Volume 59, numéro 2, juin 2018
Sommaire (8 articles)
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Préface
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Les sûretés et les biens immatériels en droit français : quelles sont les perspectives ?
Christophe Albiges
p. 333–350
RésuméFR :
Toute étude ou toute analyse des sûretés portant sur les divers biens immatériels — créances, brevets, marques, logiciels, par exemple — peut se révéler pour le moins délicate. La matière demeure caractérisée par une diversité de régimes applicables, qu’ils concernent les modalités de constitution ou de réalisation des sûretés susceptibles d’être mises en oeuvre. Différentes perspectives sont dès lors envisageables, qu’il s’agisse du regroupement en une seule et unique sûreté, d’une harmonisation de ces régimes ou encore de l’élaboration d’un régime primaire, complété par des règles spéciales.
EN :
A study or analysis of securities in connection with various types of immaterial property — such as debts, patents, trademarks or software — is a perilous exercise. It must take into account a wide range of regulatory instruments addressing the various ways in which the rules are implemented with respect to both the constitution and the realization of security. This opens up several different prospects, such as consolidation into a single form of security, the harmonization of rules, or the creation of a primary scheme that can then be extended using special rules.
ES :
Cualquier estudio (o cualquier análisis) de las garantías que trata sobre los diferentes bienes inmateriales (como por ejemplo las deudas, las patentes, las marcas y los programas) podría resultar — a lo menos — delicado. El ámbito se caracteriza por poseer una diversidad de regímenes aplicables vinculados con los modos de constitución o de realización de las garantías susceptibles de ejecución. Por ende, se pueden considerar diversas perspectivas, independientemente de que se trate de un conjunto de garantías reagrupado bajo una sola y única de garantía, o que se refiera a una armonización de estos regímenes, o que sea más bien la concepción de un régimen principal que se complementa con reglas especiales.
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L’examen critique des gages spéciaux : révélations autour de ces techniques d’appropriation directe de la valeur
Aurore Benadiba
p. 351–388
RésuméFR :
Les premières modifications intervenues en 2008, notamment celles instaurant une première série de dispositions tels les articles 2714.1 à 2714.9 et 2759 dans le Code civil du Québec, ont amorcé la dématérialisation des valeurs mobilières dans le domaine du gage. Le nouveau concept de la maîtrise des valeurs mobilières et des titres intermédiés côtoie celui d’une dépossession matérielle caractérisée par la remise matérielle du titre représentant des créances et prévue par les articles 2702 et 2709 C.c.Q. Ainsi, la maîtrise des valeurs mobilières et des titres intermédiés, obtenue au moyen notamment de l’inscription en compte du nom du nouveau titulaire du gage, de la conclusion d’un contrat de maîtrise ou non, figure parmi les nouvelles manières permettant d’atteindre cette dématérialisation du contrat de gage de nature spéciale. Le calque du régime américain de l’article 9 de l’Uniform Commercial Code a permis d’importer la notion de contrôle (control) sur des actifs déposés en compte dans la législation québécoise. Récemment, au moyen d’une nouvelle série de dispositions civilistes prévues par les articles 2713.1 à 2713.9 C.c.Q., le législateur a admis à nouveau le gage par maîtrise sur certaines créances dites pécuniaires, c’est-à-dire sur toute créance déposée sur un compte obligeant le débiteur à rembourser, à rendre ou à restituer une somme d’argent ou encore à effectuer un tout autre paiement ayant pour objet une somme d’argent (art. 2713.1 et 2713.4 C.c.Q.). Ce gage par maîtrise met en place notamment un mécanisme simplifié de compensation au moyen de nouvelles règles dérogatoires au gage. Il vise aussi d’autres applications possibles utilisant, par exemple, les comptes clients d’une entreprise, les sommes d’argent déposées au sein d’un compte en fidéicommis, le dépôt entre locataire et locateur. Il suscite aussi de nombreuses inquiétudes quant à la sécurité des transactions à l’égard des tiers. Plus important encore, ces nouveaux gages spéciaux par maîtrise revisitent à la fois les notions classiques de sûreté mobilière et de propriété pour en faire notamment des techniques de garantie d’appropriation de la valeur.
EN :
An initial series of amendments made in 2008, in particular to introduce provisions such as articles 2714.1 to 2714.9 and 2759 of the Civil Code of Québec, have led to the dematerialization of securities used as pledges. The new concept of control over securities and security entitlements is now found alongside the concept of material dispossession, which involves the physical delivery of the titles representing the debt and is provided for in Civil Code articles 2702 and 2709. Control over securities and security entitlements, obtained in particular by registering the name of the new holder of the pledge or by signing a contract of control, is a new way to achieve the dematerialization of a contract of pledge of a special nature. The mirroring of the US system, found in Article 9 of the Uniform Commercial Code, has made it possible to import the notion of “control” of assets deposited in an account into the Québec legislation. Recently, another series of civil law-based provisions in articles 2713.1 to 2713.9 of the Civil Code has once again admitted pledges secured by control over certain so-called monetary claims, in other words claims requiring the debtor to reimburse, return or restore an amount of money or make any other payment in respect of an amount of money (articles 2713.1 and 2713.4 of the Civil Code). Pledges in the form of control are based on a simplified compensation mechanism using the new rules. They also extend to other possible applications, for example using a company’s accounts receivable, money deposited in a trust account, or a rental deposit. They also raise a number of concerns about the security of transactions with regard to third persons. More importantly, special pledges in the form of control refer back to classical notions of movable security and ownership, making them techniques for guarantees to appropriate value.
ES :
Las primeras modificaciones realizadas en el año 2008, y en particular, aquellas que instauraron una primera serie de disposiciones como los artículos 2714.1 a 2714.9 y 2759 del Código Civil de Quebec han iniciado la desmaterialización de los valores mobiliarios en el ámbito de las garantías. El nuevo concepto de control de los valores mobiliarios y de los títulos en poder de un intermediario se asemeja al de un despojo caracterizado por la entrega material del título acreedor previsto en los artículos 2702 y 2709. El control de los valores mobiliarios y de los títulos en poder de un intermediario se logra con la inscripción en cuenta a nombre del nuevo titular de la garantía, o con la suscripción o no de un contrato de control. Existen, pues, muchas formas que permiten alcanzar la desmaterialización del contrato de garantía especial. El calco de la legislación americana del artículo 9 del Código de Comercio Uniforme ha permitido importar esta noción de « control » de los activos que han sido depositados en cuenta en la legislación quebequense. Recientemente, en una nueva serie de disposiciones legales previstas en los artículos 2713.1 y 2713.9, el legislador ha admitido nuevamente la garantía bajo control de algunas obligaciones llamadas pecuniarias, es decir, de toda deuda consignada en una cuenta y que obliga al deudor a reembolsar, devolver o restituir una suma de dinero, o a efectuar cualquier otro tipo de pago que tenga por objeto un monto de dinero (artículos 2713.1 y 2713.4). Esta garantía bajo control ha instaurado particularmente un mecanismo simplificado de compensación, que utiliza las nuevas reglas derogatorias de las garantías. Esta puede, de igual manera, tener otros cometidos, por ejemplo, el uso de las cuentas de clientes de una empresa, las sumas de dinero depositadas en cuentas de fideicomiso, o el depósito de alquiler. No obstante, ello ha suscitado muchas preocupaciones en cuanto a la seguridad de las transacciones con respecto a terceros. Y lo que es aún más importante, estas nuevas garantías especiales bajo control reinterpretan, al mismo tiempo, nociones clásicas de garantías reales y de propiedad, para así constituir, de manera particular, técnicas de garantías en la apropiación del valor.
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Les biens et l’immatérialité en droit civil et en common law
Yaëll Emerich
p. 389–423
RésuméFR :
La théorie civiliste est traditionnellement attachée à une conception matérialiste de la propriété, ayant pour objet les choses ou les biens corporels ; la common law, quant à elle, étant davantage ouverte sur l’immatériel. Si une partie de la doctrine civiliste continue de considérer que la propriété dans un sens technique porte uniquement sur des biens corporels, qui ont une existence physique, le droit civil québécois semble aujourd’hui admettre que les biens incorporels sont des objets de propriété, aux côtés des biens corporels ou matériels. L’objectif de l’auteure est de montrer que, en dépit d’une opposition classique des traditions juridiques civilistes et de common law quant à la reconnaissance des biens immatériels, il existe un rapprochement de ces traditions dans leur conception du bien et de ses critères, ainsi qu’une tendance, tant en droit civil qu’en common law, à reconnaître dans le domaine de la propriété une variété de choses autres que des objets matériels, à travers la prise en considération des biens incorporels. Devant la montée en puissance de l’immatériel, il convient de s’interroger pour savoir ce qui est commun dans la notion de biens incorporels et ce qui est pluriel ou distinct dans le régime des biens incorporels. La thèse soutenue par l’auteure est qu’il s’agit moins d’une pluralité selon les traditions juridiques que d’une diversité selon les types de biens et qu’il est possible de trouver certains traits communs dans la notion de biens incorporels et dans les règles qui leur sont applicables dans les deux traditions. Dans les deux cas, ces traits communs les rapprochent de la notion et du régime juridique des biens corporels.
EN :
Traditionally, civil law theory is based on a materialist approach to ownership, aimed at corporeal things or property, while the common law is more open to immateriality. Although some civil law scholars continue to consider that ownership, in the technical sense, applies only to corporeal property with a physical existence, Québec civil law today appears to admit that incorporeal property can also be the object of ownership, alongside corporeal or material property. The objective of this article is to show that despite the classical opposition of the civil law and common law traditions with respect to the recognition of immaterial property, there are links between the two traditions in the way in which they conceive of property and its criteria, as well as a trend in both civil law and common law towards recognizing, in the field of ownership, a range of things other than material objects, through the consideration given to incorporeal property. Given the growing importance of everything that is immaterial, it seems reasonable to review the common ground between the common law and civil law in the field of incorporeal property, and to identify what is shared or separate in the rules that apply to incorporeal property. The thesis presented here it that the situation is not a plurality based on the two legal traditions, but rather a diversity based on types of property, and that certain common traits can be identified in the notion of incorporeal property and in the rules applicable to it in the two legal traditions. In both cases, these shared traits suggest a growing similarity between the common law and civil law with regard to the notions and legal rules governing corporeal property.
ES :
La teoría civilista está tradicionalmente vinculada con una concepción materialista de la propiedad, y tiene por objeto las cosas o los bienes corporales. Sin embargo, el derecho consuetudinario se inclina más hacia lo inmaterial. Si una parte de la doctrina civilista considera todavía, en un sentido técnico, que la propiedad radica únicamente en bienes corporales que poseen una existencia física, el derecho civil quebequense parece admitir hoy en día, que los bienes incorporales constituyen objetos de propiedad junto con los bienes corporales o materiales. El objetivo de este artículo es demostrar que a pesar de la oposición clásica que existe entre las tradiciones jurídicas civilistas y de las del derecho consuetudinario, en cuanto al reconocimiento de los bienes inmateriales, hay un acercamiento de dichas tradiciones en su concepción del bien y de sus criterios, así como la tendencia tanto en derecho civil como en derecho consuetudinario para reconocer en el ámbito de la propiedad una variedad de cosas diferentes de los objetos materiales, a través de la consideración de los bienes incorporales. Ante el pujante surgimiento de lo inmaterial, convendría preguntarse qué resulta común en la noción de los bienes incorporales y qué es plural o distinto en el régimen de los bienes incorporales. La tesis que aquí se sustenta es aquella que sostiene que se trata menos de una pluralidad según las tradiciones jurídicas, que de una diversidad según los tipos de bienes, y que es posible hallar algunos rasgos comunes en la noción de los bienes incorporales, y en las reglas que son aplicables en las dos tradiciones. En ambos casos, estos rasgos comunes les acercarían a la noción y al régimen jurídico de los bienes corporales.
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La réalisation forcée des propriétés intellectuelles en droit français
Christine Hugon
p. 425–440
RésuméFR :
Si, a priori, aucun obstacle théorique ne s’oppose à ce que les propriétés intellectuelles puissent, comme l’ensemble des droits incorporels appartenant au débiteur, être l’objet d’une saisie, la pratique révèle que ces saisies sont rares. La réticence des professionnels du droit à mettre en oeuvre une procédure d’exécution forcée sur ce type de biens étonne en raison de la valeur attachée à certains d’entre eux. Il convient alors de s’interroger sur les raisons de ce désintérêt. L’examen des textes laisse voir une législation très lacunaire, mais il apparaît que ce quasi-vide réglementaire doit pouvoir être aisément contourné en raisonnant, comme le suggère explicitement le Code des procédures civiles d’exécution, par analogie avec la saisie des droits d’associé. Se pose ensuite la question de savoir si la nécessaire prise en considération de la spécificité des biens saisis, expressément mentionnée par ce code, ne vient pas compliquer à l’excès la réalisation forcée des propriétés intellectuelles.
EN :
Although there appears to be no theoretical obstacle to the seizure of intellectual property rights, like any other incorporeal rights belonging to a debtor, in practice such seizures are rare. The unwillingness of legal professionals to implement forced sale proceedings for intellectual rights is surprising given how valuable they can be, and it seems reasonable to examine the reason why. An examination of the legal texts reveals gaps in the legislation, but the almost total lack of regulation could easily be dealt with by analogy with the seizure of partnership rights, as explicitly suggested by the code of civil enforcement proceedings. The question is therefore to understand if the need to take the specific nature of the seized property into consideration, as expressly required by the code, constitutes an excessive complication that prevents the forced sale of intellectual property rights.
ES :
Si bien ningún obstáculo teórico se puede oponer -a priori- para que la propiedad intelectual pueda -al igual que el conjunto de los derechos intangibles pertenecientes al deudor- ser objeto de un embargo, la práctica ha demostrado que tales confiscaciones son inusuales. Sorprende la reticencia por parte de los profesionales del Derecho para poner en marcha los mecanismos de ejecución de este tipo de bienes, ello se debe al valor que se les da a algunos de ellos. Convendría entonces preguntarse acerca de las razones por esta falta de interés. El análisis de los textos ha demostrado que la legislación presenta muchas lagunas, sin embargo, parece que este « cuasi-vacío » legal puede ser sorteado fácilmente, como lo sugiere explícitamente el Código de Procedimiento Civil de ejecución, al emplear como mecanismo, y por analogía, el embargo de los derechos de asociado. Surge entonces la pregunta, para saber, si la necesaria consideración de la especificidad de los bienes embargados y evocados de manera expresa por el Código de Procedimiento Civil de ejecución no complica mucho más la ejecución judicial de la propiedad intelectual.
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La pensée constitutionnelle et fédérale de Jean-Charles Bonenfant : la franchise au service du Québec
Jean Leclair
p. 441–481
RésuméFR :
L’auteur vise à sortir de l’oubli la pensée constitutionnelle et fédérale de Jean-Charles Bonenfant, grande figure du droit public québécois durant la seconde moitié du xxe siècle. Sa pensée était caractérisée par un pragmatisme ou réalisme politique le portant à rejeter les approches trop tranchées qui négligent la complexité du réel, à préférer le fédéralisme renouvelé à des avenues plus radicales, à dénoncer le « juridisme » qui accorde trop de pouvoir aux juges, à insister sur la légitimité des institutions — et non simplement sur leur légalité — et, enfin, à fonder ses espoirs de renouveau de l’ordre constitutionnel fédéral canadien sur la réforme des institutions politiques représentatives. L’auteur termine son analyse par un examen de l’article de Bonenfant paru en 1963 et intitulé « L’esprit de 1867 », très certainement l’un de ses textes les plus importants.
EN :
This paper aims at rescuing Jean-Charles Bonenfant’s constitutional and federal ideas from oblivion. Bonenfant was one of the most important figures of Quebec’s public law intelligentsia in the latter half of the 20th century. His approach, characterized by a strong dose of political realism, led him to dismiss binary methods that underestimated the complexity of reality ; to prefer a “renewed federalism” to more radical avenues ; to reject constitutional attitudes that endowed the courts with too much power ; to insist not just on the legality of institutions but also on their legitimacy and, finally, to put his faith for a renewal of Canadian federalism, not in the courts, but in a reform of the Central Government’s representative political institutions. The last part of this article is devoted to an analysis of “L’esprit de 1867”, certainly one of Bonenfant’s most significant contributions.
ES :
Este texto tiene como objetivo rescatar del olvido el pensamiento constitucional y federal de Jean-Charles Bonenfant, una gran figura del derecho público quebequense de la segunda mitad del siglo XX. Jean-Charles Bonenfant se caracteriza por un pragmatismo, o un realismo político, que lo ha llevado a desestimar los planteamientos binarios que subestiman la complejidad de la realidad para preferir el federalismo renovado, en lugar de optar por acciones más radicales. De esta manera aparta el « legalismo » que le confiere demasiado poder a los jueces, e insiste en la legitimidad de las instituciones, y no simplemente en su legalidad. Finalmente, fundamenta la esperanza, para renovar el orden constitucional federal canadiense con la reforma de las instituciones políticas representativas. Este artículo concluye con un examen del texto « L’esprit de 1867 » que sin duda alguna es una de las obras más importantes que ha redactado.