les déviations qui, accumulées, constituent l’usage nouveau échappent à sa volonté, mais créent la règle nouvelle.
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[109]
Voir Stefan Goltzberg, « La norme grammaticale en droit comparé. Réalité ou fiction ? », dans S. Rahman et J. M. Sievers, préc., note 97, p. 141.
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[110]
L. Guilbert, préc., note 106.
-
[111]
Gérard Cornu, « L’art d’écrire la loi », Pouvoirs, no 107, 2003, p. 5 ; Xavier Thunis, « Droit et poésie : des mots pour le dire », dans François Ost et autres (dir.), Lettres et lois. Le droit au miroir de la littérature, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2001, p. 363-379 ; André Laingui, « La poésie dans le droit », (1996) 40 A.P.D. 132 ; Nicholas Kasirer, « Dire ou définir le droit ? », (1994) 28-1 R.J.T. 141.
-
[112]
Voir : Gunther Teubner, Le droit, un système autopoïétique, Paris, Presses universitaires de France, 1993 ; Gunther Teubner, Droit et réflexivité. L’auto-référence en droit et dans l’organisation, Paris, L.G.D.J., 1996 ; Niklas Luhmann, « The Self-Reproduction of Law and its Limits », dans Gunther Teubner (dir.), Dilemmas of the Welfare State, Berlin, Walter De Gruyter, 1986, p. 111 ; Philippe Chanial, « Des cercles autopoïétiques aux cercles du langage : note critique sur l’analyse du droit comme système autopoïétique », Quaderni, n° 22, 1994, p. 37 ; Louise Rolland, « Les aberrations chromatiques du système juridique ou tout ce qu’Adrian a toujours voulu savoir sur l’autopoïèse », dans Générosa Bras Miranda et Benoît Moore (dir.), Mélanges Adrian Popovici. Les couleurs du droit, Montréal, Thémis, 2010, p. 681.
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[113]
Une vieille querelle oppose les linguistes autour de la fonction première du langage. Les uns soutiennent que cette fonction est la communication interindividuelle ou sociale, tandis que les autres affirment que c’est plutôt l’expression de la pensée. Une doctrine intermédiaire considère que les deux fonctions sont interdépendantes parce que l’expression de la pensée est une sous-fonction de la macrofonction de communication. Ainsi, pour Émile Benveniste, « le langage a pour fonction de “dire quelque chose” ». En disant quelque chose, on exprime sa pensée, tout en communiquant avec l’autre ou soi-même. Voir : Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, t. 1, Paris, Gallimard, 1966, p. 7 ; Jacques Moeschler, Pourquoi le langage ? Des Inuits à Google, Malakoff, Armand Colin, 2020, p. 57 ; Nicolas Journet, « André Martinet. Le langage sert à communiquer », dans N. Journet, préc., note 88, à la page 69 ; Georges Mounin, « Les fonctions du langage », Word, vol. 23, nos 1-3, 1967, p. 396 ; Herman Parret, « Indépendance et interdépendance de la forme et de la fonction du langage », Revue philosophique de Louvain, t. 73, no 17, 1975, p. 56, aux pages 73-78.
-
[114]
Patrick Charaudeau, « Ce que communiquer veut dire », Revue des sciences humaines, n° 51, 1995, [En ligne], p. 20-23 [En ligne], [www.patrick-charaudeau.com/Ce-que-communiquer-veut-dire.html] (02-02-2024).
-
[115]
S. Goltzberg, préc., note 109, à la page 143 ; Robert Kolb, Interprétation et création du droit international. Esquisse d’une herméneutique juridique moderne pour le droit international public, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2006, p. 454.
-
[116]
Etienne Bonnot de Condillac, Oeuvres choisies de Condillac, Grammaire. Art d’écrire. Dissertation sur l’harmonie du style, t. 1, Paris, 1796, p. 330.
-
[117]
Id., p. 329-330 :
-
Madame de Sévigné écrit à sa fille :
Je vous en prie, ne donnons point désormais à l’absence l’honneur d’avoir remis entre nous une parfaite intelligence, et de mon côté la persuasion de votre tendresse pour moi.
Cette construction est fort claire, et par conséquent elle est bonne. Cependant, les grammairiens demanderont qu’est-ce qu’avoir remis de mon côté la persuasion de votre tendresse pour moi ? Et ils condamneront ce tour, parce qu’ils n’en trouvent pas d’exemple. Plus occupés des mots que des pensées, ils désapprouvent les ellipses, lorsqu’elles paraissent rapprocher des mots qu’on n’a pas encore vus ensemble. Mais, soyez persuadé qu’une phrase claire, vive et précise est bonne, quand même la langue ne fournirait pas de moyen pour remplir l’ellipse. Ces grammairiens savent si une chose a été dite ou non ; mais ils paraissent ignorer que ce qui n’a pas été dit, peut se dire. Assujettis à des règles qu’ils ne sauraient fixer et souvent en contradiction avec eux-mêmes, ils voient d’un jour à l’autre le succès des tours, contre lesquels ils se sont recriés ; et ils reçoivent enfin la loi de l’usage, qu’ils appellent bizarre. Cependant, l’usage n’est pas aussi peu fondé en raison qu’ils le prétendent ; il s’établit d’après ce qu’on sent, et le sentiment est bien plus sûr que les règles des grammairiens.
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[118]
Charles Taylor, La liberté des modernes, traduit par Philippe de Lara, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 36.
-
[119]
M. Cumyn, « La classification des catégories juridiques en droit comparé – Métaphores taxonomiques », préc., note 73, p. 4.
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[120]
Jean Jaurès, Allocution au 5e Congrès socialiste international, Paris, 23-27 septembre 1900.
-
[121]
Voir Jean-Claude Gémar et Nicholas Kasirer (dir.), Jurilinguistique : entre langues et droits, Montréal, Thémis, 2005.
-
[122]
Peter Burke, « Langage de la pureté et pureté du langage », Terrain, vol. 31, 1998, p. 103 ; Rhéa Delveroudi et Spiros Moschonas, « Le purisme de la langue et la langue du purisme », PhinN, vol. 24, 2003, p. 1 ; Spiros Moschonas, « Vers une théorie performative du purisme », Le français moderne, 76e année, vol. lxxvi, no 1, 2008, p. 38.
-
[123]
Le « linguicisme » désigne un attachement excessif à la pureté du langage tel qu’il est normé par les académiciens (purisme langagier). Par extension, il désigne dans le domaine social la discrimination ou la stigmatisation des usagers non natifs d’une langue, considérés, par préjugé, comme ne la maîtrisant pas. Voir : Richard Y. Bourhis et Nicole Carignan, « Linguicism in Quebec and Canada », Our Diverse Cities, n° 7, 2010, p. 156 ; Richard Y. Bourhis et autres, « Discrimination et linguicisme au Québec : enquête sur la diversité ethnique au Canada », Canadian Ethnic Studies, vol. 39, nos 1-2, 2007, p. 31 ; Wagner Junior Deguerre, La discrimination et la stigmatisation des personnes francophones immigrantes et racisées dans leur recherche d’emploi à Ottawa : les enjeux spécifiques du linguicisme, mémoire de maîtrise, Ottawa, École de service social, Université d’Ottawa, 2021.
-
[124]
Sophie Prévost et Benjamin Fagard, « Grammaticalisation et lexicalisation : la formation d’expressions complexes », Langue française, vol. 156, no 4, 2007, p. 3 ; Sophie Prévost, « Grammaticalisation, lexicalisation et dégrammaticalisation : des relations complexes », Cahiers de praxématique, vol. 46, 2006, p. 121.
-
[125]
Horace, L’art poétique, préc., note 105, p. 8 :
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Le secret pour être admiré, c’est de savoir, par une alliance ingénieuse, rajeunir une expression surannée. Vous faut-il des termes nouveaux, pour exprimer des idées nouvelles : eh bien ! vous créerez des mots nouveaux à l’oreille de nos vieux Céthégus. Oui, vous aurez ce privilège, mais n’en abusez pas ; surtout, et alors, ces mots neufs, ces mots de création nouvelle sont assurés de faire fortune, si, dérivés du grec, ils se latinisent sans effort. Mais quoi ? Les Romains accorderaient-ils à Cécilius et à Plaute un droit qu’ils refuseraient à Virgile, à Varius ? Et quelle raison de me reprocher, à moi, certaines innovations utiles, peut-être, quand la plume de Caton et d’Ennius sut enrichir la langue nationale d’une foule de mots qui n’existaient pas ? – Non : s’il est un droit qu’on a toujours eu, qu’on aura toujours, c’est celui de mettre en circulation un mot frappé au coin de l’usage.
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[126]
S. Goltzberg, préc., note 109, aux pages 142-149.
-
[127]
Id., aux pages 146-147.
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[128]
Par exemple : contrat d’adhésion, contrat de consommation, contrat de gré à gré.
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[129]
Tel est le cas de l’Académie française dont la création a été actée par les Lettres patentes de Louis XIII du 29 janvier 1634, puis du 29 janvier 1635, enregistrées au parlement le 10 juillet 1637, avec pour « principale mission […] de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences », assortie d’une obligation pour l’Académie de composer « un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique » de la langue française, aux termes des articles xxiv et xxvi de ses statuts, et de l’Office québécois de la langue française créé par la Charte de la langue française, RLRQ c. C-11, art. 157, dont l’une des compétences est de « défini[r] et [de] condui[re] la politique québécoise en matière d’officialisation linguistique et de terminologie » (art. 159), d’« assister et [d’]informer l’Administration, les organismes parapublics, les entreprises, les associations diverses et les personnes physiques en ce qui concerne la correction et l’enrichissement de la langue française parlée et écrite au Québec » (art. 162 al. 1).
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[130]
Martine Grinberg, « La rédaction des coutumes et les droits seigneuriaux : nommer, classer, exclure », Annales. Histoire, Sciences sociales, 52e année, no 5, 1997, 1017, 1024.
-
[131]
Nous pensons ici à l’écriture dite inclusive qui remplit une fonction plus politique et idéologique que proprement linguistique et juridique, dans la mesure où l’égalité des genres est déjà consacrée par le Droit.
-
[132]
James P. Allen, Middle Egyptian. An Introduction to the Language and Culture of Hieroglyphs, 3e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 2014 ; David Diringer, Writing, Londres, Thames & Hudson, 1962 ; Steven Roger Fischer, A History of Writing, Londres, Reaktion Books, 2003 ; Andrew Robinson, The Story of Writing : Alphabets, Hieroglyphs & Pictograms, 2e éd., London, Thames & Hudson, 2007.
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[133]
L’écriture date de l’invention des signes cunéiformes (vers 3 400-3 300 avant l’ère commune (AEC)) en Mésopotamie et des hiéroglyphes (vers 4 000-2 700 AEC) en Égypte antique. Elle est née de la nécessité pratique d’enregistrer et de conserver les preuves des transactions commerciales dans les archives administratives. Leur multiplication et leur complexification ont fini en effet par dépasser la capacité de mémorisation de l’esprit humain dans un contexte de développement économique favorisé par l’essor de l’agriculture. C’est donc le Droit, et en particulier le Droit de la preuve, qui a contribué à l’invention de l’écriture. Voir : Jean-Jacques Glassner, Écrire à Sumer. L’invention du cunéiforme, Paris, Seuil, 2000, p. 231-259 ; Jean-François Gilmont, Une introduction à l’histoire du livre et de la lecture. Du livre manuscrit à l’ère électronique, 4e éd., Liège, Céfal, 2004, p. 17-18 ; Catherine Chadefaud, L’écrit dans l’Égypte ancienne, Paris, Hachette, 1993, p. 31, 39 ; C.B.F. Walker, « Cuneiform », dans J.T. Hooker (dir.), Reading The Past : Ancient Writing from Cuneiform to the Alphabet, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1990, p. 15, aux pages 17-21 ; W.V.Davies, « Egyptian Hieroglyphs », dans J.T. Hooker (dir.), préc., p. 75, à la page 78.
-
[134]
Douglas A. Kibbee, « Présentation : l’autorité de l’État et l’autorité linguistique », Histoire Épistémologie Langage, vol. 24, n° 2, 2002, p. 5 ; John H. Fisher, The Emergence of Standard English, University Press of Kentucky, 1996, p. 36-64.