Résumés
Résumé
La jurisprudence est au coeur du droit constitutionnel au Canada. Une bonne compréhension du droit constitutionnel canadien requiert effectivement un examen préalable de la jurisprudence pertinente. Or, une portion importante de la jurisprudence constitutionnelle, surtout lorsqu’elle émane de la Cour suprême du Canada, prend la forme d’« avis consultatifs » ou de « renvois », formulés à la demande du pouvoir exécutif. Dans le présent article, l’auteur s’intéresse à la façon dont certains de ces renvois de la Cour suprême ont eu pour effet de redéfinir les règles du jeu constitutionnel et les rapports de force entre le Québec et le reste du Canada. À la manière d’un récit que l’on raconte, il examine les contextes politiques propres à ces renvois, leurs principales conclusions et leurs conséquences les plus importantes. Outre qu’il revient sur l’histoire constitutionnelle que façonnent ces renvois, l’auteur tente également de tirer certaines conclusions concernant les éléments qui influencent la Cour suprême dans ce type de décision, notamment le rejet de l’unilatéralisme et le recours à des sources ou à des principes non écrits.
Abstract
Case law is at the heart of constitutional law in Canada. A proper understanding of Canadian constitutional law requires a prior review of the relevant case law. A significant portion of constitutional case law, especially when it emanates from the Supreme Court of Canada, takes on the form of “advisory opinions” or “references” issued at the request of the executive branch. This article examines how some of these Supreme Court references have redefined the rules of the constitutional “game” and the balance of power between Quebec and the rest of Canada. Like a story being told, we will examine these references’ political contexts, their main conclusions and their most important consequences. In addition to reviewing the constitutional history shaped by these references, we will also attempt to draw some conclusions about what influences the Supreme Court in rendering such decisions, including the rejection of unilateralism and the reliance on unwritten sources or principles.
Resumen
La jurisprudencia es la esencia del derecho constitucional en Canadá. Una comprensión adecuada de la ley constitucional canadiense requiere necesariamente de un estudio previo de la jurisprudencia pertinente. Ahora bien, una parte considerable de la jurisprudencia constitucional — particularmente cuando emana de la Corte Suprema de Canadá — adquiere la forma de « dictámenes consultivos » o de « reenvíos » formulados a solicitud del Poder Ejecutivo. En este artículo se aborda cómo algunos de estos reenvíos de la Corte Suprema han logrado redefinir las reglas del juego constitucional y las relaciones de poder entre la provincia de Quebec y el resto de Canadá. Al igual que una historia que se narra, tomaremos en cuenta los contextos políticos específicos de dichos reenvíos, las principales conclusiones, y las consecuencias más importantes. Además de revisar la historia constitucional que forjan estos reenvíos, intentaremos igualmente sacar algunas conclusiones acerca de lo que influye al Tribunal Supremo en este tipo de decisiones, particularmente el rechazo al unilateralismo y el hecho de recurrir a fuentes o a principios no escritos.
Corps de l’article
Dans le Dictionnaire de droit québécois et canadien, Hubert Reid définit la « jurisprudence » comme l’ensemble des « décisions rendues par les tribunaux » ou des « principes juridiques qui se dégagent des solutions apportées par les tribunaux lorsqu’ils sont appelés à interpréter la loi ou à créer du droit en cas de silence de la loi »[1]. On pourrait ainsi définir la jurisprudence comme un assortiment d’enseignements normatifs, qu’il est possible de tirer du raisonnement des juges d’une juridiction donnée. La jurisprudence, c’est la source de droit que les juges créent, adaptent et modifient sur une base continue.
En droit constitutionnel canadien, la jurisprudence joue un rôle absolument fondamental, probablement inégalé dans les autres branches du droit. En effet, la Constitution canadienne, avec sa structure floue et incomplète, requiert une interprétation fréquente de la part des tribunaux pour en combler les multiples silences[2] : par conséquent, une bonne compréhension du droit constitutionnel exige une connaissance pointue de la jurisprudence pertinente. De plus, le droit constitutionnel est au centre d’une part conséquente des décisions rendues par le plus haut tribunal au pays : la Cour suprême du Canada. On n’a qu’à penser à la quantité phénoménale de décisions judiciaires rendues en matière de droits fondamentaux depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés[3], en 1982, pour s’en convaincre.
En matière constitutionnelle justement, une portion non négligeable de la jurisprudence n’émane pas de conflits se frayant un chemin jusque devant les tribunaux, mais plutôt d’un pouvoir bien particulier dont jouissent les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada : celui de demander l’avis du plus haut tribunal de leur juridiction quant à une question de droit donnée[4]. Ainsi, la Loi sur la Cour suprême prévoit, par exemple, que le « gouverneur en conseil peut soumettre au jugement de la Cour toute question importante de droit ou de fait[5] » se rapportant à un enjeu constitutionnel, ou autre. On retrouve la même possibilité au Québec, dans la Loi sur les renvois à la Cour d’appel, qui dispose que le « gouvernement peut soumettre à la Cour d’appel, pour audition et examen, toutes questions quelconques qu’il juge à propos, et, sur ce, la cour les entend et les examine[6] ». Les autres provinces ont aussi le même type de disposition législative qui permet les renvois devant leurs tribunaux[7].
Les « renvois » que rendent alors les tribunaux, que l’on peut également appeler des « avis consultatifs », ne sont pas juridiquement contraignants à proprement parler, et ce, contrairement au reste de la jurisprudence. Or, la pratique démontre que les avis consultatifs sont toujours respectés par les acteurs politiques. La Cour suprême en fait elle-même mention, lorsqu’elle écrit ceci dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford : « Bien que les avis consultatifs puissent ne pas être juridiquement contraignants, dans les faits, ils sont suivis[8]. » C’est ce qui fait dire à certains que les renvois, « invariablement respectés, au point de “faire jurisprudence”[9] », jouissent à peu près du même degré de considération que les autres « jugements » des tribunaux[10].
Un tel constat n’est pas sans rappeler les travaux de la professeure Catherine Thibierge et de l’école d’Orléans sur la normativité[11], dont une application a d’ailleurs déjà été proposée par plusieurs pour le Canada[12]. Ici, le concept de force normative — et ses trois composantes, soit la valeur normative, la portée normative et la garantie normative — entre directement en action. On peut ainsi dire que, si la « valeur normative » formelle des renvois de la Cour suprême se révèle plus faible que celle de ses autres décisions, leur véritable « portée normative » est équivalente à celle du reste de la jurisprudence[13].
En matière strictement constitutionnelle, environ le quart des décisions rendues par la Cour suprême « prennent la forme d’avis consultatifs[14] ». Selon Johanne Poirier, la vaste majorité de ces renvois « a eu pour effet de façonner le paysage constitutionnel canadien[15] ». La professeure Poirier donne notamment les exemples d’avis fondateurs du Comité judiciaire du Conseil privé en matière de fédéralisme, du rapatriement de la Constitution, de l’encadrement juridique de la possible sécession d’une province et de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Au fil des dernières années, la Cour suprême a également rendu des renvois absolument fondamentaux concernant le fédéralisme et l’interprétation du partage des compétences[16]. Ainsi, en droit canadien, la jurisprudence constitutionnelle prend bien souvent la forme de renvois, et l’importance de ces derniers n’est plus à démontrer.
Sans offrir un portrait exhaustif de l’apport des renvois de la Cour suprême en droit constitutionnel canadien, nous nous intéresserons, dans le présent article, à un domaine bien particulier dans lequel le plus haut tribunal du pays a sporadiquement été consulté : l’exercice de la fonction constituante, soit la procédure de modification de la Constitution du Canada, de même que les rapports entre le Québec et le Canada qui s’en dégagent. Plutôt que d’opter pour une étude exhaustive des avis consultatifs au Canada, nous présenterons un survol des principaux renvois de la Cour suprême en ce qui a trait à la modification de la Constitution du Canada, et ce, depuis le moment du rapatriement constitutionnel.
Pour ancrer nos réflexions dans le présent numéro thématique sur la jurisprudence, nous proposons donc de considérer certaines des principales décisions de la Cour suprême en matière constitutionnelle. En dressant le portrait de celles-ci, nous tenterons de faire ressortir l’apport des renvois de la Cour suprême au débat constitutionnel et politique au pays. Plus un exposé qu’une analyse en profondeur, notre présentation cherche à additionner l’examen de ces renvois, de manière à voir quels sont le « dialogue » et la tendance qui ressortent de ceux-ci. À la manière d’un récit que l’on raconte, ces renvois seront abordés en distinguant trois périodes distinctes, ce qui nous amènera à détailler chaque fois le contexte où la Cour suprême est intervenue dans le débat.
Cinq renvois feront ainsi partie de notre corpus d’étude, soit le Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution[17], le Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution[18], le Renvoi relatif à la sécession du Québec[19], le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6[20] et le Renvoi relatif à la réforme du Sénat[21]. Comme nous le verrons, ces décisions ont toutes pour caractéristique d’avoir eu des conséquences structurelles sur les relations constitutionnelles entre le Québec et le Canada.
Le principal fil conducteur qui ressort du survol successif de ces cinq renvois est le suivant : lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur un enjeu relatif à une modification importante du cadre constitutionnel canadien, c’est-à-dire sur des questions d’une grande importance pour l’avenir et le devenir de la fédération, la Cour suprême privilégie une interprétation qui rejette l’unilatéralisme, peu importe que ce dernier soit l’oeuvre du fédéral ou d’une province. On peut ainsi reconnaître un véritable rôle « fédératif » à la Cour suprême, au sens où elle endosse avec sérieux son rôle d’arbitre constitutionnel.
Cela étant dit, comme nous le verrons, si le fédéralisme se trouve au centre de préoccupations de la Cour suprême quand vient le temps de statuer sur une question concernant les changements constitutionnels, il demeure difficile de bien saisir les contours de ce fédéralisme, et surtout la place particulière — ou non — qu’y occupe le Québec. Il existe effectivement là certaines zones d’ombre, ce qui laisse planer un doute sur la manière dont la Cour suprême pourrait se prononcer à l’occasion de futures décisions sur des questions relatives à la modification constitutionnelle.
Pour en faire état, nous amorcerons notre réflexion en traitant de la période du rapatriement constitutionnel de 1981-1982 et de l’intervention de la Cour suprême ayant alors eu pour conséquence d’assouplir les règles du jeu constitutionnel, au détriment du Québec (partie 1). Nous poursuivrons avec le dossier relatif à la sécession du Québec de 1998, en abordant la manière dont le plus haut tribunal du pays a tenté de mieux y définir, devant un certain vide constitutionnel, le processus à suivre pour une éventuelle sécession, le tout en cherchant une forme d’équilibre entre les positions des parties en présence (partie 2). Nous conclurons en nous penchant sur les tentatives de réformes institutionnelles législatives qui ont donné lieu à deux renvois, en 2014, pour y examiner l’intervention de la Cour suprême : celle-ci a alors contribué à rigidifier encore davantage la procédure de révision constitutionnelle du Canada, protégeant ainsi la Cour suprême et le Sénat à l’encontre de modifications unilatérales de la part du fédéral (partie 3).
1 Quand la Cour suprême assouplit les règles du jeu : avis consultatifs et rapatriement
Notre première période d’étude s’intéressera donc au Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution de 1981 et au Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution de 1982. Nous évoquerons d’abord brièvement le contexte politique et constitutionnel de l’époque, ce qui permettra de mieux saisir la séquence des événements ayant amené la Cour suprême dans le débat (1.1). Nous nous pencherons ensuite sur le raisonnement proprement « juridique » de la Cour suprême en 1981 (1.2), puis sur son évaluation des conventions constitutionnelles applicables à cette situation (1.3). Nous poursuivrons en abordant le renvoi de 1982 et la situation bien spécifique du Québec dans tout ce processus de rapatriement (1.4), puis nous conclurons en traitant des effets de ces deux renvois de la Cour suprême, notamment en ce qui concerne la spécificité québécoise au sein de la fédération canadienne (1.5).
1.1 Le contexte politique et constitutionnel du rapatriement
Au tournant des années 80, le Canada est un État dont la souveraineté de facto ne fait plus aucun doute, en particulier depuis l’adoption du Statut de Westminster[22] de 1931. Cette souveraineté canadienne demeure néanmoins « incomplète », surtout parce qu’il est toujours nécessaire de passer par le Parlement britannique pour modifier la Constitution du Canada. Relique de l’époque coloniale ou témoin d’un processus d’acquisition par étape de la pleine indépendance, le nécessaire recours aux parlementaires de Westminster pour exercer la fonction constituante canadienne est de plus en plus perçu comme un anachronisme, auquel il conviendrait de mettre fin une fois pour toutes.
Et pourtant, les tentatives de « rapatrier » au Canada le pouvoir de modifier sa constitution se sont toujours butées à des échecs, faute d’entente, entre le fédéral et les provinces, sur une procédure toute canadienne de modification de la Constitution. En fait, de 1926 (moment de la conférence impériale qui donne naissance au rapport Balfour) à 1982, James Ross Hurley ne recense pas moins de 14 tentatives de s’entendre sur les modalités du rapatriement constitutionnel et de la modification subséquente de la Constitution canadienne[23]. Faute de solution consensuelle de remplacement, le recours au Parlement britannique a donc persisté pendant plus d’un demi-siècle.
Ultimement, c’est principalement à l’activisme de Pierre Elliott Trudeau que l’on doit la fin de l’impasse constitutionnelle prérapatriement — puis le début de l’impasse constitutionnelle postrapatriement, pourrions-nous dire. Après avoir lui-même essuyé plusieurs échecs en tentant de trouver une entente sur le rapatriement, Trudeau fait in fine de cet enjeu, et de l’insertion simultanée d’une charte des droits dans la Constitution canadienne, le principal legs de son action politique[24]. Pour mettre fin à l’impasse et aux échecs répétés de s’entendre entre le fédéral et les provinces quant au rapatriement, Trudeau a d’abord décidé, en 1980, d’agir unilatéralement, soit sans l’accord des provinces.
Si l’Ontario et le Nouveau-Brunswick se montrent alors satisfaits de cette tentative, la majorité des provinces s’y opposent. Les provinces dissidentes demandent alors l’avis des tribunaux, en initiant des renvois devant les cours d’appel du Québec, du Manitoba et de Terre-Neuve. Les deux premières cours d’appel donnent raison au fédéral et autorisent ainsi un rapatriement unilatéral, mais celle de Terre-Neuve s’y oppose, ce qui mène finalement le gouvernement fédéral à s’adresser à la Cour suprême pour trancher l’affaire.
1.2 La conclusion juridique de la Cour suprême quant au rapatriement
Le 28 septembre 1981, la Cour suprême rend sa décision. Dans des motifs partagés, les neuf juges présents sont d’accord pour dire que le rapatriement, tel qu’il est proposé par le premier ministre Trudeau, aurait « un effet sur les relations fédérales-provinciales ou sur les pouvoirs, les droits ou les privilèges que la Constitution du Canada accorde ou garantit aux provinces, à leurs législatures ou à leurs gouvernements[25] ». Les juges de la Cour suprême reconnaissaient ainsi à l’unanimité que le rapatriement aurait des conséquences sur l’équilibre fédératif canadien.
Cela étant, seuls deux juges — les juges Martland et Ritchie — sont d’avis qu’il existe une norme juridiquement contraignante rendant nécessaire d’obtenir le consentement des provinces pour une modification constitutionnelle d’une telle ampleur[26]. Pour ces deux juges, il « est de l’essence même de la nature fédérale de la Constitution que le Parlement du Canada et les législatures des provinces aient des pouvoirs législatifs distincts[27] ». En ce sens, selon eux, le « Parlement du Canada n’a pas le pouvoir d’empiéter sur le domaine des pouvoirs législatifs conférés aux législatures provinciales », et donc la résolution de rapatriement proposée par le gouvernement Trudeau « pourrait seulement constituer une expression réelle de la souveraineté canadienne si elle avait l’appui des deux ordres de gouvernement »[28]. Formulé autrement, un rapatriement unilatéral est impossible, selon les juges Martland et Ritchie.
Cette opinion n’est cependant pas partagée par la majorité de la Cour suprême. En fait, sept juges émettent l’opinion selon laquelle aucune règle juridique formelle n’empêche le gouvernement fédéral d’agir unilatéralement, avec pour conséquence de reconnaître la capacité du fédéral de procéder sans l’accord des provinces, malgré les effets du rapatriement sur l’équilibre fédératif du Canada :
L’élément central ici est l’autorité totale en droit des deux chambres fédérales de mener comme elles le veulent leurs propres procédures et donc d’adopter la résolution qui doit être soumise à Sa Majesté pour que le Parlement du Royaume-Uni y donne suite. Que ce soit par son texte ou par implication, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ne régit pas ce pouvoir ni n’exige qu’il soit assujetti à la sanction provinciale. Le Statut de Westminster, 1931 ne l’impose pas non plus. Au mieux, il laisse les choses comme elles l’étaient avant son adoption. L’évolution qui a suivi est sans effet sur la situation juridique[29].
Par cette interprétation, la majorité de la Cour suprême a alors désigné la seule entité constituante juridiquement autorisée à demander une modification constitutionnelle de l’ampleur du rapatriement, soit les deux chambres du Parlement fédéral du Canada.
1.3 La règle conventionnelle du nécessaire consentement provincial
Dans le même renvoi de 1981, l’une des questions posées consiste aussi à savoir s’il est « une convention constitutionnelle aux termes de laquelle la Chambre des communes et le Sénat du Canada ne peuvent, sans le consentement préalable des provinces[30] », tenter de procéder à une modification de la Constitution du Canada ayant des implications comme celles du rapatriement. Autrement dit, malgré la nature proprement juridique de l’enjeu, y a-t-il des conventions qui rendent plus difficile la tentative de rapatriement voulue par le premier ministre Trudeau ? La réponse donnée par la majorité de la Cour suprême est alors différente de celle que nous avons abordée à la section 1.2. Pour six des neuf juges présents — soit les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Chouinard et Lamer —, la réponse est qu’il existe bel et bien une règle conventionnelle allant dans ce sens[31].
Pour en venir à cette conclusion, ces juges examinent d’abord la nature même des conventions constitutionnelles, soit des règles habituellement non écrites dont l’objet principal « est d’assurer que le cadre juridique de la Constitution fonctionnera selon les principes ou valeurs constitutionnelles dominantes de l’époque[32] ». Ils tirent ensuite la conclusion suivante : « C’est pourquoi il est tout à fait juste de dire que violer une convention revient à faire quelque chose d’inconstitutionnel même si cela n’a aucune conséquence juridique directe […] Une équation permet peut-être de résumer ce qui précède : conventions constitutionnelles plus droit constitutionnel égalent la Constitution complète du pays[33]. »
Plus loin, les mêmes juges de la majorité examinent les trois éléments constitutifs des conventions constitutionnelles, soit l’existence de précédents[34], la nécessité que les acteurs politiques se sentent contraints par la règle conventionnelle[35] et la raison d’être d’une telle règle[36], avant de constater la présence de chacun de ceux-ci dans le cas qui nous intéresse. À ce titre, le résultat de leur raisonnement, bien connu, se lit ainsi : « nous en venons à la conclusion que le consentement des provinces du Canada est constitutionnellement nécessaire [pour procéder au rapatriement] et que l’adoption de cette résolution sans ce consentement serait inconstitutionnelle au sens conventionnel[37] ».
Cela mène également la majorité des juges de la Cour suprême à discuter de la question peut-être la plus épineuse du renvoi : au-delà du constat de l’existence d’une convention qui requiert un certain degré de consentement provincial pour procéder au rapatriement, un enjeu demeure, soit déterminer ce que serait un degré acceptable de consentement des provinces. Sur ce point, la Cour suprême écrit ceci :
Un problème majeur à ces conférences [fédérales-provinciales pour tenter de rapatrier la Constitution avant 1980] était la mesure du consentement provincial. Aucun consensus ne s’est dégagé sur ce point. Mais la discussion de ce point précis depuis plus de cinquante ans postule que tous les gouvernements en cause reconnaissent clairement le principe qu’un degré appréciable de consentement provincial est nécessaire.
Il ne convient pas que la Cour conçoive dans l’abstrait une formule précise qui indiquerait en termes positifs quel degré de consentement provincial est nécessaire pour que la convention soit respectée. Les conventions, de par leur nature, s’élaborent dans l’arène politique et il revient aux acteurs politiques, et non à cette Cour, de fixer l’étendue du consentement provincial nécessaire.
Il suffit que la Cour décide qu’au moins un degré appréciable de consentement provincial est nécessaire et décide ensuite si la situation qu’on lui soumet y satisfait. En l’espèce, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick sont d’accord avec les projets de modification alors que les huit autres provinces s’y opposent. Aucune norme concevable ne permettrait de penser que cette situation est à la hauteur. Elle ne révèle nettement pas un degré d’accord provincial suffisant. On ne peut rien ajouter d’utile à cet égard[38].
Cet avis consultatif de la Cour suprême a donc pour effet de clairement établir la marche à suivre pour le gouvernement fédéral : la Cour suprême ayant rejeté l’approche unilatérale, ce dernier peut procéder au rapatriement, mais il lui est conventionnellement requis d’obtenir l’appui d’un degré appréciable de provinces pour aller de l’avant. Devant cette conclusion, le gouvernement fédéral convoque une nouvelle conférence constitutionnelle, en novembre 1981[39]. Il y obtient le consentement des neuf provinces à majorité anglophone pour rapatrier la Constitution, malgré l’opposition formelle du Québec. Le gouvernement fédéral estime alors avoir obtenu un degré de consentement provincial suffisant.
L’examen de ce premier renvoi démontre, par ailleurs, la force normative et les effets contraignants des avis consultatifs de la Cour suprême, et ce, même sur une question aussi fondamentale que le rapatriement de la Constitution. Malgré la confirmation qu’il n’existe aucune règle juridique susceptible de l’empêcher de procéder unilatéralement, le fédéral respecte l’avis de la Cour suprême et emprunte la voie déterminée par celle-ci. Déjà à ce stade, nous observons les conséquences constituantes du pouvoir de la Cour suprême de rendre des avis consultatifs.
1.4 L’exclusion du Québec et la question du véto conventionnel
Devant cette situation, le Québec s’oppose au rapatriement et tente de bloquer ce dernier, notamment en adoptant un décret pour « exercer » son droit de véto conventionnel, de même qu’en demandant un renvoi devant sa cour d’appel[40]. Ici encore, c’est la Cour suprême qui est ultimement appelée à trancher la question, en produisant un deuxième renvoi concernant le rapatriement constitutionnel en autant d’années. Rendu le 6 décembre 1982, soit plus de six mois après la proclamation, en avril de la même année, de la Loi constitutionnelle de 1982, le Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution met fin au débat judiciaire relatif au rapatriement de la Constitution canadienne.
Plus court (et plus simple) que sa décision de l’année précédente, ce renvoi de la Cour suprême a pour principal objectif de répondre à deux questions :
-
Existe-t-il une règle conventionnelle de l’unanimité pour rapatrier la Constitution ?
-
Le Québec a-t-il un droit de véto conventionnel dans ce processus de rapatriement ?
Dans une décision unanime, la Cour suprême répond par la négative à ces deux questions.
D’abord, en ce qui a trait à la première question, la Cour suprême réexamine quelques conclusions du renvoi de 1981, puis ajoute : « Il s’ensuit nécessairement que, de l’avis de la majorité [en 1981], il manque une condition essentielle pour établir la règle conventionnelle de l’unanimité. Cette condition est l’acceptation de tous les acteurs dans les précédents. En conséquence, une telle convention n’existe pas[41]. » C’est ce qui l’amène à conclure qu’il « convient de réitérer l’opinion exprimée dans le Premier renvoi, selon laquelle il n’existe aucune règle conventionnelle de l’unanimité[42] ».
En ce qui concerne la possibilité d’un véto spécifique pour le Québec, la Cour suprême détaille ainsi le raisonnement de la province, en appui à ses prétentions : « Selon l’appelant, la raison d’être de la règle conventionnelle d’un droit de veto du Québec est le principe de la dualité pris, toutefois, dans un sens spécial[43] », puis elle cite un long passage du mémoire d’appel de la province :
Dans le contexte du présent renvoi, l’expression « dualité » recouvre l’ensemble des réalités qui font que le Québec forme, depuis l’origine du pays et bien avant, une société distincte, ainsi que l’ensemble des garanties qui, en 1867, ont été reconnues au Québec, en tant que province que la Commission de l’unité canadienne qualifiait de « château fort du peuple canadien-français », de « phare de la présence française en Amérique du Nord ». Ces réalités et ces garanties dépassent largement les seuls secteurs linguistiques et culturels : c’est la société québécoise toute entière qui s’est sentie protégée par l’Acte de l’Amérique britannique du Nord, protégée dans sa langue, certes, mais aussi dans ses valeurs, dans son droit, dans sa religion, dans son éducation, dans son territoire, dans ses richesses naturelles, dans son gouvernement, dans la souveraineté de son assemblée législative sur tout ce qui était, alors, d’intérêt « local »[44].
La Cour suprême cite également un décret du gouvernement québécois[45] et une résolution de l’Assemblée nationale du Québec[46], datant tous deux de décembre 1981, pour bien expliquer la définition et la compréhension québécoise du principe de la dualité canadienne. Elle poursuit en affirmant, sans nuance et plutôt sèchement : « À notre avis, il ne sera pas nécessaire d’approfondir ces points : cette thèse doit, de toute manière, être rejetée étant donné que l’appelant n’a absolument pas réussi à faire la preuve que la condition la plus importante pour établir une convention a été remplie, savoir l’acceptation ou la reconnaissance par les acteurs dans les précédents[47]. »
Si la Cour suprême admet qu’on lui a fourni des éléments permettant de constater que le principe de la dualité canadienne et le droit de véto qui l’accompagnerait trouvent un certain écho dans la société canadienne[48], elle est tout de même d’avis que la preuve faite devant elle ne permet pas de constater que les représentants des autorités fédérales ou des autres provinces reconnaissent au Québec un droit de véto conventionnel sur certains types de modifications constitutionnelles[49]. Elle ajoute enfin : « La reconnaissance par les acteurs dans les précédents n’est pas seulement un élément essentiel des conventions. C’est, à notre avis, l’élément normatif et donc, le plus important, l’élément formel qui permet de faire avec certitude la distinction entre une règle constitutionnelle et une règle de convenance ou une ligne de conduite jugée opportune sur le plan politique[50]. »
Ultimement, la principale conséquence du Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution de 1982 a donc été de réaffirmer une version étroite ou mince du raisonnement de la Cour suprême dans le Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution de 1981. Certes, la position que défend le Québec en 1982 aurait parfaitement pu être jugée comme cohérente avec la décision de 1981 et aurait même représenté une meilleure conciliation des principes du fédéralisme et de la dualité canadienne, mais la Cour suprême a plutôt opté pour une définition de l’entité « constituante » cohérente avec la séquence des événements s’étant produite en novembre 1981.
1.5 L’effet des renvois de 1981 et 1982 : assouplir les règles du jeu au désavantage du Québec
Les conséquences des renvois de 1981 et de 1982 de la Cour suprême sont évidemment d’une grande ampleur : ceux-ci ont permis de définir le processus à suivre au Canada pour que la Constitution puisse être rapatriée, outre qu’ils ont forcé le gouvernement fédéral à obtenir un certain degré de consentement provincial avant d’agir. De plus, nous pouvons aisément faire valoir que le rapatriement, tel qu’il se trouve permis par ces deux renvois, est la modification constitutionnelle la plus substantielle à avoir vu le jour dans toute l’histoire canadienne.
En ce qui a trait précisément à la définition de l’entité constituante au Canada et aux relations entre le Québec et le reste du Canada, ces deux avis consultatifs ont également permis d’assouplir les règles du jeu constitutionnel, telles qu’elles étaient perçues à ce moment-là par une grande quantité d’acteurs politiques, au détriment de la protection dont pensait jouir le Québec dans la procédure de modification constitutionnelle. Comme la Cour suprême le reconnaît elle-même dans le renvoi de 1982, plusieurs sources et de nombreux experts — constitutionnalistes, acteurs politiques, etc. — appuyaient l’interprétation de l’existence d’une convention relative à l’unanimité ou à un droit de véto pour le Québec[51].
Les propos de Dennis Baker sont éclairants sur ce point. D’abord, en ce qui a trait à la question de l’accord unanime des provinces avant de modifier la Constitution sur des questions intéressant ces dernières, il écrit : « The evidence in both cases before the Court of pre-1982 constitutional change consisted of five “positive precedents” of successful constitutional amendments agreed to by all provinces[52]. » Le professeur Baker ajoute : « More telling, in this respect, were the “negative precedents” of unsuccessful constitutional amendments and constitutional conferences in 1951, 1960, 1964 and 1971, each of which failed because of the objections of one or more provinces[53] ».
Ensuite, sur la possibilité d’un véto québécois, il précise que, à deux reprises, « the historical record was perfectly clear that all political actors were operating under the assumption that a constitutional amendment could not move forward without the agreement of Quebec[54] ». L’un de ces exemples est l’abandon de la Charte de Victoria, dix ans avant le rapatriement : « in 1971, Prime Minister Pierre Trudeau thought he had achieved the agreement of all the provinces, but Quebec Premier Bourassa withdrew Quebec’s consent a few weeks later, resulting in the abandonment of the Victoria Charter[55] ». En fin de compte, selon Dennis Baker, « it is hard to avoid the conclusion that the Court’s opinion was torqued to arrive at a specific result : to avoid invalidating the freshly enacted Constitution Act, 1982[56] ». Et, pour ce faire, la Cour suprême a dû assouplir les règles du jeu constitutionnel pré-1982. Cet assouplissement explique, aujourd’hui encore, la position du Québec quant au rapatriement[57].
En recourant à des règles constitutionnelles non écrites — des conventions constitutionnelles — pour répondre aux questions qui lui sont posées, dans un contexte de silence constitutionnel, la Cour suprême rend finalement deux renvois ayant pour conséquence de définir l’entité apte à demander le rapatriement de la Constitution en fonction de paramètres qui sont à l’avantage du Canada anglais et à l’encontre des intérêts du Québec. Or, dans un contexte similaire (silence constitutionnel et utilisation de règles non écrites), la Cour suprême rend une décision beaucoup plus nuancée en 1998, dans son Renvoi relatif à la sécession du Québec.
2 Quand la Cour suprême élabore une voie mitoyenne : avis consultatif et sécession
Un peu plus d’une quinzaine d’années après l’épisode du rapatriement constitutionnel, la Cour suprême est à nouveau appelée à intervenir pour se prononcer, toujours dans le contexte d’un avis consultatif, sur un enjeu névralgique de la relation constitutionnelle entre le Québec et le Canada : la possibilité d’une éventuelle sécession. Pour aborder cet épisode et ses conséquences, nous traiterons d’abord du contexte de l’époque (2.1), puis du silence des textes constitutionnels auquel fait face le plus haut tribunal du pays, ce qui l’amène à mettre en évidence des principes sous-jacents de la Constitution du Canada (2.2). Nous examinerons ensuite comment la Cour suprême a fait oeuvre constituante en établissant un processus susceptible de mener à la sécession d’une province (2.3), avant de conclure avec un bref regard sur le résultat de cette opération, soit une solution qui apparaît nuancée et acceptable pour l’ensemble des acteurs politiques (2.4).
2.1 Le contexte dans lequel intervient le Renvoi relatif à la sécession du Québec
On peut aisément remonter l’histoire et en venir à la conclusion que la décision de la Cour suprême en 1998, dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, est une conséquence directe des deux décennies de débats constitutionnels qui l’ont précédée. En 1980 se tient d’abord le premier référendum sur la souveraineté du Québec et sur un projet d’association avec le reste du Canada. Pendant la campagne référendaire, le premier ministre canadien de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, fait une promesse de changement à l’égard de la population québécoise : « Je déclare solennellement, à l’adresse des Canadiens des autres provinces, que nous, députés du Québec, mettrons nos sièges en jeu. Nous exhortons les Québécois à voter Non. Mais soyez prévenus, vous citoyens des autres provinces : nous n’admettrons pas que vous interprétiez une victoire du Non comme le signe que tout va bien de nouveau et que nous pouvons revenir au statu quo[58]. »
La suite de l’histoire est connue : l’option indépendantiste est défaite le 20 mai 1980, alors que près de 60 % de la population du Québec se prononce contre le projet de souveraineté-association proposée par René Lévesque[59]. La promesse de Pierre Elliott Trudeau de renouveler le fédéralisme canadien, pour mieux prendre en considération les revendications du Québec, prend alors la forme du rapatriement constitutionnel de 1982 … sans l’accord du Québec. C’est la même exclusion du Québec, dans ce que l’on peut qualifier de refondation nationale[60], qui anime la dynamique constitutionnelle des dix années suivantes. Avec l’arrivée au pouvoir de Brian Mulroney, en 1984, vient l’engagement de ramener le Québec dans le giron constitutionnel canadien, « dans l’honneur et l’enthousiasme ».
La première tentative en ce sens prend la forme de l’Accord du lac Meech, en 1987, lequel devait reconnaître que le Québec représente une société distincte à l’intérieur du Canada, en plus notamment du fait de garantir qu’il serait consulté sur les nominations des juges québécois à la Cour suprême et de constitutionnaliser des pouvoirs accrus en matière d’immigration[61]. L’Accord sera finalement un échec, en 1990, car le fédéral n’est pas parvenu à obtenir le consentement unanime des provinces dans le délai prévu de trois ans. En 1992 survient la seconde tentative, soit l’Accord de Charlottetown, lequel aurait, entre autres choses, reconnu la société distincte du Québec et lui aurait garanti une représentation d’au moins le quart des députés à la Chambre des communes[62]. Cet accord sera ensuite battu lors d’un référendum pancanadien[63]. Le débat constitutionnel canadien sera par la suite laissé de côté.
Cependant, les échecs constitutionnels répétés du Québec au sein du Canada mènent finalement au deuxième référendum sur la souveraineté, soit celui de 1995. À ce moment-là, le projet de souveraineté-partenariat, promu principalement par Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, recueille un appui majeur au sein de la population québécoise, ce qui amène le Québec à quelques milliers de votes de l’indépendance. Au bout du compte, 49,42 % de la population se prononce pour la souveraineté, tandis que 50,58 % s’y oppose[64]. La très mince marge victorieuse du camp du Non conduit alors le gouvernement fédéral à faire preuve d’un certain activisme pour contrer une éventuelle nouvelle tentative du Québec de faire sécession. Dans cette stratégie du « Plan B[65] », on trouve notamment l’adoption d’une loi octroyant un droit de véto au Québec dans le processus de modification constitutionnelle (la Loi concernant les modifications constitutionnelles[66]), la reconnaissance de la société distincte du Québec par une résolution de la Chambre des communes[67] et un important programme de dépenses gouvernementales au Québec — le programme des commandites. L’objectif du gouvernement fédéral est de tenter d’accommoder les demandes du Québec, sans pour autant toucher aux textes constitutionnels.
Cependant, le fédéral veut également adopter une ligne plus dure : faire déclarer inconstitutionnelle toute démarche sécessionniste unilatérale de la part du Québec. Pour ce faire, il sollicite la Cour suprême, en 1996 et par une demande de renvoi, afin de déterminer s’il est envisageable que le Québec puisse unilatéralement se séparer du reste du Canada[68].
2.2 Le silence constitutionnel et les principes sous-jacents pour combler le vide
La Cour suprême se prononce sur l’enjeu de l’indépendance d’une province dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, rendu le 20 août 1998. Soulignons que le gouvernement du Québec, malgré son intérêt évident pour la question, a décidé de ne pas participer aux audiences devant la Cour suprême. Comme l’écrit Nathalie Des Rosiers, « [t]he Quebec government refused to participate in what it saw as nine federally appointed people deciding on the right to self-determination of the Quebec people[69] ». Pour combler le vide laissé par l’absence du Québec, la Cour suprême nomme donc un amicus curiae, chargé de faire valoir un point de vue différent de celui du gouvernement fédéral.
Dans son renvoi, rendu à l’unanimité, la Cour suprême mentionne, dès le tout premier paragraphe, qu’elle saisit bien l’importance de l’enjeu sur lequel elle s’apprête à se pencher : « Nous sommes appelés, dans le présent renvoi, à examiner des questions d’extrême importance, qui touchent au coeur même de notre système de gouvernement constitutionnel[70] », avant d’ajouter qu’il « n’est pas possible de répondre aux questions soumises sans d’abord examiner un certain nombre de principes sous‑jacents[71] ». Ces derniers seront au coeur de sa réponse, plus loin dans son raisonnement.
Or, la Cour suprême considère d’abord certaines objections préliminaires concernant justement sa compétence en matière de renvoi, objections formulées par l’amicus curiae participant aux audiences. Examinant certains arguments et la situation dans d’autres systèmes juridiques, la Cour suprême conclut que, « même si le fait de donner des avis consultatifs est très clairement une fonction accomplie en dehors du cadre des procédures contentieuses, et que l’exécutif obtient habituellement de tels avis des juristes de l’État, rien dans la Constitution n’empêche notre Cour de se voir attribuer le pouvoir d’exercer un tel rôle consultatif[72] ». Cette question mise de côté, la Cour suprême peut se tourner vers le fond de l’affaire.
Constatant le silence des textes constitutionnels précisément en ce qui concerne la question d’une éventuelle sécession[73], la Cour suprême écrit « qu’il peut survenir des problèmes ou des situations qui ne sont pas expressément prévus dans le texte de la Constitution », et que dans de telles circonstances les tribunaux doivent recourir à des règles ou à des principes non écrits, mais qui « ressortent de la compréhension du texte constitutionnel lui‑même, de son contexte historique et des diverses interprétations données par les tribunaux en matière constitutionnelle[74] ». Dans le contexte du renvoi, la Cour suprême énumère donc une liste non exhaustive de ce qu’elle qualifie de « principes sous-jacents », lesquels lui permettront de répondre à la question de savoir si le Québec pourrait éventuellement faire sécession du reste du Canada. Ces quatre principes sont le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit, ainsi que la protection des minorités.
Au sujet de ces principes sous-jacents, la Cour suprême mentionne d’abord qu’ils « inspirent et nourrissent le texte de la Constitution : ils en sont les prémisses inexprimées[75] », ajoutant ensuite que, même s’ils ne sont « pas expressément inclus dans la Constitution, en vertu d’une disposition écrite », « il serait impossible de concevoir [la] structure constitutionnelle [du Canada] » sans ces principes[76]. Si la Cour suprême a été appelée à constater l’existence ou non de conventions constitutionnelles s’appliquant au rapatriement, en 1981 et en 1982, une autre source non écrite de droit la guide plutôt quand vient le temps d’explorer la question d’une éventuelle sécession, soit ces mêmes principes sous-jacents.
L’exercice auquel s’adonne ensuite la Cour suprême est plutôt intuitif : elle examine les fondements et la substance des quatre principes sous-jacents qu’elle vient de mettre en évidence, puis elle procède à leur application au cas d’une possible sécession. Le fédéralisme[77], la démocratie[78], le constitutionnalisme et la primauté du droit[79] ainsi que la protection des minorités[80] sont donc tous abordés en quelques paragraphes. La Cour suprême utilise alors l’histoire constitutionnelle du Canada, les précédents et certains exemples théoriques pour mieux définir ces quatre principes.
Une partie de son raisonnement consacre d’ailleurs la place particulière qu’occupe le Québec au sein du Canada. Par exemple, elle mentionne que le « principe du fédéralisme facilite la poursuite d’objectifs collectifs par des minorités culturelles ou linguistiques qui constituent la majorité dans une province donnée. C’est le cas au Québec, où la majorité de la population est francophone et […] possède une culture distincte[81] ». Elle ajoute aussi que la « réalité sociale et démographique du Québec explique son existence comme entité politique et a constitué, en fait, une des raisons essentielles de la création d’une structure fédérale pour l’union canadienne en 1867[82] ». Le caractère distinctif du Québec est donc souligné par la Cour suprême, dans une partie de son raisonnement qui s’apparente à une discussion autour du principe de la dualité canadienne[83], non sans rappeler qu’elle s’était aussi penchée sur ce concept dans le renvoi de 1982.
2.3 Le processus d’une éventuelle sécession et ses exigences de clarté et de négociation
Ce sont ultimement ces quatre principes sous-jacents qui guident la Cour suprême dans la désignation de l’entité constituante apte à permettre (ou non) la sécession d’une province. Pour le plus haut tribunal au pays, bien qu’il soit évidemment question d’un possible changement d’une ampleur de la plus grande importance, la sécession d’une province « doit être considérée, en termes juridiques, comme requérant une modification de la Constitution[84] ». Malgré son potentiel de transformer le Canada en profondeur et de l’amputer d’une partie de son territoire, la sécession d’une province demeurerait une modification constitutionnelle, ce qui nécessiterait donc une intervention du pouvoir constituant.
Très tôt dans son application des principes constitutionnels sous-jacents à la question d’une sécession, la Cour suprême montre ses couleurs : « Le principe du fédéralisme, joint au principe démocratique, exige que la répudiation claire de l’ordre constitutionnel existant et l’expression claire par la population d’une province du désir de réaliser la sécession donnent naissance à une obligation réciproque pour toutes les parties formant la Confédération de négocier des modifications constitutionnelles en vue de répondre au désir exprimé[85]. » La sécession d’une province est ainsi possible, si l’on respecte certaines conditions.
La manifestation d’un désir de sécession doit d’abord être le fruit d’une réponse claire — ou d’une majorité claire — de la part de la population d’une province à une question tout aussi claire concernant la sécession. Autrement dit, la question référendaire doit être limpide sur l’intention d’une province de quitter le Canada et elle doit recevoir un appui populaire sans équivoque : « Pour être considérés comme l’expression de la volonté démocratique, les résultats d’un référendum doivent être dénués de toute ambiguïté en ce qui concerne tant la question posée que l’appui reçu[86]. » Si de tels événements se produisaient, cela déclencherait une obligation réciproque de négocier la sécession de la province visée[87]. En effet, comme l’écrit la Cour suprême, un souhait clairement exprimé de la part de la population d’une province « imposerait aux autres provinces et au gouvernement fédéral l’obligation de prendre en considération et de respecter cette expression de la volonté démocratique en engageant des négociations[88] ». Ces négociations devraient alors se tenir entre « les représentants de deux majorités légitimes, à savoir une claire majorité de la population du Québec et une claire majorité de l’ensemble du Canada[89] ».
En résumé, selon le renvoi de la Cour suprême, un processus sécessionniste par le Québec (ou toute autre province canadienne) devrait s’amorcer par un exercice référendaire où une majorité claire de la population exprimerait son désir de faire sécession du Canada, en réponse à une question claire. Des négociations devraient ensuite se tenir entre les représentants de cette province et ceux du reste du Canada, le tout dans le respect des quatre principes sous-jacents relevés par la Cour suprême[90]. L’entité « constituante » susceptible de mener ce processus est donc clairement nommée par la Cour suprême : ce sont les deux majorités mentionnées plus haut, soit celle qui représente la province sécessionniste et celle qui représente le fédéral et les autres provinces. À ce sujet, elle ajoute : « On ne peut admettre que l’une ou l’autre de ces majorités l’emporte sur l’autre. Une majorité politique qui n’agit pas en accord avec les principes sous‑jacents de la Constitution que nous avons décrits met en péril la légitimité de l’exercice de ses droits[91]. »
Si la Cour suprême mentionne que le processus d’une éventuelle sécession devrait respecter la procédure canadienne de modification constitutionnelle prévue dans la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982, elle établit néanmoins une obligation de négocier en cas d’une demande populaire pour la souveraineté, tout en affirmant qu’une déclaration unilatérale de sécession serait inconstitutionnelle en droit canadien. C’est là une conclusion probablement moins favorable que ce à quoi pouvait s’attendre le gouvernement fédéral en préparant sa demande de renvoi[92], mais qui demeure suffisamment nuancée pour éviter de trop polariser les parties en présence.
2.4 Le résultat de l’opération : une solution nuancée et se voulant acceptable pour tous
Nous voyons d’ailleurs là où une distinction importante apparaît, entre les avis consultatifs de 1981 et de 1982 et celui de 1998, soit dans l’effet qu’ils ont pu avoir sur les relations entre le Québec et le reste du Canada, de même que pour ce qui est des réactions qu’ils ont engendrées dans chacune de ces deux parties du pays. Si les renvois de 1981 et de 1982 ont priorisé une interprétation favorable au gouvernement fédéral et aux provinces anglophones — notamment en consacrant le principe de l’uniformité interprovinciale en lieu et place de celui de la dualité —, le renvoi de 1998, comme nous l’avons mentionné précédemment, est beaucoup plus nuancé. C’est, rappelons-le, un constat fait par plusieurs auteurs, qui soulignent particulièrement « le souci de la Cour suprême de rendre acceptable son argumentaire à l’auditoire des justiciables québécois[93] ».
Par exemple, selon Frédéric Bérard, le Renvoi relatif à la sécession du Québec constitue « une réponse porteuse et nuancée aux enjeux complexes que porte en son sein la dynamique sécessionniste ». Il poursuit : « En confirmant la symbiose entre démocratie, primauté du droit, constitutionnalisme, protection des minorités et fédéralisme, d’aucuns pourraient arguer que la Cour suprême du Canada a en effet réussi, à maints égards, à trancher un noeud gordien jusqu’alors indénouable[94] ». Même constat chez François Rocher et Elisenda Casanas Adam, pour qui le renvoi apparaît « comme le fruit d’un raisonnement équilibré, tout en préservant la légitimité du pouvoir judiciaire […] Les deux auditoires visés par le Renvoi [soit le Québec et le reste du Canada] pouvaient y puiser des arguments renforçant leur position. Le statut d’arbitre de la Cour n’était pas remis en question[95] ». Son argument ayant « été généralement bien reçu, autant au Québec que dans le reste du Canada[96] », la Cour suprême est donc véritablement parvenue à procéder à la mise en équilibre de positions diamétralement opposées.
Malgré sa nature moins polarisante et plus équilibrée, le Renvoi relatif à la sécession du Québec contient également des similitudes dignes de mention avec les renvois de 1981 et de 1982. Non seulement la Cour suprême utilise des principes non écrits pour répondre aux questions qui lui sont posées dans les deux cas, mais elle le fait également pour prévenir toute tentative d’unilatéralisme de la part d’un « partenaire fédéral ». En 1981 et en 1982, les renvois de la Cour suprême ont permis de bloquer une tentative unilatérale de rapatriement de la Constitution, alors qu’en 1998 son renvoi a eu pour conséquence de déclarer inconstitutionnelle une possible déclaration unilatérale d’indépendance de la part d’une province.
Dans un même ordre d’idées, la Cour suprême en vient ultimement, dans les deux cas, à reconnaître une entité constituante bien précise, qui, en plus de la procédure formelle de modification de la Constitution, représente les véritables acteurs susceptibles de modifier l’ordre constitutionnel canadien. En 1981 et en 1982, la Cour suprême voit le gouvernement fédéral, avec un degré substantiel de consentement provincial, comme l’entité compétente pour demander formellement qu’il soit procédé au rapatriement constitutionnel puis, en 1998, elle détermine qu’une majorité représentant une province désirant faire sécession et une majorité représentant le reste du Canada seraient les acteurs pertinents pour négocier l’éventualité d’une sécession.
Nous estimons difficile de dire in fine si le raisonnement de la Cour suprême, dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, a rigidifié ou assoupli le dispositif de modification constitutionnel. La réponse à cette question dépend non seulement de l’interprétation que l’on peut faire du texte de la Constitution, mais également de positionnements et de préférences politiques. Si la Cour suprême évite de cadenasser et d’empêcher toute tentative légitime de faire sécession — ce qui, malgré une rigidité extrême, aurait pu être sa conclusion, basée sur le silence des textes quant à la possibilité d’une sécession unilatérale —, elle élabore tout de même un processus exigeant, parsemé d’étapes susceptibles de faire dérailler l’entreprise sécessionniste. De cette balance des intérêts ressort justement une position mitoyenne nuancée, ayant pour conséquence de combler le vide constitutionnel quant à la possibilité qu’une province puisse se séparer du Canada.
3 Quand la Cour suprême rigidifie le processus : avis consultatifs et tentatives de réforme
Si la seconde moitié du xxe siècle au Canada a été caractérisée par de nombreux cycles de négociations constitutionnelles, le xxie siècle, lui, s’amorce davantage dans une dynamique d’essoufflement et d’évitement. La Constitution est rapatriée, les deux référendums sur la souveraineté du Québec sont chose du passé, et le contexte est davantage à l’impasse en matière de négociations constitutionnelles (3.1). Après avoir abordé les divers éléments qui caractérisent cette période, nous examinerons deux tentatives de réformes institutionnelles qui auraient laissé le texte constitutionnel intact, et ce, en procédant plutôt par la voie législative. La première prend forme au moment de la nomination du juge Nadon pour siéger à la Cour suprême (3.2), alors que la seconde est le fruit d’une volonté de moderniser — ou même d’abolir — le Sénat (3.3). Ces deux tentatives ont éventuellement mené à des renvois de la Cour suprême, laquelle a alors pu clarifier — et rigidifier — les règles relatives à la modification constitutionnelle au pays (3.4), exercice duquel ressort une protection accrue des provinces, en général, et du Québec, en particulier (3.5).
3.1 Le contexte constitutionnel et le blocage des tentatives formelles de réforme
Après le Renvoi relatif à la sécession du Québec, les gouvernements fédéral et québécois se sont renvoyé la balle en adoptant des lois foncièrement différentes, celles-ci prétendant toutes deux « donner suite » à cette décision de la Cour suprême[97]. Ce phénomène, soit l’adoption de lois ordinaires portant sur des enjeux expressément constitutionnels, s’avère un ingrédient important du contexte constitutionnel de la période « postrapatriement ». En effet, à partir principalement des années 90, divers acteurs politiques ont fait adopter des lois ordinaires en vue de « modifier » ou de « compléter » le dispositif constitutionnel canadien, sans toucher à la Constitution elle-même. La Loi concernant les modifications constitutionnelles[98], mentionnée à la partie précédente, en est un exemple. À celle-ci s’ajoutent des lois provinciales[99] et une loi fédérale[100] prévoyant la tenue de référendums, obligatoires ou facultatifs, avant de modifier la Constitution[101].
Ce procédé — l’adoption de simples lois concernant des matières constitutionnelles, parfois même pour contourner le texte de la Constitution — est qualifié de « paraconstitutionnel », notamment par Johanne Poirier et Patrick Taillon. Comme phénomène, la paraconstitutionnalité mène effectivement soit à une tentative de contourner ou d’éviter la Constitution formelle, soit carrément à une démarche allant à l’encontre de celle-ci[102]. En fait, comme l’indiquent Johanne Poirier et Jessy Hartery, « la para-constitutionnalité décrit le processus par lequel les partenaires d’une fédération élaborent un régime normatif en marge du droit constitutionnel formel[103] ». De son côté, Patrick Taillon écrit ce qui suit pour décrire le phénomène de la paraconstitutionnalité :
[L’]usage de la loi pour « compléter » sans modifier les termes de la Constitution est apparu comme la solution privilégiée par les responsables politiques afin d’introduire des réformes paraconstitutionnelles. Ces lois visent alors à instaurer un changement en tentant de codifier de nouvelles pratiques politiques, à imposer une interprétation particulière ou encore à ajouter des formalités supplémentaires à l’exercice de prérogatives établies par la Constitution. Dans tous les cas, une même finalité : soustraire la réforme au domaine d’application des procédures multilatérales nécessitant le consentement des provinces[104].
En plus des lois mentionnées plus haut sur les vétos régionaux et sur les référendums constitutionnels, le professeur Taillon donne les exemples de la Loi modifiant la Loi électorale du Canada[105] de 2007, qui a permis d’instaurer des élections à date fixe, et de la Loi de 2013 sur la succession au trône[106], qui a modifié l’ordre de succession royale par l’adoption d’une simple loi[107].
Cette tendance des dernières décennies à recourir à la paraconstitutionnalité, et du même coup à délaisser le débat constitutionnel formel, est un peu une réponse à la période précédente ou une conséquence de cette dernière. Après une accumulation d’échecs constitutionnels (les tentatives de rapatriement avant 1981-1982, l’Accord du lac Meech, l’Entente de Charlottetown, etc.) et de traumatismes (le rapatriement lui-même, auquel s’ajoutent ensuite les échecs de Meech et de Charlottetown), on décide de laisser la Constitution de côté, soit parce qu’elle n’intéresserait tout à coup plus personne, soit parce que le fruit ne serait pas mûr … Malgré cela, on désire parfois y aller d’un changement ou d’une réforme ou encore on juge opportun de le faire : c’est à ce moment-là que l’on opte pour la paraconstitutionnalité. Et ce sera justement ce recours à de simples lois pour modifier l’ordre constitutionnel qui donnera lieu aux deux derniers renvois sur lesquels nous nous pencherons dans notre article, soit le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6 et le Renvoi relatif à la réforme du Sénat.
3.2 Le rejet de la nomination du juge Nadon comme juge du Québec à la Cour suprême
La Cour suprême est composée de neuf juges, dont trois doivent nécessairement venir du Québec. C’est l’article 6 de la Loi sur la Cour suprême qui prévoit cette exigence : « Au moins trois des juges sont choisis parmi les juges de la Cour d’appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec ou parmi les avocats de celle-ci[108]. » Or, même si cette exigence est de nature législative, elle est constitutionnalisée, depuis le rapatriement, à l’article 41 d) de la Loi constitutionnelle de 1982, lequel requiert l’appui unanime des provinces — y compris évidemment du Québec — et des deux chambres du Parlement fédéral pour modifier la composition même de la Cour suprême.
Le 3 octobre 2013, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, annonce la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême, en remplacement du juge Morris Fish[109]. Ce dernier étant l’un des trois juges du Québec à la Cour, il devait évidemment être remplacé par un autre représentant de la province. Cependant, bien que le juge Nadon ait été membre du Barreau du Québec pendant plus de dix ans (durée minimale pour être nommé juge[110]), au moment de sa nomination, il agit comme magistrat à la Cour d’appel fédérale depuis un peu plus d’une dizaine d’années. Se pose alors la question de sa qualification, non pas à titre de juge à la Cour suprême, mais plus précisément comme l’un des trois juges aptes à y « représenter » le Québec.
Pour prévenir le problème, le gouvernement fédéral fait adopter, en décembre 2013, un article de loi supplémentaire pour « compléter » l’article 6 de la Loi sur la Cour suprême[111]. Ce nouvel article 6.1 se lit ainsi : « Pour l’application de l’article 6, il demeure entendu que les juges peuvent être choisis parmi les personnes qui ont autrefois été inscrites comme avocat pendant au moins dix ans au barreau de la province de Québec[112]. » Puisque le juge Nadon, lors de sa nomination à la Cour suprême, ne remplit aucune des conditions de l’article 6, l’article 6.1 aurait permis que ses années comme membre du Barreau du Québec comblent ce manque.
Rapidement après la nomination du juge Nadon, celle-ci est contestée[113], ce qui entraîne une demande de renvoi devant la Cour suprême elle-même. Le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6 est donc rendu le 21 mars 2014, avec seulement le juge Moldaver comme dissident. La majorité y écrit alors que le « juge Nadon a déjà été inscrit au Barreau du Québec pendant plus de 10 ans, mais ne l’était plus au moment de sa nomination. Comme il n’était un juge ni de la Cour d’appel ni de la Cour supérieure de la province de Québec, il ne pouvait pas être nommé à ce titre[114] ». Au sujet de la réforme législative proposée par le gouvernement fédéral pour prévenir ce problème, la Cour suprême qualifie celle-ci de tentative de « légiférer pour imposer une interprétation de l’art. 6 », laquelle est inconstitutionnelle. En effet, les « conditions de nomination fixées à l’art. 6 portent sur la composition de la Cour et bénéficient à ce titre d’une protection constitutionnelle[115] » en vertu de l’article 41 d) de la Loi constitutionnelle de 1982 : la « nomination du juge Nadon et son assermentation comme juge de la Cour sont [ainsi] nulles ab initio[116] ». La Cour suprême invalide donc la nomination du juge Nadon[117] et la modification de la Loi sur la Cour suprême, qui proposait une interprétation différente de la sienne[118].
Aspect encore plus intéressant dans ce renvoi que la décision elle-même : les raisons qui poussent la Cour suprême à rendre celle-ci. Dans un raisonnement détaillé des principes d’interprétation pertinents et de l’historique des articles prévoyant la composition de la Cour suprême, les juges de la majorité écrivent que l’objectif de l’article 6 de la Loi sur la Cour suprême « est de garantir que non seulement des juristes civilistes expérimentés siègent à la Cour, mais également que les traditions juridiques et les valeurs sociales distinctes du Québec y soient représentées, pour renforcer la confiance des Québécois envers la Cour en tant qu’arbitre ultime de leurs droits[119] ». Elle ajoute : « Autrement dit, l’art. 6 protège à la fois le fonctionnement et la légitimité de la Cour suprême dans sa fonction de cour générale d’appel pour le Canada[120] ». Voilà manifestement des impératifs qu’il importe de protéger, lesquels assurent du même coup une meilleure protection de la place qu’occupe le Québec sur le banc de la Cour. Ici encore, nous constatons que la dualité canadienne s’invite dans le raisonnement.
Par cette décision, la Cour suprême est donc protégée d’une tentative unilatérale, de la part du gouvernement fédéral, de modifier sa composition. La Cour confirme ainsi très clairement l’entité constituante qui serait apte à modifier cette composition : l’unanimité des provinces et des deux chambres du Parlement fédéral[121], soit le degré de consentement prévu par l’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982.
3.3 L’inconstitutionnalité d’une tentative de réforme du Sénat par simple loi
À peu près un mois plus tard, le 25 avril 2014, la Cour suprême rend un autre renvoi fondamental en matière de réforme institutionnelle et de modification constitutionnelle, soit le Renvoi relatif à la réforme du Sénat. Dans celui-ci, elle est appelée à se pencher sur plusieurs enjeux portant sur d’éventuelles modifications à apporter au Sénat. Il est question notamment de la possibilité, par simple loi fédérale, de modifier la durée des mandats des sénateurs, d’instaurer des élections sénatoriales consultatives et de changer les conditions de nomination des sénateurs. De même, on demande à la Cour suprême laquelle des procédures du « 7/50[122] » ou de l’unanimité[123] devrait être utilisée pour éventuellement abolir le Sénat.
À l’unanimité, la Cour suprême rend une décision où elle déclare inconstitutionnelle toute tentative de réforme du Sénat dont l’objectif serait de modifier la durée des mandats des sénateurs ou d’instaurer des élections sénatoriales consultatives par simple loi fédérale. Pour être valides, ces modifications « exigent le consentement d’au moins sept provinces dont la population confondue représente au moins la moitié de la population de toutes les provinces[124] ». De même, la Cour suprême conclut « que l’abolition du Sénat exige le consentement de l’ensemble des provinces. En effet, l’abolition de cette institution modifierait de façon fondamentale la structure constitutionnelle canadienne, y compris les procédures de modification de la Constitution. Un tel changement exigerait un consensus fédéral‑provincial unanime[125] ».
Dans son raisonnement, la Cour suprême détaille d’abord le rôle du Sénat dans l’histoire et l’ordre constitutionnel canadien, puis discute longuement de la procédure de modification de la Constitution, en abordant précisément chacune des modalités qu’elle contient. C’est ensuite que la Cour suprême s’applique à déterminer quelle procédure trouverait application pour chacun des changements proposés. Un concept est alors au centre de son argumentaire : celui d’architecture constitutionnelle[126]. C’est là un concept qu’elle avait utilisé brièvement dans le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6 un mois plus tôt, où elle mentionnait, par exemple, la reconnaissance par les acteurs politiques du « rôle de la Cour suprême dans l’architecture de la Constitution[127] ».
Dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, la Cour suprême mobilise encore bien davantage ce concept d’architecture constitutionnelle. Elle écrit notamment que « l’introduction d’élections consultatives en vue de nommer les sénateurs métamorphoserait l’architecture de la Constitution canadienne en confiant à ces derniers un mandat de représentation de la population qui est incompatible avec la fonction du Sénat à titre d’assemblée législative complémentaire chargée de porter un second regard attentif aux projets de loi[128] ». Même conclusion en ce qui concerne la modulation de la durée du mandat des sénateurs, puisque ce type de changement engage « les intérêts des provinces en tant que parties prenantes dans l’ordre constitutionnel canadien[129] ». Ces deux modifications nécessiteraient donc l’appui, en plus des deux chambres du Parlement fédéral, d’au moins sept provinces dans lesquelles on compte au moins 50 % de la population canadienne. Pour ce qui est de l’abolition du Sénat, la Cour suprême écrit qu’un tel changement transformerait « plutôt fondamentalement [l’]architecture constitutionnelle [du pays] — en supprimant la structure bicamérale de gouvernement qui sous-tend l’architecture de la Loi constitutionnelle de 1867 — et modifierait la partie V[130] » de la Loi constitutionnelle de 1982, ce qui requiert un consentement unanime des provinces.
Ainsi, en utilisant le concept d’architecture constitutionnelle pour mieux interpréter la procédure de modification de la Constitution du Canada, la Cour suprême rend une décision qui protège le Sénat contre toute tentative de réforme unilatérale de la part du gouvernement fédéral, outre qu’elle prévoit que seule la procédure de révision la plus rigide, soit celle de l’unanimité des provinces et du fédéral, ne pourrait s’appliquer pour abolir l’institution. Il en ressort donc une meilleure protection des institutions « fédératives » que sont le Sénat et la Cour suprême et, parallèlement, une interprétation plutôt rigide des dispositions de la formule de modification de la Constitution.
3.4 La clarification des règles de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982
Dans la lecture croisée de ces deux renvois, l’aspect qui nous semble particulièrement intéressant est la clarification qu’ils apportent concernant les règles de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Comme nous l’avons abordé précédemment, depuis l’avènement de la procédure canadienne de modification constitutionnelle, en 1982, il y a eu peu de tentatives de changer formellement la Constitution. Mis à part une modification de 1983, où a été utilisée la procédure du « 7/50[131] », toutes les autres transformations qui ont eu lieu au Canada depuis le rapatriement ont été produites par les voies bilatérale ou unilatérale. C’était vrai en 2014, cela continue de l’être en 2023, et rien ne porte à croire que cela changera à court ou à moyen terme.
Ce phénomène, où l’on se limite aux modifications bilatérales ou unilatérales, d’une part, et où l’on adopte des réformes par la voie « paraconstitutionnelle », d’autre part, a pour effet que jusqu’en 2014 les procédures formelles d’évolution constitutionnelle requérant la participation de tous les partenaires de la fédération n’ont que très peu été testées. De plus, même si les renvois de 1981, de 1982 et de 1998 abordent tous l’enjeu de la réforme constitutionnelle, la procédure formelle de modification de la Constitution n’y est pas vraiment un enjeu central. Enfin, les quelques tentatives passées de mobiliser ces procédures multilatérales se sont bien souvent soldées par des échecs, comme en témoignent les accords du lac Meech et de Charlottetown.
Or, les deux renvois de 2014 ont permis de clarifier certaines règles de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette clarification s’opère d’abord par l’effort que fait la Cour suprême pour bien expliquer chacune des modalités de révision, dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat[132]. C’est notamment ce qui nous permet de comprendre que le plus haut tribunal du pays est ouvert à une interprétation plus large du champ d’application de la procédure bilatérale[133], lorsqu’il mentionne que celle-ci « entre en jeu, à tout le moins, lorsqu’une modification constitutionnelle touche une disposition de la Constitution du Canada qui prévoit un “arrangement spécial”, applicable uniquement à une ou à certaines des provinces[134] ».
De plus, dans le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, la Cour suprême précise que les articles de la procédure de modification constitutionnelle ne peuvent être perçus comme des « contenants vides », soit des protections qu’il conviendrait de constitutionnaliser ou de concrétiser plus tard[135]. Au contraire, le texte de la Partie V doit avoir un sens, une portée constitutionnelle, et il ne peut donc pas être contourné par simple loi. De même, par le concept d’architecture constitutionnelle, la Cour suprême souligne que « les modifications constitutionnelles ne se limitent pas aux modifications apportées au texte de la Constitution. Elles comprennent aussi les modifications à son architecture[136] ».
Ainsi, pour déterminer la bonne procédure de révision à utiliser devant un enjeu donné, il ne suffit pas de regarder le texte de la modification elle-même, mais il faut aussi prendre le temps de se pencher sur les effets que celle-ci est susceptible d’engendrer. Ce sont également ces répercussions qui doivent déterminer la procédure applicable. En ressort une clarification de la compréhension qu’entretient la Cour suprême quant aux règles de la modification constitutionnelle.
3.5 La conséquence des renvois de 2014 : rigidité et protection accrue contre l’unilatéralisme
Si l’on ne peut considérer que le texte de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 est fait de « contenants vides », et qu’il soit nécessaire d’analyser une possible modification à la lumière de son incidence sur l’architecture constitutionnelle du Canada, quelles sont donc les principales conséquences des renvois de 2014 sur le processus constituant et sur les relations entre le Québec et le reste du Canada ?
D’abord, les renvois de 2014 consacrent une meilleure protection des provinces à l’encontre d’un certain unilatéralisme de la part du fédéral. Tel est le constat de Sébastien Grammond, lorsqu’il évoque la « fonction protectrice » de la formule de modification de la Constitution : « la formule de modification possède une fonction protectrice, c’est-à-dire qu’elle protège certaines règles, certains principes ou certaines institutions contre l’action du législateur ordinaire[137] ». Le rejet de l’unilatéralisme demeure donc un fil conducteur des renvois étudiés dans notre article.
La protection constitutionnelle contre l’unilatéralisme a cependant une autre conséquence : la Constitution devient alors plus rigide, moins aisée à modifier. En effet, protéger, c’est aussi rendre plus difficilement accessible. Voilà tout le contraire de ce que l’on pouvait constater en 1981 et en 1982, où la Cour suprême avait, d’une certaine manière, assoupli les règles de la modification, aux dépens de la protection dont pensait alors jouir le Québec. Ainsi, les renvois de 2014 affirment une meilleure protection des provinces, et parfois même directement une meilleure protection pour le Québec, mais cela a pour conséquence de rigidifier encore davantage la procédure de révision établie en 1982, laquelle est déjà fortement critiquée pour son peu de souplesse[138].
Les provinces, et le Québec a fortiori, bénéficient de cette protection et du meilleur rapport de force que cela leur attribue dans le contexte de potentielles réformes des institutions « fédératives ». Toute réforme plus que mineure[139] de ces institutions devra ainsi se faire avec les provinces. Cela rend également plus difficile toute réforme majeure de la Constitution canadienne pour aller dans le sens du souhait d’un partenaire ou d’un autre, qu’il soit question du fédéral, du Québec ou d’une autre province, comme l’Alberta plus récemment[140], par exemple.
On peut donc se demander si la rigidification de la procédure de révision — sa fonction protectrice — n’aura pas eu comme incidence de rendre in fine encore moins probable une réforme d’envergure de la Constitution canadienne, et donc d’accentuer le recours aux autres moyens de faire évoluer le dispositif constitutionnel, y compris la paraconstitutionnalité et les réformes unilatérales ou bilatérales. Presque dix ans après les deux renvois de 2014, cette hypothèse semble effectivement se confirmer. En témoignent les récentes modifications constitutionnelles unilatérales de la part du Québec[141] et de la Saskatchewan[142], tout comme l’adoption de la loi sur la « souveraineté » de l’Alberta[143].
Conclusion
Quelques fils conducteurs ressortent de l’étude successive de ces cinq renvois de la Cour suprême du Canada. D’abord, on constate que celle-ci y agit en véritable « institution fédérative », en s’assurant qu’un seul partenaire ne pourra unilatéralement altérer les règles les plus fondamentales de la fédération canadienne. Rejet d’un rapatriement unilatéral, nécessaires négociations pour permettre un droit de sécession et protection des institutions fédératives à l’encontre de réformes de la part du gouvernement fédéral : la Cour suprême se comporte comme un authentique acteur de protection contre l’unilatéralisme d’un partenaire et, d’une certaine manière, en tant que gardienne du fédéralisme canadien.
Cela étant dit, quel visage emprunte précisément ce fédéralisme canadien que protège la Cour suprême ? Il y a quelque chose d’ambigu dans la relation qu’entretient la Cour avec le concept de dualité canadienne : ce dernier n’est pas suffisamment important pour reconnaître un droit de véto au Québec en 1981-1982, mais il permet d’expliquer le choix d’une structure fédérale au moment de la Confédération, de même que la protection de la place du Québec sur le banc de la Cour suprême. Bref, on ne sait jamais vraiment, de manière claire, si le plus haut tribunal du pays privilégie un fédéralisme « territorial » et « symétrique » ou s’il est ouvert à une place particulière pour le Québec au sein du Canada. Cela se révèle d’autant plus ambigu que la tendance peut fluctuer dans le temps.
Un autre fil conducteur entre les cinq renvois étudiés ici prend forme dans l’utilisation de sources ou de principes non écrits. Des conventions constitutionnelles en 1981 et en 1982 à la notion d’architecture constitutionnelle en 2014, en passant par les principes sous-jacents de la Constitution en 1998 : voici là autant de réponses possibles et d’inventivité dont fait preuve la Cour suprême pour documenter et discuter des enjeux juridiques qui lui sont présentés. Au bout du compte, il en ressort que celle-ci ne se limite pas aux sources de droit écrites pour répondre aux questions qui peuvent lui être posées.
Lors de chacune des trois « périodes » décrites plus haut, la Cour suprême rend des décisions ayant autant pour effet d’assouplir que de rigidifier le dispositif constitutionnel — et, en même temps, de le clarifier à chaque reprise. On ne peut donc pas observer de tendance précise relativement à la manière dont la Cour suprême perçoit son rôle comme acteur facilitant ou compliquant le processus de révision constitutionnelle. La situation est identique concernant les acteurs en cause : la Cour suprême penche en faveur parfois du fédéral, parfois des provinces ou du Québec plus précisément. Aucune tendance claire en ce sens n’apparaît donc.
Une telle situation rend peut-être les lendemains un peu plus difficiles à prévoir. Dans un contexte où se profilent plusieurs débats constitutionnels importants pour l’avenir de la fédération canadienne et des relations entre le Québec et le reste du Canada (dont certains pourraient justement se terminer en renvoi devant la Cour suprême), impossible de savoir à l’avance la direction qu’empruntera le plus haut tribunal au pays. Entre les décisions à venir quant au modèle québécois de laïcité, les réformes linguistiques en cours à Québec et à Ottawa, les réformes constitutionnelles unilatérales récentes et la possibilité d’un renvoi relatif à l’utilisation préemptive de la clause dérogatoire, la Cour suprême risque encore d’influer sur le cours des événements. Reste à déterminer l’angle qu’elle privilégiera.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, s.v. « Jurisprudence ».
-
[2]
Dave Guénette, « Le silence des textes constitutionnels canadiens – Expression d’une constitution encore inachevée », (2015) 56 C. de D. 411.
-
[3]
Charte canadienne de droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.).
-
[4]
Certaines provinces, comme la Colombie-Britannique et le Manitoba, prévoient même les renvois à des tribunaux de première instance.
-
[5]
Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S-26, art. 53.
-
[6]
Loi sur les renvois à la Cour d’appel, RLRQ, c. R-23, art. 1.
-
[7]
À ce titre, voir notamment Johanne Poirier, « Les avis consultatifs au Canada : omniprésents, déterminants, banalisés et déroutants », (2019) 65 R.D. McGill 118.
-
[8]
Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, par. 40.
-
[9]
J. Poirier, préc., note 7, 132.
-
[10]
Sur les renvois en droit canadien, voir notamment Kate Puddister, Seeking the Court’s Advice. The Politics of the Canadian Reference Power, Vancouver, University of British Columbia Press, 2019.
-
[11]
Voir : Catherine Thibierge (dir.), La force normative. Naissance d’un concept, Paris, L.G.D.J., 2009 ; Catherine Thibierge (dir.), La densification normative, Découverte d’un processus, Paris, Mare et Martin, 2013 ; Catherine Thibierge (dir.), La garantie normative, Exploration d’une notion-fonction, Paris, Mare et Martin, 2021.
-
[12]
Voir par exemple : Louise Lalonde et Stéphane Bernatchez (dir.), avec la collaboration de Georges Azzaria, La norme juridique « reformatée », Perspectives québécoises des notions de force normative et de sources revisitées, Sherbrooke, Éditions Revue de droit de l’Université de Sherbrooke, 2016 ; Amélie Binette, « De la densification normative de l’ordre constitutionnel canadien », dans Félix Mathieu et Dave Guénette (dir.), Ré-imaginer le Canada – Vers un État multinational ?, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019, p. 261.
-
[13]
C. Thibierge (dir.), La force normative. Naissance d’un concept, préc., note 11, p. 43.
-
[14]
J. Poirier, préc., note 7, 119.
-
[15]
Id., 119.
-
[16]
Voir notamment le Renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée, 2010 CSC 61, le Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières, 2011 CSC 66, le Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, 2018 CSC 48, le Renvoi relatif à la Loi sur la non-discrimination génétique, 2020 CSC 17 et les Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11.
-
[17]
Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753.
-
[18]
Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, [1982] 2 R.C.S. 793.
-
[19]
Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217.
-
[20]
Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21.
-
[21]
Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32.
-
[22]
Statut de Westminster, 1931, 22 Geo. 5 c. 4. Voir aussi James Ross Hurley, La modification de la Constitution du Canada. Historique, processus, problèmes et perspectives d’avenir, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1996, p. 26.
-
[23]
J.R. Hurley, préc., note 22, p. 24-67.
-
[24]
À ce sujet, voir notamment Noura Karazivan et Jean Leclair (dir.), Pierre Elliott Trudeau’s Intellectual, Political and Constitutional Legacy. L’héritage intellectuel, politique et constitutionnel de Pierre Elliott Trudeau, Montréal, LexisNexis, 2020.
-
[25]
Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, préc., note 17, 756.
-
[26]
Id., 756.
-
[27]
Id., 847.
-
[28]
Id., 847 (l’italique est de nous).
-
[29]
Id., 808.
-
[30]
Id., 756 (l’italique est de nous).
-
[31]
Id.
-
[32]
Id., 880.
-
[33]
Id., 883 et 884 (l’italique est de nous).
-
[34]
Id., 888-899.
-
[35]
Id., 899-905.
-
[36]
Id., 905-909.
-
[37]
Id., 909.
-
[38]
Id., 904-905 (l’italique est de nous).
-
[39]
J.R. Hurley, préc., note 22, p. 64.
-
[40]
Décret 3215-81, 25 novembre 1981 (Québec).
-
[41]
Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, préc., note 18, 808.
-
[42]
Id., 812.
-
[43]
Id.
-
[44]
Id., 813.
-
[45]
Préambule du Décret 3367-81, 9 décembre 1981 (Québec).
-
[46]
Résolution adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 1er décembre 1981.
-
[47]
Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, préc., note 18, 814.
-
[48]
Id.
-
[49]
Id., 814 et suiv.
-
[50]
Id., 816.
-
[51]
Id., 814. Voir par exemple : Guy Laforest, Trudeau et la fin d’un rêve canadien, Sillery, Éditions du Septentrion, 1992 ; Gil Rémillard, « Historique du rapatriement », (1984) 25 C. de D. 15 ; Guy Laforest et Rosalie Readman, « Plus de détresse que d’enchantement : les négociations constitutionnelles de novembre 1981 vues du Québec », dans François Rocher et Benoît Pelletier (dir.), Le nouvel ordre constitutionnel canadien. Du rapatriement de 1982 à nos jours, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2013, p. 57 ; Québec, Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, Québécois, notre façon d’être Canadiens. Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes, Québec, Ministère du Conseil exécutif, 2017, p. 52 ; Félix Mathieu et Dave Guénette, « Still not Cheering : Understanding Quebec’s Perspective on 1982 », dans Kate Puddister et Emmett Macfarlane (dir.), Constitutional Crossroads. Reflections on Charter Rights, Reconciliation, and Change, Vancouver, University of British Columbia Press, 2022, p. 438.
-
[52]
Dennis Baker, « The Origins and Implications of Canada’s “Constructive Unamendabilty” : A Comment on Richard Albert’s Four Unconstitutional Constitutions and Their Democratic Foundations », (2017) 50 Cornell I.L.J. Online 29, 31.
-
[53]
Id.
-
[54]
Id., 31-32.
-
[55]
Id. L’autre exemple est la modification de 1964 : « the successful 1964 amendment had the support of the other nine provinces as early as 1962, but Québec stood alone in delaying it until it “finally gave its consent” in 1964 » (31).
-
[56]
Id., 32.
-
[57]
F. Mathieu et D. Guénette, préc., note 51.
-
[58]
« Discours du premier ministre Pierre Elliott Trudeau au Centre Paul-Sauvé », Bilan du siècle – Site encyclopédique sur l’histoire du Québec depuis 1900, [En ligne], [bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/2982.html] (8 mars 2023).
-
[59]
Voir Directeur général des élections du Québec, La consultation populaire au Canada et au Québec, 3e éd., Québec, Directeur général des élections du Québec, p. 41.
-
[60]
Simon Langlois, Refondations nationales au Canada et au Québec, Québec, Septentrion, 2018.
-
[61]
Québec, Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, préc., note 51, p. 35.
-
[62]
Id., p. 38.
-
[63]
Directeur général des élections du Québec, préc., note 59, p. 24. Voir aussi : Benoît Pelletier, La modification constitutionnelle au Canada, Scarborough, Carswell, 1996, p. 15 ; J. Patrick Boyer, Direct Democracy in Canada. The History and Future of Referendums, Toronto, Dundurn Press, 1992, p. 75 et 76.
-
[64]
Directeur général des élections du Québec, préc., note 59, p. 56.
-
[65]
À ce titre, voir notamment François Chevrette et Herbert Marx, Constitutional Law. Fundamental Principles. Notes and Cases, par Han-Ru Zhou, Montréal, Thémis, 2020, p. 1099.
-
[66]
Loi concernant les modifications constitutionnelles, L.C. 1996, c. 1 (parfois désignée « Loi sur les vétos régionaux »).
-
[67]
Débats de la Chambre des communes, 1re sess., 35e légis., fasc. no 267, 29 novembre 1995, p. 16971.
-
[68]
François Rocher et Elisenda Casanas Adam, « L’encadrement juridique du droit de décider : la politique du confinement judiciaire en Catalogne et au Québec », dans Patrick Taillon, Eugénie Brouillet et Amélie Binette (dir.), Un regard québécois sur le droit constitutionnel. Mélanges en l’honneur d’Henri Brun et de Guy Tremblay, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016, p. 877, à la page 899.
-
[69]
Nathalie Des Rosiers, « From Quebec Veto to Quebec Secession : The Evolution of the Supreme Court of Canada on Quebec-Canada Disputes », (2000) 13 Can. J. of L. & Jur. 171, 171 et 172.
-
[70]
Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 19, par. 1.
-
[71]
Id., par. 1.
-
[72]
Id., par. 15.
-
[73]
Eugénie Brouillet, « Le fédéralisme et la Cour suprême du Canada : quelques réflexions sur le principe d’exclusivité des pouvoirs », (2010) 3 R.Q.D.C. 60, 60 et 61.
-
[74]
Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 19, par. 32.
-
[75]
Id., par. 49.
-
[76]
Id.
-
[77]
Id., par. 55-60.
-
[78]
Id., par. 61-69.
-
[79]
Id., par. 70-78.
-
[80]
Id., par. 79-82.
-
[81]
Id., par. 59.
-
[82]
Id.
-
[83]
À ce sujet, voir notamment Valérie Lapointe-Gagnon et autres (dir.), La Confédération et la dualité canadienne, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019.
-
[84]
Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 19, par. 84.
-
[85]
Id., par. 88.
-
[86]
Id., par. 87.
-
[87]
Pour une étude approfondie de ce sujet, voir Patrick Taillon et Alexis Deschênes, « Une voie inexplorée de renouvellement du fédéralisme canadien : l’obligation constitutionnelle de négocier des changements constitutionnels », (2012) 53 C. de D. 461.
-
[88]
Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 19, par. 88.
-
[89]
Id., par. 93.
-
[90]
Id., par. 88.
-
[91]
Id., par. 93.
-
[92]
Patrick Taillon, « De la clarté à l’arbitraire : le contrôle de la question et des résultats référendaires par le Parlement canadien », Revista d’estudis autonòmics i federals, no 20, 2014, p. 13, aux pages 15 et 16.
-
[93]
Catherine Mathieu et Patrick Taillon, « Le fédéralisme comme principe matriciel dans l’interprétation de la procédure de modification constitutionnelle », (2015) 60 R.D. McGill 763, 786.
-
[94]
Frédéric Bérard, « De la réceptivité des enseignements de la Cour suprême à l’échelle internationale : impacts et répercussions du Renvoi relatif à la sécession du Québec », dans Amélie Binette et Patrick Taillon (dir.), La démocratie référendaire dans les ensembles plurinationaux, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, p. 299, à la page 299.
-
[95]
Fr. Rocher et E. Casanas Adam, préc., note 68, à la page 906.
-
[96]
Dave Guénette et Alain-G. Gagnon, « Du référendum à la sécession – Le processus québécois d’accession à la souveraineté et ses enseignements en matière d’autodétermination », (2017) 54 Revista catalana de dret públic 100, 110.
-
[97]
Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec, L.C. 2000, c. 26 (aussi appelée « Loi sur la clarté ») ; Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, RLRQ, c. E-20.2 (aussi appelée « Loi 99 »).
-
[98]
Loi concernant les modifications constitutionnelles, préc., note 66.
-
[99]
Constitutional Amendment Approval Act, R.S.B.C. 1996, c. 67 (Colombie-Britannique) ; Constitutional Referendum Act, R.S.A. 2000, c. C-25 (Alberta).
-
[100]
Loi concernant les référendums sur la Constitution du Canada, L.C. 1992, c. 30.
-
[101]
Voir Stéphanie Boutin, Les lois provinciales sur les référendums constitutionnels obligatoires. Un outil juridiquement possible, mais dont les effets compliquent la modification de la Constitution canadienne, mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval, 2015.
-
[102]
Johanne Poirier et Jesse Hartery, « L’ingénierie para-constitutionnelle : modifier la Constitution par la bande et par contrat », dans Dave Guénette, Patrick Taillon et Marc Verdussen (dir.), La révision constitutionnelle dans tous ses états, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020, p. 427, aux pages 431-433.
-
[103]
Id., à la page 434 (l’italique est de nous).
-
[104]
Patrick Taillon, « Une Constitution en désuétude. Les réformes paraconstitutionnelles et la “déhiérarchisation” de la Constitution au Canada », dans L. Lalonde et S. Bernatchez (dir.), préc., note 12, p. 297.
-
[105]
Loi modifiant la Loi électorale du Canada, L.C. 2007, c. 10.
-
[106]
Loi de 2013 sur la succession au trône, L.C. 2013, c. 6.
-
[107]
Voir : Motard c. Canada (Procureure générale), 2016 QCCS 588 ; Motard c. Procureur général du Canada, 2019 QCCA 1826.
-
[108]
Loi sur la Cour suprême, préc., note 5.
-
[109]
Gouvernement du Canada, « Le PM annonce la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême du Canada », 3 octobre 2013, [En ligne], [www.canada.ca/fr/nouvelles/archive/2013/10/pm-annonce-nomination-juge-marc-nadon-cour-supreme-canada.html] (8 mars 2023).
-
[110]
Loi sur la Cour suprême, préc., note 5, art. 5.
-
[111]
Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, c. 40, art. 472.
-
[112]
Loi sur la Cour suprême, préc., note 5, art. 6.1.
-
[113]
Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, préc., note 20, par. 10.
-
[114]
Id., par. 3.
-
[115]
Id., par. 5.
-
[116]
Id., par. 6.
-
[117]
Pour un portrait de l’ensemble de cette situation, voir Carissima Mathen et Michael Plaxton, The Tenth Justice. Judicial Appointments, Marc Nadon, and the Supreme Court Act Reference, Vancouver, University of British Columbia Press, 2020.
-
[118]
Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, préc., note 20, par. 106.
-
[119]
Id., par. 49 (l’italique est de nous).
-
[120]
Id.
-
[121]
Il faut rappeler que le Sénat ne jouit que d’un droit de véto suspensif dans la procédure de révision, en vertu de l’article 47 de la Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 3.
-
[122]
Id., art. 38.
-
[123]
Id., art. 41.
-
[124]
Renvoi relatif à la réforme du Sénat, préc., note 21, par. 3.
-
[125]
Id.
-
[126]
À ce sujet, voir : Noura Karazivan, « De la structure constitutionnelle dans le Renvoi relatif au Sénat : vers une gestalt constitutionnelle ? », (2015) 60 R.D. McGill 793 ; Kate Glover, « The Supreme Court in a Pluralistic World : Four Readings of a Reference », (2015) 60 R.D. McGill 839 ; Dave Guénette, « L’architecture constitutionnelle – Dimensions artistiques d’une construction juridique », (2017) 58 C. de D. 33 ; Emmett Macfarlane, « Unsteady Architecture : Ambiguity, the Senate Reference, and the Future of Constitutional Amendment in Canada », (2015) 60 R.D. McGill 883.
-
[127]
Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, préc., note 20, par. 87.
-
[128]
Renvoi relatif à la réforme du Sénat, préc., note 21, par. 70 (l’italique est de nous).
-
[129]
Id., par. 82.
-
[130]
Id., par. 97 (l’italique est de nous).
-
[131]
Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, TR/84-102, (1984) Gaz. Can. II, 2984.
-
[132]
Renvoi relatif à la réforme du Sénat, préc., note 21, par. 32 et suiv.
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[133]
À ce sujet, voir aussi : Guy Tremblay, « La portée élargie de la procédure bilatérale de modification de la Constitution du Canada », (2011) 41 R.G.D. 417 ; José Woehrling, « Le recours à la procédure de modification de l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour satisfaire certaines revendications constitutionnelles du Québec », dans Pierre Thibault, Benoît Pelletier et Louis Perret (dir.), Les mélanges Gérald-A. Beaudoin : les défis du constitutionnalisme, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 449, aux pages 489 et 490.
-
[134]
Renvoi relatif à la réforme du Sénat, préc., note 21, par. 44 (l’italique est de nous).
-
[135]
Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, préc., note 20, par. 97.
-
[136]
Renvoi relatif à la réforme du Sénat, préc., note 21, par. 27.
-
[137]
Sébastien Grammond, « La fonction protectrice de la formule de modification de la Constitution », (2017) 47 R.G.D. 119, 122. Voir aussi : Peter C. Oliver, « Quebec and the Amending Formula : Protection, Promotion and Federalism », dans Stephen Tierney (dir.), Accommodating Cultural Diversity, Aldershot, Ashgate, 2007, p. 167 ; Warren J. Newman, « Living with the Amending Procedures : Prospects for Future Constitutional Reform in Canada », (2007) 37 S.C.L.R. (2d) 383, 386.
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[138]
Voir, par exemple, Patrick Taillon, « Les obstacles juridiques à une réforme du fédéralisme », Institut de recherche sur le Québec, 2007, [En ligne], [irq.quebec/wp-content/uploads/2015/03/Obstaclesjuridiques.pdf] (8 mars 2023).
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[139]
Pour les réformes mineures des institutions fédérales, il est possible de procéder par simple loi ordinaire en fonction de l’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 3.
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[140]
Pensons, par exemple, à l’initiative constitutionnelle de l’Alberta, en vue d’abolir le mécanisme de la péréquation : Alberta, Legislative Assembly, Hansard, 2e sess., 30e légis., 18 novembre 2021, p. 6295.
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[141]
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, L.Q. 2022, c. 14, art. 166 ; Loi visant à reconnaître le serment prévu par la Loi sur l’Assemblée nationale comme seul serment obligatoire pour y siéger, L.Q. 2022, c. 30, art. 1.
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[142]
The Saskatchewan First Act, S.S. 2023, c. 9, art. 5.
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[143]
Alberta Sovereignty within a United Canada Act, S.A. 2022, c. A-33.8.