Résumés
Résumé
L’expertise psychologique ou psychosociale (EPP) en matière familiale est un élément de preuve déterminant dans la prise de décision judiciaire. Pourtant, aucune étude canadienne ne vient clarifier le point de vue des juges sur l’EPP. Dans le cadre de la présente étude, huit juges oeuvrant à la Cour supérieure dans la province de Québec ont participé à une entrevue de recherche qualitative portant sur l’EPP. L’analyse des entrevues effectuées décrit le contexte de la demande de l’expertise psychologique ou psychosociale et expose les retombées attendues par les juges, les inconvénients relatifs à l’expertise, les attentes quant aux conduites des experts, ainsi que leur perception des enjeux liés à ce domaine de pratique. Les résultats de cette étude soutiennent les réflexions sur les défis et les enjeux de la pratique des psychologues et des travailleurs sociaux au sein des services psychojudiciaires. Ces résultats mettent aussi en lumière les tensions qui peuvent survenir entre les responsabilités de l’auxiliaire de justice et les obligations de ces professionnels, de même que l’importance de la formation et de la promotion de ce domaine de pratique.
Abstract
Child custody assessments (CCA) are determinant pieces of evidence in judicial decision making. However, no Canadian study has yet to clarify judges’ points of view on CCAs. As part of this study, eight judges of the Quebec Superior Court took part in a qualitative research interview on CCAs. Analysis of the interviews helps describe the context of the request for CCAs and reveals the outcomes expected by judges, the disadvantages of CCAs, judges’ expectations with respect to experts’ conducts, as well as their perceptions of issues related to this field of practice. The results of this study support reflections regarding the challenges and issues faced by social workers and psychologists working in the psychojudicial services sector. The results also reveal the tensions that can arise between the responsibilities of judicial officers and their professional duties, as well as the importance of offering training in this area of practice and of promoting it.
Resumen
La experticia psicológica o psicosocial (EPP) en materia de derecho de familia constituye un elemento de prueba determinante en la decisión judicial. Sin embargo, ninguna investigación en Canadá ha podido clarificar el punto de vista de los jueces con respecto a la EPP. En el marco del presente estudio, ocho jueces de la Cour supérieure de la provincia de Quebec participaron en una entrevista de investigación cualitativa sobre la EPP. El análisis de las entrevistas llevadas a cabo describe el contexto de la solicitud de la experticia psicológica o psicosocial, y presenta las repercusiones de las expectativas de los jueces, los inconvenientes relacionados con la experticia, la expectativa con respecto a la conducta de los expertos, así como su percepción con respecto a los desafíos vinculados con este ámbito de práctica. Los resultados de este estudio respaldan las reflexiones sobre los desafíos y los retos de la práctica de los psicólogos y trabajadores sociales en el seno de los servicios de psicología forense. Estos resultados ponen de manifiesto las tensiones que pueden surgir entre las responsabilidades que tienen los auxiliares de justicia y las obligaciones de dichos profesionales, al igual que la importancia de la formación y la promoción de este ámbito de práctica.
Corps de l’article
L’expertise psychologique ou psychosociale (EPP) en matière familiale est un élément de preuve prisé par les tribunaux, et son utilisation est déterminante dans les décisions judiciaires rendues[1]. D’ailleurs, les professionnels qui en sont responsables, principalement les psychologues et les travailleurs sociaux, sont de plus en plus appelés à rendre compte de leur analyse de situations familiales et à émettre des recommandations quant au partage du temps parental[2]. Ces professionnels ont la compétence d’éclairer les tribunaux sur les facteurs individuels et familiaux favorables à l’intérêt de l’enfant, cette notion juridique étant la pierre d’assise de toute décision en matière de partage du temps parental[3]. Ainsi, dans une majorité de dossiers en matière familiale, les juges de première instance accueillent favorablement les recommandations émises par les experts et les intègrent dans leur ordonnance[4]. Malgré cet accueil favorable, on connaît peu le point de vue des juges sur l’EPP, sur les conduites qui sont appréciées chez ces professionnels et sur les éléments de l’EPP qui sont considérés comme les plus utiles dans leur processus décisionnel.
De façon générale, les juges apprécient la preuve d’expert et tendent à autoriser la tenue d’une expertise afin de soutenir la détermination de l’intérêt de l’enfant[5]. Bien qu’elle puisse être utile dans tous les dossiers où le partage du temps parental fait l’objet de disputes, les juges tendent à l’ordonner ou à l’autoriser lors de situations particulièrement litigieuses[6]. Notamment, les juges ordonnent ou autorisent l’EPP lorsque les capacités parentales sont remises en question, que des préoccupations quant à la santé mentale des parents sont présentes ou lorsque des allégations de violence familiale ou d’aliénation parentale sont émises[7].
Par ailleurs, il convient de faire une utilisation parcimonieuse de l’EPP considérant les coûts qu’elle impose au système de justice et aux familles qui y participent[8]. En effet, la démarche liée à l’EPP est envisagée en dernier recours, soit lorsque les modes alternatifs de résolution des différends ont échoué[9], et est jugée intrusive pour les individus en faisant l’objet[10]. D’ailleurs, avant d’ordonner la tenue d’une EPP, le juge doit établir que non seulement cette preuve est utile, mais qu’elle est nécessaire à la détermination de l’intérêt de l’enfant[11]. De plus, les juges ont à autoriser ou à demander la tenue d’une EPP en fonction des critères de nécessité et de proportionnalité, ce qui exige de considérer les coûts et les risques d’une telle procédure[12]. Par ailleurs, nous en connaissons peu sur les attentes relatives au contenu de l’analyse de la situation familiale qui serait la plus profitable aux tribunaux.
Dans le cadre de cet article, nous ferons d’abord une revue de la littérature scientifique qui portera sur les guides de pratiques des experts psychosociaux et les responsabilités professionnelles de ces derniers ainsi que sur les attentes des juges et les enjeux liés à l’utilisation de l’EPP (partie 1). Cette revue de la littérature sert d’introduction à une étude empirique portant sur le point de vue des juges sur l’EPP et sur les enjeux qui y sont relatifs. La méthodologie utilisée pour mener cette étude (partie 2) de même que les résultats seront ensuite présentés (partie 3), puis ces résultats et les limites de l’étude seront discutés (partie 4).
1 Expertise psychologique et psychosociale visant à éclairer le litige en matière familiale
Depuis les 20 dernières années, les ordres professionnels s’efforcent de diffuser des balises déontologiques en contexte d’expertise et d’encourager la formation continue de leurs membres. Ainsi, des cadres de référence et des lignes directrices sont développés aux États-Unis et au Canada[13]. Par ailleurs, les besoins et les attentes des tribunaux en matière familiale se sont également précisés et il convient d’y porter attention.
1.1 Guides de pratiques des experts et responsabilités professionnelles
En 2006, la première édition des Lignes directrices pour l’expertise en matière de garde et des droits d’accès voit le jour à l’initiative de l’Ordre des psychologues du Québec, de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et de l’Association des centres jeunesse du Québec ; ce document fait toujours office d’ouvrage de référence pour les professionnels impliqués dans ce domaine[14].
Seule une évaluation rigoureuse et approfondie permet de formuler des recommandations relatives au partage du temps parental et à tout autre besoin identifié durant la démarche d’expertise chez un ou plusieurs membres de la famille[15]. Il est reconnu, par exemple, que l’expert doit utiliser des informations issues de sources multiples, à partir de méthodes d’évaluation variées et que l’ensemble des membres de la famille doivent être évalués. De plus, des balises déontologiques doivent guider le travail de l’expert quant à la rigueur, à l’impartialité et à la modération[16]. Pourtant, les travaux portant sur les pratiques des experts suggèrent une disparité des procédures d’évaluation[17], une importance inégale apportée à la démarche évaluative auprès des enfants[18] de même qu’un manque de cohérence entre les composantes du rapport d’expertise[19]. Si des besoins importants en matière de soutien à la pratique et de formation spécialisée sont exprimés par les experts québécois[20], la perception qu’ont les juges de l’EPP et de ce domaine de pratique demeure méconnue. En effet, il est possible que les besoins exprimés par les juges et leur perception des enjeux viennent en opposition avec certaines obligations déontologiques des professionnels agissant comme experts[21]. Par exemple, les juges pourraient souhaiter des recommandations plus précises que ne le permet la nature des évaluations effectuées ou demander accès à des données brutes qui doivent être maintenues confidentielles.
1.2 Attentes des juges et enjeux liés à l’utilisation de l’EPP
Ainsi, la considération du point de vue des juges paraît judicieuse afin que les experts puissent ajuster leurs pratiques aux besoins de ceux-ci, en leur offrant une expertise pertinente et utile[22]. Les rares études qui se sont intéressées aux opinions des juristes[23] révèlent que près de la moitié d’entre eux expriment une satisfaction mitigée quant à la qualité des rapports d’expertise soumis[24]. Dans un rapport publié par le Barreau du Québec, le Comité sur le droit de la famille concernant l’utilisation des expertises en matière familiale confirme l’importance de la preuve d’expert en matière familiale, tout en demeurant critique quant à la qualité de l’expertise et à la disparité des pratiques observées[25]. Par ailleurs, quelques études exploratoires suggèrent que les juristes ont des attentes analogues à celles des experts quant aux procédures évaluatives utilisées (par exemple, des méthodes d’observation)[26] et quant aux composantes importantes à retrouver dans les rapports d’expertise telles que les capacités parentales des parties, la description de la relation parent-enfant ou encore la santé mentale des parties[27]. Par contre, les experts évaluent plus favorablement la qualité globale du rapport d’expertise comparativement aux juristes[28]. Par ailleurs, une étude étatsunienne permet de préciser qu’une minorité de juges expriment du mécontentement face au manque de connaissances des critères juridiques à partir desquels l’analyse de l’expert sera utilisée[29]. En effet, il n’y a pas de formation offerte aux psychologues et aux travailleurs sociaux en lien avec le système de justice, et certains avouent eux-mêmes leur piètre connaissance des besoins du système judiciaire[30].
Les juges recommandent également aux experts que les rapports exposent toutes les sources d’informations utilisées et que les conclusions y soient bien explicitées[31]. En effet, les conclusions forment la partie la plus utile d’un rapport d’EPP selon les juges participant à l’étude étatsunienne d’Erika M. Waller et Annaseril E. Daniel[32], ce qui leur permet ainsi de prendre une décision plus éclairée et de la justifier adéquatement. Ces études confirment l’importance du rapport d’EPP en tant que document qui se veut autoportant, l’article 293 du Code de procédure civile édictant que le rapport d’expertise doit tenir lieu du témoignage de l’expert : « le rapport de tout expert doit être bref mais suffisamment détaillé et motivé pour que le tribunal soit lui-même en mesure d’apprécier les faits qu’il expose et le raisonnement qui en justifie les conclusions ». Puisque ce document qui se veut autoportant se trouve au centre de la communication entre décideurs judiciaires et experts, sa qualité est souvent évoquée dans les études qui s’intéressent aux points de vue des juges sur l’EPP.
Le manque d’objectivité des experts est également mentionné par quelques participants à l’étude des professeurs Waller et Daniel[33]. En effet, un des défis pour les experts est lié au fait que ces litiges familiaux suscitent de fortes émotions chez les professionnels. Les risques que ceux-ci prennent parti sont exprimés[34]. D’ailleurs, des efforts sont déployés lors de la révision du Code de procédure civile afin que l’impartialité des experts et l’objectivité de leurs pratiques soient favorisées[35].
En effet, le Code de procédure civile établit que l’expert est au service de la cour et qu’il doit agir à titre d’auxiliaire de justice. Les juges doivent veiller à la saine administration de la justice, et il n’est pas étonnant de constater qu’ils apprécient des rapports d’expertise plutôt concis et de courts délais de production[36]. De plus, les juristes déplorent une pénurie de professionnels disponibles, y voyant une entrave possible au principe d’accès à la justice[37]. Aussi, malgré le rôle prépondérant de l’EPP dans le processus de décision judiciaire, les quelques études qui ont examiné le point de vue des juges soulignent des problèmes d’accessibilité à ce service professionnel. À notre connaissance, aucune étude canadienne n’est venue documenter ce point de vue central. La présente étude vise donc à explorer le point de vue des juges sur l’EPP, leurs attentes envers les experts en matière familiale, les retombées de l’utilisation de l’EPP et les enjeux qui sont relatifs à l’utilisation de la preuve d’expert dans le cadre d’un litige en matière familiale. Le choix d’un devis de recherche qualitatif s’impose considérant l’intérêt d’obtenir le point de vue subjectif des acteurs judiciaires maniant la preuve d’expert et, plus particulièrement, le point de vue des juges qui en font l’utilisation pour soutenir le processus décisionnel menant à l’ordonnance[38]. Nous avons fait le choix de ne pas recourir à la jurisprudence puisque l’objectif du texte n’est pas d’examiner l’utilisation objective de la preuve d’expert, mais plutôt le point de vue subjectif des juges qui demandent la tenue d’une EPP et qui en font l’utilisation.
2 Méthode
2.1 Échantillon
Notre échantillon est composé de huit juges siégeant à la Cour supérieure dans six districts différents du Québec (dont quatre dans les grands centres). Ces juges exercent leurs fonctions depuis 4 à 20 années. Notre échantillon est composé de six femmes et de deux hommes. Une majorité a oeuvré dans le domaine du droit de la famille alors qu’ils étaient avocats (n = 5) (voir le tableau ci-dessous).
2.2 Procédure
Les juges intéressés à participer à notre étude ont été identifiés par les deux juges en chef à la Cour supérieure. Il leur a été demandé de sélectionner des juges provenant des grands centres et des régions afin de diversifier notre échantillon. Outre cette consigne, nous ne connaissons pas la méthode de sélection des juges participant à l’étude. Tous les juges identifiés ont été contactés : l’étude leur a été expliquée, et un consentement libre et éclairé a été obtenu.
Les juges volontaires ont participé à un entretien de recherche semi-dirigé au cours duquel des questions étaient posées dans le but d’explorer leur point de vue sur l’EPP (par exemple : Qu’est-ce qui vous amène à solliciter un expert en matière familiale ou à autoriser une demande qui vous est formulée en ce sens ? Quels sont les inconvénients et les avantages à obtenir l’avis d’un expert en matière familiale ?), sur les attentes envers les experts en matière familiale (Quelles sont les qualités les plus importantes chez un expert selon vous ? Parlez-moi d’une situation où le professionnel a eu des conduites qui vous ont questionné, préoccupé ; Qu’est-ce qu’un psychologue ou un travailleur social a besoin de savoir avant de réaliser sa première expertise en matière familiale ?), sur les retombées de l’utilisation de l’EPP et sur les enjeux qui sont relatifs à l’utilisation de la preuve d’expert dans le cadre d’un litige en matière familiale (Qu’est-ce qui explique, selon vous, la pénurie d’experts au Québec ? Comment pallier ce problème ?). Par ailleurs, les juges avaient l’occasion d’aborder librement des sujets pertinents à la compréhension des enjeux relatifs à l’EPP, ceci nous permettant de nous approcher de leur perspective subjective.
Les entretiens ont été effectués par visioconférence et ont duré de 25 à 55 minutes chacun. Enfin, les entretiens ont été transcrits pour permettre la réalisation des analyses qualitatives.
2.3 Analyse qualitative
Une analyse de contenu thématique a été effectuée afin de cerner l’essentiel des propos des juges et ainsi répondre aux objectifs de l’étude[39]. Les étapes suivantes ont été effectuées : 1) une lecture flottante des entretiens ; 2) des annotations des entretiens pour former les thèmes potentiels ; 3) une codification par thèmes du contenu des entretiens à l’aide du logiciel NVivo 12 ; et 4) le regroupement de certains thèmes initiaux et la subdivision d’autres thèmes en sous-thèmes.
Les analyses ont été menées par l’autrice principale du présent article, et les coauteurs ont contribué aux analyses en soulevant des questions, en participant aux échanges, en discutant des liens entre les divers thèmes. Afin d’assurer la plus grande scientificité des résultats et de leur analyse, nous avons maintenu des rencontres régulières en équipe. Les analyses ont été revues à la lumière de ces nombreux commentaires et échanges.
3 Résultats
Les résultats des analyses qualitatives seront maintenant présentés, puis une compréhension plus élaborée suivra dans la partie 4. Ainsi, cinq grands thèmes se dégagent des entretiens de recherche effectués auprès des juges. Dans la figure 1, nous proposons une illustration de ces thèmes en mettant en exergue les tensions qui peuvent s’exercer entre les retombées et les inconvénients relatifs à l’EPP lors de la prise de décision judiciaire menant à l’EPP.
3.1 Contexte de la demande ou de l’autorisation de l’expertise psychologique ou psychosociale
Les juges participant à notre étude confirment ce que des chercheurs au Québec[40] et à l’international[41] ont déjà montré, soit qu’ils requièrent la preuve d’expert dans les situations familiales les plus litigieuses et celles qui sont caractérisées par des risques psychosociaux importants. Au Québec, un aide-mémoire a d’ailleurs été développé en 2004 afin d’identifier les caractéristiques familiales et contextuelles justifiant une demande d’expertise en matière familiale ; ce dernier semble demeurer un outil de référence pour les juges de la Cour supérieure. Certaines caractéristiques de la situation familiale semblent davantage considérées par ces derniers qui sont enclins à autoriser ou à aller quérir une EPP :
En ce qui me concerne, c’est sûr que les dossiers à haut niveau conflictuel, je mets déjà un crochet là quand je vois que c’est un dossier qui a déjà pris de l’ampleur, puis qu’on ne trouve pas de solution. C’est difficile, on tourne en rond, un dossier qui revient souvent à la cour puis qu’on n’aboutit à rien, ça c’est un élément que je considère.
juge 4
Outre les conflits sévères de séparation, les juges évoquent les questionnements quant à la santé mentale, aux troubles de la consommation, aux capacités parentales, à la violence familiale, à la rupture relationnelle entre un enfant et l’un ou l’autre des parents. La présence de ces caractéristiques individuelles et familiales aurait un impact sur la durée des procédures judiciaires, et l’EPP est vue comme un moyen menant potentiellement à une solution (juge 4).
Les juges soulignent le poids de la décision qu’ils ont à prendre et la plupart laissent voir une propension à l’utilisation de l’expertise psychologique ou psychosociale pour soutenir leur décision :
[P]eu importe, j’influence son destin [à l’enfant] alors, plus j’ai d’outils à ma disposition pour m’aider à prendre une décision lourde de sens dans sa vie, plus je suis à l’aise dans ma décision.
juge 8
Ainsi, les juges se montrent très conscients de l’impact de leurs décisions sur la trajectoire de vie des enfants au coeur du litige. C’est probablement ce qui amène le juge 8 à identifier l’EPP comme une ressource pour appuyer cette décision charnière dans la vie des enfants et de leur famille. Les juges affirment être généralement satisfaits de l’EPP et rappellent la grande utilité des experts pour les tribunaux ou pour ces familles. Ils positionnent ce professionnel comme « un acteur important, très important, dans le système de justice » (juge 5).
3.2 Retombées attendues de l’expertise psychologique ou psychosociale
Trois thèmes principaux se dégagent de notre analyse et permettent de décrire les retombées attendues des juges face aux experts, psychologues ou travailleurs sociaux : 1) l’accès privilégié à l’information ; 2) la compréhension de l’enfant et de sa famille ; et 3) l’action en soutien. D’abord, l’EPP donne aux juges un accès privilégié à l’information. L’expertise est jugée utile « pour avoir des yeux, des oreilles, en dehors de ce que les parties peuvent nous amener de la situation comme telle » (juge 5). Les juges évoquent ainsi les enseignants, les membres de la famille élargie, les éducateurs, tous témoins potentiels de l’environnement familial et des besoins de l’enfant, et auxquels ils peuvent avoir accès par l’entremise des experts. Il est donc attendu que les experts obtiennent des informations auprès de ces acteurs clés et qu’ils les partagent dans leur rapport d’expertise. Cela permet aux experts d’offrir une analyse basée sur des informations plus complètes et nuancées, qui vont au-delà de celles qui ont été recueillies auprès des témoins de fait. Les juges y voient également une économie pour le système de justice familiale :
Évidemment, il y a le côté enquête dans l’expertise, donc l’expert peut contacter des tiers qui n’auront pas besoin de venir témoigner : professeurs, gardiennes, psychologues, intervenants. Ça c’est un grand, aussi un grand avantage que, on aura un résumé des tiers qui font partie du dossier sans qu’ils aient besoin de venir témoigner. Donc, ça réduit le délai d’audition, ça réduit les coûts aussi.
juge 2
Bien sûr, le rôle d’expert permettant d’éclairer la décision du juge est mis en avant, et plusieurs expriment l’attente que l’expert leur permette une compréhension de l’enfant et de sa famille. Bien que certains juges évoquent le soutien offert par les experts pour comprendre les enjeux auxquels font face les parents, la plupart exprime le besoin qu’on leur offre une description détaillée du développement de l’enfant et de la manière dont celui-ci est affecté par le conflit parental :
Ce que l’on veut, c’est quelqu’un qui a de l’expérience, quelqu’un qui connaît les enfants. C’est pour ça qu’on a besoin d’une expertise, parce que c’est, parce que ce sont les enfants qui sont au coeur du litige, ce sont les enfants dont le développement est parfois atteint à cause du conflit.
juge 2
Les juges expriment d’ailleurs des attentes élevées quant aux portions du rapport qui décrivent le fonctionnement et les besoins spécifiques de l’enfant :
Moi je, ça me vient à l’esprit là… j’apprécie beaucoup dans un rapport quand on me dit, quand on me parle d’à quel stade de développement l’enfant est rendu. Qu’on, qu’on me feed un peu là-dessus, que ce soit en témoignant ou dans l’écrit là. Que je comprenne bien là, parce que c’est pour ça qu’on a besoin d’un expert qui connaît l’enfant et quels sont, quels sont les besoins par rapport à l’étape où il en est rendu.
juge 2
Ce dernier extrait révèle la sensibilité des juges à l’importance d’harmoniser leur décision judiciaire aux besoins développementaux de l’enfant au centre du litige. Les juges semblent aussi avides d’informations par rapport à la dyade enfant-parent. De façon plus spécifique, ils expriment l’attente que les experts les éclairent quant à la qualité des interactions parent-enfant :
J’ai besoin de plus de détails parce que l’interaction entre chacun des parents, ça je sais ça, ça va pas bien, c’est pour ça qu’ils sont à la Cour. Mais l’interaction, comment le parent interagit avec l’autre parent peut être très différente de comment le parent interagit avec l’enfant.
juge 1
L’EPP permet évidemment de comprendre la situation des parents et d’éclairer conséquemment le conflit qui les occupe :
Je veux qu’on me parle des capacités parentales des deux parents, sous toutes leurs formes, leurs différentes capacités, leurs différentes forces puis leurs lacunes aussi. Puis, je veux entendre parler aussi du lien entre l’enfant puis les parents, les liens passés, des liens présents, des attentes, l’entourage aussi de chacun des parents, ça ça m’intéresse particulièrement.
juge 4
Les juges soulignent leurs besoins particuliers lorsque les parents soulèvent des préoccupations quant à leurs capacités parentales ou quant à leur état de santé. Par ailleurs, plusieurs juges insistent pour dire que les retombées les plus importantes d’une expertise sont liées à la compréhension du fonctionnement psychosocial et comportemental de l’enfant et s’avèrent moins intéressés à lire au sujet du fonctionnement psychosocial et comportemental des parents en litige. Ils expriment des attentes pour en connaître plus au niveau de l’enfant et certains émettent cette critique : « on parle trop des parents, mais pas assez des enfants » (juge 3). Cet extrait nous rappelle ainsi que l’expert, en décrivant le fonctionnement de l’enfant et ses besoins, pallie l’absence de ce dernier lors des journées d’audience : « Parce que le parent, moi, je le vois en salle d’audience » (juge 1).
Les juges abordent d’emblée les retombées potentiellement positives de l’EPP et insistent ainsi sur le fait que les experts ont le potentiel d’offrir une action en soutien : 1) en aidant au processus judiciaire et à la résolution du litige ; et 2) en outillant les enfants, leurs parents, leur famille. D’abord, tous les juges affirment spontanément que l’EPP soutient le processus judiciaire de façon générale et, surtout, favorise la résolution du différend entre les parents. Ils y voient un avantage évident :
Je vous dirais que, généralement le rapport d’expertise aide, favorise le règlement des dossiers. Il arrive que les gens contestent les recommandations de l’expert, pis ils s’en vont en Cour pareil là. Mais dans une bonne proportion, les gens vont régler leur litige parce qu’ils ont le rapport, ils sont conscients avec leurs avocats que les juges vont généralement suivre les recommandations, sauf exception […] Ça favorise le règlement.
juge 3
Le soutien au processus judiciaire se déploie également lorsque les juges et les avocats se retrouvent mieux outillés pour saisir les enjeux en présence et transiger avec les parties de façon plus optimale :
Mais dans les dossiers complexes, l’expertise va me permettre de m’orienter moi dans mon interrogatoire […], va me permettre de dire : « Fais attention là, ça c’est hyper fragile ».
juge 7
De plus, l’EPP s’avère un mode d’accès privilégié à la parole de l’enfant et, conséquemment, permet d’éviter que ce dernier doive témoigner, rencontrer le juge ou être représenté par un avocat. Ainsi, il semble que la démarche d’expertise soit vue par les juges comme moins intrusive pour l’enfant :
Parfois, ça va éviter une rencontre de l’enfant par le juge. En tous cas, moi, j’essaie autant que possible de ne pas…, de sortir, autant que faire se peut, les enfants de la salle de Cour. Ils sont déjà assez impliqués comme ça, indirectement, par la chicane des parents.
juge 3
Les participants soulignent également l’incidence potentielle de l’EPP sur l’ensemble des membres de la famille. Au-delà de la résolution du litige, les juges constatent que l’EPP peut proposer aux parents des pistes de solution pour rétablir leur situation parentale et coparentale et, par conséquent, viser l’intérêt de l’enfant. Ils expriment d’ailleurs des attentes assez précises à ce sujet :
[C]omment faire pour s’améliorer, mais quand j’ai des expertises qui viennent qui donnent des pistes pour que le parent puisse aller, améliorer des choses, bien c’est ça, c’est quelque chose que je préfère là. On amène des solutions pour le parent, on voit qu’il y a des choses qui peuvent se faire pour l’améliorer.
juge 1
Afin de soutenir le processus judiciaire et d’offrir des pistes de solution permettant aux enfants d’avoir la meilleure réponse à leurs besoins, et aux parents, de rétablir leur situation individuelle et coparentale, les juges expriment des attentes élevées quant à la façon dont sont rédigées les recommandations. Ils souhaitent ainsi des « recommandations concrètes », des « pistes de solution », des références vers des ressources spécifiques. Selon eux, ces recommandations doivent avoir du sens pour les parents afin que ces derniers « puissent adhérer à ces recommandations » (juge 6).
3.3 Inconvénients de l’expertise psychologique ou psychosociale
Bien que les avantages semblent généralement l’emporter, le thème des inconvénients de l’EPP se décline en trois sous-thèmes : coûts financiers, délais et détérioration du conflit.
Ainsi, l’EPP a des coûts financiers, qui ont des conséquences directes sur la famille et le système de justice. Les juges rappellent ainsi les coûts élevés de l’EPP au privé : « Dans certains cas, les parties, celles qui en ont les moyens, vont demander d’aller, ils vont carrément choisir le privé, mais ça arrive rarement, parce que ça coûte cher » (juge 3).
Or, les ressources professionnelles sont limitées dans le système public, et « il faut vraiment une situation exceptionnelle pour que l’aide juridique accepte de supporter les frais d’un psychologue » (juge 5).
L’utilisation d’une EPP engendre également des délais importants, et ces derniers ont le potentiel de modifier les enjeux judiciaires discutés :
De plus, les délais peuvent être très importants, particulièrement en région, ce qui est lourd de conséquences pour la famille et pour l’administration de la justice.
Pis là ben honnêtement quand j’arrive au stade où je veux une expertise psychosociale, c’est pas dans huit mois là.
juge 7
[B]ien sûr, il y a des coûts quand c’est au privé et il y a des délais [...] délais pas seulement de l’expert, mais aussi de la Cour pour obtenir des dates d’audition, ce qui fait que des fois on est obligé de requérir un complément d’expertise pour avoir une mise à jour.
juge 2
Ces délais peuvent être notamment dus au fonctionnement des tribunaux judiciaires distincts dans la province de Québec. En effet, certains juges évoquent la survenue d’un signalement au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) qui peut mener à la suspension des procédures en Chambre de la famille :
[M]ais un écueil qu’on vit lorsqu’il y a une ordonnance d’expertise, c’est lorsque pendant l’expertise il y a une déclaration de compromission, un signalement qui est fait à la DPJ. Alors au public, il peut y avoir une tendance à suspendre l’ordonnance d’expertise, sans que les parents, sans que le tribunal en aient été consultés.
juge 2
Toutefois, la pénurie de professionnels agissant comme experts est plutôt vue comme étant la cause principale de ces délais. Ces délais sont tellement importants que certains juges nous affirment préférer se priver de ce service :
Je dois vous avouer qu’en raison des problèmes de délais, certains de mes collègues disent maintenant que, puisque ça prend 9 mois, 12 mois, moi je passe au deçà et je mets mes culottes, excusez l’expression, et puis je rends, j’assumerai la décision.
juge 8
Dans le prochain extrait, on constate que les juges tentent de limiter les impacts des délais encourus lorsqu’un procès survient plusieurs mois après le dépôt de l’opinion de l’expert :
Ça nous oblige à contraindre l’expert à venir à la cour hein, avec des dates de disponibilité, il est l’objet d’un contre-interrogatoire ou d’un interrogatoire et souvent ça nous permet nous, le juge, de dire : « Bon, écoutez, on va s’entendre, on va demander à l’expert de demeurer dans la salle, on va entendre les parties, venez raconter ce qu’il y a de nouveau et après ça on demandera à l’expert si, à son avis, ça change son opinion ou quels sont les éléments qui sont à apporter là-dessus. » Alors ça, c’est une façon de tenter de répondre à l’espace-temps qui s’est écoulé, mais c’est contraignant.
juge 8
Par ailleurs, l’EPP induit également un risque de détérioration du conflit parental :
Alors ça peut, quand, quand le dossier devient très contesté parce qu’on s’entend pas sur les conclusions, sur les recommandations de l’expertise, et que là il y a une confrontation qui devient plus forte, c’est là des fois qu’on se dit : « Bahh, ça aurait peut-être pas été nécessaire, peut-être que l’enquête comme telle m’aurait permis de rendre une décision quand même dans l’intérêt de l’enfant ».
juge 5
3.4 Compétences et conduites attendues
Les juges s’expriment également sur les compétences et les conduites attendues de la part des experts, qu’ils soient psychologues ou travailleurs sociaux. Cinq thèmes ressortent des propos analysés : 1) auxiliaire de justice ; 2) équité des procédures et posture impartiale ; 3) rigueur ; 4) analyse approfondie et bien explicitée ; et 5) communication sensible et efficace.
D’abord, les juges semblent s’attendre à ce que les experts aient une compréhension du contexte judiciaire, des questions en litige et de l’histoire des procédures. Un juge insiste sur l’importance que l’expert comprenne bien l’évolution du dossier judiciaire et la séquence des procédures inscrites à ce dossier : « Un dossier, c’est vivant, alors il est parti d’où, il est rendu où. C’est ça, je pense que ça serait le point de départ » (juge 7).
Cette compréhension du contexte judiciaire permet également d’adopter réellement le rôle d’auxiliaire de justice, ce qui devrait se traduire notamment dans la façon de rendre témoignage :
Bien moi j’essaie de m’en faire des alliés quand ils sont présents. D’abord j’essaie, je les mets à l’aise tout de suite au début, pis je leur dis que je m’attends qu’ils écoutent la preuve, puis que je vais être très curieuse d’entendre leurs commentaires par la suite. Je veux qu’ils aient l’impression, puis c’est le cas, qu’ils sont des alliés à côté de moi, pis qu’ils vont m’éclairer pour rendre une décision.
juge 4
L’équité des procédures et la posture impartiale des experts sont attendues. En effet, comme requis dans les codes de déontologie des psychologues et des travailleurs sociaux et dans le Code de procédure civile, les juges soulignent la règle d’impartialité :
C’est l’expert de la Cour, hein ? C’est ça qu’il faut se rappeler aussi, c’est pas l’expert du papa, c’est pas l’expert de la maman, mais c’est l’expert de la Cour. Même si c’est un mandat privé, ça demeure que l’expert est là pour le Tribunal.
juge 1
Lorsque les procédures ne peuvent être équitables, la transparence est attendue :
Je pense que c’est quand ils reçoivent plein de documentation d’un parent, mais qu’ils n’en ont pas du tout de l’autre parent. Ça, ça m’a toujours, quand j’étais avocat, ça me dérangeait. Si un parent amène des courriels des trois dernières années et que là, l’autre parent ne remet aucun document, bien là je me demande, pis même encore comme juge : « Est-ce qu’ils ont avisé l’autre parent qu’ils ont reçu tous ces documents-là ? ».
juge 1
Les juges rappellent également que, pour protéger cette posture impartiale, garder le cap sur l’intérêt de l’enfant est de mise :
Alors je pense que d’avoir toujours comme ligne directrice l’objectivité et l’intérêt de l’enfant, ça peut, ça peut nous ramener à l’essentiel. Un peu comme, comme je tente, ou je fais là, c’est de toujours avoir en tête l’intérêt de l’enfant.
juge 5
Par ailleurs, les juges observent des embûches à l’impartialité et soulignent l’importance de l’indépendance. Ils discutent ainsi des pressions auxquelles sont soumis les experts, de la part des avocats et des parents :
Pis au niveau de la Cour, c’est sûr qu’un expert qui arrive en salle de Cour puis qui entend les parents, puis que là va me dire à la fin, parce que les avocats vont toujours poser la question : « Est-ce que vous maintenez vos recommandations ? », pis que l’expert change tout de suite ses recommandations, bien là je me questionne, parce qu’il ne va pas avoir revu tous les intervenants.
juge 1
Enfin, le juge 2 partage aussi sa perception que « l’argent fait pencher la balance », suggérant ainsi que les psychologues et les travailleurs sociaux oeuvrant en pratique privée pourraient être plus vulnérables aux pressions induites par le client payeur.
La rigueur de l’analyse effectuée est attendue par les juges participant à l’étude. Cette rigueur est associée à la perspicacité de l’expert, à sa façon d’analyser une situation au-delà des premières impressions, à sa façon de décrire ses propres méthodes d’évaluation et d’exposer les limites de sa démarche et les nuances qui s’imposent :
Parce qu’un expert en fait, qu’il soit celui désigné par la Cour en matière familiale ou que ce soit un expert en construction, ça reste quand même un expert. Alors ce qu’on s’attend c’est d’avoir quelqu’un qui a les compétences et qui s’appuie sur des méthodes reconnues, sur une littérature, sur des études, pour appuyer ses conclusions. Surtout s’il y a quelque chose qui est un peu…, qui a des particularités…, des risques ou…, c’est quoi le risque pour un enfant dans telle genre de situation. Il me semble que je trouverais ça sécurisant comme juge. Ça me sécuriserait, même comme avocat, comme partie, de dire l’expert il n’a pas sorti ça des nuages là.
juge 3
Par ailleurs, certains juges émettent des préoccupations quant à la rigueur dans les conclusions tirées de méthodes d’évaluation. Il est attendu que les experts viennent exposer les limites de ces méthodes et nuancer leurs observations :
[D]épendamment du moment où l’expert rencontre le parent avec les enfants, les enfants sont parfois disposés parfois indisposés [...] mais parfois on tire, je trouve, de grandes conclusions à partir de cette courte entrevue d’une demi-heure d’un parent avec un jeune ou deux jeunes enfants qui arrivent dans un nouveau local, qui voient de nouveaux jouets, pis qui des fois sortent de la garderie pis qui ont chaud puis le nez coule, par rapport à l’autre parent qui arrive le matin à 9 h avec l’enfant qui vient de manger, qui vient disposé.
juge 4
La plupart des juges insistent sur l’importance d’une analyse approfondie et bien explicitée. Ils rappellent ainsi le rôle d’auxiliaire de justice que les experts sont appelés à jouer auprès du juge : « c’est de faire le lien vraiment entre ce qui est demandé, ce qui est souhaité comme situation pour l’enfant et les motifs pour lesquels ça devrait être tel type de garde » (juge 5). Plusieurs juges critiquent d’ailleurs la faiblesse de l’analyse proposée par les experts : « mais des fois c’est plus au niveau de…, expliquer pourquoi il arrive à telle recommandation, là on dirait qui, qu’il manque de l’information » (juge 1).
Certains juges pensent que ce manque d’informations en lien avec le contenu de l’analyse pourrait avoir une incidence tant sur la disposition des parents à accueillir les conclusions et les recommandations de l’expertise que sur l’utilité qu’elle peut avoir dans le processus décisionnel. A contrario, lorsque l’analyse des faits est bien explicitée et que les recommandations en découlent de façon cohérente, le rapport d’expertise peut devenir un levier d’intervention pour le juge :
Pis même pour nous comme juges, face aux parties, c’est souvent, quand on a un rapport des faits on va être capables de dire : « Écoutez là, vous avez lu l’expertise là, pour arriver aux résultats que vous escomptez là, bien vous avez une démarche à faire comme parent, c’est important de la faire. Pis si vous la faites là, vous reviendrez me voir, pis là on réévaluera la situation. ».
juge 3
Les juges soulignent également l’importance de la communication sensible et efficace de la part des experts. Les impressions à ce sujet sont toutefois partagées : certains juges perçoivent que les experts saisissent bien tout le poids du rapport écrit et le fait que ce rapport doit être autoportant. D’autres, toutefois, soulignent la faiblesse de l’écriture de certains experts. Par ailleurs, le manque de concision est relevé par plusieurs, rappelant ainsi la lourdeur de la preuve d’expert pour le système de justice familiale.
Au-delà de la qualité de l’écriture, les participants à la recherche rappellent que la sensibilité et l’écoute offertes par l’expert aux justiciables sont fondamentales. Ils insistent ainsi sur le savoir-être du professionnel qui doit se traduire dans l’accueil des clients de même que dans le ton des propos écrits et du témoignage rendu. Selon plusieurs, les conséquences d’un « rapport mal écrit ou […] écrit de façon incendiaire » (juge 7) peuvent nuire à la réception et à l’utilisation de la preuve d’expert. Le juge 8 ajoute que l’expérience professionnelle aide certains à « enrober la vérité » pour la rendre moins confrontante.
3.5 Enjeux liés à l’expertise psychosociale et psychologique
Les juges indiquent plusieurs enjeux liés à ce domaine de pratique, ces derniers étant relatifs à la pénurie de main-d’oeuvre et à l’importance du mentorat et de la formation. Ainsi, le domaine de l’expertise en matière familiale souffre d’une pénurie de main-d’oeuvre, dans les services publics comme dans les services privés. En effet, les services d’expertise psychosociale accusent des délais importants. De plus, l’accès aux services privés ne semble pas aisé, et les coûts sont rébarbatifs : « Dans certains cas, les parties, celles qui en ont les moyens, vont carrément choisir d’aller au privé. Ça arrive rarement, parce que ça coûte cher » (juge 3).
De façon plus spécifique, une majorité de participants déplorent le manque d’accès aux psychologues. En effet, les juges remarquent la pertinence des psychologues lorsque des enjeux de santé mentale doivent être clarifiés : « Quand on demande un psychologue c’est parce qu’il y a vraiment des choses qu’on veut que l’expert puisse aller approfondir en passant des tests parce qu’on doute de certaines choses au niveau-là de la santé mentale » (juge 1).
Bien que, pour certains, cette pénurie soit à la mesure du manque de ressources professionnelles dans les services de santé, en général, certains avancent des facteurs intrinsèques à ce domaine de pratique et aux conditions de travail des experts. Notamment, ils soulignent les risques pour le professionnel :
C’est un métier risqué... il y a plusieurs plaintes aux corporations professionnelles. Ils le savent, les experts, c’est un domaine où les gens cherchent un coupable parfois, s’ils perdent leur cause [...] les juges aussi peuvent être l’objet de plaintes au Conseil de la magistrature. En matière familiale, on sait qu’il y en a plus qu’ailleurs.
juge 2
Plusieurs juges sont d’avis que ce taux de plaintes peut éloigner certains professionnels de ce domaine de pratique risqué, et le juge 8 évoque également que cette appréhension peut amener les professionnels à se montrer timorés dans leurs conclusions. Selon lui, il s’agit d’un problème : « Il faut quand même qu’on sache la vérité, faut quand même qu’on ait une information puis l’inform…, heu la vérité, bon, elle peut heurter, mais il faut la dire. Mais, je sens qu’on est en terrain miné. »
Il y a également cette idée que le contexte contradictoire du système de justice puisse être rebutant, et que les professionnels puissent même être amenés à quitter ce domaine de pratique : « est-ce que ça use d’être expert, est-ce qu’un moment donné… la bataille, l’affrontement… » (juge 2). Par ailleurs, le contexte contradictoire semble servir d’autres experts pour qui le contre-interrogatoire peut être une occasion de faire valoir la qualité de leur travail et les nuances de leur analyse.
Afin de pallier cette pénurie de professionnels, d’améliorer les pratiques des experts et leur compréhension des attentes des tribunaux à leur endroit, de même que d’intéresser les professionnels à ce domaine de pratique, plusieurs juges soulignent l’importance du mentorat et de la formation. En évoquant la richesse des stages dans le milieu judiciaire, le juge 5 suggère que de tels stages permettraient de susciter de l’intérêt et de mieux comprendre les attentes du milieu : « Alors peut-être que ce serait une façon de leur permettre de développer un intérêt, de voir vraiment ce qui se passe sur le terrain ». D’autres participants énoncent également les besoins de supervision professionnelle qui peuvent surgir tout au long de la carrière. Le juge 3 ajoute : « C’est comme dans n’importe quel métier, on apprend souvent par l’exemple ou en allant voir ce que les autres font. C’est comme ça qu’on apprend à développer nos habiletés aussi. Pis d’être ensuite supervisé nous-même, dans nos premières expertises. »
4 Discussion
La présente étude offre un point de vue original sur la perception des juges quant aux retombées de l’EPP et aux enjeux qui y sont relatifs. Ainsi, les juges de la Cour supérieure nous confirment le rôle important des experts, psychologues et travailleurs sociaux, dans la prise de décision judiciaire. De façon générale, les juges qui ont participé à l’étude voient de nombreux avantages à la preuve d’expert et s’en montrent satisfaits, appuyant ainsi ce qui a été retrouvé dans d’autres études, dont l’étude australienne d’Alison T. O’Neill et autres[42]. Ainsi, les juges ayant participé à notre étude réitèrent le précieux éclairage qu’apportent les experts sur des situations familiales complexes et insistent sur le pouvoir d’offrir un soutien à la résolution du différend et au rétablissement de la situation familiale.
4.1 Retombées de l’expertise psychologique et psychosociale
En premier lieu, l’EPP est vue comme un mode de résolution du litige en matière familiale. Le dépôt de l’opinion de l’expert semble généralement mettre un terme à la judiciarisation du litige et permettre d’éviter un procès en chambre de la famille. Par ailleurs, cette retombée positive de l’expertise est possible dans la mesure où les délais de réalisation de l’expertise sont raisonnables. En effet, les juges nous parlent de l’incidence des délais sur le processus judiciaire de même que sur la dégradation potentielle du débat judiciaire lorsque les délais se prolongent. Ce constat dicte aux professionnels de respecter les délais prescrits dans les Lignes directrices pour l’expertise en matière de garde d’enfants et des droits d’accès[43] et devrait amener les juristes à envisager d’autres services psychosociaux lorsque les services d’expertise ne sont pas disponibles dans un délai raisonnable. Par ailleurs, ce constat est également une invitation forte à bonifier les services publics et à faire la promotion de ce domaine de pratique chez les professionnels oeuvrant dans les services privés.
Manifestement, l’EPP est une ressource très valorisée par les décideurs judiciaires interviewés. Elle permet notamment aux juges d’avoir accès, de manière efficace, à un grand nombre de personnes qui tournent en orbite autour de l’enfant et dont les opinions sont susceptibles d’éclairer la cour sur le litige. L’argument de l’économie évoqué par les juges est certes important à considérer. Toutefois, il faut rappeler que les points de vue de ces acteurs (enseignants, oncles, grands-parents) sont présentés par les experts de manière interprétée. Ainsi, il paraît important que, dans son rapport écrit, les experts décrivent le contexte de l’entrevue avec chacune de ses sources de même que les questions qui ont été posées aux proches de l’enfant ou aux professionnels intervenant auprès des membres de la famille. En effet, les experts sont au service de la cour : la crédibilité de leurs propos doit pouvoir être analysée par le tribunal, et les avocats représentant les intérêts de leurs clients doivent être en mesure de contre-interroger adéquatement le compte-rendu des informations recueillies par les experts.
Nos résultats indiquent que certains juges préfèrent accéder à la voix de l’enfant par l’intermédiaire d’un expert plutôt que par le biais de leur procureur ou lors d’une rencontre en personne avec l’enfant. L’intention de ces juges de préserver l’enfant du conflit est à souligner. Par ailleurs, cette position doit être mise en perspective avec les commentaires généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU[44] qui précise que la participation directe de l’enfant devrait être favorisée si elle n’est pas susceptible de porter préjudice à l’enfant[45]. Cette position en faveur d’une participation assistée plutôt que directe apparaît cependant ici comme un compromis entre deux visions de l’enfant souvent mises en opposition dans ce contexte litigieux, soit celle de l’enfant vulnérable et en besoin de protection et celle de l’enfant autonome, sujet de droit à part entière et principal acteur de son développement[46]. S’il peut sembler souhaitable que la parole de l’enfant soit recueillie par une personne formée à la recevoir et habile à intervenir auprès des enfants, nous rappelons ici que l’expert n’a pas pour rôle de représenter le point de vue de l’enfant et de s’assurer du respect de ses droits. Ce dernier va plutôt interpréter ce point de vue à la lumière des circonstances familiales qu’il observe, ce qui peut orienter la lecture des préférences exprimées par l’enfant ou l’adolescent[47]. Des données portant sur l’expérience d’enfants dont la voix a été entendue par la Cour par différents dispositifs montrent que si le contexte de l’expertise est moins intimidant qu’une rencontre avec le juge, certains experts peuvent se monter moralisateurs devant le point de vue exprimé par l’enfant[48], et des jeunes peuvent douter que ces professionnels rapportent fidèlement leur point de vue[49]. Les experts devraient donc être formés et bien outillés pour recueillir le point de vue des enfants de façon appropriée, utile et non dommageable pour ce dernier.
Enfin, il est attendu que l’EPP permette une compréhension approfondie de l’enfant, de ses parents et de sa famille. Cette attente confirme le rôle de l’expert comme auxiliaire de justice visant à éclairer l’intérêt de l’enfant, ce critère devant être interprété à la lumière de certains facteurs, tels que le besoin de stabilité des enfants, le degré de la capacité parentale de chacun des parents et la santé psychologique de chaque parent[50]. Cette attente envers la preuve d’expert, qui est d’ailleurs inscrite dans l’article 22 du Code de procédure civile, trouve écho dans l’étude portugaise de João Da Silva Guerreiro, Dianne Casoni et Jorge Costa Santos[51] effectuée auprès des juges et des procureurs en matière criminelle. Dans le contexte familial, notre étude confirme que les juges souhaitent mieux comprendre les besoins et le fonctionnement de l’enfant et qu’ils privilégient ces informations à celles permettant une meilleure compréhension des parents.
L’utilisation croissante de l’expertise psychologique et psychosociale dans les litiges en matière familiale pourrait s’expliquer par le fait que la notion juridique phare qu’est l’intérêt de l’enfant se définit principalement par des facteurs psychologiques[52]. Évidemment, l’ajout de témoins experts au débat judiciaire augmente la complexité et le coût des procédures judiciaires, et une utilisation parcimonieuse et optimale de la preuve d’expert est demandée[53]. Par ailleurs, la notion d’intérêt de l’enfant est une notion juridique perméable aux connaissances scientifiques permettant de l’interpréter, et la présence des experts devrait permettre aux tribunaux un accès à celles-ci[54]. Dans les dernières décennies, des efforts considérables ont été déployés par la communauté scientifique, les ordres professionnels et les tribunaux pour encourager la rigueur scientifique attendue chez les experts issus des domaines psychosociaux[55]. Cet accès aux données issues de la recherche encourage la modération chez l’expert qui est forcé de constater que certains sujets controversés ne sont toujours pas clarifiés par la littérature scientifique[56]. C’est cette connaissance des meilleures pratiques professionnelles qui permet aux experts de devenir de réels auxiliaires de justice[57].
En somme, l’EPP semble aller au-delà de son objectif d’éclairer le tribunal. En effet, les juges nous apprennent que l’EPP, outre qu’elle oriente leurs conclusions, leur permet d’optimiser leur collecte d’informations de même que leurs propres méthodes de travail. Les juges mettent aussi en exergue l’impact de l’EPP sur les membres de la famille : les experts peuvent ainsi contribuer à soutenir les parents en aidant leur compréhension des enjeux familiaux auxquels ils sont confrontés, en les dirigeant vers les meilleurs services pour eux-mêmes et pour leurs enfants, en proposant des voies à suivre pour améliorer la situation familiale et veiller à l’intérêt de l’enfant.
4.2 Conduites attendues
Les propos des juges participant à l’étude sont généralement cohérents avec les diverses lignes directrices et ouvrages de référence dans le domaine. Ainsi, la diligence, l’impartialité, la rigueur de la démarche évaluative et la cohérence des recommandations qui doivent découler de l’analyse effectuée sont abordées spontanément par les juges. Trois éléments nous paraissent toutefois intéressants à discuter.
D’abord, les juges ont insisté sur l’importance que les experts explicitent bien leur analyse de la situation familiale et décrivent bien les facteurs desquels découlent leurs recommandations. Ce résultat avait également été observé par l’étude de la professeure O’Neill et de son équipe[58] et, à nouveau, est cohérent avec le rôle d’auxiliaire de justice qui est attendu de la part des experts[59]. En effet, il ne s’agit pas seulement de proposer les recommandations les plus cohérentes avec l’intérêt de l’enfant. Les juges s’attendent également à ce que les experts détaillent les arguments utilisés pour arriver à ces conclusions. Outre qu’ils expriment l’attente que le rapport d’expertise soit autoportant, les juges demandent que les experts exposent les limites de leurs méthodes et de leurs conclusions et qu’ils s’appuient sur des connaissances scientifiques reconnues pour élaborer leur analyse. Cette attente est cohérente avec les ouvrages de référence dans le domaine de l’expertise en matière familiale[60]. Or, quelques études suggèrent plutôt que l’utilisation de la littérature scientifique pour appuyer les recommandations est une pratique déficitaire dans les rapports d’expertise psychologique et psychosociale[61]. En effet, les experts peineraient à reconnaître et à rapporter les limites de leurs outils de mesure et de leurs conclusions[62].
Ensuite, les juges abordent les situations minoritaires où les experts se montrent partiaux. Par ailleurs, de façon lucide et très éloquente, ils rappellent les défis pour les experts de préserver leur indépendance devant les pressions qui peuvent provenir des avocats, des parents impliqués dans le litige ou même de l’appât du gain. Évidemment, les juges abordent l’importance que les experts maintiennent leur position et ce, indépendamment des pressions indues qu’ils peuvent subir. À nouveau, la perception des juges est à l’effet que la crédibilité des experts est évaluée par leur capacité à composer avec ces influences potentielles, tout en préservant leur rôle d’auxiliaire de justice. Ce résultat invite les experts à ne pas sous-estimer le risque de partialité qui caractérise ce domaine de pratique et à utiliser tous les outils disponibles (formation et supervision) pour préserver la qualité optimale de leurs pratiques.
Enfin, les juges s’expriment sur l’importance d’adopter un style d’écriture sensible aux premiers lecteurs du rapport d’expertise psychologique ou psychosociale, soit les parents. Bien que certains opinent qu’il faille éviter un rapport complaisant et timoré, l’empathie envers les parents et les enfants participant à l’expertise est fortement encouragée. Ce résultat est conforme aux Lignes directrices pour l’expertise en matière de garde d’enfants et des droits d’accès[63] qui indiquent ceci : « Le rapport d’expertise doit être rédigé dans un style clair et simple afin qu’il puisse être compris par le tribunal, les avocats et les clients. Il doit transmettre une attitude de compréhension et d’empathie de toutes les personnes en cause, adultes et enfants, et doit être rédigé d’une manière respectueuse pour chaque personne ». Les juges affirment que cette conduite est plus propice à la résolution du litige et à la collaboration des parents aux recommandations accessoires qui sont émises par l’expert. Ce résultat appuie l’idée que les rares formations et cours universitaires portant sur l’expertise en matière familiale devraient s’assurer d’inclure un volet sur la communication de l’opinion professionnelle, tant à l’écrit que lors du témoignage.
4.3 Tensions entre les responsabilités de l’auxiliaire de justice et celles du professionnel obligé aux meilleures pratiques
Les juges participant à cette recherche expriment des attentes spécifiques qui reflètent leurs besoins. Notamment, ceux-ci souhaitent un rapport d’expertise concis et une partie d’entre eux souhaitent que les positions des parents et le fonctionnement de ces derniers soient moins détaillés. Or, en dépit du fait que les experts sont au service de la cour et doivent répondre aux besoins de cette dernière, ils doivent aussi garder une indépendance face à certaines pratiques. Ils doivent ainsi s’assurer d’honorer leurs responsabilités professionnelles en offrant un rapport autoportant, ce qui peut exiger un rapport d’expertise plus long et l’élaboration des positions et des points de vue des parents.
De même, certains juges expriment des attentes élevées envers les experts afin de contrer l’impact des délais sur le traitement judiciaire des litiges. Ainsi, certains juges souhaitent que l’expert puisse entendre l’ensemble de l’audience afin de réviser ou de confirmer ses recommandations, lorsque l’audience n’a pu être placée que plusieurs mois après le dépôt du rapport d’expertise. Évidemment, certaines propositions émises par les juges révèlent leur intention de veiller à la saine administration de la justice, de même que leurs efforts pour contrer les délais indus. Cependant, cette attente que l’expert modifie ou réitère ses recommandations après avoir entendu les témoignages, des mois voire des années suivant ses évaluations, peut le placer dans une conduite professionnelle potentiellement répréhensible puisque le témoignage ne permet pas nécessairement de recueillir l’ensemble des informations requises pour réviser son opinion.
Dans la présente étude, les juges font notamment référence à l’importance de la concision des rapports d’expertise et de la demande de modifications parfois « en direct » de l’opinion de l’expert assistant au procès. D’ailleurs, les données d’une autre étude québécoise[64] montrent que certains processus d’expertise ont permis l’émergence d’une entente entre les parents, encouragée par l’expert lui-même. Ces besoins pragmatiques — et infiniment justifiés — des tribunaux et du système de justice entrent cependant en opposition avec la rigueur attendue de la démarche d’expertise. Cette tension fait toutefois écho à la perception des professionnels eux-mêmes qui opinent parfois que l’EPP peut viser à la fois des objectifs scientifiques et cliniques[65]. En effet, cette tension rappelle aussi celle existant entre la mission analytique du processus judiciaire et la mission d’entente, qui consiste plutôt à favoriser l’émergence d’un règlement, parfois même au détriment de la mission analytique première[66]. L’expert se retrouve précisément à cette intersection, à cause de la nature double de son rôle d’auxiliaire de justice (agir en fonction des besoins des tribunaux) et de professionnel indépendant (appliquer la méthode scientifique à l’aide de son jugement professionnel).
Bien sûr, il nous semble important de ne pas confondre les attentes des juges avec les critères de qualité et les obligations déontologiques du travail du psychologue ou du travailleur social expert. Par ailleurs, il nous paraît essentiel de prendre en considération les opinions des juges et d’autres décideurs judiciaires pour nous aider à réfléchir aux meilleures pratiques professionnelles ainsi qu’au potentiel et aux limites de l’intervention de l’expert dans le processus de décision judiciaire. En effet, dans le contexte de l’expertise psychologique, il importe de souligner la notion élargie de client[67], le client référant à la fois aux familles soumises à l’évaluation, aux avocats qui les représentent de même qu’aux juges qui accueillent la preuve d’expert. Conséquemment, la communication de l’opinion de l’expert doit donc se faire en respect de l’ensemble des clients impliqués, incluant ceux qui sont issus du système de justice[68]. Ainsi, une réflexion plus approfondie des attentes formulées par les juges participants doit être considérée pour améliorer les pratiques professionnelles et nourrir les réflexions sur ce domaine de pratique[69]. En somme, la présente étude permet de mettre en perspective les besoins des juges en les opposant aux obligations des professionnels. Bien que ces obligations professionnelles priment, il demeure qu’une meilleure compréhension des besoins des juges est nécessaire pour améliorer l’impact de l’opinion de l’expert et la portée de son travail. De fait, ces résultats ont le potentiel de soutenir le développement de formations s’adressant aux professionnels agissant comme experts qui réclament d’ailleurs des formations spécialisées pour devenir des témoins plus solides[70]. Aussi, nous considérons que les résultats de notre étude dictent certains contenus de formation qui pourraient soutenir l’utilité de l’EPP et améliorer la compréhension des juges eu égard à certaines contraintes que doivent respecter les experts. Enfin, le travail de l’expert étant à la frontière de la psychologie, du travail social et du droit, des espaces de discussion interdisciplinaires devraient, à notre avis, être cultivés[71].
4.4 Enjeux importants : pénurie et délais
Les causes de la pénurie de professionnels agissant comme experts et des délais de production de la preuve d’expert sont abordées par les juges participant à la présente étude. Ces causes pourraient être en lien avec les conditions de travail des experts, notamment son caractère risqué et le contexte litigieux du travail auprès de ces familles et au sein du système de justice familial.
Par ailleurs, lorsque les juges abordent le rôle de la preuve d’expert en matière familiale, ils nous semblent agir comme de réels promoteurs de ce domaine de pratique pour les psychologues et les travailleurs sociaux. En effet, ces derniers doivent être mieux informés du rôle unique qu’ils peuvent jouer auprès des juges et auprès de chacun des membres de la famille vivant des conflits à la suite de la séparation parentale. Il nous semble être de la responsabilité des milieux académiques d’offrir des occasions de formation qui permettent aussi d’intéresser les professionnels à ce domaine de pratique et de les préparer suffisamment à jouer leur rôle de façon optimale au sein des tribunaux.
Certains délais peuvent aussi être induits par la surcharge du système de justice familiale, plus particulièrement pour les dossiers familiaux qui sont suivis par la DPJ et pour qui les enjeux judiciaires peuvent se trouver à la croisée des responsabilités de la Cour du Québec et de la Cour supérieure. Peu de choses sont connues sur la prévalence de ces « cas croisés » (crossover cases)[72] et sur les meilleures pratiques à mettre en place dans ces dossiers. Ceux-ci sont vus comme très exigeants pour le système de justice et, à ce sujet, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse invite à une réflexion sur la mise en place d’un tribunal unifié de la famille[73].
Enfin, la pénurie de professionnels est vue comme hautement problématique par les juges ; plus spécifiquement, notre étude met en exergue que le manque de psychologues agissant comme experts préoccupe. Plusieurs juges déplorent le manque de ces ressources professionnelles lorsqu’ils doivent se pencher sur des enjeux liés à la santé mentale. Ces résultats sont cohérents par rapport à ceux de James N. Bow et Francella A. Quinnell[74] qui avaient identifié que les juges et les avocats tendent à préférer les psychologues aux travailleurs sociaux, notamment parce que ceux-ci peuvent utiliser des tests psychométriques[75]. Considérant la complexité des situations familiales pour lesquelles une EPP est autorisée et le fait que la santé mentale des parents est un enjeu pouvant justifier la tenue d’une expertise en matière familiale, le rôle des psychologues s’impose. D’autre part, il faut rappeler que les travailleurs sociaux sont les précurseurs de ce domaine de pratique et que leur rôle au sein du système de justice est prépondérant. En somme, une réflexion sur le partage des rôles professionnels est un enjeu important qui mérite des discussions interprofessionnelles fondamentales.
Les délais associés à l’expertise et aux procédures qui y sont liées, l’évolution potentielle de la situation familiale entre le dépôt du rapport et le procès et, plus généralement, la nécessité de réduire les coûts, la durée et la lourdeur du processus judiciaire sont autant de pressions qui s’exercent sur les experts afin qu’ils adaptent leurs pratiques. Les résultats de la présente étude mettent en relief les attentes élevées, et parfois contradictoires, des juges envers les experts. Par exemple, ceux-ci souhaitent un rapport d’expertise détaillé, tout en étant concis, une opinion d’expert rédigée de façon claire et détaillée, tout en étant empathique, voire retenue, face aux personnes expertisées et un protocole d’évaluation rigoureux, tout en respectant les courts délais attendus. Ainsi, les exigences des tribunaux, qui peuvent parfois diverger des exigences des ordres professionnels, imposent un niveau de compétence élevé. À nouveau, les résultats de notre étude soulignent les besoins de formation universitaire et professionnelle afin de protéger les clients participant à une expertise et d’améliorer les compétences des experts qui en sont responsables afin d’agir dans les règles de l’art, outre qu’il pallie la pénurie de professionnels qui devient, pour certains, un enjeu d’accès à la justice.
4.5 Limites et pistes de recherche futures
La présente étude propose des résultats originaux permettant de documenter le point de vue des juges quant aux enjeux relatifs à l’utilisation de la preuve d’expert. Évidemment, le devis de recherche utilisé comporte des limites qu’il faut mentionner. Notamment, les juges n’ont pas tous reçu l’invitation à participer, et il est probable que les 8 juges volontaires qui ont été rencontrés ne représentent pas le point de vue de l’ensemble des 192 juges oeuvrant à la Cour supérieure de la province de Québec. En effet, la majorité de ceux-ci ont oeuvré en droit de la famille et sont possiblement plus ouverts à l’EPP. Ainsi, le critère de saturation empirique, atteint dans le cadre de cette étude et suggérant une validité scientifique à nos résultats, peut avoir été atteint plus aisément compte tenu de ce manque de diversification. Évidemment, il faut aussi rappeler l’obligation de réserve des juges qui peut également avoir mené à une certaine retenue de la part des participants. En revanche, nous avons observé une grande ouverture de la part des participants et une générosité dans leurs propos.
Notre étude confirme l’importance d’obtenir le point de vue des juges afin de soutenir les réflexions sur les meilleures pratiques professionnelles et les enjeux reliés à l’expertise en matière familiale. Par ailleurs, il serait également judicieux d’examiner l’utilisation de la preuve d’expert par un examen rigoureux de la jurisprudence en droit de la famille. Divers travaux ont ainsi examiné le recours à la preuve d’expert dans des litiges familiaux comportant des caractéristiques précises, par exemple lorsque des allégations d’aliénation parentale[76] sont émises ou lorsque l’enfant vit avec un trouble du spectre de l’autisme[77].
Enfin, d’autres points de vue sont à explorer dans des études futures. Plus spécifiquement, il y a peu d’études portant sur les caractéristiques individuelles et familiales des parents utilisant les services psychojudiciaires, de même que leur expérience subjective de ces services. Ce constat est particulièrement vrai pour l’expertise en matière familiale[78].
Parties annexes
Notes
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[1]
Robert E. Emery, David Sbarra et Tara Grover, « Divorce Mediation : Research and Reflections », (2005) 43 Family Court Review 22 ; Karine Poitras et Pierre-C. Gagnon, « La preuve psychologique », dans Karine Poitras et Pierre-C. Gagnon (dir.), Psychologie et droit, Québec, Éditions Yvon Blais, 2020, p. 219-242.
-
[2]
Samir Patel et Laura Choate, « Conducting Child Custody Evaluations : Best Practices for Mental Health Counselors who are Court-appointed as Child Custody Evaluators », Journal of Mental Health Counseling, vol. 36, no 1, 2014, p. 18-30.
-
[3]
R.E. Emery, D. Sbarra, et T. Grover, préc., note 1 ; Élisabeth Godbout, Claudine Parent et Marie-Christine Saint-Jacques, « Le meilleur intérêt de l’enfant dont la garde est contestée : enjeux, contexte et pratiques », Enfances Familles Générations, no 20, 2014, p. 168-188.
-
[4]
Amylie Paquin-Boudreau, Karine Poitras et Nicolas Bala, « Family Court Responses to Claims of Parental Alienation in Quebec », (2022) 36 International Journal of Law, Policy and the Family 1 ; Noel Semple, « The “Eye Of The Beholde” : Professional Opinions about the Best Interests of a Child », (2011) 49 Family Court Review 760.
-
[5]
Alison T. O’Neill et autres, « The Views of Psychologists, Lawyers, and Judges on Key Components and the Quality of Child Custody Evaluations in Australia », (2018) 56 Family Court Review 64.
-
[6]
Nicholas Bala, « Assessments for Postseparation Parenting Disputes in Canada », (2004) 42 Family Court Review 485.
-
[7]
Id. ; James N. Bow et Francella A. Quinnell, « Critique of Child Custody Evaluations by the Legal Profession », (2004) 42 Family Court Review 115 ; A.T. O’Neill et autres, préc., note 5.
-
[8]
K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[9]
É. Godbout, C. Parent, et M.-Chr. Saint-Jacques, préc., note 3 ; Catherine Quigley et Francine Cyr, « La gestion psychojuridique des situations familiales à haut niveau de conflit », dans Karine Poitras, Louis Mignault et Dominique Goubau (dir.), L’enfant et le litige en matière de garde : regards psychologiques et juridiques, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2014, p. 241-265.
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[10]
Élisabeth Godbout, Karine Poitras et Micheal Saini, « Entre aide et autorité : perceptions des juges et des experts concernant leur rôle auprès des familles vivant des conflits de séparation », Revue scientifique sur les familles séparées de l’Association internationale francophone des intervenants auprès des familles séparées (AIFI), n° 11, 2017.
-
[11]
K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[12]
Johara Obaïd, « L’expert psychosocial en matière familiale : quelle expertise et dans quel but ? », Éditions Yvon Blais, 2019 ; K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[13]
American Psychological Association, « Guidelines for Child Custody Evaluations in Divorce Proceedings », American Psychologist, vol. 49, 1994, p. 677-680 ; Association of Family and Conciliation Courts, Model Standards of Practice for Child Custody Evaluations, 2006, [En ligne], [www.afccnet.org/Portals/0/Committees/ModelStdsChildCustodyEvalSept2006.pdf] (14 janvier 2023).
-
[14]
Jennifer Blanchet et Karine Poitras, « Les pratiques professionnelles des experts en matière de garde et de droits d’accès », Revue québécoise de psychologie, vol. 39, no 3, 2018, p. 27-49.
-
[15]
Leslie M. Drozd, Nancy W. Olesen et Micheal Saini, « Parenting Plan and Child Custody Evaluations : Using Decision Trees to Increase Evaluator Competence and Avoid Preventable Errors », Professional Resource Press/Professional Resource Exchange, 2013 ; Karine Poitras, Louis Mignault et Dominique Goubau, préc., note 9.
-
[16]
João Da Silva Guerreiro, Dianne Casoni et Jorge Costa Santos, « Relevance and Coherence as Measures of Quality in Forensic Psychological Reports », (2014) 21 Psychiatry, Psychology and Law 890.
-
[17]
Jelena Zumbach et Ute Koglin, « Psychological Evaluations in Family Law Proceedings : A Systematic Review of the Contemporary Literature », Professional Psychology : Research and Practice, vol. 46, no 4, 2015, p. 221.
-
[18]
Élisabeth Godbout, Karine Poitras et João Da Silva Guerreiro, « L’interprétation du principe du meilleur intérêt de l’enfant dans la pratique : une analyse de rapports d’expertise et de jugements en matière de garde et de droits d’accès », dans Karine Poitras et Pierre-C. Gagnon (dir.), Psychologie et droit, Québec, Éditions Yvon Blais, 2020, p. 269-293.
-
[19]
J. Da Silva Guerreiro, D. Casoni et J. Costa Santos, préc., note 16.
-
[20]
J. Blanchet et K. Poitras, préc., note 14.
-
[21]
K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[22]
É. Godbout, K. Poitras et J. Da Silva Guerreiro, préc., note 18.
-
[23]
Tout au long du texte, le terme juriste référera tant aux juges qu’aux avocats.
-
[24]
James N. Bow, Micheal C. Gottlieb et Dianna Gould-Saltman, « Attorney’s Beliefs and Opinions about Child Custody Evaluations », (2011) 49 Family Court Review 301.
-
[25]
Barreau du Québec, La position du Comité sur la procédure civile concernant l’utilisation des expertises lors de recours civils et commerciaux et La position du Comité sur le droit de la famille concernant l’utilisation des expertises en matière familiale, (2005), [En ligne], [www.barreau.qc.ca/pdf/medias/positions/2005/200508-expertises.pdf] (14 janvier 2023).
-
[26]
Alberto Yohananoff, « Judging the Quality of Child Custody Evaluations », Journal of Forensic Practice, vol. 17, no 2, 2015, p. 127-133.
-
[27]
Marc J. Ackerman et Linda J. Steffen, « Custody Evaluation Practices : A Survey of Family Law Judges », (2001) 15 American Journal of Family Law 12.
-
[28]
A.T. O’Neill et autres, préc., note 5.
-
[29]
J.N. Bow et Fr.A. Quinnell, préc., note 7.
-
[30]
João Da Silva Guerreiro et autres, « La preuve psychologique devant les tribunaux : barrières communicationnelles et épistémiques », Revue québécoise de psychologie, vol. 39, no 3, 2018, p. 7-25.
-
[31]
J.N. Bow et Fr.A. Quinnell, préc., note 7.
-
[32]
Erika M. Waller et Annaseril E. Daniel, « Purpose and Utility of Child Custody Evaluations : From the Perspective of Judges », (2004) 32 The Journal of Psychiatry & Law 5.
-
[33]
E.M. Waller et A.E. Daniel, préc., note 32.
-
[34]
Barreau du Québec, préc., note 25.
-
[35]
K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[36]
J.N. Bow et Fr.A. Quinnell, préc., note 7.
-
[37]
N. Bala, préc., note 6.
-
[38]
João Da Silva Guerreiro, Dianne Casoni et Jorge Costa Santos, « The Use of Psychological Reports in The Portuguese Justice System : Judges’ and Prosecutors’ Viewpoints », Forensische Psychiatrie und Psychotherapie, vol. 23, no 1, 2016, p. 81-91.
-
[39]
Pierre Paillé et Alex Mucchielli, « L’analyse thématique » , dans Pierre Paillé et Alex Mucchielli (dir.), L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales, 5e éd., Malakoff, Armand Colin, 2021, p. 269-357.
-
[40]
Anne Queniart et Renée Joyal, « La garde contestée de l’enfant à la suite d’une rupture conjugale : des juges de la Chambre de la famille s’expriment sur divers aspects de la question », PRISME Psychiatrie, recherche et intervention en santé mentale de l’enfant, vol. 35, 2001, p. 116-130 ; É. Godbout, C. Parent et M.-Chr. Saint-Jacques, préc., note 3.
-
[41]
N. Bala, préc., note 6 ; J.N. Bow et Fr.A. Quinnell, préc., note 7.
-
[42]
A.T. O’Neill et autres, préc., note 5.
-
[43]
Ordre des psychologues du Québec, Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et Association des centres jeunesse du Québec, Lignes directrices pour l’expertise en matière de garde d’enfants et des droits d’accès, Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, 2006, [En ligne], [www.otstcfq.org/wp-content/uploads/2017/06/expertise_en_matiere_de_garde_denfants_et_des_droits_dacces.pdf] (14 janvier 2023).
-
[44]
Convention relative aux droits de l’enfant, Nations-Unies : Recueil des Traités, 1989, vol. 1577.
-
[45]
Patrick Parkinson et Judith Cashmore, « Children’s Participation in Decisions about Parenting Arrangements », dans James G. Dwyer (dir.), The Oxford Handbook of Children and the Law, New York, Oxford University Press, 2019, p. 833-854.
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[46]
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-
[47]
É. Godbout, K. Poitras et J. Da Silva Guerreiro, préc., note 18 ; S. Holt, préc., note 46.
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[48]
Marie-Andrée Lavoie et Marie-Christine Saint-Jacques, « La parole de l’enfant dont la garde est contestée devant les tribunaux : un regard rétrospectif porté par de jeunes adultes », Service social, vol. 67, no 2, 2021, p. 123-138.
-
[49]
P. Parkinson et J. Cashmore, préc., note 45.
-
[50]
Droit de la famille – 111508, 2011 QCCS 2628 ; Droit de la famille – 151323, 2015 QCCS 2581.
-
[51]
J. Da Silva Guerreiro, D. Casoni et J. Costa Santos, préc., note 39.
-
[52]
É. Godbout, C. Parent et M.-Chr. Saint-Jacques, préc., note 3.
-
[53]
K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[54]
É. Godbout, K. Poitras et J. Da Silva Guerreiro, préc., note 18.
-
[55]
J. Blanchet et K. Poitras, préc., note 14.
-
[56]
Amandine Baude, Jessice Pearson et Sylvie Drapeau, « Child Adjustment in Joint Physical Custody versus Sole Custody : A Meta-analytic Review », Journal of Divorce & Remarriage, vol. 57, no 5, 2016, p. 338-360.
-
[57]
Nicole Parent, « L’expertise psycholégale ou psychosociale à la Chambre de la famille », (2010) 326 Développements récents en droit familial 331.
-
[58]
A.T. O’Neill et autres, préc., note 5.
-
[59]
K. Poitras et P.-C. Gagnon, préc., note 1.
-
[60]
Jon Amundson et Glenda Lux, « Tippins and Wittman Revisited : Law, Social Science, and the Role of the Child Custody Expert 14 Years Later », (2019) 57 Family Court Review 88 ; James N. Bow et Paul Boxer, « Assessing Allegations of Domestic Violence in Child Custody Evaluations », Journal of Interpersonal Violence, vol. 18, no 12, 2003, p. 1394-1410 ; James N. Bow et autres, « Licensing Board Complaints in Child Custody Practice », Journal of Forensic Psychology Practice, vol. 10, no 5, 2010, p. 403-418.
-
[61]
É. Godbout, K. Poitras et J. Da Silva Guerreiro, préc., note 18.
-
[62]
J. Amundson et G. Lux, préc., note 60.
-
[63]
Ordre des psychologues du Québec, Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et Association des centres jeunesse du Québec, préc., note 44, p. 8.
-
[64]
É. Godbout, K. Poitras et J. Da Silva Guerreiro, préc., note 18.
-
[65]
É. Godbout, K. Poitras et M. Saini, préc., note 10.
-
[66]
Noel Semple, « Mandatory Family Mediation and the Settlement Mission : A Feminist Critique », (2012) 24 Canadian Journal of Women and the Law 207.
-
[67]
Julie Maheux, Karine Poitras et Amylie Paquin-Boudreau, « Les défis déontologiques du psychologue expert : réflexions sur les notions de consentement, de client et d’impartialité », Revue québécoise de psychologie, vol. 39, no 3, 2018, p. 75-97.
-
[68]
American Psychological Association, préc., note 13, p. 863-867.
-
[69]
Laurence Dumoulin, « L’expertise judiciaire dans la construction du jugement : de la ressource à la contrainte », (2000) 44-45 Droit et Société 199.
-
[70]
J. Blanchet et K. Poitras, préc., note 14.
-
[71]
J. Da Silva Guerreiro et autres, préc., note 30.
-
[72]
Claire Houston, Nicholas Bala et Micheal Saini, « Crossover Cases of High-Conflict Families Involving Child Protection Services : Ontario Research Findings and Suggestions for Good Practices », (2017) 55 Family Court Review 362.
-
[73]
Gouvernement du Québec, Rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, Québec, Gouvernement du Québec, 2021, [En ligne ], [www.csdepj.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Rapport_final_3_mai_2021/2021_CSDEPJ_Rapport_version_finale_numerique.pdf]. (14 janvier 2023).
-
[74]
J.N. Bow et Fr.A. Quinnell, préc., note 7.
-
[75]
M.J. Ackerman et L.J. Steffen, préc., note 27 ; E.M. Waller et A.E. Daniel, préc., note 32.
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[76]
A. Paquin-Boudreau, K. Poitras et N. Bala, préc., note 4.
-
[77]
Émilie Lahaie, Karine Poitras et Rachel Birnbaum, « Judicial Decision-making in Family Court Involving Children with Autism Spectrum Disorder », Family Court Review (à paraître).
-
[78]
Rachel Birnbaum et autres, « Views and Experiences of Parents in the Family Justice Process in Ontario and Quebec : Report on the First Stage of a Longitudinal Research Project », Journal of Divorce & Remarriage, vol. 62, no 7, 2021, p. 532-550.