Résumés
Résumé
La systématisation du contenu et des fonctions de la notion d’économie du contrat en droit français a abouti au postulat d’une théorie dite de l’économie du contrat. Dans son article, l’auteur tente d’en poser les jalons en dépassant l’approche dogmatique adoptée jusqu’ici par la doctrine française et belge. Il expose ainsi une nouvelle approche qui marque le passage de la notion à la théorie de l’économie du contrat en tant que théorie réaliste d’interprétation prenant en considération l’esprit général des clauses et la concrétisation de la volonté commune des parties d’après l’équilibre et la finalité de l’opération contractuelle. Cette théorie véhicule l’idée d’un contrat-opération qui se situe dans une perspective interdisciplinaire de l’analyse du phénomène contractuel, à contre-courant du modèle du contrat-obligation du Code Napoléon et du Code civil du Québec.
Abstract
The systemization of the content and functions of the notion of economy of contract in French law has led to the emergence of a theory of economy of contract. This paper is an attempt to circumscribe the topic by going beyond the systematic and dogmatic approach employed in the past in French and Belgian doctrine. By applying this new approach, it is possible to move from the notion to the theory of economy of contract as a realistic theory of interpretation that takes into account the general spirit of the contractual clauses and the concrete expression of the parties’ shared wishes based on the balance and ultimate goals of the contractual operation. This theory puts forward the idea of a contract-operation in keeping with the interdisciplinary approach for analyzing the contract as a phenomenon, in direct opposition to the contract-obligation in the Code Napoléon and the Civil Code of Québec.
Resumen
La sistematización del contenido y de las funciones de la noción de economía del contrato en el derecho francés ha culminado con el postulado de una teoría llamada de la economía del contrato. Aquí, el autor ha pretendido establecer hitos al superar el enfoque dogmático, adoptado hasta ahora por la doctrina francesa y por la doctrina belga. Un nuevo enfoque que marca el tránsito de la noción a la teoría de la economía del contrato como teoría realista de interpretación, que ha tomado en cuenta el espíritu general de las cláusulas del contrato y la concretización de la voluntad común de las partes, dependiendo del equilibrio y de la finalidad de la operación contractual. Esta teoría conlleva la idea de un contrato-operación que se sitúa en una perspectiva interdisciplinaria del análisis del fenómeno contractual, contrario al modelo del contrato-obligación del Código Napoleónico y del Código Civil de Québec.
Corps de l’article
Au cours des dernières décennies, la positivité et l’utilité pratique de la notion d’économie du contrat[1] dans le contentieux de l’interprétation ont fait l’objet d’une vaste exploration doctrinale en droit belge[2] et français[3]. La présente étude s’inscrit dans cette veine même si son enjeu reste davantage théorique et épistémologique. Contrairement à la doctrine antérieure qui confine l’étude de la notion, par une approche dogmatique de la jurisprudence, à une simple systématisation de son contenu et de ses fonctions, nous entendons démontrer que, du point de vue de l’évolution de la théorie générale du contrat, cette approche systématico-fonctionnaliste relève d’une vision parcellaire et réductionniste de la question dans l’office du juge contemporain. L’approche théorique marque ainsi le passage de la notion à la théorie de l’économie du contrat en tant que théorie réaliste d’interprétation prenant en considération l’esprit général de ses clauses, son équilibre et sa finalité socioéconomique à l’aune de la volonté commune des parties. Au carrefour de l’interdisciplinarité (par opposition, soutient-on, à la transdisciplinarité ou à la pluridisciplinarité)[4], l’approche théorique s’inscrit à contre-courant de l’étude d’un phénomène juridique contractuel resté trop longtemps sous le joug d’une analyse psychologique et philosophique en marge, notamment, de l’analyse économique et sociologique du contrat en tant qu’artéfact social.
Nous nous proposons ainsi de jeter les bases de la théorie de l’économie du contrat dont le postulat a été formulé dès le début du xxie siècle par Sébastien Pimont, à qui l’on reconnaît le mérite d’avoir tenté la première systématisation de la notion en droit français[5]. C’est dans le contexte de ces prolégomènes qu’il a abouti à la conclusion de la nécessité d’une théorie de l’économie du contrat, à la fin de son livre-thèse, sans toutefois en poser les jalons, même si l’on peut conjecturer que cette tentative n’en a pas moins fourni quelques prémisses. Si l’approche systématico-fonctionnaliste a permis de passer du stade d’une prénotion[6] judiciaire à une véritable notion juridique d’économie du contrat, il était nécessaire de s’arrêter un tant soit peu à la théorie embryonnaire de l’économie du contrat qui en est née avec pour cadre théorique l’interprétation du contrat lato sensu. Dans cet ordre d’idées, et preuve que la théorie de l’économie du contrat n’est pas qu’une pure vue de l’esprit de ses partisans, la seule référence lexicologique de l’expression « économie du contrat » la situe prima facie en théorie générale du contrat comme une « [t]héorie prenant en compte pour apprécier la validité d’un contrat son esprit général, en particulier l’intérêt qu’y trouve chaque partie[7] ». Une conception aprioritique qui la présente certes comme une théorie, mais qui ne renseigne pas suffisamment sur toute sa dimension épistémologique. À notre sens, et à la manière de la « théorie du droit comme interprétation » de Dworkin[8], l’économie du contrat s’analyse davantage en une norme générale d’interprétation (partie 1) qui a pour paradigme référentiel le contrat-opération en tant que produit d’une analyse socioéconomique du contrat (partie 2). Cette dernière prend le contre-pied de la conception psychophilosophique du contrat-obligation véhiculée par le Code Napoléon et reprise en substance par le Code civil du Québec (partie 3)[9].
1 L’économie du contrat en tant que norme du contrat et de son interprétation
Au regard de sa genèse jurisprudentielle dont l’approche systématico-fonctionnaliste fournit plus ou moins le tracé, l’économie du contrat s’est imposée depuis la fin du xixe siècle comme une véritable norme générale produite par le contrat et devant guider quiconque interprète ses clauses. La doctrine a ainsi parlé de l’émergence d’un sacrosaint principe du respect de l’économie du contrat[10] en tant que loi intrinsèque des parties au sens des dispositions du nouvel article 1103[11] du Code civil français[12] et de l’article 1434 C.c.Q. Un principe si vigoureux qu’il s’imposerait aux parties, au juge et même au législateur, comme nous le rappellent avec force de nombreux arrêts de la Cour de cassation[13] et surtout du juge constitutionnel français qui, au nom de la liberté contractuelle, interdit dorénavant au législateur de porter atteinte à « l’économie des […] contrats légalement conclus[14] ». Le principe du respect de l’économie du contrat, véritable gage de sécurité contractuelle, s’expliquerait donc, dans une certaine mesure, par le respect dû aux attentes légitimes des parties auquel Xavier Dieux a entendu accorder la force d’un principe général de droit[15]. Outre cette dimension proprement normative qui fait d’elle un élément à part entière de l’ordre juridique[16], l’économie du contrat en tant que norme d’interprétation des clauses contractuelles s’appréhende, sous un angle méthodologique, à un échelon à la fois formel (1.1) et substantiel (1.2).
1.1 Une interprétation globale, unitaire et cohérente du contrat
D’un point de vue formel, l’économie du contrat est présentée par la doctrine comme une vision globale, unitaire et cohérente du contrat en matière d’interprétation[17]. À ce titre, elle conditionne l’interprète-partie ou juge à adopter un regard panoramique sur le contrat pris dans l’ensemble de ses clauses et obligations constitutives. Elle s’oppose dès lors à une vision ou à une interprétation analytique des obligations et des clauses du contrat prises de façon isolée sans égard aucun à l’opération contractuelle globalement envisagée par les parties. La Cour supérieure du Québec a eu notamment à le rappeler dans l’interprétation d’une clause de déduction compensatoire contenue dans un contrat de sous-traitance (CST). En l’espèce, alors que l’entrepreneur principal, insatisfait des prestations du sous-traitant, a entendu se prévaloir du bénéfice de la susdite clause, le juge considère que, bien que « [l]a compensation [ait] été effectuée en application de l’article 2.3.3 des C.S.T. […] [c]ette disposition ne peut être appliquée de façon isolée [car elle] s’insère dans l’économie générale du contrat[18] ». Interpréter un contrat d’après son économie générale revient ainsi à le systématiser et à le percevoir comme un « ensemble cohérent, intégré, monolithique, dont tous les éléments se tiennent et s’emboîtent harmonieusement[19] », bref comme une opération unique, un tout indivisible destiné à remplir une fonction socioéconomique. C’est pourquoi le juge passe souvent du recours de la notion d’économie du contrat à celle, qui est plus globalisante, d’« économie de l’opération[20] », ou d’« économie générale de l’opération[21] », que l’on trouve dans les arrêts de la Cour de cassation et certaines décisions des juridictions québécoises[22] pour désigner l’entièreté de l’opération contractuelle, voire commerciale, indépendamment des obligations ou des contrats individuels qui la constituent. Ce qui a fait dire à Pimont que : « [l]e terme d’“économie du contrat” n’est donc pas neutre du point de vue méthodologique ; il incite à prêter plus d’attention à la cohérence de l’ensemble des éléments du contrat qu’à la force de chacune des obligations », une interprétation unitaire du contrat qui va avec « un refus de son “morcellement”, de son “dépeçage”[23] ».
L’adoption d’une vision globale et unitaire du contrat a pour corollaire une interprétation cohérente et utile de ses clauses. Plutôt que d’être appréhendées individuellement, celles-ci doivent s’interpréter en préservant l’unicité de l’opération envisagée par les parties au moment de la conclusion du contrat. Cela conduit à pourvoir à une certaine harmonie interne entre les diverses clauses, d’où l’idée d’un principe de cohérence contractuelle élaboré de façon parallèle à l’économie du contrat qui interdirait une contradiction autant dans l’interprétation des clauses (cohérence du contrat) que dans le comportement des parties (devoir de cohérence[24] — bonne foi, estoppel de la common law, rechtsverwerking du droit belge[25]). Cette idée-force de cohérence interprétative du discours contractuel constitue un impératif méthodique qui n’est pas propre au seul raisonnement contractuel mais à la rationalité juridique en général[26]. C’est dans cette logique interprétative que s’inscrit le nouvel article 1189 C.civ., repris en substance par l’article 1427 C.c.Q., lorsqu’il dispose que « [t]outes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier » ou « résulte de l’ensemble du contrat[27] ». Le Tribunal d’arbitrage du Québec considère ainsi à la suite de la doctrine[28] que, en matière d’interprétation, « [l’] arbitre doit retenir l’approche qui est la plus logique, cohérente, raisonnable et juste en regard de l’économie générale de la convention collective[29] ». La Cour supérieure du Québec a aussi eu à écarter une interprétation litigieuse de certaines clauses de cautionnement alléguée par Garantie-Québec à l’encontre de la personne des actionnaires aux motifs qu’elle était incompatible avec l’« économie du contrat » de garantie conclu au bénéfice de l’entreprise[30].
Dans la même optique, la quasi-totalité des législateurs nationaux et transnationaux[31] prescrivent que les clauses contractuelles ne soient pas interprétées dans le sens littéral des mots ou dans un sens qui ne produirait aucun effet (doctrine de l’effet utile), mais dans celui qui convient le mieux à la « matière du contrat[32] ». La théorie de l’économie du contrat prône ainsi une interprétation du contrat dans sa globalité, son unité, sa cohérence sémantique et fonctionnelle. Cela présente l’avantage d’aboutir à une conception plus matérielle, utilitaire et finaliste du contrat.
1.2 Une interprétation matérielle et concrète, utilitaire et finaliste du contrat
D’un point de vue matériel, l’économie du contrat en tant que norme interne d’interprétation représente l’opération matérielle que veulent réaliser concrètement les parties. Elle constitue cette « matière du contrat » dont une interprétation des clauses doit avoir pour objectif de rendre compte en pratique. Une interprétation du contrat d’après son économie doit ainsi pourvoir à une matérialisation de la volonté commune, laquelle demeure, par extériorisation et objectivation, distincte et irréductible par rapport à la volonté individuelle de chaque partie[33]. Une telle interprétation renvoie, au sens de l’herméneutique gadamérienne, à une concrétisation du contrat en tant que loi des parties[34] en lui permettant d’atteindre sa fonction socioéconomique. Dans une visée « satisfactionniste » de la volonté commune des parties qui rappelle l’un des piliers du pragmatisme de William James[35], elle doit donc poursuivre essentiellement deux objectifs principiels, à savoir l’équilibre du contrat et sa finalité socioéconomique.
Pour ce qui est de l’équilibre des prestations, tel qu’il est voulu par les parties, celui-ci ne doit pas toujours correspondre à une équivalence financière ou mathématique, utopique en pratique, mais davantage à une réciprocité, cas des contrats onéreux, ou à une non-réciprocité, cas des contrats gratuits, dans les proportions initialement voulues par les parties au moment de la conclusion du contrat ou de l’opération contractuelle. On se trouve dès lors aux antipodes de la conception classique économiciste de l’équilibre des prestations qui conduit à perdre de vue les contrats gratuits. Cela justifie aussi les nombreux recours judiciaires à la notion d’économie du contrat en vue de réviser le contrat pour imprévision lorsque des circonstances exceptionnelles et imprévisibles viennent bouleverser ou rompre son équilibre initial (l’économie du contrat) en alourdissant de façon significative la charge des obligations de l’une des parties[36]. En ce qu’elle repose sur une meilleure répartition des risques, l’adaptation conventionnelle ou judiciaire constitue, à ce titre, un pilier de la justice contractuelle participative et solidariste, bénéfique au maintien de la relation contractuelle, particulièrement dans les contrats à longue durée ou les contrats relationnels. Toutefois, comme l’a précisé la Cour d’appel du Québec, une absence d’équivalence dans les bénéfices escomptés d’un contrat à long terme, négocié en connaissance de cause, ne saurait tout bonnement être assimilée à une rupture d’équilibre du contrat et justifier a posteriori sa renégociation ou sa révision, et ce, d’autant plus que le Code civil du Québec a rejeté par prétérition la théorie de l’imprévision[37].
Quant à la finalité du contrat, l’interprétation de ce dernier contrat d’après son économie consiste ainsi à le rendre opératoire, à l’adapter au but socioéconomique poursuivi par les parties, ce qui se fait en dépassant la réalité juridique abstraite[38] que constitue l’accord de volontés ayant fait naître des clauses et des obligations juridiques pour rendre davantage compte de la dimension pratique et matérielle de l’opération contractuelle. À ce titre, elle est dite « finaliste » en ce qu’elle concourt à la réalisation effective de la fonction socioéconomique du contrat[39], et l’économie du contrat qui représente « le contenu matériel et non psychologique du contrat » dénote dans ses usages jurisprudentiels une certaine aptitude du contrat à atteindre le but visé par les parties[40]. C’est dans cette logique finaliste que la Cour du Québec a eu notamment à considérer que le paiement fait par une caution en acquittement de son obligation personnelle sans règlement de la dette principale du débiteur cautionné « ne correspond pas tout à fait à l’économie du contrat de cautionnement[41] ». Ce finalisme interprétatif a souvent justifié, sous le couvert de la notion d’économie du contrat, la dissolution des contrats ne pouvant atteindre leur but socioéconomique ou ne représentant plus aucun intérêt pour une partie parce que l’exécution, selon l’économie voulue, était devenue inutile ou impossible[42].
Pour la théorie de l’économie du contrat, c’est bien la volonté commune des parties qui détermine l’équilibre et la finalité du contrat. Cela fait donc de l’interprétation du contrat d’après son économie un « entrelacs de données objectives et subjectives » qui le fondent conjointement[43]. À travers les usages récurrents que le juge fait de la notion pour concilier la volonté des parties à l’équilibre et à la finalité du contrat, la théorie de l’économie du contrat entend alors démontrer que l’opposition doctrinale souvent établie entre volontarisme et économisme, subjectivisme et objectivisme, concret et abstrait, relève d’une dichotomie stérile, voire d’une conception antique de l’interprétation du contrat[44]. Ce renouvellement de perspective interprétative de l’opération contractuelle ne va pas sans un renouveau paradigmatique.
2 Le transcendement du contrat-obligation vers le contrat-opération
Sur un plan paradigmatique, la théorie de l’économie du contrat préconise un dépassement du modèle dominant du contrat-obligation, héritage passéiste du Code Napoléon (2.1) vers celui du contrat-opération, conception plus réaliste du contrat (2.2).
2.1 Du contrat-obligation du Code Napoléon
Le Code Napoléon et, dans une certaine mesure, ses descendants, dont le Code civil du Québec, reposent foncièrement sur un paradigme contractuel que l’on pourrait qualifier à juste titre de contrat-obligation[45]. Le nouvel article 1101 offre une parfaite illustration définitionnelle de ce contrat : « accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». Il en est de même de l’ancien article 1101 aux termes duquel « [l]e contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Ces dispositions où l’on prend l’objet de l’obligation pour définir le contrat sont reprises en substance par l’article 1378 C.c.Q. au même titre que l’article 1433 C.c.Q. au sens duquel « [l]e contrat crée des obligations […] les modifie ou les éteint ». L’idée du contrat-obligation s’expliquerait par le fait que le contrat, du latin contractus, de contrahere, signifiant « réunir » ou « rassembler », serait consubstantiel à l’obligation (obligatio, de ob-ligare, c’est-à-dire « lier de façon très étroite »). Le contrat, expression du vinculum iuris (« lien de droit ») du strict point de vue de l’idéalisme juridique positiviste, se définit ainsi par ses obligations juridiques. Cependant, il serait indéfendable de réduire le contrat en définitive à de simples obligations juridiques, encore qu’il signifie, dans une conception normativiste-kelsenienne, une création d’une nouvelle norme dans l’ordre juridique supérieure à la somme de ces obligations[46]. C’est pourquoi le contrat-obligation s’accommode d’ailleurs d’une vision analytique, simpliste et réductionniste du contrat civiliste aux obligations ou de celui de la common law à la promise, à l’inverse de la vision synthétique, globale et unitaire[47] que professe une interprétation du contrat d’après son économie. Un auteur n’a pas d’ailleurs manqué de vilipender cette attitude idéaliste du Code civil « qui ne raisonne qu’en termes d’obligations » au détriment de la finalité concrètement poursuivie par les parties au contrat[48].
C’est dans cette optique que, tout en énonçant les conditions de validité du contrat à l’article 1108, le codificateur napoléonien ne s’est pas empêché pour autant de mésuser des formules langagières qui mettent en avant l’obligation plutôt que le contrat : « Le consentement de la partie qui s’oblige […] Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; Une cause licite dans l’obligation ». L’on note ainsi du Code civil une doctrine du contrat, devenue elle-même une doctrine de l’obligation, où celui-ci, en tant qu’acte de volonté de personnes qui s’obligent, n’a pas d’existence propre. Ne s’analysant davantage qu’en une simple addition d’obligations juridiques, le contrat « s’efface bien souvent derrière sa composante élémentaire, derrière l’obligation » et son contenu est « divisé, comme éclaté, entre les obligations qu’il porte[49] » sans considération aucune de l’opération socioéconomique concrètement projetée par les parties. Ici, le lien obligationnel vaut et prévaut sur le contrat en l’emportant sur toute autre considération (relationnelle, coopérative, affective, économique, voire sociale tout court). Dès lors, chaque partie, pour être hors de cause, peut se contenter d’exécuter sommairement ses obligations sans prendre acte de la finalité pratique réellement attendue de cette exécution par l’autre. Le contrat-obligation constitue donc cette représentation presque asociale ou désocialisée du contrat n’ayant aucune ou peu d’existence empirique, où les obligations juridiques sont mises en exergue avec une nette précellence sur le contrat lui-même[50] en tant qu’artéfact, produit, opération ou institution sociale.
La prédominance du contrat-obligation dans le Code Napoléon s’observait aussi à travers l’imbroglio que ses rédacteurs avaient entretenu autour des notions d’obligation et de contrat. Ainsi convenait-il d’observer, alors que le contrat n’est pas la seule source d’obligations, dès le titre III un intitulé paradoxal : « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général » (qu’un auteur aurait réintitulé plus logiquement « Des obligations qui naissent des contrats » ou « Les contrats : sources d’obligations »[51]), où vont s’enchaîner des développements structurellement incohérents confondant objet du contrat et objet de l’obligation (section 3), cause du contrat et cause de l’obligation (section 4), effets du contrat et effets des obligations (chapitre III)[52]. Un embrouillamini notionnel que l’on retrouve par panurgisme dans l’ancien Code civil du Bas Canada notoirement pour les notions de cause et d’objet du contrat et de l’obligation[53]. Même si le législateur québécois, dans sa réforme du Code civil de 1991, et son homologue français, dans sa nouvelle réforme de février 2016, semblent avoir corrigé toutes ces erreurs d’appréciation structurelle entre le contrat et l’obligation, il convient cependant de signaler que « ces nouveaux codes » restent toujours, à l’image de leur ancêtre napoléonien, dans le giron du contrat-obligation, dont l’usage jurisprudentiel de la notion d’économie du contrat aurait pour objet de transcender vers le contrat-opération, conception plus réaliste et pragmatique du contrat[54].
2.2 Vers le contrat-opération
La théorie de l’économie du contrat repose sur l’idée selon laquelle le contrat demeure par essence une opération socioéconomique envisagée par les parties et irréductible ipso facto et jure aux simples obligations juridiques[55]. C’est cette idée de contrat-opération qui transparaît dans le glissement dialectique de la Cour de cassation et des juridictions québécoises de l’usage de la notion d’« économie du contrat » vers celle d’« économie de l’opération », comme nous l’avons mentionné plus haut. Contrairement à la tradition de l’« imaginaire juridique » habitué au nominalisme et au conceptualisme dogmatisant[56], le contrat n’est pas seulement une réalité du droit ni un concept juridique convertible ou rationalisable en diverses espèces[57]. C’est aussi et surtout une donnée, une réalité, une opération socioéconomique. Ce paradigme topique de contrat-opération se retrouve d’ailleurs sous la plume d’Alain Caillé pour qui le contrat « est cet opérateur social et économique, mis en forme et explicité par le droit[58] ». La même idée est également relayée, même si cela se fait sous une étiquette économiciste et utilitariste, par Guido Alpa, selon qui le contrat, « de quelque façon qu’on le définisse ou le conçoive [,] paraît le “vêtement juridique” d’une opération économique[59] », et par Jacques Ghestin, d’après qui le contrat « n’est qu’un instrument que le droit sanctionne parce qu’il permet des opérations utiles[60] ». Dans le sillage du contrat-opération, la théorie de l’économie du contrat milite ainsi en faveur d’un renouveau contractuel en rupture avec la vision idéaliste, analytique et simpliste du contrat-obligation du Code civil à laquelle le droit moderne et la théorie classique du contrat sont traditionnellement accoutumés.
L’itératif usage de la notion d’économie du contrat par le juge marque dès lors un dépassement du contrat-obligation vers le contrat-opération, où le contrat s’émancipe enfin de ses vêtements techniques que sont les obligations juridiques pour devenir une véritable opération socioéconomique que veulent réaliser concrètement les parties[61]. De la vision idéaliste du contrat-obligation, on passe à une conception pragmatique et praxique du contrat-opération, où l’interprétation du contrat d’après son économie doit concourir à rendre opératoire et opérationnelle la volonté commune des parties en permettant une réalisation de la fonction ou de l’effet socioéconomique escompté du contrat. Le contrat-opération est alors cette plateforme socioéconomique où chaque partie doit s’assurer que son exécution s’accorde avec la finalité concrètement poursuivie au moment de son engagement dans l’opération contractuelle : opération économique (contrats à titre onéreux ou « contrat-échange » de Ghestin) ou opération philanthropique (contrats à titre gratuit ou « don » de Marcel Mauss). Ici, en effet, ce n’est pas tant l’exécution de l’obligation qui importe, mais bien la réalisation de l’opération socioéconomique projetée. Par sa double finalité économique et philanthropique ou sociale, le contrat-opération se situe à rebours du contrat-échange génétiquement économiciste, à moins que l’on ne considère l’« échange », au sens traditionnellement large où l’entendait Mauss, comme étant à la fois un « don réciproque » (contrat onéreux, synallagmatique ou bilatéral) et un « don non réciproque » (contrat gratuit ou unilatéral)[62]. En tenant compte de ces deux grandes variétés du contrat, la théorie de l’économie du contrat se veut réaliste et solidariste par opposition à l’idéalisme et à l’individualisme exacerbant que l’on reconnaît à une certaine conception psychophilosophique du contrat.
3 L’enrichissement de l’analyse juridique du contrat par l’analyse économique et sociologique
En tant que théorie réaliste de l’interprétation du contrat, la théorie de l’économie du contrat prône un certain enrichissement de l’analyse juridique du contrat par l’analyse socioéconomique (3.2) en dépassement de l’analyse psychophilosophique dans laquelle le droit moderne a embrigadé le contrat (3.1).
3.1 Le dépassement de l’analyse philosophique et psychologique du contrat
Le contrat du Code Napoléon de 1804 et de ses rejetons ont fortement subi l’influence de la psychologie et de la philosophie libérale de l’époque. La vision psychologique du contrat se révèle notamment par la place de choix réservée à l’individualisme et à l’unilatéralisme dans l’entendement du contrat où les codificateurs ont fait du consentement une condition de validité plutôt que l’accord de volontés en lui-même. Ce dernier n’est à vrai dire qu’une pure vue de l’esprit où l’on se convainc, par un rationalisme idéaliste et dogmatique, que des entités subjectives, psychologiques et immatérielles comme la volonté se sont métaphysiquement « rencontrées et accordées ». Cependant, à la différence du consentement, donnée purement subjective qui a une dimension monologique, l’accord de volontés, en dépit de ses origines et relents psychologiques, constitue davantage une donnée intersubjective. Matérialisé objectivement par l’économie du contrat, il présente ipso facto une certaine dimension dialogique, empirique et même sociologique. La vision psychologisante du contrat se poursuit aujourd’hui à travers la primeur désormais accordée à des notions élastiques à contenu psychomoral variable telles que l’intégrité du consentement, la moralité, la justice, la loyauté, la bonne foi, le dol, le raisonnable, les attentes légitimes, etc., dont la manipulation jurisprudentielle crée des situations d’incertitude contractuelle[63]. En outre, l’individualisme triomphant y est également entériné par un présupposé conflictuel conduisant à analyser le contrat comme une lutte sans merci d’intérêts opposant les parties où le faible, à défaut d’être surexploité par le fort, doit être protégé[64]. Cela tend à jeter l’anathème par instrumentalisme sur l’idée d’un solidarisme contractuel[65], alors même que le contrat, du latin contractus de contrahere, signifie « réunir » ou « rassembler ». Voilà une thèse antagonique qui se révèle aussi séduisante pour autolégitimer la rhétorique interventionniste, prétendument protectionniste et égalitariste du législateur-juge[66] qu’impuissante à fonder les contrats gratuits ou unilatéraux où il n’y a qu’un seul intérêt, du moins matériel, en cause. Elle correspondrait également à une conception contractuelle archaïque et purement transactionnelle, oublieuse de cette réalité phénoménale contemporaine que constitue le contrat relationnel privilégiant le solidarisme et la coopération plutôt que l’individualisme, la domination et l’opposition d’intérêts[67]. La vision unilatéraliste du contrat qui s’ensuit s’observe à travers la proéminence et la prééminence de l’obligation sur le contrat lui-même (conventio ou accord de volontés) considéré comme une simple promesse (promise de la common law)[68] ou la stipulatio romaine, voire l’engagement du débiteur caractéristique du contrat-obligation[69].
La conception psychologiste et individualiste du contrat par le Code Napoléon trouve d’ailleurs son aboutissement paroxysmique dans la théorie philosophique fort contestée de l’autonomie de la volonté[70] qualifiée, non sans raison, de « sa philosophie primordiale, sinon sa pensée unique[71] ». Une théorie où le dogme de l’autonomie de la volonté est érigé en « philosophie du contrat » et en une « théorie de philosophie juridique » par laquelle les codificateurs ont entendu faire de la volonté individuelle, législatrice autosuffisante de sa propre loi, le principe fondamental du contrat[72]. C’est d’ailleurs cette conception philosophiste et dogmatique du contrat, subissant largement l’influence des idéaux de liberté et d’égalité véhiculés dès le xviiie siècle par l’École du droit naturel, par la philosophie des Lumières, par la pensée économique libérale, par la doctrine rousseauiste du contrat social, voire par la philosophie kantienne moraliste, etc.[73], qui a été à l’origine d’une vraie fausse crise du contrat[74] en proie aux transformations socioéconomiques[75]. Car force est de constater qu’il s’agissait plus d’une crise des fondements philosophiques du contrat durement éprouvés depuis lors par la pratique contractuelle, que d’une crise du contrat lui-même, qui a le vent en poupe avec le phénomène quasi irréversible de la contractualisation massive de la vie sociale et même de la production normative à notre époque moderne et postmoderne[76], laquelle conditionne un renouvellement épistémologique de l’analyse du phénomène contractuel.
3.2 L’approfondissement de l’analyse juridique du contrat par l’analyse économique et sociologique
Pour sortir le droit de son isolationnisme dogmatique, nombre d’études relativement récentes plaident pour un certain renouvellement de ses perspectives d’analyse et celles du droit des contrats en particulier à travers le prisme des autres sciences sociales dites réalistes, à l’instar de l’économie et de la sociologie[77]. C’est la fameuse thèse du trait d’union « droit et société[78] » et « droit et économie[79] » dans le sillage de l’interdisciplinarité de la recherche juridique en sciences sociales. Une théorie de l’économie du contrat ne peut donc rester en marge de ce vent de renouveau dans l’analyse juridique du contrat[80], et ce, d’autant plus que la diversité des points de vue de chaque observateur dans son univers disciplinaire ne peut que concourir à une meilleure compréhension du phénomène contractuel : échange de consentements pour le juriste, échange de valeurs pour l’économiste, signification de l’échange pour le sociologue, acte de langage ou de communication pour le sémioticien, etc. Une telle théorie prône dès lors un certain enrichissement de l’analyse juridique du contrat par l’analyse économique et sociologique du phénomène contractuel. Ainsi, elle ne considère pas le contrat comme une donnée strictement juridique et encore moins psychophilosophique, mais plutôt comme une donnée, mieux une opération socioéconomique[81]. À ce titre, l’approche théorique de l’économie du contrat, bien qu’elle fasse appel à l’analyse économique et sociologique du (droit du) contrat, veut montrer schématiquement en quoi une théorie de l’économie du contrat se rapproche, tout en se distanciant diamétralement de certaines théories ou de paradigmes économiques et sociologiques qui ont jalonné le gigantisme de la théorie générale du contrat.
Sur un plan épistémologique, la théorie de l’économie du contrat est une triple conception juridique (et non panjuridique), économique (et non économiciste) et sociologique (et non sociologiste) du contrat. Puisque l’économie du contrat est une notion juridique qui « ne doit rien aux travaux des économistes[82] », contrairement à ce que pourrait laisser présupposer sa dénomination, la théorie de l’économie du contrat et son paradigme de contrat-opération ne sont pas des avatars de cet effet de mode contemporain que constituent l’économisme juridique[83] et, par effet contagion, l’économisme contractuel. Elle s’éloigne de cette conception instrumentale du phénomène contractuel n’appréhendant le contrat qu’à l’aune des seules données économiques (échange des valeurs en particulier)[84] et, pis encore, de l’efficience économique, à l’instar des théorèmes nobélisés des incitations de Leonid Hurwicz, d’Eric Maskin et de Roger Maerson (2007)[85], des coûts de transaction de Ronald Coase (1991)[86], des échanges transactionnels, discrets (ou contrats complets) et des échanges relationnels (ou contrats incomplets) de Ian Roderick Macneil[87] et d’Oliver Eaton Williamson (2009)[88], etc. Tous ces théoriciens défendent un arraisonnement du contrat par l’économie[89] en raisonnant comme si les contrats gratuits ou unilatéraux du droit civil n’étaient pas des contrats au même titre que les contrats onéreux, instrument privilégié de l’économie de marché. Ce paradigme contractuel parcellaire et unipolaire dit du contrat-échange (sunallagma, permutatio ou do ut des) apparaît notamment sous la plume de Ghestin[90], de Jean-Michel Poughon[91] et de bien d’autres qui, par l’influence de l’idée de consideration ou de bargain de la common law sur le droit civil, réduisent le contrat, à l’image des économistes, à un échange de valeurs, au grand dam des contrats gratuits qui constituent pourtant une bonne frange de la théorie générale du contrat. Cette thèse conduit « à considérer le contrat comme une opération économique, fondée avant tout sur l’exécution réciproque des prestations plutôt que l’échange de consentements[92] ». Les économistes et les juséconomistes entendent ainsi substituer l’échange de consentements (futilités) à l’échange de valeurs (utilités) selon une formule de Ghestin : « Le contrat apparaît davantage comme un échange de prestations que comme un échange de consentements ; échange du superflu contre le nécessaire[93]. »
Loin de cet économisme juridique propagé par les partisans de Bentham et de Posner refugiés dans l’analyse économique du droit[94], dont Ejan Mackaay et Stéphane Rousseau[95] sont les défenseurs au Québec, le contrat-opération de la théorie de l’économie du contrat n’est guère une conception utilitariste du contrat. Bien au contraire, elle préconise d’« éviter l’utile jusqu’à la tentation du futile[96] », en se gardant de pousser outrancièrement par l’esprit imaginaire d’un homo oeconomicus les impératifs économiques de rationalité, d’efficacité[97] et d’utilité à leur paroxysme (doctrine de l’économicité), au point d’en faire des impératifs juridiques comme cette autre théorie de « l’utile et le juste » de Ghestin. Ce dernier, par minimalisme de la volonté des parties, au nom de l’utilité sociale et au mépris de l’utilité personnelle, requiert au juge de faire exécuter, par respect de la force obligatoire conférée par le droit positif même un contrat devenu inutile pour l’une des parties parce qu’il est utile pour l’autre et la société[98]. La théorie de l’économie du contrat constitue autant une conception volontaire (et non volontariste), utilitaire (et non utilitariste) et philanthropique (et non philanthropiste) du contrat. Elle reconnaît le rôle plus ou moins prépondérant de la volonté, de l’intérêt ou de l’utilité et de la libéralité dans le contrat puisque celui-ci, en tant qu’opération socialement et individuellement utile, peut, au gré de la volonté des parties, renfermer une dimension tant économique que philanthropique. Dans une visée certes solidariste « faisant du contrat un acte de solidarité entre les parties[99] », qu’expriment les idéaux d’affectio contractus, d’animus cooperandi et de jus fraternitas taxés parfois d’utopiques[100], la théorie de l’économie du contrat considère qu’il est de l’intérêt supérieur de l’opération contractuelle et des parties que celles-ci coopèrent au mieux de leurs intérêts[101] en vue de sa réalisation, surtout dans les contrats à exécution successive (ou contrats relationnels de Macneil ou échanges incomplets des économistes)[102], quitte à se répartir les risques en cas d’imprévision[103]. Et ce, sans pour autant demander aux contractants de se comporter en bon Samaritain en surestimant, par un philanthropisme illusoire comme spéculatif et conceptuel, la part du don dans l’opération contractuelle, dans une conception anthropologique et socialisante du contrat qui consiste à voir le don partout dans le contrat, même les contrats à titre onéreux, comme l’a fait Marcel Mauss dans sa théorie totalitaire du don[104]. Ce dernier et ses adeptes, en particulier le Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales (MAUSS), ont pu qualifier de façon brumeuse les contrats onéreux de « don réciproque », de « don-échange », de « contre don » ou de « don à l’envers » qui suppose une obligation de donner, de recevoir et de rendre[105]. Ils ont ainsi sécrété une thèse d’ubiquité du don qui n’a cependant pas manqué de trouver un écho favorable chez certains juristes théoriciens contemporains[106]. À l’autre extrémité, aux antipodes du don, nous prenons également nos distances avec Pimont qui ne conçoit son modèle de contrat-opération qu’à l’aune de la seule opération économique et donc des contrats onéreux[107]. Cela équivaut, somme toute, au réductionnisme du contrat-échange de Ghestin méconnaissant les figures contractuelles qui n’opèrent pas formellement un échange de valeurs (contrats de société, de copropriété, d’indivision, d’association, de prêt à usage, de dépôt, de mandat, de cautionnement, etc.)[108]. Le « contrat-opération économique », ou contrat-échange, conduit surtout à occulter l’idée de l’opération philanthropique consubstantielle des contrats gratuits ou de bienfaisance qui ne supposent aucun échange de valeurs, si ce n’est un transfert unilatéral.
Sur un plan idéologique, bien qu’elle soit née d’une notion prétorienne et donc de droit positif, la théorie de l’économie du contrat ne constitue pas pour autant une conception idéologiste comme positiviste et panjuridique du contrat, qui consiste pour les juristes dogmaticiens à s’autoreconnaître le monopole du contrat et de son étude en voyant le droit partout dans le contrat et à réduire tout le contrat au droit (étatique). Elle ne constitue pas non plus une conception antijuridique du contrat qui consiste à léviter et à conjecturer que « l’idéal-type du contrat selon l’économiste ne prévoit au mieux pour le droit qu’un rôle subsidiaire […] La position de l’économiste sur le contrat repose sur la construction d’un monde de référence où le droit est inutile […] l’analyse économique du droit (des contrats) est une bâtisse imposante dont les fondations, sinon les étages supérieurs, reposent sur le rêve, par les économistes, d’un monde sans droit[109] ». Cette négation du droit par l’économiste n’est pas sans rappeler l’hypothèse du non-droit soutenue par Jean Carbonnier dans sa sociologie du non-droit[110] ou « sociologie du droit sans le droit », pour reprendre les termes d’un autre juséconomiste[111]. Dans une conception sociologiste en effet, Carbonnier a relevé que certains « petits contrats » (transport bénévole, vente de légumes au détail, prêt, dépôt, jeu, mandat, cautionnement, transaction) n’étaient dès l’origine que des actes de bienfaisance ou services d’amis (pactes ex amicitia) insusceptibles de faire l’objet de contrats juridiquement obligatoires[112]. Cette hypothèse de contrats de non-droit a été reprise de façon pointilleuse par Jean-Guy Belley à travers la notion de contrats « hors-droit » (contrats en deçà du droit et contrats au-delà du droit). Si ce dernier, dans le sillage du « droit social » de Georges Gurvitch[113], a certes eu le mérite de resituer par réalisme le contrat dans le contexte du pluralisme juridique (de type sociologique)[114], ou du pluralisme normatif qualifié d’internormativité ou d’interlégalité[115], c’est son postulat d’une « déjuridicisation » du contrat postmoderne à travers le paradigme de l’indépendance contractuelle[116] qui interroge cependant. L’indépendance (contractuelle) signifiant, selon Belley, une « liberté sans règle » au même titre que la souveraineté étatique par dépassement de l’autonomie (contractuelle) en tant que « liberté civile soumise à des règles [juridiques] librement acceptées[117] », il y a bien l’ombre de l’antidroit qui se profile dans le non-droit, même si Belley s’en est défendu, tout comme son prédécesseur Carbonnier[118]. Sinon, comment concevoir que la volonté créatrice d’effets juridiques (contracting in) que l’on veut aussi créatrice d’effets non juridiques (contracting out) ne puisse plus, dans une logique a pari, créer des effets antijuridiques (contracting against) ? La volonté ne doit avoir que le pouvoir de créer les effets juridiques. Elle ne saurait créer des effets non juridiques et encore moins antijuridiques. Lui conférer un tel pouvoir reviendrait à entériner dangereusement la mise à mort prochaine du droit dans le monde des contrats avec toutes les dérives que cela comporte. Et s’il advenait que le droit lui confère un tel pouvoir, serait-on encore dans la sphère du non-droit ou du contrat hors-droit ?
Sur un plan disciplinaire, la théorie de l’économie du contrat et son contrat-opération sont davantage une conception qui reconnaît dans un pluralisme épistémologique à la fois la part et l’apport du droit, de la psychologie, de la philosophie, de l’économie, de la sociologie, etc. dans le contrat et l’étude du phénomène contractuel[119], sans toutefois mésestimer, surestimer ou vassaliser l’un au profit de l’autre[120]. D’un point de vue normatif, cette conception ne saurait également s’abstraire de la coexistence des normes étatiques et non étatiques dans la vie du contrat. C’est pourquoi elle marque dès lors l’affranchissement de l’étude du contrat restée trop longtemps sous le joug d’un panjuridisme étatique aux versants psychophilosophiques.
Conclusion
Cette nouvelle étude sur l’économie du contrat consistait à jeter les bases d’une théorie naissante de l’économie du contrat issue d’une systématisation doctrinale de la notion dans l’office du juge contemporain. Se conçoit ainsi une théorie réaliste d’interprétation du contrat selon laquelle la satisfaction de la volonté commune des parties à l’aune de l’équilibre et de la finalité du contrat doit être au centre des préoccupations de la théorie générale du contrat qu’elle cherche à révolutionner du dedans comme du dehors. À ce titre, la théorie de l’économie du contrat, de par son éclectisme, fait montre d’apports épistémologiques certains à la théorie classique et néoclassique du contrat, dont elle entend non pas contester la survivance, mais bien transcender et approfondir d’une tendance contractuelle dont la jurisprudence se veut aujourd’hui le chantre : le contrat-opération en rupture avec le contrat-obligation, produit de l’idéalisme et de l’individualisme psychophilosophiques du Code Napoléon.
L’intérêt épistémologique de la notion d’économie du contrat se décline dès lors selon une triple dimension normative, méthodologique et théorétique. Sur le plan normatif, l’économie du contrat constitue cette norme privée produite par le contrat qui fait désormais partie intégrante de l’ordre juridique et qui doit être respectée par les parties et les tiers, y compris le juge et le législateur tenus par la situation juridique ainsi créée. Sur le plan méthodologique, l’économie du contrat conditionne les parties et les juges de fond à interpréter le contrat comme une opération globale destinée à remplir une fonction socioéconomique et les incite à adapter au besoin l’équilibre initial des prestations au changement des circonstances. Sur le plan théorétique, les orientations normatives et méthodologiques de l’économie du contrat permettent d’aboutir à une conception originelle du contrat en tant qu’artéfact social, dont une saine compréhension commande de transcender les cloisons disciplinaires entre le droit et les autres sciences sociales. Cette approche de l’économie du contrat, sans rompre le cordon ombilical qui la lie au droit positif et à l’approche systématico-fonctionnaliste, ressortit davantage de la théorie (du droit) des contrats en restant plus attentive à l’analyse psychologique, philosophique, économique et sociologique du contrat, sans pour autant pécher par psychologisme, moralisme ou philosophisme, à l’instar de la théorie classique, ni par économisme sauvage ou sociologisme aveugle, à l’instar de la théorie néoclassique[121]. C’est l’exemple même d’un pluralisme épistémologique qui consiste pour un sujet-connaissant à se départir d’une vision unidisciplinaire ou autopoïétique et à analyser l’objet-contrat observé à travers le prisme de l’interdisciplinarité, tout en gardant une certaine rupture épistémologique et neutralité axiologique.
À rebours de ces théories et paradigmes tendant à juridiciser, à psychologiser, à philosophiser, à moraliser, à économiciser ou à sociologiser le contrat, une théorie de l’économie du contrat aiderait à repenser le contrat en tant que phénomène pluriel et pluraliste, et ce, en dépassant par conciliation autant les cloisons disciplinaires et idéologiques que des dichotomies stériles en théorie générale du contrat, telles que volontarisme et économisme, subjectivisme et objectivisme, individualisme et solidarisme, composantes théoriques indissociables et complémentaires qui permettent de rendre compte de la complexité croissante du phénomène contractuel dans sa réalité contemporaine[122]. L’approche théorique dans une visée a-dogmatique tire ainsi parti de l’éclectisme que nécessitent les théories générales du droit et du contrat aujourd’hui pour assurer leur efficacité sans cesse mise à mal par les transformations socioéconomiques de la modernité et de la postmodernité. Encore au stade de son enfance intellectuelle, où ses fondements devront être passés au crible de la doctrine ou être éprouvés par la pratique contractuelle souvent récalcitrante aux théories, une théorie de l’économie du contrat pose certainement plus de questions qu’elle n’en résout. S’agit-il d’une prénotion, d’une notion juridique ou d’une théorie ? En tout état de cause, son but n’est pas de proposer des solutions de doctrine constituée, mais de renouveler la réflexion sur une possible révolution tranquille qui se meut actuellement en théorie générale du contrat sous l’égide du pouvoir prétorien.
Parties annexes
Remerciements
Nous tenons à remercier les professeurs André Bélanger (Université Laval) et Martin Ndende (Université de Nantes) qui dirigent notre thèse intitulée L’économie du contrat dans l’effet obligatoire des clauses du contrat : l’exemple du contrat de transport.
Notes
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[1]
Il est difficile de définir en « quelques mots » l’économie du contrat, notion fonctionnelle et variable dans l’office du juge sans pécher par réductionnisme conceptuel. Néanmoins, au regard de la doctrine, son appréhension conditionne une double logique tantôt quantitative et objective, tantôt qualitative et subjective. Quantitativement et objectivement, elle permet d’apprécier le volume des prestations des parties à l’aune de la finalité de l’opération contractuelle. Qualitativement et subjectivement, l’économie du contrat s’analyse en une émanation de la commune intention des parties. On parle alors de l’économie du contrat comme une concrétisation du contrat tel qu’il a été voulu par les parties. La systématisation du contenu et des fonctions de la notion (approche systématico-fonctionnaliste dite dogmatique) a fait l’objet, dans une perspective comparative, d’un précédent texte : Éric Fokou, « La notion d’économie du contrat en droit français et québécois », (2016) 46 R.G.D. [à paraître].
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[2]
L’essentiel de la doctrine belge animée par Denis Philippe repose sur le concept de bouleversement de l’économie du contrat qu’il a étudié notamment dans une logique comparative des droits belge, français, allemand, suisse, anglais, italien et néerlandais. Au sens de l’auteur, le phénomène suppose la survenance, postérieurement à la conclusion du contrat, de circonstances extérieures ayant pour effet un changement radical d’une obligation contractuelle. Sa reconnaissance, gage de justice contractuelle, trouve son fondement dans l’obligation générale de bonne foi et appelle à une révision ou à une extinction de l’obligation impactée. Voir : Denis-M. Philippe, Changement de circonstances et bouleversement de l’économie contractuelle, Bruxelles, Bruylant, 1986 ; Denis-M. Philippe, « Économie contractuelle, cause, erreur et interprétation du contrat », dans Liber amicorum Jacques Herbots, Deurne, Kluwer, 2002, p. 295 ; Denis-M. Philippe, « À propos du bouleversement de l’économie contractuelle », note sous C.A. Luxembourg (4e ch.), 15 déc. 2010, D.A.O.R. 2012.78 ; Denis-M. Philippe, « Bouleversement de l’économie contractuelle et contrats multipartites », Die Keure – la Charte, 2013, p. 93.
-
[3]
Sébastien Pimont, L’économie du contrat, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004 ; Thomas Pasquier, L’économie du contrat de travail. Conception et destin d’un type contractuel, Paris, L.G.D.J., 2010 ; Audrey Arsac-Ribeyrolles, Essai sur la notion d’économie du contrat, thèse de doctorat, Clermont-Ferrand, Université d’Auvergne, 2005 ; Barry Zouania, L’économie du contrat : essai d’une théorie néo-classique du contrat, thèse de doctorat, Toulouse, Université de Toulouse 1, 2007 ; Léa Benbouaziz, L’économie générale du contrat de travail, mémoire de maîtrise, Paris, Université Paris 2, 2011 ; Jacques Mestre, « L’économie du contrat », R.T.D. civ. 1996.901 ; Jacques Moury, « Une embarrassante notion : l’économie du contrat », D. 2000.382 ; Ana Zelcevic-Duhamel, « La notion d’économie du contrat en droit privé », J.C.P. 2001.300 ; Eugène Houssard, « L’économie du contrat », Revue juridique de l’Ouest 2002.7.
-
[4]
François Ost et Michel van de Kerchove, « Avant-propos : Jalons pour une épistémologie de la recherche interdisciplinaire en droit », (1982) 8 R.I.E.J. 1 ; François Ost, « Science du droit », dans André-Jean Arnaud et autres (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, L.G.D.J., 1993 ; Pierre Noreau, « Interdisciplinarité, regard de l’autre et compréhension nouvelle du droit contemporain », dans Pierre Noreau (dir.), Dans le regard de l’autre, Montréal, Éditions Thémis, 2007, p. 1 ; Pierre Noreau, « Voyage épistémologique et conceptuel dans l’étude interdisciplinaire du droit », dans P. Noreau (dir.), préc., p. 165 ; Guy Rocher, « Le “regard oblique” du sociologue du droit », dans P. Noreau (dir.), préc., p. 57.
-
[5]
S. Pimont, préc., note 3, nos 587 et suiv. Grosso modo, pour cet auteur, l’économie du contrat est une notion originale distincte de la cause et de l’objet de l’obligation et du contrat. En tant qu’opération globale que veulent réaliser les parties, elle est une représentation fonctionnelle de la loi du contrat où se côtoient éléments subjectifs et objectifs. Elle n’est pas conforme au modèle classique du Code civil qui définit le contrat en partant de l’obligation (le contrat-obligation) et porte en elle les germes, voire la marque d’un modèle différent (le contrat-opération). De cette conception, ressortent les fonctions de l’économie du contrat : d’abord quant au contenu du contrat qu’elle permet d’interpréter, de rationaliser et d’adapter en cas d’imprévision ; ensuite par rapport à la dissolution du contrat dont l’analyse et la rupture de l’économie définissent la portée. Voir aussi B. Zouania, préc., note 3. Pour elle, l’économie du contrat en tant que norme d’interprétation de la volonté désigne l’équilibre du contrat voulu par les parties. En tant que théorie, l’économie du contrat est l’occasion d’un travail critique sur la réduction historique du contrat à la seule dimension subjective de l’accord de volontés et rappelle avec force que le contrat forme indivisiblement un échange de volontés (conventio) et un échange de prestations (sunallagma), soit une commutation volontaire.
-
[6]
Nous entendons le terme « prénotion » dans son sens tant philosophique de « [c]onnaissance spontanée, générale, tirée de l’expérience, antérieure à toute réflexion » que sociologique d’un « [c]oncept formé spontanément par la pratique et qui n’a pas encore subi l’épreuve de la critique scientifique » : Centre national de ressources textuelles et lexicales, « prénotion », [En ligne], [www.cnrtl.fr/definition/prénotion/substantif] (3 octobre 2016).
-
[7]
Rémy Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, 5e éd., Paris, LexisNexis, 2013, s.v. « économie du contrat ». Voir aussi : Rémy Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, LexisNexis, 2002, s.v. « économie du contrat » ; Rémy Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, 2e éd., Paris, LexisNexis, 2005, s.v. « économie du contrat ».
-
[8]
Ronald Dworkin, « La théorie du droit comme interprétation », (1985) 1 Droit et société 81. Selon lui, l’interprétation relève de la théorie du droit et l’interprète-juge reste le plus grand théoricien du droit.
-
[9]
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »).
-
[10]
S. Pimont, préc., note 3, nos 190 et suiv., 313 et suiv., 318 et 354 ; Marie-Élodie Ancel, La prestation caractéristique du contrat, Paris, Economica, 2002, nos 276 et suiv.
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[11]
Ordonnance no 2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, J.O. 11 févr. 2016. Cette ordonnance modifie et restructure l’ancien Code civil dans toutes ses dispositions relatives au droit commun du contrat et au régime général des obligations.
-
[12]
Code civil français (ci-après « C.civ. »).
-
[13]
Com. 3 janv. 1996, no 94-12314, où le juge suprême a cassé pour violation de l’article 1134 du Code civil français un arrêt de la Cour d’appel de Paris approuvant une modification de l’économie du contrat en tant que loi des parties par le franchiseur sans le consentement et au préjudice du franchisé.
-
[14]
Cons. const. 10 juin 1998, no 98-401 DC ; Cons. const. 7 déc. 2000, no 2000-436 DC. Voir aussi : Cons. const. 23 juill. 1999, no 99-416 DC ; Cons. const. 27 nov. 2001, no 2001-451 DC ; Cons. const. 12 janv. 2002, no 2001-455 DC ; Cons. const. 27 déc. 2002, no 2002-464 DC ; Cons. const. 13 janv. 2003, no 2002-465 DC ; Cons. const. 12 févr. 2004, no 2004-490 DC ; Cons. const. 16 août 2007, no 2007-556 DC ; Cons. const. 24 juin 2011, no 2011-141 QPC ; Cons. const. 29 déc. 2005, no 2005-530 DC.
-
[15]
Xavier Dieux, Le respect dû aux anticipations légitimes d’autrui. Essai sur la genèse d’un principe général de droit, Bruxelles, Bruylant, 1995. Sur la proximité des notions d’économie du contrat et d’attente légitime, voir : Hélène Aubry, « Un apport du droit communautaire au droit français des contrats : la notion d’attente légitime », (2005) 57 R.I.D.C. 627 et 642 et suiv. ; Florian Dupuy, La protection de l’attente légitime des parties au contrat. Étude de droit international des investissements à la lumière du droit comparé, thèse de doctorat, Paris, Université Paris 2, 2007, p. 23 et 398.
-
[16]
La normativité de la notion s’apprécie elle-même à un double degré. D’abord entre les parties, auquel cas on parlerait de la « force obligatoire du contrat » et ensuite à l’égard des tiers, en particulier le juge et le législateur, auquel cas il serait plutôt question de l’« opposabilité du contrat », pour reprendre les termes de la dogmatique contractuelle. On pourrait résumer en disant que l’économie du contrat en tant que norme du contrat s’impose entre les parties et est opposable aux tiers aussi bien au stade de l’interprétation qu’au stade de l’exécution du contrat. En droit français, cela rappelle à maints égards la controverse autour de la force obligatoire ou de l’opposabilité de certaines clauses dites de l’économie du contrat ou hors économie du contrat qui divise la jurisprudence et la doctrine, notamment en matière du contrat de transport depuis l’arrêt Monte cervantes (Com. 16 janv. 1996, Bull. civ. IV, no 21, D.M.F. 1996.627, obs. Delebecque).
-
[17]
A. Arsac-Ribeyrolles, préc., note 3, nos 44 et suiv. ; S. Pimont, préc., note 3, nos 76 et suiv., 218 et suiv., 276 et 278.
-
[18]
Sako électrique ltée c. Magil Construction Corp., 2006 QCCS 4688, par. 124 et 125.
-
[19]
Jacques Chevallier, « Conclusion générale. Les interprètes du droit », dans La doctrine juridique, Paris, Presses universitaires de France, 1993, p. 259, à la page 276.
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[20]
Voir notamment : Com. 2 juin 2015, no 14-18.999 ; Civ. 1re, 19 mars 2015, no 13-27.199 ; Com. 8 juill. 2014, nos 13-17.781 et 13-18.016 ; Civ. 1re, 18 juin 2014, no 13-16.321 ; Com. 18 mars 2014, no 12-27.616 ; Com. 10 déc. 2013, Bull. civ., no 182 ; Com. 10 sept. 2013, no 12-21.075 ; Civ. 3e, 11 juin 2013, no 12-20.306 ; Civ. 3e, 28 mai 2013, no 12-16.548 ; Civ. 3e, 28 mai 2013, no 12-16.547 ; Civ. 3e, 20 mars 2013, no 12-14.104.
-
[21]
Com. 5 avr. 2016, no 14-23.947 ; Civ. 1re, 10 juin 2015, no 14-15.254 ; Com. 17 févr. 2015, no 13-27559 ; Civ. 3e, 20 janv. 2015, nos 13-23.918 et 13-24.066 ; Civ. 1re, 9 avr. 2014, no 12-22520 ; Com. 25 mars 2014, no 12-26226 ; Com. 14 janv. 2014, no 12-20582 ; Com. 5 nov. 2013, no 11-27400 ; Com. 9 juill. 2013, nos 11-19633 et 11-19634 ; Ch. mixte, 17 mai 2013, R.T.D. civ. 2013.597, obs. Barbier ; Civ. 3e, 26 févr. 2013, no 12-13767 ; Com. 15 janv. 2013, nos 11-17.797 et 11-24.155 ; Civ. 3e, 20 nov. 2012, no 11-26011 ; Civ. 1re, 17 oct. 2012, no 11-24551 ; Civ. 3e, 2 nov. 2011, no 10-25315 ; Com. 7 juin 2011, no 10-20020 ; Com. 15 févr. 2011, nos 09-16526 et 10-30194 ; Com. 14 déc. 2010, no 09-15796 ; Soc. 30 nov. 2010, no 09-67217 ; Civ. 1re, 28 oct. 2010, Bull. civ. I, no 213 ; Civ. 1re, 25 mars 2010, no 08-13060 ; Civ. 1re, 25 févr. 2010, no 09-11387 ; Civ. 1re, 28 mai 2009, nos 07-14075 et 07-14644, Bull. civ. I, no 109 ; Com. 23 oct. 2007, no 06-19976 ; Com. 24 avr. 2007, no 06-12443 ; Com. 5 avr. 2005, no 03-14169 ; Com. 27 janv. 1998, no 95-13863 ; Com. 27 janv. 1998, no 95-13862 ; Com. 27 mai 1997, no 95-18439 ; Civ. 1re, 12 déc. 1995, no 93-16440.
-
[22]
Billards Dooly’s inc. c. Entreprises Prébour ltée, 2014 QCCA 842, J.E. 2014-792 ; Ferrada c. 9069-9497 Québec inc., 2014 QCCS 3374, relativement à l’« économie générale de l’opération » ; Produits forestiers Labrieville inc., Re, J.E. 2004-1895 (C.S.) ; Khalid c. Lépine, [2004] R.J.Q. 2415, [2004] R.D.I. 785, pour ce qui est de l’« économie de l’opération ».
-
[23]
S. Pimont, préc., note 3, nos 4 et 5.
-
[24]
À titre exemplatif de ce devoir de cohérence dans le comportement d’exécution d’une partie, la Cour du Québec considère qu’une réclamation ultérieure des dépenses supplémentaires par l’entrepreneur « va à l’encontre de l’économie d’un contrat à forfait » au sens des dispositions de l’article 2109 C.c.Q. : 9042-2592 Québec inc. c. Roger Rivest & Fils inc., J.E. 2006-1815 (C.Q.), par. 110.
-
[25]
Dimitri Houtcieff, Le principe de cohérence en matière contractuelle, t. 1, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2001, nos 408 et suiv. et 452 et suiv.
-
[26]
Jean Carbonnier, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., Paris, L.G.D.J., 2007, p. 332 ; Patrick Nerhot, « L’interprétation en sciences juridiques. La notion de cohérence narrative », Revue de synthèse, no 3, 1990, p. 299, aux pages 308 et suiv. ; Philippe Coppens, « Sur l’intention et la volonté dans les contrats », dans Mélanges offerts à Marcel Fontaine, Bruxelles, Larcier, 2003, no 21, p. 110.
-
[27]
L’alinéa 2 de l’article 1189 nouveau C.civ. précise que les groupes de contrats, ou ensemble contractuel, entendus comme ceux qui, dans l’intention commune des parties, concourent à la réalisation d’une même opération économique ou commerciale, s’interprètent en fonction de cette opération et non de chaque contrat pris dans son individualité.
-
[28]
Fernand Morin et Rodrigue Blouin, avec la collab. de Jean-Yves Brière et Jean-Pierre Villaggi, Droit de l’arbitrage de grief, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvons Blais, 2012, no VIII.68.
-
[29]
Corp. des services d’ambulance du Québec et Syndicat des paramédics de la coopérative des techniciens ambulanciers du Québec – Division Saguenay (2015-07), Re, 2016 QCTA 225, par. 46. Voir aussi l’affaire : Centre Jeunesse Outaouais, Re, 2015 QCTA 804.
-
[30]
Garantie-Québec c. Laferrière, J.E. 2002-844 (C.S.).
-
[31]
Il en est ainsi des dispositions des nouveaux articles 1188 et 1191 C.civ. reprises mutatis mutandis par celles des articles 1425, 1428 et 1429 C.c.Q. ; articles 4.1, 4.4 et 4.5 des « Principes d’UNIDROIT sur les contrats du commerce international » ; articles 5.101§1, 5.101§c, 5.105 et 5.106 des « Principes de droit européen des contrats » ; articles 4/1§1, 4/3§d, 4/4, 4/5, 4/8§1, 2ab de l’« Avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats » que l’on peut présenter comme étant des fondements législatifs de l’interprétation du contrat d’après son économie.
-
[32]
On trouve un raisonnement a pari dans une sentence arbitrale fédérale statuant sur l’interprétation d’une clause litigieuse d’une convention collective relativement au sens indéfini des termes « productions, sous-productions, co-productions ou collaborations », d’après lesquels devait s’opérer la qualification des fonctions de certains employés mis à pied. L’arbitre avait alors approuvé le procureur patronal soutenant que, « en l’absence de définition de ces termes dans la convention, [leur sens devait] être celui qui convient le mieux à l’économie du contrat, c’est-à-dire celui dans lequel les parties l’ont principalement utilisé dans la convention » : Télé-Capitale Ltée et Syndicat des Employés de Télé-Capitale, Local 2252, Re, (1987) 5 C.L.A.S. 96, par. 14 et 31. Voir aussi : Carrefour Langelier c. Woolworth Canada Inc., [2002] R.D.I. 44 (C.A.), [2002] Q.J. no 165, par. 14, où le juge de la Cour d’appel du Québec a dû réinterpréter les clauses litigieuses en rappelant à bon escient les termes des articles 1427 et 1429 C.c.Q. pour rejeter les prétentions de l’appelant qui arguait paradoxalement que le premier juge en avait fait « une interprétation littérale et restrictive, contraire à l’économie générale du contrat ».
-
[33]
S. Pimont, préc., note 3, nos 81 et suiv., 88 et suiv. et 305 et suiv.
-
[34]
« La tâche d’interpréter, c’est la tâche de concrétiser la loi dans chaque cas particulier. C’est donc la tâche de l’application » : Hans-George Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Seuil, 1998, p. 172.
-
[35]
Evariste Dupont Boboto, « Le pragmatisme de James : quelle lecture additive aujourd’hui ? », Germivoire, no 2, 2015, p. 25, aux pages 30 et suiv.
-
[36]
D.-M. Philippe, Changement de circonstances et bouleversement de l’économie contractuelle, préc., note 2, spéc. p. 35 et suiv. et 647 et suiv. ; Gaël Piette, La correction du contrat, t. 2, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, no 930.
-
[37]
Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, 2016 QCCA 1229, J.E. 2016-1408. À noter que Churchill Falls (Labrador) Corp. a formulé une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada : [En ligne], […] www.scc-csc.ca/case-dossier/info/dock-regi-fra.aspx?cas=37238 (12 novembre 2016).
-
[38]
J. Chevallier, préc., note 19, à la page 277.
-
[39]
S. Pimont, préc., note 3, nos 85 et 302 et suiv.
-
[40]
Frédéric Rouvière, Le contenu du contrat : essai sur la notion d’inexécution, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2005, no 124.
-
[41]
SCHL c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2002] R.D.F.Q. 194 (C.Q.), par. 49.
-
[42]
Civ. 1re, 3 juill. 1996, Bull. civ. I, no 286 ; Com. 15 févr. 2000, Bull. civ. IV, no 29 ; Denis Mazeaud, « Les nouveaux instruments de l’équilibre contractuel. Ne risque-t-on pas d’aller trop loin ? », dans Christophe Jamin et Denis Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Paris, Dalloz, 2003, p. 135, nos 16, 18 et 20.
-
[43]
Thierry Revet, « Objectivation ou subjectivation du contrat. Quelle valeur juridique ? », dans Chr. Jamin et D. Mazeaud (dir.), préc., note 42, p. 83, aux pages 84 et suiv.
-
[44]
S. Pimont, préc., note 3, nos 84, 89, 151, 308 et 311.
-
[45]
Cette thèse est défendue notamment par le doyen Jean Carbonnier, Droit civil, t. 4 « Les obligations », 21e éd., Paris, Presses universitaires de France, 1998, no 64, en ces termes : « Dans les a. 1108 et 1131 s., comme dans presque tout le titre des obligations conventionnelles […], le C.C. a raisonné sur un contrat à l’image de la stipulatio romaine (ce qui n’est pas, de loin, le type le plus fréquent aujourd’hui ; pratiquement, il ne peut s’agir que des promesses de payer), contrat unilatéral, c’est à peine assez dire ; il faudrait dire : contrat-obligation ».
-
[46]
Georges Rouhette, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse de doctorat, Paris, Université de Paris, 1965, spéc. p. 635 et suiv. ; P. Coppens, préc., note 26, nos 1 et 20, p. 83 et 110 ; Lionel Charbonnier, La hiérarchie des normes conventionnelles. Contribution à l’analyse normativiste du contrat, Paris, L.G.D.J., 2012, nos 40 et suiv.
-
[47]
Sur cette antinomie entre le contrat, vision globale, et l’obligation, vision analytique, quant à la finalité de l’opération contractuelle sous l’angle de la cause et la préférence du Code Napoléon pour la vision analytique (contrat-obligation), notamment depuis Domat et Pothier que l’auteure entend également dépasser : Judith Rochfeld, Cause et type de contrat, Paris, L.G.D.J., 1999, nos 501 et suiv.
-
[48]
Louis Thibierge, Le contrat face à l’imprévu, Paris, Economica, 2011, nos 641 et suiv.
-
[49]
Christian Atias, « Qu’est-ce qu’un contrat ? », dans Christophe Jamin (dir.), Droit et économie des contrats, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 3, à la page 5.
-
[50]
Par exemple, au chapitre II pourtant intitulé « Des conditions essentielles pour la validité des conventions », on lit à l’ancien article 1108 les termes suivants : « Quatre conditions sont nécessaires pour la validité d’une convention : [l]e consentement de la partie qui s’oblige [et non qui contracte, ce qui n’est en rien un accord de volontés] ; […] [u]n objet qui forme la matière de l’engagement [et non du contrat ou de son contenu] ; [u]ne cause licite dans l’obligation [et non du contrat]. »
-
[51]
Roger O. Dalcq, « Quelques réflexions à propos de la rédaction des articles 1101 à 1167 du Code civil », dans Mélanges offerts à Marcel Fontaine, Bruxelles, Larcier, 2003, no 2, p. 111.
-
[52]
À titre exemplatif de la confusion du contrat avec l’obligation, le législateur français passe subitement de la section 3, intitulée « De l’objet et de la matière des contrats », où il annonce bien l’objet du contrat mais présente plutôt l’objet de l’obligation à l’ancien article 1126 (« Tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire »), à la section 4, où il annonce la cause (sans aucune précision, bien qu’il s’agisse des conditions de validité d’une convention et que l’on devrait parler de la « cause du contrat »), pour livrer la cause de l’obligation à l’ancien article 1131 suivant (« L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ») et revenir ensuite à la cause de la convention dans l’article suivant. La situation est identique pour le chapitre III où le législateur annonce les effets des obligations pour immédiatement présenter plutôt ceux du contrat aux anciens articles 1134 et suivants.
-
[53]
Maurice Tancelin, Des obligations. Contrat et responsabilité, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 1988, nos 158 et suiv. et 164 et suiv.
-
[54]
S. Pimont, préc., note 3, nos 15, 165, 168, 236 et 273 et suiv.
-
[55]
Chr. Atias, préc., note 49, aux pages 11 et 19.
-
[56]
Ce dogmatisme conceptuel superfétatoire, qui n’est qu’un vulgaire mode de présentation assertorique sans aucune emprise sur la réalité concrète, est dénoncé à juste titre par Alf Ross, « Tû-Tû », Enquêtes, vol. 7, 1998, p. 263, qui le compare à un mode de raisonnement primitiviste d’une civilisation fétichiste du Pacifique Sud à travers son fameux concept « tû-tû ».
-
[57]
Pensons aux contrats nommés versus innommés, onéreux versus gratuits, synallagmatiques versus unilatéraux, aléatoires versus commutatifs, consensuels versus solennels/réels, de gré à gré versus d’adhésion, à exécution instantanée versus à exécution successive, etc.
-
[58]
Alain Caillé, « De l’idée de contrat. Le contrat comme don à l’envers (et réciproquement) », dans Chr. Jamin et D. Mazeaud (dir.), préc., note 42, p. 27, à la page 50.
-
[59]
Guido Alpa, « Les nouvelles frontières du droit des contrats », dans Études offertes à Jacques Ghestin. Le contrat au début du xxie siècle, Paris, L.G.D.J., 2015, p. 1, à la page 17.
-
[60]
Jacques Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats », (1981) 26 Ar. philo. dr. 35, 43. Voir aussi Jacques Ghestin, Traité de droit civil. Les obligations. Le contrat, Paris, L.G.D.J., 1980, no 174.
-
[61]
S. Pimont, préc., note 3, nos 15, 82 et 584 et suiv.
-
[62]
Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, 2e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2012, p. 61 et suiv.
-
[63]
Jean-Guy Belley, « Les incertitudes du contrat », dans Ejan Mackaay (dir.), Les incertitudes du droit, Montréal, Éditions Thémis, 1999, p. 1.
-
[64]
Laurent Bruneau, Contribution à l’étude des fondements de la protection du contractant, thèse de doctorat, Toulouse, Université de Toulouse, 2005.
-
[65]
Le solidarisme contractuel est un néologisme de forme qui remonte à 1996 par analogie avec « solidarisme juridique » et dont la paternité est en partie reconnue à Christophe Jamin. Selon lui, ce courant de pensée qui a pour objet de socialiser le contrat invite non pas à nier les conflits d’intérêts qui y ont toujours eu droit de cité, mais à négocier un compromis en dépassant le moralisme des philanthropes et en économisant le socialisme des partageux. Ce projet politique consisterait à « injecter de la justice distributive en droit des contrats, afin de préserver la cohésion sociale dans un système libéral » : Christophe Jamin, Le solidarisme contractuel : un regard franco-québécois, Montréal, Éditions Thémis, 2005, p. 25. Voir aussi les pages 4, 12 et 16 et suiv.
-
[66]
Jean-Guy Belley, « Stratégie du fort et tactique du faible en matière contractuelle : une étude de cas », (1996) 37 C. de D. 37.
-
[67]
Louise Rolland, « Les figures contemporaines du contrat et le Code civil du Québec », (1999) 44 R.D. McGill 903, 925.
-
[68]
Guido Alpa, « L’avenir du contrat : aperçu d’une recherche bibliographique », (1985) 37 R.I.D.C. 7, 18 et suiv. ; Guido Alpa, « Le contrat “individuel” et sa définition », (1988) 40 R.I.D.C. 327, 329 et suiv.
-
[69]
Jean Carbonnier, Droit civil, t. 2 « Les biens. Les obligations », Paris, Presses universitaires de France, 2004, no 979.
-
[70]
Emmanuel Gounot, Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé. Contribution à l’étude critique de l’individualisme juridique, thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 1912.
-
[71]
J. Carbonnier, préc., note 69, no 918.
-
[72]
J. Carbonnier, préc., note 69, nos 931 et 935. Voir aussi M. Tancelin, préc., note 53, nos 18 et suiv. et 30 et suiv.
-
[73]
François Chénedé, « De l’autonomie de la volonté à la justice commutative, du mythe à la réalité », Annuaire de l’Institut Michel Villey, 2012, p. 155, aux pages 159 et suiv.
-
[74]
Henri Batiffol, « La crise du contrat et sa portée », (1968) 13 Ar. philo. dr. 13 ; K. Stoyanovitch, « La théorie du contrat selon E.B. Pachoukanis », (1968) 13 Ar. philo. dr. 89 ; Grant Gilmore, The Death of Contract, Columbus, Ohio State University Press, 1974 ; Grant Gilmore, The Death of Contract, 2e éd., Columbus, Ohio State University Press, 1995.
-
[75]
J. Ghestin, Traité de droit civil, préc., note 60, nos 53 et suiv. ; Catherine Thibierge-Guelfucci, « Libres propos sur la transformation du doit des contrats », R.T.D. civ. 1997.357 ; Olivier Tournafond, « Les deux métamorphoses du droit français. Observations hétérodoxes d’un civiliste sur la double mutation du droit des obligations et des sources du droit », Les archives du Congrès 2004 de l’IDEF, nos 6 et 11.
-
[76]
Christophe Jamin, « Quelle nouvelle crise du contrat ? Quelques mots en guise d’introduction », dans C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), préc., note 42, p. 7. Cette réalité phénoménale de la contractualisation de la société, voire du droit, transparaît de nos jours dans une certaine colonisation de la société et du droit par le contrat ou l’avènement d’une société et d’un droit de plus en plus contractuels à travers le prisme d’une hypertrophie des contrats de masse dits d’adhésion, de la gouvernance contractuelle, notamment à travers la déjudiciarisation ou la « déjuridictionnalisation » de la justice par une montée en puissance des modes alternatifs de règlement des différends publics ou privés dits contractuels, la régulation et la dérégulation « concertée » de l’action publique. Elle dépasse donc dorénavant la simple sphère du droit privé et investit le droit public longtemps considéré comme réfractaire au « contrat de droit privé », où la « puissance publique » cède la place à la gouvernance publique contractuelle. Le Léviathan renonce du moins en partie à la voie d’autorité et cède aux vertus du contrat, légifère et gouverne par contrat. Voir dans ce sens : Sandrine Chassagnard-Pinet et David Hiez (dir.), Approche renouvelée de la contractualisation, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2007 ; Sandrine Chassagnard-Pinet et David Hiez (dir.), La contractualisation de la production normative, Paris, Dalloz, 2008 ; Michelle Cumyn, « La contractualisation de l’action publique : contrat juridique ou contrat social ? », (2006) 47 C. de D. 677 ; Jean-Pierre Gaudin, Gouverner par contrat. L’action publique en question, Paris, Presses de Sciences Po, 1999 ; Jean-Pierre Gaudin, Gouverner par contrat, 2e éd., Paris, Presses de Sciences Po, 2007.
-
[77]
Jean-Guy Belley, « La théorie générale des contrats. Pour sortir du dogmatisme », (1985) 26 C. de D. 1045, 1056 et suiv. ; Jean-Guy Belley, « Max Weber et la théorie du droit des contrats », (1988) 9 Droit et société 281 ; Jean-Guy Belley, « Les sociologues, les juristes et la sociologie du droit », Recherches sociographiques, vol. 24, no 2, 1983, p. 263 ; Éric Brousseau et Jean-Michel Glachant, « Économie des contrats et renouvellements de l’analyse économique », Revue d’économie industrielle, vol. 92, 2000, p. 23 ; Thierry Kirat et Laurent Vidal, « Le droit et l’économie : étude critique des relations entre les deux disciplines et ébauches de perspectives renouvelées », Annales de l’Institut André Tunc, 2005.
-
[78]
La revue Droit et société se consacre spécialement au développement de cette thèse du point de vue de la sociologie du droit depuis 1985.
-
[79]
Voir le numéro intitulé « Droit et économie » : (1992) 37 Ar. philo. dr.
-
[80]
Jean-Guy Belley, Le contrat entre droit, économie et société. Étude sociojuridique des achats d’Alcan au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998.
-
[81]
S. Pimont, préc., note 3, no 15.
-
[82]
Id., no 2.
-
[83]
Maurice Tancelin, Le droit malade de l’argent, Essai, Montréal, Bouquinplus, 2013, en particulier les pages 45, 73 et suiv., 103 et suiv. et 110.
-
[84]
Olivier Favereau, « Qu’est-ce qu’un contrat ? La difficile réponse de l’économie », dans Chr. Jamin (dir.), préc., note 49, p. 21, aux pages 21 et 24.
-
[85]
É. Brousseau et J.-M. Glachant, préc., note 77, p. 28 et suiv.
-
[86]
Id., p. 32 et suiv.
-
[87]
Ian R. Macneil, The New Social Contract : An Inquiry into Modern Contractual Relations, New Heaven, Yale University Press, 1980. Il convient cependant de noter que, à la différence des partisans de l’analyse économique du contrat pour qui les contractants sont par nature égoïstes et ont pour seul objectif une maximisation de leur profit, ce qui cadre davantage avec une conception impersonnelle et transactionnelle du contrat (échanges complets et discrets ou contrats à exécution instantanée), Macneil défend notamment que, dans les échanges relationnels et incomplets (contrats à exécution successive), les contractants, plutôt que de rivaliser, tendent à coopérer en vue d’un maintien mutuellement bénéfique de la relation contractuelle. Voir dans ce sens : Corinne Boismain, Les contrats relationnels, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2005, nos 171 et suiv. et 178 et suiv., sur les insuffisances de la théorie des contrats relationnels.
-
[88]
Matthieu Mandard, « Théorie du contrat relationnel et gouvernance des relations interentreprises. Autour de l’oeuvre de Ian Macneil », Gérer et comprendre, no 109, 2012, p. 13.
-
[89]
Cet arraisonnement économique du contrat n’est d’ailleurs qu’un tentacule de l’arraisonnement économique du droit réduit à une technologie « simplement destinée à favoriser le fonctionnement optimal du système économique » par les héritiers d’une conception scientifique du monde (juridique) : Chr. Jamin, préc., note 65, p. 30.
-
[90]
Jacques Ghestin, « Le contrat en tant qu’échange économique », Revue d’économie industrielle, vol. 92, 2000, p. 81, aux pages 82 et suiv. ; J Ghestin, Traité de droit civil, préc., note 60, no 176.
-
[91]
Jean-Michel Poughon, Histoire doctrinale de l’échange, Paris, L.G.D.J., 1987, nos 52 et suiv., 122 et suiv., 199 et suiv. et 237 et suiv.
-
[92]
Id., no 237.
-
[93]
J. Ghestin, préc., note 90, à la page 83.
-
[94]
Alain Strowel, « Utilitarisme et approche économique dans la théorie du droit. Autour de Bentham et de Posner », (1992) 37 Ar. philo. dr. 143.
-
[95]
Ejan Mackaay et Stéphane Rousseau, Analyse économique du droit, 2e éd., Paris, Dalloz, 2008 ; Ejan Mackaay et Stéphane Rousseau, Précis d’analyse économique du droit, Québec, La Grande École de la francophonie, 2015.
-
[96]
André Bélanger, Théorisations sur le droit des contrats. Propositions exploratoires, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2014, p. 1 et suiv.
-
[97]
Ejan Mackaay, « L’efficacité du contrat – Une perspective d’analyse économique du contrat », 2010, [En ligne], [papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/4225/Mackaay_Aix-jn2010-texte-04.pdf?sequence=1&isAllowed=y] (3 octobre 2016) ; Éric Brousseau et M’hand Fares, « Règles de droit et inexécution du contrat. L’apport de la théorie économique des contrats au droit comparé », Revue d’économie politique, vol. 112, no 6, 2002, p. 823, aux pages 826 et suiv.
-
[98]
J. Ghestin, préc., note 60, 35 et suiv. et 42 et suiv.
-
[99]
François Diesse, « Le devoir de coopération comme principe directeur du contrat », (1999) 43 Ar. philo. dr. 259 ; François Diesse, Le devoir de coopération dans le contrat, thèse de doctorat, Lille, Université de Lille II, 1998 ; Christophe Jamin, « Plaidoyer pour le solidarisme contractuel », dans Études offertes à Jacques Ghestin. Le contrat au début du xxie siècle, préc., note 59, p. 441.
-
[100]
Jean-Pascal Chazal, « Les nouveaux devoirs des contractants. Est-on allé trop loin ? », dans Chr. Jamin et D. Mazeaud (dir.), préc., note 42, p. 99, aux pages 120 et suiv.
-
[101]
Philippe Jestaz, « Rapport de synthèse. Quel contrat pour demain ? », dans Chr. Jamin et D. Mazeaud (dir.), préc., note 42, p. 243, aux pages 253 et suiv.
-
[102]
Audrey Cathiard, L’abus dans les contrats conclus entre professionnels : l’apport de l’analyse économique du contrat, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2006, nos 415 et suiv., 424 et suiv. et 444 et suiv.
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[103]
Sur « le solidarisme et la répartition des pertes », voir René Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, Paris, La Mémoire du droit, 2001, p. 158 et suiv.
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[104]
M. Mauss, préc., note 62, p. 61 et suiv. Voir aussi Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, Paris, Presses universitaires de France, 2007.
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[105]
A. Caillé, préc., note 58 ; Erhard Schüttpelz, « “Gift, gift” – La terminologie du don chez Marcel Mauss », Trivium, no 17, 2014.
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[106]
A. Bélanger, préc., note 96, p. 16 et suiv. ; André Bélanger et Joëlle Manekeng Tawali, « Au-delà de l’utilitarisme, le don plutôt que le relationnel dans le contrat d’assurance », (2009) 50 C. de D. 37, 52-62.
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[107]
S. Pimont, préc., note 3, nos 75, 79, 88, 92 et 230.
-
[108]
L. Thibierge, préc., note 48, nos 638 et suiv. Voir, dans le même sens, Suzanne Lequette, Le contrat-coopération, contribution à la théorie générale du contrat, Paris, Economica, 2012, où l’auteure ressort une catégorie ou figure contractuelle intermédiaire (contrat-coopération) – contrats de franchise, d’édition, de concession, de coentreprise (joint venture), de location-gérance, du mandat d’intérêt commun, contrat de coopération interentreprises – à cheval entre le contrat-échange traditionnel, qui organise une permutation de biens et services (échange de valeurs), et le contrat-organisation, qui porte sur l’affectation des biens et services à une entreprise ou à une exploitation commune.
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[109]
O. Favereau, préc., note 84, à la page 25.
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[110]
Le non-droit est une théorie sociologique à caractère hypothétique qui tente d’expliquer les phénomènes d’absence ou de retrait du droit dans des situations où il devrait être présent selon sa finalité dogmatique ; J. Carbonnier, préc., note 69, n° 59, 63 ; J. Carbonnier, préc., note 26, p. 26 et suiv.
-
[111]
Thierry Kirat, « Action juridique et calcul économique. Regards d’économie du droit », dans Thierry Kirat et Evelyne Serverin (dir.), Le droit dans l’action économique, Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 44.
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[112]
J. Carbonnier, préc., note 26, p. 37, 42, 339 et suiv. et 341 et suiv.
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[113]
Jean-Guy Belley, « Georges Gurvitch et les professionnels de la pensée juridique », (1986) 4 Droit et société 353 ; Jean-Guy Belley, « Deux journées dans la vie du droit : Georges Gurvitch et Ian R. Macneil », dans François Chazel et Jacques Commaille (dir.), Normes juridiques et régulation sociale, Paris, L.G.D.J., 1991, p. 103 et suiv.
-
[114]
J. Carbonnier, préc., note 26, p. 18 et suiv.
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[115]
Jean-Guy Belley, « Le contrat comme phénomène d’internormativité », dans Jean-Guy Belley (dir.), Le droit soluble. Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, Paris, L.G.D.J., 1996, p. 195 ; Jean-Guy Belley, « L’entreprise, l’approvisionnement et le droit. Vers une théorie pluraliste du contrat », (1991) 32 C. de D. 253 ; Jean-Guy Belley, « Les transformations d’un ordre juridique privé. Les contrats d’approvisionnement à l’heure de la cybernétique et de la gestion stratégique », (1992) 33 C. de D. 21 ; Jean-Guy Belley, « Contrat et citoyenneté. La politique d’achat régional d’une entreprise multinationale », (1993) 34 C. de D. 1063.
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[116]
Jean-Guy Belley, « Sans foi, ni loi : l’indépendance contractuelle », dans Benoît Moore (dir.), Mélanges Jean Pineau, Montréal, Éditions Thémis, 2003, p. 203 et suiv. ; Jean-Guy Belley, « Les “obligations ajuridiques” : des oubliées du Code civil ? », dans Vincent Caron et autres (dir.), Les oubliés du Code civil du Québec, Montréal, Éditions Thémis, 2015, p. 143 et suiv.
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[117]
J.-G. Belley, « Sans foi, ni loi : l’indépendance contractuelle », préc., note 116, p. 208.
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[118]
J. Carbonnier, préc., note 26, p. 26 ; J.-G. Belley, « Sans foi, ni loi : l’indépendance contractuelle », préc., note 116, p. 208 et suiv.
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[119]
Cela va sans dire qu’une théorie de l’économie du contrat, de par son éclectisme reste réceptive à tout autre apport disciplinaire en plus ou en dehors des champs mentionnés plus haut. À ce titre, on ne saurait perdre de vue l’approche théorique d’André Bélanger qui met davantage l’accent sur l’apport de la linguistique à la théorie du contrat, notamment en matière de dialogisme et de polyphonie, en se départant, à l’image de la théorie de l’économie du contrat, d’une conception, voire d’une interprétation psychologique comme individualiste et monologique du contrat décriée plus haut : A. Bélanger, préc., note 96, p. 97 et suiv. ; André Bélanger et Andy Van Drom, « Les apports de la linguistique à la théorie des contrats : la polyphonie du contrat, trace discursive d’une recontextualisation sociale », (2012) 53 C. de D. 623 ; André Bélanger et Andy Van Drom, « Les apports de la linguistique à la théorie des contrats : panorama des principales théories du dialogisme et de la polyphonie à inscrire au sein du phénomène contractuel », (2011) 52 C. de D. 37 ; André Bélanger, Viorel-Dragos Moraru et Andy Van Drom, « Les apports de la linguistique à la théorie des contrats : prolégomènes à une interprétation dialogique et polyphonique du contrat », (2010) 51 C. de D. 51 ; André Bélanger, « Du spécialiste au dilettante, quel juriste doit produire le discours juridique ? Trois exemples d’analyse interdisciplinaire relatifs à la théorie contractuelle », (2011) 52 C. de D. 497.
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[120]
Éric Brousseau, « L’économiste, le juriste et le contrat », dans Études offertes à Jacques Ghestin. Le contrat au début du xxie siècle, préc., note 59, p. 153, à la page 173.
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[121]
Guillaume Royer, « Pour une économie du droit sans rigueur. L’analyse économique du droit et Jean Carbonnier », dans Raymond Verdier (dir.), Jean Carbonnier. L’homme et l’oeuvre, Nanterre, Presses universitaires de Paris Ouest, 2012, p. 483.
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[122]
S. Pimont, préc., note 3, nos 13, 15 et 74 et suiv.