Conférence annuelle Claire L’Heureux-Dubé, Faculté de droit de l’Université Laval, 10 septembre 2021[Notice]

  • Julie Dutil

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  • Julie Dutil
    Juge, Cour d’appel du Québec

C’est un grand plaisir et un honneur pour moi de prendre la parole dans le cadre de la Conférence Claire L’Heureux-Dubé. J’y assiste depuis la première édition, le 16 septembre 2004, et — en revoyant la liste des conférenciers qui m’ont précédée — je dois dire que je trouvais les chaussures bien grandes… En réfléchissant au sujet que je pourrais aborder devant vous aujourd’hui, le thème « Les femmes et le droit » s’est rapidement imposé à moi. Vaste sujet, me direz-vous, mais combien intéressant et toujours d’actualité ! Bien des recherches et de nombreux écrits existent sur ce thème. Toutefois, je trouvais qu’il se prêtait particulièrement bien à être traité dans le cadre de la Conférence Claire L’Heureux-Dubé, évènement annuel en l’honneur de cette juriste remarquable qui a tant contribué à l’avancement des femmes au Canada, de même qu’à l’échelle internationale. Les générations qui suivent doivent continuer le travail entrepris. De grands pas ont été faits pour les femmes et, par ricochet, pour la société en général, mais je pense qu’il faut régulièrement regarder le chemin parcouru, ne jamais oublier ce que l’histoire nous a enseigné, examiner les écueils rencontrés et s’assurer de ne pas reculer dans ce domaine crucial pour une société juste, soit l’égalité entre les personnes. Mon propos portera donc sur l’évolution du droit des femmes dans la société, mais aussi sur leur place dans la profession juridique. Je m’attarderai d’abord à l’aspect historique, pour ensuite traiter de quelques grands arrêts qui ont marqué l’évolution du droit des femmes et, enfin, je poserai un regard sur les femmes dans la profession juridique. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Je n’ai certainement pas la prétention de couvrir entièrement un si vaste sujet en une trentaine de minutes, mais je vais tout de même tenter de tracer un portrait sommaire de la situation. J’ai toujours beaucoup aimé l’histoire en général. On y trouve de riches enseignements. Comme l’écrivait le célèbre penseur humaniste Nicolas Machiavel, « pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés ». Un Québécois dirait plus simplement : « Il faut savoir d’où on vient pour savoir où on va ! » Retournons d’abord aux premiers temps de la colonie. Après des débuts marqués par l’absence presque totale de femmes, on remarque que plusieurs des nouvelles arrivantes se sont distinguées comme pionnières. Marie Rollet, arrivée vers 1617, était l’épouse de Louis Hébert, premier colon et apothicaire. Elle fut l’une des premières Françaises à s’établir en Nouvelle-France, ici même, à Québec. Marie Rollet, comme bien d’autres après elle, était aux premières lignes du développement de la colonie. Ces femmes élevaient leurs enfants tout en défrichant les terres, en cultivant et en bâtissant. Les femmes de la Nouvelle-France ont joué un rôle majeur dans notre histoire. Entre autres, elles ont développé les hôpitaux et les écoles. On pense par exemple à Jeanne Mance, qui non seulement est la fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, mais qui est également considérée comme cofondatrice de Montréal avec le gouverneur Paul de Chomedey de Maisonneuve, en 1642. Il y eut aussi Marie Guyard, gérante d’une entreprise de transport en France avant de s’établir de ce côté de l’Atlantique sous le nom de Marie de l’Incarnation. Elle a fondé les Ursulines de Québec en 1639. Il est très intéressant de noter que l’Acte constitutionnel de 1791 donnait la qualité d’électeur à tous les propriétaires de 21 ans et plus, sans distinction de sexe, et à partir d’un seuil assez modeste de la valeur de leur immeuble. …

Parties annexes