Résumés
Résumé
Ni insondable ni impénétrable, le silence ne possède pas d’ambiguïté consubstantielle. À l’encontre de la thèse de son inexpressivité, le présent article dévoile la juridicité du silence au stade de l’interprétation du contrat. À défaut d’avoir été exprimée avec toute l’éloquence voulue au moment de la formation du contrat, la volonté contractuelle peut apparaître lors de sa phase d’exécution. La passivité possède, à cet égard, un vaste registre expressif (défaut de démenti, absence de protestation, inexécution prolongée, tardivité d’une réclamation…) de nature à seconder l’interprète du contrat. La teneur des obligations et les modalités du contrat peuvent se loger dans une attitude passive : par le jeu du non-dit, le contrat prend alors peu à peu forme. Fidèle au primat de la volonté interne des parties, la portée interprétative confiée au silence se destine à la compréhension intime de l’accord. Trois méthodes d’interprétation contractuelle se font soudainement complémentaires : la recherche subjective de la volonté, l’interprétation fondée sur la bonne foi et celle axée sur le respect des attentes légitimes des parties sont tour à tour interpellées et confortées par l’étude du silence du contractant.
Abstract
Silence is neither unfathomable nor impenetrable - it has no consubstantial ambiguity. To counterbalance the argument that silence lacks significance, this article discloses the juridical relevance of silence as it applies to the interpretation of contracts. A contractual intention may, unless it has been expressed with sufficient certainty when the contract is formed, appear only when the agreement is being performed. Passivity has, from this point of view, a broad expressive range (lack of denial, absence of protest, extended non-performance, lateness of claim, etc.) that facilitates the agreement’s interpretation. The scope of the obligations and the terms and conditions of the contract may be evidenced through silence or inaction : the contract gradually takes shape through what is left unsaid. Based on the principle that the parties’ internal will is paramount, the interpretative role of silence offers an internal look on the agreement’s contours. The use of silence as an interpretative tool brings together three methods of contractual interpretation that are generally seen as distinct : the subjective search for intention, interpretation based on good faith, and interpretation based on the parties’ legitimate expectations are all involved when silence is given an interpretative role.
Resumen
El silencio no es inescrutable, ni es arcano, y tampoco posee una ambigüedad consustancial. A pesar de la tesis de su inexpresividad, el presente artículo revela la juridicidad del silencio en el estado de la interpretación del contrato. A falta de haberse expresado con la elocuencia debida al momento de la formación del contrato, la voluntad contractual puede surgir en la fase de la ejecución. En este sentido, la pasividad posee un vasto registro expresivo (a falta de que sea desmentido, en ausencia de protesta, por inejecución prolongada, por tardanza para realizar un reclamo, etc.) para secundar al intérprete del contrato. Los términos de las obligaciones, y las modalidades del contrato pueden encontrarse en una actitud pasiva a través del juego de lo no expresado ; así, el contrato va tomando forma poco a poco. Fiel a la primacía de la voluntad interna de las partes, el alcance interpretativo confiado al silencio se destina a la comprensión íntima del acuerdo. Entonces, tres métodos de interpretación contractual se vuelven inesperadamente complementarios : la búsqueda subjetiva de la voluntad, la interpretación basada en la buena fe, y aquel que se enfoca en el respeto de las aspiraciones legítimas de las partes que son, a su vez, interpeladas y respaldadas por el estudio del silencio del contratante.
Corps de l’article
La parole délie. L’écrit constate. Le silence interroge.
La supériorité du verbe tiendrait donc de l’évidence. C’est frôler l’impertinence juridique que de prétendre le mutisme ou la passivité susceptibles de pallier l’incomplétude d’un contrat oral ou d’une entente écrite.
Le silence ou encore l’inaction se parent d’attributs négatifs. Le défaut d’élocution de la pensée tout comme le défaut d’intervention participent du même vice congénital : insubstantiels, ils n’offrent aucun reflet véritable de la pensée. L’indifférence, l’irrésolution[1] ou l’indignation sont autant d’attitudes susceptibles de s’exprimer passivement. L’inertie rend l’interprète perplexe davantage qu’elle ne le seconde.
Voilà le juriste rassuré en toutes choses… Sans doute imprégné de la perplexité de Thésée à propos du penchant silencieux d’Aricie[2], le droit ne prise guère les supputations. Objet de méfiance, le silence subit le désaveu de nombre de civilistes[3] et se mérite l’ostracisme de maintes institutions juridiques. La novation ne se satisfait point du silence du créancier[4]. La renonciation non plus[5]. La modification d’une entente ne saurait prendre assise sur une attitude négative[6]. L’absence de revendication n’opère pas remise de dette[7]. Ni le défaut de protestation ni le défaut de réclamation ne suffisent donc à attester la volonté d’altérer une convention. L’intention libérale ne peut davantage s’évincer d’une quelconque attitude passive[8] et la confirmation ne saurait supposément prendre appui sur un comportement inactif[9]. Le droit civil délaisse, par hypothèse, les attitudes paradoxales.
Le silence génère l’incompréhension et, partant, la circonspection. Aussi paraît-il saugrenu de prêter la moindre vertu interprétative au défaut d’extériorisation de la volonté ou au défaut d’immixtion. Le sort réservé à l’inexprimé est sans appel : il apparaît « absolument vain de rechercher sur le plan subjectif une intention qui, par hypothèse, n’étant pas exprimée, ne peut être qu’hypothétique[10] ».
Ce faisant, le silence se refuserait à toute interprétation :
Le silence ne dit rien, précisément parce qu’il est le silence. Le silence n’a pas à être interprété ; en effet, l’interprétation consiste à dégager d’une déclaration inachevée, équivoque ou ambiguë la volonté vraie du déclarant ; or le silence est l’absence de toute déclaration, même rudimentaire […] il rend impénétrable la volonté de celui qui le garde et permet même de douter que celui-ci ait eu, dans le for intérieur, la volonté de prendre une décision. On n’interprète pas le néant[11].
Il serait naturel que cette méfiance instinctive envers le silence s’accentuât en présence d’un contrat lui-même indigent. Le dénuement de l’entente n’a guère vocation à être comblé par une attitude négative… Comment le silence ou l’inaction pourraient-ils subvenir au caractère lacunaire d’un texte ?
Devant tant d’évidences se dresse pourtant l’entretien de René Char accordé à France Huser :
En regard du Poème pulvérisé vous écrivez : « À force de vouloir dire vrai… » et vous laissez des points de suspension. Comment finiriez-vous la phrase si vous alliez au bout de votre parole ? (F. Hauser)
Je la laisserais avec les mêmes points de suspension. Je ne la finirais pas… […] Car la vérité c’est quelqu’une où le silence entre pour une large part[12].
Appelé à méditer cette phrase, le juriste se prend à sonder les liens unissant la vérité contractuelle et le silence. Ce dernier serait-il à même de jouer un quelconque rôle interprétatif en présence d’une convention aux pourtours indécis ou aux obligations incertaines ?
Certes, la convention est le refuge de la pensée contractuelle. Mais cette pensée peut parfois s’égrener sans ostentation. Reste à savoir quels éléments attitudinaux en marge de la lettre de l’entente sont susceptibles d’en éclairer le sens.
L’aliénation apparente du silence par le droit semble, à la vérité, méconnaître deux réalités : la primauté de la volonté interne et l’incidence de la durée de vie du contrat.
Tenir le silence et l’inaction pour inopérants revient, dans un premier temps, à occulter l’éventuelle expressivité de la passivité, la version comportementale du silence. Si elle ne saurait, très certainement, servir à récrire le contrat[13], la passivité n’en est pas moins à même d’éclaircir parfois les zones d’ombre entretenues initialement par les parties. Si le silence ne peut démentir le verbe contractuel, l’inaction et silence sont à même d’en combler les interstices.
Les exemples foisonnent. Le défaut de revendication est à même d’attester l’inexistence d’une obligation[14] ; l’absence de démenti est susceptible de confirmer la justesse de l’interprétation contractuelle prônée par l’autre partie en l’absence de précisions suffisantes dans l’entente[15] ; le défaut d’exécution peut attester l’existence d’une condition suspensive implicite[16]. Les modalités du contrat peuvent se loger dans une attitude passive. Par le jeu du non-dit, le contrat prend peu à peu forme.
Le mutisme tient son intérêt premier de sa durée. À défaut d’avoir été exprimées avec l’éloquence voulue lors de la conclusion de l’entente, les volontés premières des parties au contrat sont capables d’apparaître lors de sa phase d’exécution. Le nier revient à méconnaître la pertinence du stade de la mise en oeuvre de l’entente au profit d’une fixation naïve sur l’instant même de la cristallisation de l’accord des volontés. D’ailleurs, la volonté fondatrice de l’acte ne saurait normalement se renier lors de l’exécution de l’accord : le consentement donné acquiert sa plénitude au moment même de l’accomplissement du contrat. À la supposer dépourvue de contraintes[17], la perpétuation de l’accord est généralement à même de révéler « le but poursuivi, les intérêts en cause[18] ».
L’occultation du déploiement de la convention, véritable poumon de la vie contractuelle, n’a rien d’inédit, hélas : « La durée du contrat est l’oubliée du code civil, du moins de la théorie générale du contrat, construite en 1804 sur le modèle de la vente, échange instantané[19] », d’énoncer avec perspicacité une juriste au sujet du Code civil français. Pareil délaissement du thème de la durée persiste d’ailleurs au sein des réformes législatives et des projets contemporains de révision du droit des obligations : « L’ensemble des projets de réforme privilégient […] l’approche classique du temps, dans le déni de la durée[20]. » Qu’il suffise de songer aux dispositions législatives consacrées au stade de la formation du contrat ou à celles afférentes à son terme[21], tandis que le Code se soucie si peu de l’étude du phénomène de la longévité des relations contractuelles et de ses vicissitudes. La naissance ou l’extinction des obligations font discourir bien plus que leur mutation souvent discrète au regard de l’attitude des parties…
L’étude de la phénoménologie du silence et de l’inaction obéit à une démarche destinée à rendre compte des transformations du lien contractuel au regard de l’attitude empruntée par les parties elles-mêmes : le régime juridique de l’acte ne saurait s’affranchir de l’exécution observée[22]. Pareille analyse s’inscrit ensuite dans la juste restitution de l’importance de la volonté interne pour peu que cette dernière soit partagée par l’ensemble des contractants[23]. Le consensualisme constitue par ailleurs le rempart conceptuel nécessaire à l’expressivité du silence[24].
1 Le silence et l’inaction à titre d’instruments de mesure de la volonté de la partie passive
L’immixtion du silence dans le processus interprétatif du contrat rejaillit sur la détermination du rapport obligationnel et sur l’élucidation de son contenu.
Qu’il suffise de songer à la partie qui s’abstient de démentir la justesse de l’interprétation privilégiée par l’autre contractant dans sa correspondance ou encore à l’occasion de l’exécution de l’accord. Qu’il soit aussi permis d’évoquer la partie qui réclame tardivement le respect d’une obligation au sujet de laquelle la convention se fait elle-même équivoque. Qu’il convienne enfin de citer l’absence prolongée de protestation à l’égard d’une soi-disant violation contractuelle. Plus il se prolonge, plus le défaut de dénonciation est susceptible d’étayer la thèse voulant que le devoir dont l’inexécution est reprochée tardivement ne faisait pas partie des prescriptions contractuelles.
La question primordiale consiste dès lors à cerner la juridicité du silence ou de l’inaction en présence d’une convention aux contours imprécis[25]. Le silence observé par une partie est-il de nature à faciliter l’interprétation d’un contrat empreint d’équivoque ? Le silence et l’inaction sont-ils à même d’embrasser le rôle de manifestation de la volonté lorsque l’entente prête elle-même à interprétation ?
1.1 Le silence, reflet des axiomes du droit civil
Au premier abord, le rôle interprétatif du silence semble favorisé par deux préceptes du droit civil. L’interprétation contractuelle privilégie, en effet, le respect de la volonté interne. Or, il est inutile d’insister sur les liens qui unissent le silence et la volonté interne…
Un second axiome civiliste est de nature à accorder au silence une fonction cardinale à l’occasion de l’interprétation du contrat : le consensualisme joue un rôle de premier plan, non seulement lors de la formation de l’entente, mais aussi au moment de l’interprétation du contrat convenu. Aussi peut-on écarter la lettre d’un contrat ambigu, si les parties semblent avoir privilégié un sens différent de celui indiqué par les termes de l’entente.
Voilà autant de raisons de s’interroger sur la portée interprétative du silence. Le défaut de réaction traduira parfois l’assentiment du contractant discret. L’analyse du silence observé ne contrevient nullement aux préceptes en matière d’interprétation contractuelle. S’en remettre au silence d’une partie, c’est reconnaître d’emblée la prédominance de la volonté interne et la primauté du consensualisme.
1.1.1 La primauté de la volonté interne
L’interprétation contractuelle connaît de nombreuses similitudes en droit québécois et en droit français[26]. Tous deux s’en remettent prioritairement à la volonté commune des parties afin d’élucider l’ambiguïté présente dans leur convention[27]. Préséance est ainsi accordée à la recherche de la volonté interne : « Il ne faut donc pas s’en tenir à la volonté déclarée des parties […] : c’est l’accord profond qui doit prévaloir[28]. » L’interprète s’éloigne de la lettre du contrat pour lui préférer la volonté intérieure des auteurs de l’entente.
Le triomphe de la volonté interne se trouve acquis pour peu qu’elle soit partagée par les cocontractants[29]. L’on ne saurait abandonner le sort du contrat à l’interprétation d’une seule partie[30] : la pertinence de la volonté interne tient à son partage. Faute d’être connues d’autrui, les pensées intimes d’une partie voient leur reconnaissance juridique s’éloigner. La lettre du contrat ne sera donc écartée qu’en présence d’une volonté commune contraire au libellé de l’entente[31]. Cet entendement réciproque devra, du reste, se dégager dans le respect des règles du droit de la preuve[32].
Le primat de la volonté sur le texte ne suscite guère la controverse, d’autant que cette préséance semble s’imposer dans les divers projets actuels d’harmonisation ou de codification du droit européen[33]. D’aucuns y voient un hommage à l’autonomie de la volonté[34]. D’autres, plus modestement, y perçoivent l’influence du consensualisme. Il y aurait donc parallélisme entre les règles relatives à la formation du contrat et celles touchant son interprétation : « Suivant le postulat du consensualisme, l’intention l’emporte sur la formule[35]. » Le juge serait ainsi avant tout « chargé de découvrir une psychologie[36] ». Cette affirmation audacieuse n’est en rien démentie par la démarche analytique retenue dans la jurisprudence québécoise[37] ou française[38]. Cette déférence envers le for intérieur pose d’emblée la question de la portée juridique du silence.
1.1.2 La primauté du consensualisme
Le rattachement des règles d’interprétation au consensualisme accentue l’importance de l’étude du comportement des parties : leur attitude à l’égard du contrat est de nature à révéler leur compréhension intime de l’entente. Pareille démarche interprétative fidélise les parties à leur comportement et pérennise leur compréhension initiale de l’entente.
D’une certaine manière, la prise en compte de la conduite des parties répond au cadre interprétatif imposé au juge : il lui revient de cerner la volonté commune des parties lors de la formation de l’accord. Partant, le critère se veut proprement subjectif. Par ailleurs, cette démarche est respectueuse des parties elles-mêmes puisqu’elle privilégie la conformité du contrat à leurs attentes personnelles. La lettre de l’entente sera ainsi sacrifiée s’il en résulte un décalage par rapport au but qu’elles entendaient poursuivre.
Les règles de qualification[39] et d’interprétation sont dès lors conçues de manière à refléter cette préférence accordée au dessein des parties. L’article 1426 du Code civil du Québec énumère des critères destinés à accentuer l’importance de la démarche contractuelle des parties : « On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature[40], des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages[41]. »
L’utilité du comportement ultérieur des contractants se trouve reconnue en toutes lettres. C’est dire, là encore, la très grande parenté des droits québécois et français. Avant même l’avènement de l’article 1426 C.c.Q., la jurisprudence québécoise s’autorisait des écrits de Demolombe et de Toullier et de précédents de la Cour de cassation pour affirmer que l’interprétation donnée à l’accord par les parties se veut le moyen « le plus sûr[42] » de cerner le sens d’une convention. Des décisions relevaient même l’existence d’une « présomption de fait[43] » selon laquelle l’interprétation suivie par les parties s’accorde avec leur intention commune initiale. Pareille démarche interprétative n’a rien d’inédit d’autant qu’elle évoque les enseignements de Cicéron[44]. L’exécution de concert atteste le passage de la convention à une phase de « maturité[45] » à l’intérêt avéré pour l’interprète judiciaire.
L’accent mis sur la compréhension propre des parties à l’égard de leur entente oblige le juriste à s’interroger sur le sens à donner au silence de celui qui se garde de démentir le bien-fondé de l’interprétation du contrat prônée par le cocontractant. Le défaut de démenti ou le défaut de réaction sont deux attitudes susceptibles de signaler une adhésion intellectuelle. Le défaut de protestation du contractant est à même de révéler sa propre conception de l’entente. En clair, le silence observé par la partie peut trahir sa véritable compréhension de l’accord. Le silence se fait alors le reflet discret de la volonté contractuelle.
1.2 Le silence, reflet de la volonté contractuelle
1.2.1 L’expressivité de la passivité ultérieure à la formation du contrat
Le comportement postérieur des parties revêt un intérêt primordial en ce qu’il « illustre et incarne[46] » leur compréhension de la convention. L’étude de leur conduite contribue à l’intelligence du contrat. Cette vérité interprétative est saluée en droit français[47] et codifiée en droit québécois lors même qu’elle imprègne les Principes d’Unidroit et les Principes du droit européen du contrat[48]. La Cour d’appel du Québec n’en exige pas moins un comportement « sans équivoque[49] » qui soit, du reste, de préférence constant et répété[50].
Pareille exigence reprend incidemment le critère retenu en matière de renonciation. Une abdication ne saurait non plus se satisfaire d’une conduite équivoque[51]. La renonciation à un droit se doit d’être « claire et non équivoque et […] ne peut résulter d’actes donnant prise à des interprétations contraires[52] ». À vrai dire, l’équivocité « paralyse le mécanisme déclenchant des effets juridiques[53] ». Ainsi, seul un comportement dépourvu d’ambiguïté peut fonder une renonciation ou encore aider à cerner le sens d’un contrat.
L’unicité du critère employé ne doit pourtant pas faire illusion. L’étude d’une convention ou l’analyse d’une renonciation font appel à des considérations foncièrement différentes. Aussi la portée juridique du silence varie-t-elle singulièrement d’un cas à l’autre. Si le silence ne saurait traduire la volonté de se priver d’un avantage contractuel[54], il peut favoriser, en revanche, l’élucidation de la portée des obligations contenues au contrat. Une jurisprudence abondante atteste l’expressivité du silence en matière d’interprétation contractuelle[55].
C’est dire que le silence ne possède pas d’ambiguïté consubstantielle. Il n’est ni insondable, ni impénétrable. Le droit consacre sa polyvalence expressive et lui confie des rôles qui diffèrent selon l’acte juridique en cause. L’inaction ne saurait donner lieu à une renonciation, alors qu’il en va différemment en matière de ratification ou d’interprétation contractuelle. La ratification sait se satisfaire d’une attitude purement passive[56], encore que cette portée demeure tributaire des circonstances[57]. Cette compréhension juridique du silence fait ressortir la prédilection du droit envers une analyse tout à la fois circonstanciée et circonspecte.
La polyvalence juridique du silence est attestée par l’importance qu’il occupe dans le cadre de l’interprétation d’un contrat ambigu. Le droit voue, par exemple, un intérêt marqué à l’analyse de la passivité de la partie qui s’abstient de contredire l’interprétation retenue par le cocontractant.
L’apport interprétatif du silence possède, en réalité, de nombreuses causes. La première raison de son rôle accru en matière d’interprétation contractuelle pourrait s’entendre d’une explication davantage technique. Les tribunaux supérieurs exercent un contrôle nettement atténué en matière d’interprétation contractuelle. En France comme au Québec, la plupart des règles interprétatives énoncées dans le Code civil sont des conseils prodigués au juge et non des maximes impératives[58]. Au surplus, les tribunaux s’abstiennent normalement de censurer une interprétation contractuelle simplement discutable. Autant la Cour de cassation sanctionne la dénaturation d’un contrat clair et précis[59], autant elle refuse catégoriquement de désavouer une interprétation du contrat à propos de laquelle elle pourrait éprouver des réserves[60]. Le pouvoir d’interprétation concédé de la sorte au juge du fond se veut passablement appréciable. Comme l’exposent des civilistes de renom, « c’est l’existence d’un doute sur la signification du contrat qui fonde le pouvoir d’interprétation des juges du fond et les soustrait au contrôle de la Cour de cassation[61] ».
Sans que nous prétendions à leur identité parfaite, des parallèles existent, en la matière, entre le droit québécois et le droit français. La vérification de l’existence d’une ambiguïté contractuelle relève de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance québécois : seule une erreur « manifeste et dominante » autorise l’intervention de la Cour d’appel[62]. L’appréciation de la preuve destinée à cerner l’interprétation la plus indiquée relève, là encore, du pouvoir discrétionnaire du juge du fond[63] ; l’exercice de cette discrétion demeure pareillement encadré par la norme de l’erreur « manifeste et dominante[64] ».
En droit français comme en droit québécois, la déférence manifestée envers le juge du fond tient notamment à l’appréciation d’ordre factuel à laquelle il se livre[65]. En de telles circonstances, le rôle qu’il choisit d’attribuer au silence d’une partie dans le cadre de l’interprétation contractuelle relève indubitablement d’une question de fait au sujet de laquelle les tribunaux supérieurs ne sont guère en droit de s’opposer[66].
Pourtant, cette explication de nature somme toute procédurale ne saurait suffire à justifier le rôle appréciable confié au silence en matière d’interprétation contractuelle. La passivité possède un registre expressif des plus avantageux pour l’interprète : les prochaines pages seront consacrées à la mise en relief de l’utilité du silence du contractant afin de saisir la volonté commune des parties et de restituer une interprétation qui y soit fidèle.
Le rôle du juge obéit, il est vrai, à une contrainte : l’exercice interprétatif suppose la présence d’une ambiguïté réelle. L’analyse du silence d’une partie postérieurement à la formation du contrat ne saurait permettre de faire fi d’une clause limpide[67]. Il serait néanmoins malavisé d’accorder une importance considérable à cette précaution interprétative. L’ambiguïté peut naître en effet d’un comportement différent du sens littéral de la clause[68]. Le doute s’immisce alors et autorise d’autant l’exercice interprétatif[69]. En somme, le juge recouvre le droit d’interpréter le contrat si l’application qu’en ont fait les parties semble s’être distanciée des termes utilisés dans leur convention. Aussi a-t-on finement observé que « les termes du contrat ne présentent qu’une formulation précaire de la volonté contractuelle qui a valeur de présomption simple[70] ». Par exemple, l’on ne saurait s’en tenir à la clarté et à la généralité d’une clause si son sens apparent s’oppose au but manifestement poursuivi par les parties[71].
Le juge d’instance dispose d’une marge d’appréciation véritable quant au choix des éléments factuels destinés à élucider la portée du contrat : « C’est parce qu’il est souverain que le juge du fond peut librement choisir les indices à la lumière desquels il interprète le contrat[72]. » Cette latitude interprétative impose au juriste de scruter les rôles susceptibles d’être reconnus au silence qu’observe le contractant postérieurement à la conclusion de l’accord.
1.2.2 Les catégories de passivité expressive
Le silence s’inscrit dans quatre contextes principaux. Les trois premiers cas de figure supposent le défaut de réaction, le défaut de protestation ou le défaut de réclamation d’une seule partie ; la quatrième hypothèse factuelle met en scène l’inexécution absolue et réciproque de chaque partie.
Ces différentes manifestations silencieuses seront abordées à tour de rôle.
1.2.2.1 Le défaut de réaction
Le défaut de réaction est la réponse de la passivité à l’initiative d’autrui. La question se pose de savoir si l’absence d’opposition est de nature à révéler la volonté interne du contractant demeuré coi : le silence peut-il se faire l’écho du for intérieur et signaler un assentiment tacite à la compréhension du contrat exposée par le cocontractant ?
L’utilité interprétative du silence transparaît assez nettement. Sans offrir à tout coup une signification avérée, le défaut d’intervention suffira parfois à incarner la compréhension commune des parties à l’égard de leur convention.
Il arrive tout d’abord au silence de faire suite à l’interprétation prônée par l’autre contractant dans sa correspondance. Une partie énonce les modalités de l’entente conclue et l’autre s’abstient de la contredire. Ce silence est susceptible d’accréditer la thèse selon laquelle le contrat comporte bel et bien les précisions relatées dans la correspondance[73]. Le mutisme d’une partie accrédite donc parfois la véracité des déclarations du cocontractant[74]. En clair, le défaut de démenti peut aider à parfaire la compréhension de l’entente conclue entre les parties. À l’inverse, l’objection formulée avec célérité pourrait indiquer que la modalité relatée ne faisait point partie de l’accord passé[75].
L’éventuel apport interprétatif du silence se vérifie pareillement en présence de documents contradictoires. Il est loisible au juge de prendre appui sur le silence d’une partie pour estimer qu’elle tient pour valables les précisions contenues dans la lettre du cocontractant accompagnant l’engagement principal :
[A]ttendu que les juges du second degré, après avoir énoncé que la lettre accompagnant l’acte de cautionnement signé des époux Voiron était indissociable de cet acte et relevé que la CGC [le créancier] n’avait, après l’avoir reçue, formulé aucune remarque « devant l’apparente contradiction entre un acte à durée indéterminée et un acte du même jour limitant cette durée », a, par une interprétation nécessaire de la convention et de la commune intention des parties, exclusive de la dénaturation alléguée, souverainement estimé que la durée de l’engagement de caution était celle d’un an prévue à la lettre « d’accompagnement »[76].
De la même manière, le défaut de démenti peut attester la véracité de l’erreur matérielle relevée par le cocontractant[77].
Il arrive aussi au défaut de réaction de s’inscrire dans le cadre de l’exécution du contrat. Une partie accomplit ses obligations d’une certaine façon sans susciter la moindre réserve de la part du cocontractant. De fait, le défaut de réaction peut prendre deux formes : un défaut de protestation ou un défaut de réclamation. Ces hypothèses seront étudiées dans l’ordre.
1.2.2.2 Le défaut de protestation
Le défaut de protestation n’a rien d’inhabituel en matière contractuelle. En guise d’exemple, un locataire donne une destination particulière aux lieux loués en l’absence de toute précision dans le bail et le bailleur ne s’avise aucunement de marquer son objection à l’affectation donnée. Ce défaut de protestation est susceptible d’indiquer que la vocation donnée à l’espace locatif reflète la volonté commune des parties[78]. L’absence de protestation est capable de signaler l’adhésion contractuelle de la partie à l’interprétation prônée par le cocontractant.
Habitué à se voir incarner le néant, le vide, le silence peut — au contraire — pallier l’incomplétude du contrat et traduire l’acquiescement à l’exécution proposée par le cocontractant. L’absence de protestation remédie au défaut de précision de la convention et permet de révéler l’adhésion de la partie silencieuse à l’interprétation proposée par la conduite du cocontractant. Cette prise en considération du comportement passif est, à notre avis, une illustration tout indiquée de la « porosité des phases chronologiques de formation et d’exécution […], à l’image de l’interprétation et de la requalification du contrat à la lumière de son exécution ou de la caractérisation d’un vice de consentement par le comportement ultérieur des parties[79] ».
1.2.2.3 Le défaut de réclamation
L’absence de réclamation peut se faire tout aussi éloquente. Aussi la jurisprudence confie-t-elle volontiers une finalité interprétative à cette forme de passivité[80].
Primo, le défaut de réclamation favorise quelquefois l’identification du titulaire véritable de l’obligation contractuelle. Un locataire accorde une sous-location comportant un loyer annuel « toutes charges et obligations comprises ». Pendant six années, le locataire se gardera d’élever la moindre protestation contre le prélèvement, sur son propre compte courant postal, des frais de consommation électrique du sous-locataire. Son mutisme est de nature à accréditer la thèse voulant que l’entente signée ait bel et bien mis à sa charge de telles dépenses. Aussi sa demande en remboursement auprès du sous-locataire est-elle repoussée par la Cour de cassation[81].
Par ailleurs, le défaut prolongé de réclamation peut faire éclater au grand jour l’existence d’une simulation. Une société convient d’accommoder un entrepreneur pour qui elle oeuvrera comme prête-nom à l’occasion de la présentation d’une soumission. La société retenue s’effacera ensuite et fera réaliser, comme de fait, les travaux par l’entrepreneur. Pendant trois années, l’entrepreneur s’adressera uniquement au donneur d’ordre afin d’exiger les paiements stipulés au contrat et lui acheminera directement des mises en demeure ; il entreprendra fin seul les démarches liées à l’enregistrement d’une hypothèse légale. Confronté à l’insuccès de ces mesures, l’entrepreneur choisit, en dernier ressort, de se retourner contre la société qui avait décroché officiellement le contrat auprès du donneur d’ordre. Il fonde sa thèse sur l’existence d’un sous-contrat qu’elle lui aurait consenti. Or, l’absence de toute revendication à l’égard de cette société pendant trois années vient, au contraire, accréditer la thèse de la simulation : les travaux menés par l’entrepreneur ne découlaient nullement d’un contrat de sous-traitance[82].
Secundo, l’inexistence d’une obligation de restitution peut prendre appui sur une absence de revendication prolongée. La Cour de cassation l’illustre de manière saisissante. L’attachée commerciale d’une société recevra régulièrement de cette dernière des collections de vêtements qu’elle ne restituera jamais. La société s’abstiendra elle-même d’exiger, pendant 23 années, le moindre paiement ou encore la remise des biens avant de se décider à solliciter un montant de plus de 700 000 francs à titre de paiement. La thèse de la société fondée sur l’obligation de restitution du dépositaire est écartée aux motifs que le contrat n’y faisait point allusion et que l’inexistence de cette obligation est exemplifiée par l’attitude passive des parties : l’absence de demande de restitution pendant les 23 années de collaboration qu’a duré leur relation relate leur « commune intention » et vaut « précision apportée aux stipulations d’origine[83] ».
Tertio, l’absence de réclamation peut attester la complétude de l’entente conclue. La jurisprudence québécoise attribue, à juste titre, cette finalité interprétative au défaut de revendication. L’absence prolongée de réclamation favorise la conclusion selon laquelle l’entente nouée entre les parties constituait une transaction destinée à mettre fin à l’ensemble des différends résultant de l’inexécution de leur contrat antérieur[84]. La même vocation interprétative est à l’oeuvre lorsque la tardivité d’une facturation supplémentaire vient indiquer que les parties avaient estimé que les travaux en cause tombaient sous le coup du contrat d’entreprise conclu pour un prix forfaitaire[85]. Le défaut de réclamation prolongé est aussi de nature à favoriser la conclusion selon laquelle le chef de dépenses en cause n’était pas visé par le devis arrêté par les parties[86].
Quarto, le défaut de réclamation est susceptible d’étayer occasionnellement l’hypothèse de la suspension du contrat. L’absence d’expédition de factures et de prestation de travail pendant 18 mois favorise l’argument voulant que la suspension du contrat ait été convenue d’un commun accord[87].
Le défaut de réclamation peut ainsi favoriser la compréhension de l’entente à l’aide des indices comportementaux fournis par les parties elles-mêmes. L’inaction observée permet de mieux cerner la teneur de l’entente.
Cette fonction interprétative n’a toutefois plus lieu d’être si le contrat s’est fait précis. En pareilles circonstances, la tardivité à réclamer le respect de l’entente est dépourvue de toute signification interprétative : le silence ne saurait valoir renonciation[88] et le créancier demeurera en droit d’exiger le respect de l’accord tant et aussi longtemps que le délai de prescription n’aura pas été franchi[89].
1.2.2.4 Le défaut d’exécution
Cette dernière hypothèse correspond à celle du silence le plus pur. La scène contractuelle est entièrement dénuée : le contrat conclu n’a jamais été suivi d’exécution, sans la moindre protestation de l’une ou l’autre des parties. Une telle inexécution bilatérale prolongée peut favoriser la thèse de l’assujettissement du contrat à une condition suspensive qui ne s’est jamais réalisée.
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada en offre un exemple tout indiqué dans l’arrêt Rainboth c. O’Brien[90]. Un arpenteur et un investisseur projettent l’acquisition de certains terrains appartenant au ministère québécois des Terres et Forêts. L’un disposant des fonds, l’autre, du savoir-faire et de l’expertise technique, ils choisissent de s’associer par écrit et mandatent ensuite un avocat afin de convaincre — en vain — le gouvernement québécois de bien vouloir céder ces terrains au moyen d’une vente de gré à gré. Les négociations entreprises auprès du Ministère échouent. Quelques mois plus tard et à la faveur d’une vente aux enchères organisée par le gouvernement, l’investisseur se portera acquéreur d’une partie des arpents convoités initialement. Onze années s’écouleront sans que se manifeste l’associé arpenteur. Celui-ci se décide alors à poursuivre l’investisseur au motif que ce dernier a mis en péril ses droits en consentant une sûreté sur les terrains achetés. L’action intentée par l’arpenteur conclut à la reddition de comptes et à la vente forcée des terrains acquis.
Le litige portera sur l’existence d’une condition suspensive implicite. L’interprétation du contrat amènera les tribunaux québécois à se demander si l’entente signée était assortie d’une condition implicite selon laquelle l’acquisition projetée devait se faire dans le cadre de la vente de gré à gré pour laquelle les parties avaient mandaté l’avocat. L’ambiguïté du contrat sera dissipée par l’examen de la conduite des parties. Les circonstances ayant mené à la signature de l’entente et l’inaction prolongée de l’arpenteur militent en faveur de l’existence d’une modalité suspensive implicite. La Cour d’appel se fait forte de cette inertie prolongée pour conclure à l’inexistence de l’obligation alléguée et elle veille fort habilement à différencier les règles relatives à l’interprétation d’un contrat ambigu et celles propres à la renonciation :
Were it a case where abandonment of an acquired right was sought to be established, it would have to be said with Pothier that one is not easily presumed to have abandoned one’s right, but what is here in question is to ascertain which one of two conflicting versions of an agreement is the true one where the written instrument is ambiguous.
In regard to such a question, a long period of inaction on the part of a claimant, in circumstances in which inaction tends to confirm the version of his adversary whilst, if his own version were the true one, he would have had reason to have acted and spoken, affords a strong support to the version of his adversary[91].
L’inaction prolongée renforce la thèse de l’inexistence de l’obligation. La défaillance de la condition suspensive se vérifie par le comportement du contractant qui s’abstient, des années durant, de la moindre démarche attestant le maintien du contrat. La jurisprudence française se réclame de la même solution[92].
À la vérité, l’inexécution concertée de l’obligation peut procéder d’une diversité de causes. La passivité observée de part et d’autre en révèle alors le mécanisme d’une manière aussi discrète qu’assurée :
-
L’obligation stipulée peut être assujettie à une condition suspensive qui a défailli ;
-
L’obligation prévue dans la convention peut participer d’un mensonge destiné à masquer une donation déguisée[93] ;
-
L’inexécution de part et d’autre peut étayer la thèse de la suspension du contrat d’un commun accord[94] ;
-
L’inaction commune des parties est également à même de démentir la thèse de la reconduction tacite de leur entente[95] ;
-
La cessation réciproque de l’exécution accréditera parfois l’hypothèse de la révocation amiable du contrat (mutuus dissensus)[96]. Le silence et l’inaction signalent alors autant l’abandon de l’accord originel que la naissance d’une nouvelle convention destinée à interdire l’exécution en nature de l’accord primitif[97].
L’inaction prolongée revêt un intérêt interprétatif dès lors qu’elle trahit et traduit la volonté commune des parties. Au regard des articles 1425 C.c.Q. et 1156 du Code civil français[98], le comportement passif acquiert sa portée expressive pour peu qu’il reflète un entendement réciproque. L’étude de la passivité ne déroge d’ailleurs nullement à la norme de preuve prônée par le droit civil. Une conclusion fondée sur l’étude de la passivité passe par une preuve qui respecte le seuil de la balance des probabilités[99]. À ce titre, la perception d’une seule partie ne saurait suffire[100] : une entente tacite suppose un réel concours de volontés et la croyance de l’intéressé, fût-elle accréditée par le silence de son vis-à-vis, ne suffit point à faire éclore l’accord[101].
2 Le silence et l’inaction à titre d’outils interprétatifs du contrat
2.1 La diversité des fonctions interprétatives confiées au silence
Les qualités interprétatives du silence valent d’être mises en exergue. Le silence est appelé à revêtir une multiplicité de rôles sur le plan de l’interprétation contractuelle. Il peut aider à cerner la portée des obligations convenues, tout comme il peut démentir l’existence d’une obligation particulière. En somme, le défaut de protestation d’une partie peut valider l’interprétation retenue par le cocontractant, tandis que l’inaction prolongée et l’absence de toute revendication peuvent donner à croire que l’obligation alléguée n’a jamais existé ou encore qu’elle était, par exemple, assortie d’une condition qui a défailli.
Ces fonctions multiples du silence tiennent, pour ainsi dire, de son polymorphisme. Le silence se fait tantôt défaut de protestation, tantôt défaut de réclamation. Il peut prendre la forme de l’absence de démenti ou encore traduire l’absence de revendication. La mise en contextualisation du silence éclaire sa portée interprétative.
Aussi convient-il d’analyser sa signification en fonction du contexte dans lequel s’inscrit l’attitude passive. Le silence revêt tout d’abord un rôle de premier plan en présence d’une obligation à l’existence incertaine.
2.1.1 Le silence comme outil de détermination du rapport obligationnel
L’absence de toute démarche de nature contractuelle pendant une période prolongée est susceptible d’attester l’inexistence de l’obligation. La jurisprudence abordée précédemment fait ressortir l’intérêt de l’étude de l’attitude silencieuse des parties au regard de la thèse voulant que leur contrat ait été assorti d’une condition suspensive implicite[102]. L’inaction réciproque des parties peut étayer la thèse de la défaillance de la condition suspensive implicite et expliquer leur désengagement.
Le comportement passif peut illustrer la vraisemblance de l’inexistence de l’obligation. Quelques exemples supplémentaires font saisir l’apport interprétatif du silence dans un tel contexte.
2.1.1.1 L’interprétation d’une transaction
Le comportement passif peut témoigner de la disparition d’une obligation. Cet énoncé revêt un intérêt particulier dans le cadre de l’interprétation d’une transaction. La portée d’une transaction peut se comprendre à la faveur du silence postérieur des parties. L’argument selon lequel la signature d’une transaction comportait implicitement la renonciation à certains chefs de réclamation est attesté par l’absence de toute revendication pendant les quatre années suivantes[103].
2.1.1.2 L’interprétation d’une clause de non-concurrence
L’inaction prolongée du bénéficiaire d’une clause peut aider à définir la portée de l’obligation contractée en sa faveur. À titre d’exemple, la portée exacte d’une clause de non-concurrence peut s’éclairer grâce au comportement passif du titulaire du droit : son silence prolongé pendant des années est susceptible d’indiquer que les activités menées ostensiblement par son ancien cocontractant avaient été tacitement exclues de la portée de la clause de non-concurrence[104]. Le défaut de sévir peut donc indiquer, à l’occasion, l’absence d’interdiction. En de telles circonstances, le silence contribue à définir le rapport obligationnel.
2.1.1.3 L’existence d’une condition implicite
La présence d’une condition implicite peut être révélée par l’inaction prolongée des parties. L’absence de toute réclamation pendant les deux années qui ont suivi la conclusion d’un contrat oral peut accréditer la prétention voulant que l’engagement du défendeur ait été assujetti à une condition qui ne s’est point réalisée[105].
2.1.1.4 La caducité du droit d’option
La caducité d’un droit d’option peut s’illustrer parfois à l’aide de l’inaction des cocontractants. La partie qui s’abstient de se manifester peut étayer, par sa conduite passive, la thèse de la caducité de l’option contractuelle qui lui avait été accordée[106].
*****
Ainsi, l’hypothèse de l’inexistence de l’obligation met souvent en scène une inaction concertée : aucune des deux parties ne s’en remet au contrat ni n’invoque la supposée obligation.
Le rôle interprétatif du silence ne se limite toutefois pas à la seule constatation de l’inexistence d’une obligation. En clair, le silence peut se faire tout aussi explicite en réponse au comportement actif d’autrui. Le silence participe alors, à sa manière, à l’élaboration du contenu de la convention en permettant de mieux en esquisser les contours. Cette hypothèse est abordée dans les pages qui suivent.
2.1.2 Le silence comme outil de détermination du champ obligationnel
L’inaction contribue parfois à l’interprétation d’une convention au libellé ambigu. Soit que le défaut de démenti vienne accréditer la justesse de l’interprétation retenue par le cocontractant : la partie ne s’opposant pas à l’interprétation privilégiée par le cocontractant, on peut en déduire, à l’occasion, un véritable assentiment mutuel. Soit que la passivité (défaut de réclamation, défaut de protestation) vienne attester l’inexistence d’une obligation particulière. Dans ces deux cas de figure, le silence et l’inaction participent à la délimitation du contenu du contrat : le silence vient — paradoxalement — pallier les insuffisances du contrat en permettant de cerner les obligations véritablement convenues. La volonté devient révélée de manière négative.
Qu’il suffise, tout d’abord, de songer à l’interprétation prônée par une partie et non démentie par l’autre. Le défaut de protestation à l’égard de l’interprétation du cocontractant est susceptible de refléter la volonté commune des parties[107]. Cette appréciation circonstanciée demeure foncièrement factuelle. S’il serait malavisé de prêter irrémédiablement un rôle interprétatif au silence, il n’en demeure pas moins que la passivité d’une partie au vu de l’exécution préconisée par l’autre partenaire est capable de traduire leur parfait entendement quant à la portée ou à la teneur de leur entente. Le silence prolongé a pour vertu supplémentaire de pérenniser cette interprétation. Aussi la Cour d’appel du Québec voit-elle dans certaines attitudes passives postérieures à la conclusion du contrat un « guide très sûr[108] » à propos des modalités de l’accord conclu. Plus le silence de l’une se fait prolongé[109] et inexpliqué[110], plus l’interprétation défendue et mise en oeuvre par l’autre gagne en crédibilité. En revanche, le défaut de réclamation ou de protestation ne saurait se retourner contre la partie passive lorsqu’il est attribuable purement à l’oubli ou à l’inadvertance[111].
Autrement dit, le silence prolongé accrédite la justesse de l’interprétation donnée par le cocontractant, tout comme il est de nature à éveiller des doutes sur la sincérité de la partie soudainement séduite par une interprétation contraire du contrat. L’interprétation de l’accord invoquée tardivement passe souvent pour une réflexion impromptue destinée à se sortir d’un faux pas contractuel ou à esquiver une entente devenue désavantageuse au fil du temps[112].
L’expressivité toute particulière du silence a trait au domaine à l’étude. L’absence de désaccord ne saurait se signifier plus naturellement que par le silence. Il n’est nul besoin de se manifester si l’interprétation contractuelle sied. Le défaut de protestation est donc à même de signaler l’interprétation concordante donnée par les parties à leur entente. L’éloquence du silence a trait au contentement qu’il est de nature à révéler.
Autant un comportement passif prolongé atteste plus naturellement encore la volonté du principal intéressé, autant un silence de courte durée peut — occasionnellement — présenter des gages suffisants sur le plan interprétatif. L’arrêt Sobeys l’illustre à bon escient[113]. Après avoir affiché sa préférence pour une attitude constante et prolongée[114], la Cour d’appel du Québec n’en indique pas moins qu’une conduite relativement brève peut parfois permettre de manifester l’intention véritable des parties et suffire à dissiper l’ambiguïté des dispositions contractuelles à l’étude[115]. La question en jeu consistait à savoir si une disposition particulière du premier sous-bail commercial conclu entre les mêmes parties avait été implicitement reconduite dans leur sous-bail postérieur intervenu en raison du déménagement du sous-locataire dans un autre emplacement du centre commercial. Leur second contrat écrit n’en faisait point mention, mais l’attitude des parties aura témoigné de la reconduction tacite de la stipulation en jeu. La clause en question portait sur l’un des éléments du mode de calcul du loyer. Le sous-locataire s’était bien gardé de protester ou encore d’interroger son cocontractant lorsque ce dernier s’était avisé de calculer le montant du loyer d’une manière conforme à la clause antérieure. Ce silence s’avérait, en l’espèce, un indice concluant de nature à indiquer l’acception commune qu’avaient les parties de leur nouveau contrat. La volte-face ultérieure du sous-locataire quelques mois plus tard était purement attribuable au fait que ses propres vérificateurs avaient noté la non-reconduction accidentelle de la clause dans le nouveau contrat écrit. Cette protestation un rien tardive n’aura point suffi à faire ombrage à la signification qui se dégageait du défaut initial de protestation du sous-locataire[116]. Cette absence d’opposition originelle aura permis de constater que la partie avait relevé tardivement la lacune de leur écrit et tenté ensuite d’en profiter de manière purement opportuniste.
La réception faite au silence à titre d’outil interprétatif atteste amplement sa capacité à traduire les préférences d’une partie de même que sa volonté interne[117]. La volonté déclarée est susceptible de s’éclipser au profit de la volonté réelle des parties si l’instrumentum ne la traduit pas fidèlement et s’il est donné de pouvoir la déterminer, par prépondérance de preuve, en étudiant notamment le comportement des contractants[118]. En somme, le silence peut révéler la volonté intérieure de la partie, tout comme il peut permettre de compléter l’instrumentum en lui adjoignant une clause qui n’avait pas été répétée dans la nouvelle entente écrite, mais n’en faisait pas moins partie d’un commun accord[119]. La volonté réelle des parties — attestée notamment par le silence de l’une d’elles — permet alors de ne point se contenter de la lettre du contrat.
La diversité des rôles interprétatifs confiés à la passivité vaut d’être relevée. Autant l’attitude passive est susceptible de révéler l’inexistence d’une obligation[120], autant elle peut contribuer positivement à la définition du contenu obligationnel. Le silence d’une partie peut aider le juge :
Cette dernière hypothèse sera examinée dès à présent : le silence observé par une partie favorise, à l’occasion, la détermination de la nature réelle du contrat consenti.
2.1.2.1 La détermination de la qualification du contrat
La fonction interprétative du silence peut rejaillir sur la qualification même de l’entente. Il est en effet loisible au juge de se fonder sur des éléments postérieurs au début de l’engagement des parties afin d’en restituer la juste teneur[123]. Le défaut de protestation se révèle parfois un indice de premier ordre afin de cerner la nature du contrat[124]. En témoigne une décision de la Cour de cassation. En décembre 1946, un dénommé Gorgeon signe un reçu de la somme de 250 000 francs qui lui avait été versée par Eid à valoir sur un total de 600 000 francs représentant le prix de la vente d’un pavillon faisant partie d’une propriété que ce dernier entendait lotir. Il est alors précisé que la signature de l’acte aura lieu « au plus tard le 1er juillet 1947 », date à laquelle l’acheteur versera le solde du prix convenu. Or, les autorisations administratives requises pour le lotissement ne seront pas accordées : l’acte authentique ne sera point signé à la date envisagée et le solde du prix ne sera pas davantage versé. En 1953, Gorgeon offre à Eid le remboursement de l’acompte déjà versé et lui réclame une somme de près de 218 000 francs à titre de loyers pour l’occupation de l’immeuble litigieux depuis 1946. Sa prétention veut qu’il n’ait consenti à Eid qu’une promesse de vente devenue caduque à l’expiration du délai fixé. La Cour d’appel conclut plutôt à l’existence d’une vente ferme et à l’obligation du vendeur de régulariser l’opération par acte authentique[125]. La Cour de cassation se garde bien de désavouer le raisonnement de la Cour d’appel. L’inaction prolongée de Gorgeon contredisait la qualification contractuelle au coeur de ses prétentions :
Mais attendu, d’une part, que les juges du second degré après avoir indiqué que « Gorgeon ne contestait pas les termes » du reçu délivré à Eid et que « le litige portait seulement sur l’interprétation de la volonté des parties » et sur la question de savoir si « leur intention avait été de faire une vente immédiatement définitive ou une vente suspendue à la condition de réalisation par acte authentique ou une promesse de vente devant être levée avant le 1er juillet 1947 », relèvent qu’il serait « invraisemblable que Gorgeon soit demeuré sept ans sans réclamer aucun loyer à Eid s’il avait considéré celui-ci comme un locataire bénéficiaire d’une simple promesse de vente […] » ;
Qu’ils ajoutent qu’il ressortait « nettement » du reçu « qu’il y avait eu accord des parties sur la chose et sur le prix […], et que si un délai était indiqué pour la réalisation de l’acte authentique, il n’était pas prévu que ce délai emporterait déchéance contre l’acheteur […] » ;
Qu’il s’ensuivait que c’était une « vente ferme » que Gorgeon « consentait » à Eid le 7 décembre 1946 ;
Que cette appréciation de l’intention des parties échappe au contrôle de la Cour de cassation et que l’interprétation souveraine du sens et de la portée du reçu litigieux, rendue nécessaire par l’ambiguïté des termes de l’acte, est exclusive de dénaturation[126].
La qualification contractuelle proposée par la partie se trouve en l’occurrence démentie du fait même de son comportement passif. Autrement dit, la nature du contrat ou la nature de la créance[127] invoquée devant les juges pourra être écartée, si le comportement passif antérieur de la partie s’avère incompatible avec les droits et les obligations qui eussent découlé de la qualification suggérée[128]. L’inaction fait donc office d’élément interprétatif susceptible de favoriser une qualification contractuelle aux dépens d’une autre.
Il est une raison à cela : le silence joue le rôle de reflet de la volonté contractuelle. Le défaut de protestation ou de réclamation réfléchit sur la portée des obligations consenties initialement et en éclaire la signification.
Or, le rôle interprétatif confié au silence et à l’inaction peut s’avérer plus appréciable encore. La passivité peut contredire et invalider la déclaration des parties au sujet de la qualification de leur acte[129]. L’inexécution délibérée et concertée de certaines obligations peut dévoiler leur caractère purement factice. Il en va ainsi d’une convention qui stipule des obligations destinées à masquer l’existence d’une donation déguisée[130]. L’inexécution prolongée des obligations prévues par le contrat peut engendrer la requalification de l’accord. Le silence l’emporte alors sur la lettre du contrat en révélant l’essence véritable de la convention :
[P]our déterminer quelle a été la commune intention des parties à un acte dont la cause est contestée, il n’est pas interdit au juge du fond de relever le comportement ultérieur des contractants ; […] en l’espèce, pour estimer souverainement que le prix stipulé n’était pas sérieux et qu’en conséquence, la vente du 2 février 1984 était inexistante, la cour d’appel pouvait retenir que le débirentier n’avait jamais rempli ses obligations et que la crédirentière ne lui en avait jamais demandé l’exécution, de sorte qu’il était démontré que depuis la conclusion du contrat, en dépit des apparences de l’acte authentique, aucune contrepartie n’était réellement assumée par l’acquéreur qui avait cependant disposé de la propriété de l’immeuble cédé dès la signature de l’acte[131].
À sa manière, le mutisme participe alors du dévoilement… Le silence est à même de restituer la nature véritable d’une convention et d’en dévoiler — paradoxalement — la cause inexprimée.
2.1.2.2 La détermination des obligations véritablement consenties
Les manifestations de la fiabilité du silence
Le silence se fait souvent évocateur de la teneur des obligations réellement convenues. Le défaut de protestation est susceptible de témoigner de la compréhension concordante des parties à l’égard des obligations qui leur incombent. Il en est ainsi lorsqu’une partie expose son interprétation du contrat sans être contredite par le cocontractant[132].
Il en va de même lorsqu’une partie pallie, par sa conduite, les imprécisions du contrat sans s’attirer la moindre observation de son cocontractant. Le contenu implicite du bail — telle la destination présumée des lieux loués — peut être déterminé grâce au silence d’une partie. Qu’il suffise de songer au défaut de protestation du bailleur au vu et au su de l’affectation donnée au local dès la prise de possession du locataire. Un tel silence peut témoigner de son acquiescement à l’usage qui est fait du logement[133]. L’absence d’opposition peut pareillement aider à délimiter la contenance des lieux loués[134] ou vendus[135]. À titre d’exemple, l’utilisation, sitôt le bail conclu, d’un espace de stationnement au su du locateur et sans objection aucune facilite d’autant l’identification de la superficie réellement louée. L’absence d’opposition et de réclamation monétaire pendant des années valide l’hypothèse voulant que le bail et le loyer convenus aient inclus une place de stationnement[136]. À l’inverse, le fait de ne prendre possession que d’une partie d’un lot et de ne point s’inquiéter, pendant dix-huit mois, de l’occupation par un locataire de l’emplacement d’une aire adjacente délimitée par une haie, est susceptible de révéler l’étendue limitée de l’acquisition en cause[137].
L’absence de désaveu de l’interprétation offerte par le cocontractant permet de juger de l’exacte compréhension des parties au sujet de la portée de leur entente[138]. Ce faisant, le silence façonne l’interprétation du contrat. Il offre une caution à l’interprétation donnée à la convention et permet de reconstituer, par le fait même, la volonté commune des parties.
La portée d’une procuration libellée en termes généraux peut, par exemple, se préciser grâce à l’attitude passive observée par le mandant après avoir été mis au fait des actes conclus en son nom par le mandataire. Son défaut de protestation pendant des années peut indiquer que le mandataire n’avait aucunement outrepassé ses pouvoirs. La jurisprudence de la Cour de cassation semble bien arrêtée en ce sens. Une héritière accorde une procuration écrite à son frère afin de recueillir la succession qui leur échoit et d’acquitter les droits de mutation. Ils ouvrent de concert un compte bancaire. Le mandataire prendra l’initiative de contracter un emprunt bancaire afin d’acquitter les droits de mutation. Aucun remboursement ne sera effectué pendant sept années après quoi l’établissement prêteur se décidera à assigner en justice les deux héritiers. L’argument de l’héritière voulant que les termes clairs et précis de la procuration générale n’aient embrassé que les actes d’administration et n’aient prévu aucun acte de propriété sera rejeté. Son silence se conciliait parfaitement avec l’objet et le caractère général de la procuration accordée à son frère. La Cour de cassation de conclure que « Mme François, qui ne pouvait ignorer ce prêt et n’avait élevé aucune protestation durant plusieurs années, était mal fondée à contester en être débitrice[139] ». Le silence joue en l’occurrence un rôle fort distinct de celui réservé à la ratification. Il sert d’instrument de mesure de la portée de la procuration : l’absence d’opposition indique le respect du mandat attribué.
Les causes de la fiabilité du silence
Le silence peut dissiper le flou des mots contenus dans l’entente, éclairer la portée d’un contrat verbal[140] ou encore venir préciser le sens d’une clause ambiguë.
Le silence présente, à ce titre, une fiabilité toute particulière qui tient, de fait, à deux facteurs. La preuve du silence est premièrement indiscutable ; le défaut de protestation se constate purement et simplement. Nul besoin d’en faire la preuve : l’écoulement du temps est une donnée vérifiable en elle-même.
Le deuxième facteur de fiabilité a trait à la supériorité du silence à l’égard de la parole : le silence présente des risques moins élevés de déformation a posteriori. Il est toujours à craindre qu’une partie, le moment du procès venu, ne s’emploie à livrer un témoignage destiné à lui être favorable. En de telles circonstances, la déposition de la partie déforme sa volonté interne de naguère plus qu’elle ne l’éclaire[141].
Le silence ne peut faire l’objet d’un tel calcul… Il est antérieur au litige et sa portée échappe à la partie elle-même : il revient au juge de cerner la signification du mutisme. La partie demeurée silencieuse peut certes tenter de s’en expliquer, mais elle ne saurait fausser et imposer le sens de son silence à l’aide de ses seuls dires. Un témoignage peut se fabriquer, tandis que le silence observé des années durant se présente de façon bien plus immuable.
L’on ne saurait dès lors s’étonner de l’expressivité considérable du silence en matière d’interprétation contractuelle. La relation conventionnelle est nouée. La volonté de se lier est acquise et seule importe l’étendue des obligations consenties. L’étude du silence de la partie s’inscrit dans le cadre d’un rapport contractuel auquel elle a bien voulu se prêter. Son comportement revêt, de ce seul fait, une importance accrue qu’elle ne peut ignorer.
Du reste, l’enjeu en cause est circonscrit. Le silence a pour unique portée la détermination des obligations réellement consenties. En somme, il n’est donc aucunement appelé à engendrer une quelconque modification du rapport obligationnel.
Aussi la juridicité du silence varie-t-elle foncièrement selon qu’il est question :
-
de l’interprétation du contrat ;
-
de la modification du contrat ;
-
de la violation du contrat ;
-
de la renonciation à une stipulation conventionnelle.
Le silence est, en principe, inapte à engendrer la redéfinition des obligations consenties primitivement. Aussi le rôle confié au silence varie-t-il singulièrement selon qu’est en jeu l’interprétation du contrat ou bien l’affranchissement à l’égard de ses obligations.
Les confins de l’expressivité du silence
L’hypothèse différente de la modification du contrat
L’interprétation de la passivité du contractant ne lui est point défavorable. L’analyse a pour finalité la restitution d’un sens conforme à la volonté interne de la partie demeurée muette.
Il ne s’agit aucunement d’interpréter le silence de la partie qui serait le témoin passif d’un écart à la convention : la partie silencieuse ne se fait pas opposer une demande de modification en cours de contrat, telle la proposition d’un avenant. Formulée en cours d’exécution du contrat, la proposition destinée à en modifier la teneur ne saurait effectivement être jugée agréée du seul fait du silence de l’autre partie[142]. Un silence d’une durée de douze années ne saurait emporter modification d’une clause limpide[143]. Le défaut de réponse à la suite de la tentative d’une partie d’insérer une clause qu’il lui eût été loisible d’inclure au moment même de la formation de l’accord ne saurait être par ailleurs constitutif d’une entorse à la bonne foi au sens de l’article 1375 C.c.Q.[144].
Il n’est évidemment rien de tel lorsque l’analyse du silence se limite à connaître la portée réelle de l’engagement convenu initialement.
L’hypothèse différente de la violation du contrat
L’interprétation du contrat et la violation du contrat ne font aucunement appel aux mêmes considérations. Partant, l’analyse du comportement passif ne saurait être identique.
L’interprétation contractuelle a pour objet d’exhumer un sens fidèle à la volonté commune des parties. La partie passive n’aura point été confrontée à l’attitude d’un débiteur désireux de s’affranchir unilatéralement de certaines modalités contractuelles jugées désavantageuses. La question consiste uniquement à connaître la portée des obligations convenues au moment même de l’entente contractuelle.
À l’inverse, la violation de l’accord s’entend de la déformation du negotium. Cet acte d’émancipation unilatéral traduit un passage en force au mépris de la force obligatoire des contrats et de la confiance accordée par le cocontractant au moment de la formation de l’entente. Le silence opposé à cet affranchissement décrété ne saurait dès lors suffire à emporter la modification tacite de l’accord.
Un constat d’impuissance n’engage que le présent. La passivité ne présente guère les gages voulus pour accréditer l’hypothèse selon laquelle la partie entend abdiquer de manière définitive[145]. Une telle attitude est trop peu émancipée pour valoir consentement : il est courant qu’une partie se censure par défaut de moyens, et le droit serait malvenu d’y voir la volonté avérée de renoncer à une exécution conforme aux prescriptions du contrat[146].
La solution contraire reviendrait à préférer la bravade contractuelle à une volonté par trop incertaine. Si une partie ne parvient point à s’opposer efficacement aux écarts de son cocontractant, il ne revient pas au juge de pérenniser cette impuissance en changeant la lettre du contrat. L’on comprend d’autant mieux la jurisprudence abondante selon laquelle une convention tacite de modification ne saurait résulter de la seule tolérance d’une partie au vu d’une pratique contraire aux stipulations contractuelles.
Un acte de tolérance ne traduit donc pas en soi l’existence d’une convention tacite vouée à altérer le contrat. Affirmé de façon retentissante dans un arrêt de l’Assemblée plénière civile de la Cour de cassation[147], ce principe est largement repris dans la jurisprudence québécoise[148]. Acte de pure faculté, la tolérance n’engage point l’avenir des relations contractuelles. Aussi la tolérance consentie ne permet-elle pas de voir en ce « silence de circonstance » une convention tacite destinée à modifier en permanence la teneur du contrat initial.
La tolérance possède une nature plus conjoncturelle que contractuelle. Son essence propre n’est pas celle du consentement authentique. Elle ne saurait donc se parer des effets de la volonté contractuelle.
La tolérance et le consentement tacite se départagent à plusieurs égards. Le consentement donné lie la partie. À l’inverse, la tolérance peut être révoquée au gré du contractant[149], indépendamment de sa durée antérieure[150] : la cessation de la tolérance passera simplement par l’octroi d’un délai raisonnable destiné à permettre au cocontractant fautif de se conformer aux prescriptions du contrat[151]. Autant la modification consentie tacitement présente un caractère d’irrévocabilité[152], autant la tolérance se caractérise par son défaut de permanence. La Cour de cassation s’en explique avec à-propos : « La simple connaissance d’une situation irrégulière, même si elle constitue une tolérance, ne peut conférer de droits nouveaux en l’absence de tout acte positif non ambigu valant autorisation[153]. » La tolérance est bien plus une parenthèse ajoutée au contrat que le paraphe invisible d’un avenant.
L’hypothèse différente de la renonciation
Le rôle confié au silence lors de l’interprétation contractuelle ne s’apparente en rien à une renonciation tacite. La jurisprudence l’a habilement saisi, elle qui s’emploie à différencier nettement la portée juridique du silence selon qu’est en jeu l’existence d’une obligation ou bien l’existence d’une renonciation. L’abstention prolongée peut aider à cerner la portée des obligations que se sont consenties les parties : pareille hypothèse ne met aucunement en scène une quelconque renonciation à un droit. Aucune abdication n’est en cause : la question consiste, au contraire, à connaître la portée des droits nés de l’entente des parties[154]. C’est la volonté créatrice qui est sondée : l’étude du silence postérieur à l’entente cherche à en cerner les contours exacts. La détermination de la portée du contrat et la détermination de l’existence d’une renonciation diffèrent foncièrement. Cette différence de nature se vérifie de trois manières :
-
L’interprétation du contrat a pour objet de cerner la volonté commune des parties, alors que la détermination de l’existence d’une renonciation fait appel à l’élucidation d’une seule volonté ;
-
La renonciation emporte une abdication, alors qu’il n’en est manifestement rien en matière d’interprétation contractuelle. Le rôle accordé au silence est donc appelé à varier grandement en raison de ces conséquences différentes ;
-
La charge de la preuve varie tout autant selon qu’il s’agit d’interpréter le contrat ou de s’assurer de l’existence d’une renonciation[155]. La preuve de la renonciation retombe sur la partie qui invoque la thèse de l’abdication. Il ne revient d’ailleurs aucunement au titulaire du droit de s’expliquer quant aux délais observés au sujet de la mise en oeuvre de sa créance ou de l’exécution des mesures relatives à son droit[156].
La juridicité du silence est dès lors appelée à varier singulièrement selon le rôle confié à la passivité. Autant il est loisible au mutisme de participer à la détermination des obligations réellement consenties, autant le droit français[157] comme québécois[158] refuse de voir dans l’attitude silencieuse la marque de l’abdication d’un droit.
Voilà autant de considérations destinées à fonder la juridicité du silence dans la sphère de l’interprétation contractuelle.
L’élucidation du rapport obligationnel à l’aide du silence ne saurait, du reste, se limiter à la détermination des obligations réellement avalisées. Il arrive à l’inaction concertée de révéler l’existence même d’une convention tacite.
2.1.2.3 La détermination de l’existence d’un accord tacite
Le silence prolongé aide à cerner la volonté des parties au sujet de la portée de leur entente. Mais leur mutisme réciproque peut se faire plus éloquent encore : il est parfois susceptible d’accréditer l’hypothèse de l’existence d’une entente elle-même tacite.
La preuve d’un accord proprement implicite peut jaillir du silence prolongé des parties. Cette règle se vérifie notamment en matière familiale. L’absence de toute réclamation pendant plus d’une décennie est susceptible de révéler que les parties ont conclu une entente tacite au moment de leur séparation destinée à en régler toutes les conséquences patrimoniales. Aussi le partage des biens lors de la cessation de la vie commune se voulait-il définitif, si chacune d’elles se garde bien de faire valoir quelque revendication que ce soit pendant près de deux décennies. La Cour d’appel du Québec conclut au caractère définitif de l’entente implicite des parties du fait que seize années se sont écoulées depuis leur séparation sans que l’une ou l’autre ne présente la moindre réclamation. Le silence prolongé des deux parties sert de « confirmation de cette entente[159] » et permet de faire échec à l’argument contraire soulevé pour la première fois dans le cadre d’une demande reconventionnelle survenue seize ans après la séparation et plus de onze années après l’entrée en vigueur des nouvelles règles législatives relatives au partage du patrimoine familial : « L’écoulement du temps entre la séparation et les procédures peut être un élément, parmi d’autres, permettant d’inférer le règlement par les parties des conséquences de leur séparation[160]. » Le silence observé pendant des années permet de discerner la volonté des parties désireuses de finaliser leur partage patrimonial[161]. En somme, l’inaction prolongée fait éclater au grand jour le caractère irrévocable de l’entente conclue tacitement.
2.1.2.4 La détermination de la portée d’une renonciation
Le silence facilite la compréhension de l’acte juridique, fût-il unilatéral ou bilatéral.
Les vertus interprétatives du silence ne se cantonnent pas dans la sphère contractuelle. La portée de l’acte unilatéral peut également être cernée au moyen de l’étude de la passivité. Le silence observé peut aider à saisir, par exemple, la portée et les circonstances entourant une renonciation successorale. Un cohéritier signe un acte de renonciation devant notaire. Il mettra ensuite près de dix ans avant d’invoquer la thèse selon laquelle cette renonciation a été le fruit d’une erreur quant à la valeur de la succession. Or, sa passivité consécutive aux connaissances acquises au sujet de la valeur du patrimoine est de nature à battre en brèche la thèse du vice de consentement. Une abstention si prolongée autorise la conclusion voulant que ce successible ait bel et bien entendu renoncer, en toute connaissance de cause, à l’héritage[162].
Du reste, cette affaire laisse poindre la juridicité du défaut de réaction au regard de la théorie des vices du consentement.
2.1.2.5 La détermination de la présence d’un vice du consentement
Le temps mis à se plaindre et à invoquer une méprise peut indiquer que l’erreur, à la supposer réelle, ne portait guère sur un élément « essentiel[163] ». Au terme de l’article 1400 C.c.Q., l’erreur « sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement[164] » est une cause de nullité de l’accord. Le rôle alors attribué au silence ne se confond point avec l’hypothèse d’une confirmation tacite : la confirmation suppose l’existence avérée d’un vice du consentement. En l’occurrence, le silence sert simplement de repère afin de vérifier si l’erreur invoquée tardivement portait réellement sur un élément jugé essentiel par la partie elle-même. Le silence favorise ainsi l’appréciation de la nature de l’erreur invoquée. Le peu d’empressement à dénoncer l’erreur illustrera quelquefois l’importance bien relative accordée par le contractant lui-même au sujet faisant l’objet de sa méprise.
2.2 L’apport du silence et de l’inaction à la méthode subjective d’interprétation contractuelle
Le rôle considérable accordé au silence dans le cadre du processus d’interprétation contractuelle s’inscrit dans le droit fil de la prédominance de la volonté interne sur la lettre du contrat[165]. Conçue par et pour les parties, la convention ne saurait se comprendre en faisant abstraction de leur entendement sur le sujet. Aussi les droits civils français et québécois se détournent-ils de l’interprétation objective préconisée en droit anglais[166]. L’étude du comportement ultérieur des parties prend, de ce fait, toute son importance[167]. Le recours aux éléments extrinsèques à la lettre du contrat témoigne de ce que l’interprétation doit « se faire in concreto, c’est-à-dire par la recherche de l’intention qu’ont pu avoir les parties elles-mêmes, et non in abstracto par celle de ce qu’aurait voulu toute autre personne placée dans la même situation[168]. »
L’on comprend d’autant la prédilection des juridictions françaises et québécoises pour les indices de nature à éclairer la volonté interne et à restituer aux parties une entente conforme à leur vouloir véritable. Soit que la lettre dénature l’entente réellement survenue, soit qu’elle se fasse ambiguë ou discrète sur l’enjeu en cause. Dans chacune de ces hypothèses, le comportement ultérieur des parties est à même de lever le voile sur le sens initial de leur entente ou sur l’esprit commun qui les anime depuis. Qu’il suffise de songer à un aspect contractuel délaissé dans le contrat en raison de l’inadvertance des parties. Leur comportement postérieur pourra remédier à cet oubli initial et rendre compte de leur entendement tacite sur le sujet négligé au moment de l’accord[169]. C’est rendre hommage, d’une certaine manière, à l’intelligence des parties : « L’esprit, qui vivifie, l’emporte nettement sur la lettre qui, souvent, est indigente et noeud de litiges[170]. »
La recherche de la volonté commune fait figure de clef de voûte de l’interprétation contractuelle. Les articles 1156 C. civ. et 1425 C.c.Q. ont des ambitions qui ne sauraient se réduire à celles d’une règle d’interprétation. Ils ordonnancent, au contraire, la réflexion relative à l’interprétation contractuelle[171]. Leur vocation consiste à poser un « principe[172] » interprétatif impératif. Leur fonction est d’autant plus singulière que les articles 1156 et 1425 sont secondés, dans leurs codes respectifs, par des dispositions qui énoncent de pures maximes dépourvues de force obligatoire[173]. Qu’il suffise de songer à la règle favorisant l’interprétation contractuelle corrélative[174] ou à celle destinée à éviter de donner à une clause de pure précaution une portée indue[175]. La force obligatoire des articles 1156 et 1425 et le caractère purement indicatif des autres dispositions interprétatives se comprennent, dès lors que l’impératif consiste à interpréter le contrat d’une manière fidèle à la volonté commune des parties. Autant cette finalité se veut indiscutable, autant les indices interprétatifs égrenés dans le Code n’ont d’intérêt que s’ils servent, au vu des faits de l’espèce, l’atteinte de cet objectif[176].
Vraisemblablement sous-entendu par le législateur[177], cet ordonnancement hiérarchique tire sa force du consensualisme qui lui procure ainsi une assisse conceptuelle[178]. Le caractère prioritaire de la méthode subjective ne souffre guère la controverse en droit civil québécois[179] et français[180]. Aussi l’élucidation de la volonté commune des contractants l’emporte-t-elle sur la règle contra proferentem énoncée à l’article 1432 C.c.Q.[181]. Reprise formellement dans le nouveau Code civil du Québec, la démarche interprétative fondée sur la recherche de la volonté commune prend même, dans l’avant-projet Catala, les traits d’un « pilier » constitutif d’une « règle […] qui a la force coutumière d’un adage[182] ». Le projet ministériel français portant réforme du droit des contrats érige ce procédé interprétatif en « principe[183] », tandis que l’interprétation contractuelle objective est reléguée au rang d’exception[184]. La recherche de la volonté commune des parties s’érige dès lors en « devoir » imposé au juge par le Code civil[185].
Cette hiérarchisation des méthodes interprétatives porte néanmoins en son sein un aveu : l’interprétation axée sur la recherche de l’intention « commune » demeure parfois illusoire[186]. Les parties ont pu envisager leur contrat selon des perspectives foncièrement différentes[187]. Leur accord peut avoir, du reste, occulté l’élément devenu litigieux[188] : une inadvertance commune ne présente guère d’utilité interprétative…
Eût-elle existé, l’intention commune peut s’avérer, au demeurant, rigoureusement indécelable : les interprétations divergentes privilégiées par les parties peuvent paraître tout aussi plausibles, sans que les termes du contrat et le contexte permettent de les départager et d’en prioriser une. La prudence interprétative sera alors le plus souvent de mise :
Malheureusement, l’article 1426 C.c.Q., qui prévoit le recours à la nature du contrat, aux circonstances dans lesquelles il a été conclu, à l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi qu’aux usages, ne nous est ici d’aucun secours.
Ainsi, la nature du contrat est compatible avec les deux hypothèses soulevées par les parties. Les autres dispositions du contrat (auxquelles on doit recourir selon l’article 1427 C.c.Q.) ne fournissent elles-mêmes aucun indice interprétatif.
Les circonstances de la conclusion du contrat sont telles qu’elles ne nous éclairent guère sur le sens à donner à la clause, celle-ci n’ayant jamais été discutée par les parties. On se trouve ici dans la situation que décrivent les auteurs Pineau et Gaudet lorsqu’ils parlent d’une intention commune minimale qui suffit à lier les parties mais non à donner une interprétation complète au texte sur lequel elles se sont ainsi entendues. Cependant, ces circonstances devraient peut-être nous inciter à une certaine prudence ou à une certaine réserve interprétative : devant un texte ambigu dont les parties n’ont pas discuté et auquel l’une d’elles a consenti implicitement, peut-être vaut-il mieux favoriser une interprétation étroite plutôt que généreuse, pour ramener l’intention des parties à son plus petit dénominateur commun[189].
D’aucuns privilégient alors une interprétation contractuelle vouée à restituer toute son importance à la bonne foi. Cette dernière se voudrait, par conséquent, un élément interprétatif destiné à combler les interstices laissés par les parties lors de l’élaboration de leur entente :
L’apport de la bonne foi peut être significatif si l’on pose comme postulat que, cette dernière étant inhérente à la notion de contrat, celui-ci ne doit pas s’interpréter exclusivement en fonction de l’intention commune des parties. Même s’il est difficile de faire cette affirmation compte tenu des règles d’interprétation édictées au Code civil, on ne peut toutefois faire abstraction du fait que lorsque cette intention commune s’avère impossible à retracer, le juge fasse appel aux circonstances de l’espèce ainsi qu’à une norme extérieure pour reconstituer ce qui, à ses yeux, devrait ou aurait dû être l’intention des parties. Pour certains, comme le doyen Cornu, la bonne foi est implicitement introduite lorsque l’on pose comme postulat que le juge doit rechercher l’intention commune. Il est d’avis que « le juge est alors fondé à se demander ce à quoi les parties ont pu, en toute bonne foi, vouloir s’engager »[190].
Or, l’apport interprétatif du silence de l’une des parties présente un intérêt supplémentaire par rapport à la démarche énoncée dans le passage précédent. Cet avantage additionnel sera décrit dans la prochaine partie.
2.2.1 Le silence et l’inaction, indices de la fidélité à la volonté commune des parties
La passivité de la partie qui ne s’oppose pas à l’interprétation donnée par le cocontractant facilite d’autant la détermination de l’intention commune des parties d’une manière qui demeure respectueuse des préceptes de la bonne foi. L’une et l’autre parties seront d’autant moins justifiées de se plaindre de l’interprétation retenue par le tribunal qu’elles l’auront elles-mêmes accréditée par leur conduite respective.
Tenir les parties à cette interprétation dégagée de leur conduite mutuelle revient à préconiser une interprétation de leur contrat fidèle à leur propre perception. Le magistrat retient l’interprétation la plus vraisemblablement conforme à l’intention commune des parties. Ce faisant, il se garde bien de déroger aux exigences de la bonne foi puisqu’il interdit au demandeur de s’écarter subitement de l’interprétation qui avait jusqu’alors prévalu.
Le juge est parfaitement fondé de retenir l’interprétation contractuelle qui semble avoir été « la plus fortement voulue[191] » par les parties. Cette démarche interprétative prend acte des exigences relatives à la charge de la preuve — l’interprétation primée doit être la plus vraisemblable — et elle privilégie, de surcroît, la recherche subjective sur l’interprétation objective du contrat. L’interprétation attestée par la conduite ultérieure des parties paraissant plausible, le juge se voit dispensé de façonner le contrat en fonction de l’hypothétique personne raisonnable. Mieux vaut généralement une interprétation subjective vraisemblable qu’une interprétation objective imposée aux parties. L’épisode interprétatif des parties abrège le travail du juge et le sécurise.
2.2.2 Le silence et l’inaction, indices des attentes réciproques des parties
Le comportement ultérieur des parties présente un intérêt supplémentaire par rapport à la lettre du contrat. Au gré de leur conduite postérieure, les parties ont eu le loisir de manifester leurs attentes contractuelles. La conduite concordante des parties se fait alors le gage d’une interprétation fidèle aux expectatives des parties au sujet de leur accord.
Pareille méthodologie intègre, d’une certaine manière, des modes interprétatifs souvent jugés peu compatibles. Dans ce contexte bien précis, la théorie contemporaine des « attentes légitimes » du cocontractant[192] se concilie avec la méthode interprétative axée sur la recherche de la volonté commune des parties. Le comportement respectif des parties indique la concordance de leurs visées et leur entendement sur la portée de leur entente. Le juge dispose ainsi d’éléments factuels destinés à éclairer — tout à la fois — la compréhension de chacune des parties au sujet de leur entente et les finalités qu’elles lui attribuent.
L’analyse du comportement des parties est un procédé qui se situe à la confluence de plusieurs méthodes d’interprétation. La recherche de la volonté commune, l’interprétation fondée sur la bonne foi et celle préconisant le respect des attentes légitimes se trouvent interpellées, d’une manière ou d’une autre. La prise en compte du silence d’une partie dans le cadre de l’interprétation contractuelle a ainsi le mérite de s’allier des méthodes interprétatives en l’occurrence complémentaires.
Conclusion
« Le silence est l’étui de la vérité[193] », d’écrire René Char. Le poète avait superbement compris ce que le juriste peine à concevoir. Le silence est à même de combler les interstices creusés par le texte. Le mutisme se fait le trait d’union entre la volonté intime et l’écrit demeuré lacunaire. Le silence fédère le texte et le vouloir et il secrète, chemin faisant, la vérité.
Le silence revêt ainsi un rôle de premier plan en présence d’un contrat imprécis. L’incomplétude du contrat est telle que le juge est alors appelé à scruter l’attitude des parties en raison de l’indigence du texte. Une attitude passive remédiera parfois aux carences de l’accord : l’ambiguïté du texte se dissipe lorsque le juge est en mesure de sonder la volonté interne des parties. Or, le silence est parfois l’écho discret du contentement. Il est alors apte à traduire la volonté interne de la partie et à suppléer les carences d’une convention imprécise[194]. Par exemple, le défaut de protestation ou le défaut de réclamation peut aider l’interprète à cerner la teneur des obligations convenues implicitement au moment de l’accord ou encore celles arrêtées tacitement depuis lors.
L’adhésion intellectuelle de la partie peut ainsi découler de ce qu’elle s’abstient de démentir l’interprétation retenue par le cocontractant. Le silence se fait alors le reflet de la volonté du taisant. Ce silence ne traduit pas seulement un assentiment : il participe à l’élaboration même de la convention. Il remédie à ses lacunes en facilitant par la suite la détermination des obligations convenues d’un commun accord. Le silence façonne comme telle la teneur du contrat.
À ce titre, le silence épouse un rôle tantôt positif, tantôt négatif. Le silence joue un rôle positif s’il signale l’absence d’objection : cette forme de passivité contribue à traduire la réalité d’une obligation et à compléter la convention imprécise. Mais le silence peut incarner, à l’occasion, un rôle « négatif » tout aussi éloquent sur le plan juridique. Le silence peut ainsi tenir du défaut de réclamation ou du défaut de revendication : il sert alors à accréditer la thèse de l’inexistence d’une obligation particulière[195] ou à illustrer l’assujettissement du contrat à une condition implicite qui ne s’est point réalisée[196]. Cet éclairage procuré par la passivité des parties restitue au contrat sa véritable portée : le silence observé permet de repérer et, partant, de tracer les contours d’une convention trop floue dans son expression formelle.
Le rôle concédé au silence présente — au demeurant — un intérêt supplémentaire : il favorise le respect du contrat. La passivité prolongée d’une partie aura accrédité et pérennisé l’interprétation donnée à l’entente de manière à en consacrer définitivement la justesse. Le sens de l’accord se trouve avéré au moyen du silence du cocontractant et la tentative d’y déroger ultérieurement s’avère suffisamment malavisée au point d’être déjouée par les tribunaux.
Le silence scelle la portée de l’accord et engage les parties. À sa manière, l’interprétation fondée sur le silence de la partie sous-tend le principe de la force obligatoire des contrats.
Le silence voit son rôle singulièrement remodelé en présence d’une convention explicite. Les obligations étant avérées, la convention s’impose et le silence, si prolongé fût-il, ne peut plus façonner comme telle la teneur de l’entente. La force obligatoire du contrat ne saurait s’atténuer du fait qu’une partie ne s’objectât point aux carences de son cocontractant. Partant, le manquement passé sous silence ne peut donner lieu à une renonciation[197] ou à une modification du contrat[198]. Le défaut de protestation n’aspire plus au titre de manifestation de volonté. Il en va ainsi, car le silence ne saurait traduire, en l’espèce, la volonté d’engendrer un effet juridique irrévocable.
Le silence connaît, dès lors, une dualité de rôles. Il se voit investi d’une signification positive en matière d’interprétation contractuelle, alors qu’il hérite d’une portée négative en matière de renonciation ou de modification conventionnelle. La diversité de ces rôles ne doit pas faire illusion. Dans tous ces cas de figure, le silence traduit une seule et même finalité. Autant la passivité est susceptible de concourir à l’identification du contenu conventionnel lors du processus d’interprétation du contrat, autant elle ne saurait aspirer à la modification de l’accord. Le sens donné au silence procède — dans les deux cas — d’une seule et même ambition : le voeu du droit d’assurer le respect du contrat. Le silence est susceptible de révéler la portée réelle de l’engagement, mais il ne saurait participer à son altération. Le silence se fait ainsi le rempart discret de la force obligatoire du contrat de même que l’écho muet de la vérité de l’entente.
Parties annexes
Notes
-
[1]
N’a-t-on pas souligné à bon escient à quel point « [l]a dimension de la passivité nous montre comment “l’indétermination convient à la liberté” » ? (Agata Zielinski, « Volonté et passivité à l’école de la phénoménologie », dans Philippe Saltel (dir.), La volonté, Paris, Ellipses, 2002, p. 263, à la page 271).
-
[2]
Aricie : « J’imite sa pudeur, et fuis votre présence pour n’être pas forcée à rompre le silence. » Thésée, seul : « Quelle est donc sa pensée ? Et que cache un discours commencé tant de fois, interrompu toujours ? » (Racine, Phèdre, Paris, Gallimard, 2011, acte v, scènes iii et iv, p. 102).
-
[3]
Marc-Olivier Barbaud, La notion de contrat unilatéral : analyse fonctionnelle, Paris, L.G.D.J., 2014, p. 67 : « Le silence étant passivité totale, et la volonté ayant besoin d’être extériorisée pour être saisie par le droit, il [n’est] pas admissible de réserver le principe d’inefficacité du silence à la seule volonté de s’obliger » ; Sophie Pellet, L’avenant au contrat, Paris, I.R.S.J., 2010, p. 345 : « Le silence n’a pas une signification équivoque, il n’a aucune signification, il n’est porteur d’aucun message. » ; Jean Pineau, Danielle Burman et Serge Gaudet, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal, Thémis, 2001, p. 120 et 121 ; Jean Carbonnier, Droit civil, t. 4 « Les obligations », 22e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 94 : « Dans la volonté tacite, il y a quelque chose de plus que dans le silence, une visibilité, un signe, qui facilitent l’interprétation. »
-
[4]
La novation ne saurait se présumer ni s’évincer d’une attitude purement passive. Outre l’article 1661 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, (ci-après « C.c.Q. ») : cf. Groupe Bennett Fleet inc. c. Chambly (ville de), 2012 QCCA 1676, J.E. 2012-1900 (C.A.) ; Calce c. Brescia, 2008 QCCA 2535, J.E. 2008-2283 (C.A.) ; Banque Laurentienne du Canada c. Mackay, [2002] R.J.Q. 365, par. 24 (C.A.). Le droit français retient une solution analogue : Jacques Flour, Jean-Luc Aubert et Éric Savaux, Les obligations, t. 3 « Le rapport d’obligation », 8e éd., Paris, Sirey, 2013, p. 394 et 395 ; S. Pellet, préc., note 3, p. 71 : « Le silence, ici plus qu’ailleurs, est profondément équivoque » ; Riom, 9 févr. 2011, A.J.D.I. 2011.446 ; Civ. 3e, 2 juill. 1969, Bull. civ. III, no 536 ; Soc. 21 oct. 1964, Bull. civ. IV, no 689 ; Soc. 1er avr. 1952, Bull. civ. IV, no 322.
-
[5]
Le principe est de jurisprudence constante : voir infra, p. 663 à 665.
-
[6]
Le défaut de protestation ne vaut point renonciation aux clauses contractuelles ni adhésion à leur modification : voir infra, p. 659 à 665.
-
[7]
Droit de la famille – 14499, 2014 QCCS 966, J.E. 2014-559 (C.S.) ; Droit de la famille – 123567, 2012 QCCS 6539, J.E. 2013-142 (C.S.), par. 41 ; 9201-0958 Québec inc. (Gestion Renéco) c. René Corriveau & Fils inc., 2012 QCCS 4891 (pourvoi rejeté à 2014 QCCA 1765) ; Droit de la famille – 3727, [2000] R.D.F. 626 (C.A.) ; Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Abitbol, [1999] R.R.A. 718, J.E. 99-986 (C.S.) ; Civ. 3e, 22 janv. 2014, D. 2014.277 ; Defrénois 2014.150, à paraître au Bulletin ; Civ. 1re, 26 sept. 2012, Bull. civ. I, no 189 ; Civ. 3e, 3 avr. 2012, D.2012.459 ; Soc. 13 oct. 2011, no 09-66991 ; Civ. 2e, 20 juin 2002, Bull. civ. II, no 138 ; Civ. 3e, 26 janv. 1994, J.C.P. éd. N. II.183 ; Civ. 3e, 10 nov. 1992, no 91-10089 ; Soc. 27 mai 1992, Bull. civ. V, no 350.
-
[8]
Le défaut d’exiger le paiement des arrérages de la rente viagère pendant cinq années ne saurait suffire à caractériser une intention libérale. Aussi le commandement postérieur fondé sur la clause résolutoire prévue au contrat est-il valide : Civ. 1re, 30 mars 1994, no 92-16597. À rapprocher de l’arrêt Civ. 3e, 10 nov. 1992, préc., note 7. La prétendue intention libérale d’une caution à l’égard du débiteur principal ne saurait non plus s’évincer du seul fait qu’elle tarda à exercer son recours subrogatoire après avoir désintéressé le créancier : Aix-en-Provence, 29 mars 2005 : Juris-Data no 274994 ; Paris, 14 févr. 1997 : Juris-Data no 020283 ; et de manière apparentée dans l’hypothèse de la supposée tardivité de l’exercice du recours de la caution à l’encontre de la caution solidaire : Colmar, 22 sept. 2005 : Juris-Data no 290000 ; Philippe Simler, « Cautionnement. Définitions, critère distinctif et caractères », J.-Cl. C. Civ., art. 2288 à 2320, fasc. 10. L’abstention, par le vendeur d’immeuble, de publier son privilège ne saurait permettre de conclure à une volonté bienfaitrice : Com. 12 nov. 1992, no 90-15511. A fortiori, l’omission de faire état, dans un acte ultérieur, d’une servitude déjà publiée ne traduit point l’existence d’une renonciation en droit québécois : Favreau c. Haddon, 2012 QCCA 1662, J.E. 2012-1834 (C.A.), par. 49 ; G.M. Dévelopement inc. c. Société en commandite Ste-Hélène, [2003] R.J.Q. 2525 (C.A. ; requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée), par. 77-90 ; et dans un contexte apparenté : Gabereau c. Vourdousis, 2007 QCCA 1676, [2008] R.D.I. 22 (C.A.), par. 37. Une décision isolée s’oppose à la jurisprudence relatée précédemment. Il a été jugé que le défaut d’exiger le solde dû pendant dix-sept années de même que l’absence de renouvellement du privilège du vendeur permettent de conclure à la volonté du père du débiteur de renoncer à l’action en résolution de la vente : Civ. 3e, 4 mars 2014, A.J.D.I. 2014.728, obs. Cohet.
-
[9]
Une attitude silencieuse prolongée ne donne pas lieu à une quelconque « présomption de confirmation » tacite. Voir : Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc. c. Gouveia, 2012 QCCA 793, J.E. 2012-1000 (C.A.) ; Société immobilière Jean-Yves Dupont inc. c. Jardins Bon Pasteur inc., [2001] R.D.I. 195 ; J.E. 2001-843 (C.A.). À rapprocher de l’avis formulé en droit français par Christian Larroumet, Traité de droit civil, t. 3 « Les obligations. Le contrat », 7e éd. par Christian Larroumet et Sarah Bros, Paris, Economica, 2014, p. 609 ; Jacques Ghestin, Grégoire Loiseau et Yves-Marie Serinet, Traité de droit civil. La formation du contrat, t. 2 « L’objet et la cause. Les nullités », 4e éd., Paris, L.G.D.J., 2013, p. 1114 et 1115 ; Alain Bénabent, Droit des obligations, 13e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 171 ; Sandrine Sana-Chaillé de Néré, « Contrats et obligations. Confirmation des actes nuls. Régime juridique », J.-Cl. C. Civ., art. 1338 à 1340, fasc. 20, nos 25, 44, 47, 50 et 62 ; Dagorne-Labbe, note sous Com. 14 déc. 2004, Defrénois 2005.611 ; Eudier, note sous Com. 3 mai 1995, D. 1997.124 ; Com. 17 juin 2008, no 07-15398, R.T.D. civ. 2008.675, obs. Fages ; Com. 29 mars 1994, Bull. civ. IV, no 134, D. 1994.611, note Gavalda ; Civ. 3e, 10 févr. 1988, no 86-14452 ; Paris, 10 juin 1988 : Juris-Data no 023683 ; Civ. 3e, 20 nov. 1974, Bull. civ. III, no 421. À rapprocher de l’arrêt Civ. 1re, 18 janv. 2005, no 01-15708 ; Civ. 1re, 19 déc. 1983, R.G.A.T. 1985.46 : « L’assureur, qui a eu connaissance de la réticence de l’assuré, n’est pas tenu d’informer immédiatement celui-ci des conséquences qui en résultent ». La doctrine québécoise semble partagée. Certains auteurs s’opposent à une confirmation purement silencieuse : Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Thémis, 2012, p. 642 (par. 1193), p. 643 (par. 1194) et p. 645-647 (par. 1199-1203), tandis que d’autres juristes font état de la possibilité d’une confirmation passive : Vincent Karim, Les obligations, 3e éd., t. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 551 ; J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, préc., note 3, p. 359. Très rares sont les auteurs français disposés à concéder le moindre rôle au silence en matière de confirmation tacite. Le caractère supposément inopérant du silence n’est pourtant pas tenu pour une certitude par certains : Hélène Boucard, L’agréation de la livraison dans la vente. Essai de théorie générale, Paris, L.G.D.J., 2005, p. 292 et 293 ; J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, préc., note 9. L’ensemble de cette question sera approfondi dans un livre destiné à étayer la perspective d’une confirmation silencieuse et à préciser les règles sévères enserrant le repérage de pareille manifestation de volonté tacite : Pierre Rainville, La portée juridique du silence et de l’inaction, Cowansville, Éditions Yvon Blais (à paraître).
-
[10]
Cette citation de Jean Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique, Paris, L.G.D.J., 1971, est utilisée par Vincent Forray, Le consensualisme dans la théorie générale du contrat, Paris, L.G.D.J., 2007, p. 296. Voir encore Philippe Simler, « Contrats et obligations. Interprétation des contrats. L’instrument : notion, normes, champ d’application », J.-Cl. C. Civ., art. 1156 à 1164, fasc. 10, 2015, no 7 et au no 40 : « Une volonté qui serait restée purement interne est à l’évidence hors d’atteinte du juge et, au surplus, rebelle à toute preuve par celui qui l’a prétendument conçue. Seule une volonté perceptible, donc extériorisée de quelque manière, peut produite des effets juridiques. »
-
[11]
Note de Voirin sous Req. 29 mars 1938, D. 1939.I.5. Cette sentence célèbre est volontiers reprise par un pan de la doctrine québécoise : J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, préc., note 3, p. 120 et 121.
-
[12]
René Char, « Artine et les transparents », dans En trente-trois morceaux et autres poèmes, Paris, Gallimard, 2012, p. 128.
-
[13]
La tolérance ne saurait signaler la renonciation à une stipulation contractuelle ni une adhésion à la modification de la convention. Voir nos précisions plus haut (supra, notes 4, 7 et 8) et plus bas (infra, p. 659 à 665.)
-
[14]
À preuve les développements présentés plus bas : voir infra, p. 640 à 642.
-
[15]
Cette question est approfondie plus bas : voir infra, p. 638 à 640 et 646 à 659.
-
[16]
Ce thème fait l’objet d’élaborations plus bas : voir infra, p. 643, 644 et 646 à 648.
-
[17]
La question de savoir si le défaut de protestation est de nature à attester un consentement véridique est abordée infra, p. 638 à 640.
-
[18]
Christian Atias, « Exécution et efficacité des actes juridiques », D. 2013.2288, 2289.
-
[19]
Anne Etienney de Sainte Marie, « La durée du contrat et la réforme du droit des obligations », D. 2011.2672, no 1.
-
[20]
Id., no 5.
-
[21]
« Il n’est pas envisagé que la durée puisse constituer un élément essentiel de l’obligation, de sorte qu’elle ne mérite aucune attention particulière. Tout au plus peut-on encadrer le point de départ et le point d’arrivée de la fourniture des prestations, c’est-à-dire la chronologie de l’exécution » : A. Etienney de Sainte Marie, préc., note 19, no 6. Et l’auteure de prendre le contre-pied de ce réflexe législatif et doctrinal en soulignant que (no 4) « la valeur positive de la durée ne peut plus être ignorée : la durée constitue l’une des dimensions de l’objet de l’obligation, la quotité temporelle de la prestation ».
-
[22]
C. Atias, préc., note 18, 2289.
-
[23]
Cette question est approfondie plus bas : voir infra, p. 624 à 627, 649 et suiv. et 668, note 168.
-
[24]
Voir nos développements plus bas : infra, p. 627 à 629 ; sur l’interrelation du silence et du consensualisme, voir Pierre Rainville, « À la confluence du consensualisme et du formalisme : le rôle du silence en matière de donations entre vifs », (2010) 112 R. du N. 283.
-
[25]
La portée juridique du silence s’aborde différemment en présence d’une violation contractuelle indiscutable : le défaut de protestation à l’égard d’une inexécution patente n’a aucune incidence sur le contenu même du contrat. Les obligations arrêtées sont connues et seule subsiste la question de savoir si la tolérance affichée par le créancier peut mettre le débiteur défaillant à l’abri de certaines sanctions ou encore induire la modification tacite de leur entente. Qu’il suffise d’indiquer que la tolérance n’emporte point modification de la convention. En revanche, le défaut de protestation du créancier est parfois à même d’altérer le choix des sanctions envisageables à l’encontre du débiteur ou encore d’entraîner le report de leur mise en oeuvre. Cette question sera approfondie dans un livre à paraître aux Éditions Yvon Blais (P. Rainville, préc., note 9).
-
[26]
Voir l’analyse du droit français à laquelle procède l’arrêt Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, [1987] R.J.Q. 1703 (C.A. ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée). L’avènement du Code civil du Québec aura réitéré la parenté des droits français et québécois en la matière : Commentaires du ministre de la Justice, t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993, p. 865.
-
[27]
Comme l’énonce l’article 1156 C. civ. : « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. » L’article 1425 C.c.Q. s’en fait l’écho : « Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés. » Un auteur réputé en arrive à privilégier une hiérarchisation des méthodes interprétatives. La recherche de la volonté commune manifestée expressément ou tacitement fait office de principe premier. À défaut d’indices concluants, le juge serait ensuite tenu de dégager la volonté commune supposée des parties. L’interprétation fondée sur des considérations objectives n’interviendrait qu’advenant l’insuccès des deux premières démarches interprétatives : P. Simler, préc., note 10, no 26.
-
[28]
A. Bénabent, préc., note 9, p. 211. Comme l’exprime finement un autre auteur, si « seul l’instrumentum constitue l’“objet” de l’interprétation, c’est en revanche dans le but de déceler le negotium, la commune intention des parties » : Cyril Grimaldi, « Paradoxes autour de l’interprétation des contrats », R.D.C. 2008.207, 208. Cette thèse trouve pareillement grâce auprès de la Cour suprême du Canada : Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES inc., [2013] 3 R.C.S. 838, 2013 CSC 65, par. 28, 32, 48 et 52 ; Daniel Gardner, « Revue de la jurisprudence 2013 en droit des obligations », (2014) 116 R. du N. 51, 57. La prédominance de la volonté interne sur le texte même du contrat est à l’oeuvre dans de très nombreuses décisions dont les suivantes : Atwater Badminton and Squash Club inc. c. Morgan, 2014 QCCA 998 ; Commission des normes du travail c. IEC Holden inc., 2014 QCCA 1538 ; Banque Toronto Dominion c. Banque Nationale de Paris (Canada), 2005 QCCA 426, par. 35, où l’intention évidente des parties prime la lettre du contrat : « Devant l’incompatibilité d’un texte avec l’intention évidente des parties, il [faut] préférer celle-ci » ; Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, 2005 QCCA 1172, par. 47, 50-53 et 98 (ci-après « Sobeys ») ; Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26.
-
[29]
Sébastien Grammond, « Interprétation des contrats », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Obligations et responsabilité civile, fasc. 6, Montréal, LexisNexis Canada, no 45 ; S. Pellet, préc., note 3, p. 82 ; Groupe Renaud-Bray inc. c. Innovation FGF inc., 2014 QCCS 1683 ; Construction Infrabec inc. c. Paul Savard, Entrepreneur électricien inc., 2012 QCCA 2304, J.E. 2013-45 (C.A.), par. 60 ; Straka c. Perrette Dairy Ltd., [1989] R.L. 428 (C.A.) ; Guilde des musiciens de Montréal c. Entreprises Gesser inc., 1988 CanLII 426 (Qc C.A.) ; Com. 12 juill. 2011, no 10-21377 ; Civ. 1re, 20 janv. 1970, Bull. civ. I, no 24.
-
[30]
Le droit de la consommation français interdit à raison les dispositions contractuelles qui accordent à un professionnel le « droit exclusif » d’interpréter une clause du contrat : C. consom., art. R132-1, 4o, conformément au Décret no 2009-302 du 18 mars 2009 portant application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, J.O. 20 mars 2009, p. 5030. En droit commun, cf. François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil. Les obligations, 11e éd., Paris, Dalloz, 2013, p. 496.
-
[31]
« [E]ncore aurait-il fallu que l’appelante, qui en avait le fardeau, établisse ce qu’était la véritable intention des parties, qui ne peut être que leur intention commune. Or, elle ne réussit pas à faire cette preuve de manière prépondérante. En effet, les parties ont peut-être toutes commis une erreur ou une autre, mais cela ne nous dit pas ce sur quoi elles se seraient entendues. Il faut alors, et c’est la seule solution possible en pareil cas, s’en remettre au texte de la clause, qui est clair et qui sera tenu pour refléter la commune intention des parties » : Coopérative fédérée de Québec (La coop fédérée) c. Rémillard, 2009 QCCA 73, par. 8 ; à rapprocher des affaires suivantes : Groupe Renaud-Bray inc. c. Innovation FGF inc., préc., note 29 ; Straka c. Perrette Dairy Ltd., préc., note 29 ; Romanesky c. Romanesky, [1989] R.D.I. 636 (C.A.) ; Guilde des musiciens de Montréal c. Entreprises Gesser inc., préc., note 29 ; Com. 12 juill. 2011, préc., note 29 ; Civ. 1re, 20 janv. 1970, Bull. civ. I, no 24. Dans une autre décision, la Cour d’appel rappelle « la règle de la primauté de la volonté réelle sur la volonté exprimée », tout en concédant que cette règle ne saurait être « absolue » : Coderre c. Coderre, 2008 QCCA 888, par. 97.
-
[32]
Au sujet de l’incidence, en droit québécois, des règles de preuve (art. 2863-2865 C.c.Q.) dans le cadre de la détermination de l’intention commune des parties, lire entre autres : Groupe Renaud-Bray inc. c. Innovation FGF inc., préc., note 29 ; Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES inc., préc., note 28, par. 33 et 49 ; Francoeur c. 4417186 Canada inc., 2013 QCCA 191, J.E. 2013-285 (C.A.), par. 114-117 ; AbitibiBowater inc. (Arrangement relatif à), 2012 QCCS 165 (jugement porté en appel) ; Coopérative fédérée de Québec (la coop fédérée) c. Rémillard, préc., note 31 ; Ateliers d’arts sylvestres inc. c. Industries Procam inc., 2004 CanLII 46171 (Qc C.S.) ; Alexis Nihon Compagnie c. Dupuis, [1960] R.C.S. 53. Comparer toutefois : Atwater Badminton and Squash Club inc. c. Morgan, préc., note 28 ; Placements Suclo ltée c. Métro Richelieu inc., 2012 QCCA 1929. Comme l’exposent avec finesse des auteurs québécois dans un passage repris volontiers par la Cour d’appel dans l’affaire Sobeys, préc., note 28, par. 55, « [en] rapprochant l’article 1425 C.c.Q. des règles du droit de la preuve, on constate que la loi cherche un point d’équilibre entre la volonté déclarée et la volonté réelle, plus qu’elle n’établit la prédominance de l’une sur l’autre » : J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, préc., note 3, p. 401. Comparer, en droit français, Jacques Ghestin, Christophe Jamin et Marc Billiau, Traité de droit civil. Les effets du contrat, 3e éd., Paris, L.G.D.J., 2001, p. 40 et 41.
-
[33]
Voir les illustrations données tant en droit comparé européen qu’en matière de projets de codification de principes contractuels par C. Grimaldi, préc., note 28, p. 208 et 209. Cf. encore Sébastien Milleville, « L’interprétation des contrats dans la proposition de règlement relative au droit commun européen de la vente », L.P.A. 2013.256.35, 35 et 37.
-
[34]
J. Carbonnier, préc., note 3, p. 277 ; P. Simler, préc., note 10, no 24 ; Hervé Trofimoff, « Les sources doctrinales de l’ordre de présentation des articles 1156 à 1164 du Code civil sur l’interprétation des contrats », Rev. hist. dr. 1994.203, 205. Pour paraphraser un grand civiliste, l’on touche ici l’« autre versant » de l’autonomie de la volonté, « non la toute-puissance de la volonté des parties, mais la nécessité d’en respecter l’intégrité » : Rémy Libchaber, « Réflexions sur les effets du contrat », dans Propos sur les obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit. Mélanges offerts à Jean-Luc Aubert, Paris, Dalloz, 2005, p. 211, à la page 218.
-
[35]
J. Carbonnier, préc., note 3, p. 278. Comme le souligne habilement la professeure Muriel Fabre-Magnan, Droit des obligations, t. 1 « Contrat et engagement unilatéral », 3e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2012, p. 512, « dans la mesure où la volonté interne est la source et la mesure de l’engagement des parties, c’est elle qu’il faut prioritairement analyser pour interpréter le contrat » ; J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, préc., note 3, p. 400. La jurisprudence raisonne parfois à l’identique : A. Bénabent, préc., note 9, p. 211.
-
[36]
Jacques Flour, Jean-Luc Aubert et Éric Savaux, Les obligations, t. 1 « L’acte juridique », 16e éd., Paris, Sirey, 2014, p. 414.
-
[37]
En témoigne la jurisprudence de la Cour d’appel du Québec (cf. l’affaire Sobeys, préc., note 28, et analysée infra, p. 651 et 652), tout comme celle de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES inc., préc., note 28, par. 28, 32, 52 et, au par. 48 :
[L’article] 1425 […] permet non seulement de rechercher quelle est l’intention des parties mais également où elle réside. Fréquemment, il s’agira de dégager, grâce à l’emploi de diverses techniques d’interprétation, la signification de mots ou d’expressions dans un acte afin, au besoin, de combler des vides dans le texte ou de retrouver dans celui-ci des contenus parfois bien dissimulés.
Voir encore : Société immobilière Lyndalex inc. c. 9222-9863 Québec inc., 2014 QCCS 1423 ; Lachance c. Agence du revenu du Québec, 2012 QCCQ 10179.
-
[38]
Civ. 1re, 4 juin 2002, Bull. civ. I, no 159 : « Le caractère consensuel d’un contrat n’impose pas que les volontés contractuelles soient formulées de manière expresse » ; Civ. 3e, 8 oct. 1974, D. 1975.189.
-
[39]
Commission des normes du travail c. IEC Holden inc., préc., note 28, par. 28-30 ; Entreprises Mière inc. (Syndic de), 2012 QCCA 176, [2012] R.J.Q. 166 (C.A.) ; Voca-Tel Communications inc. c. Vidéotron ltée, J.E. 2005-2159 (C.S.) ; Carignan c. La Visitation de Champlain (Corp. municipale de la paroisse de), J.E. 97-60 (C.A.).
-
[40]
La détermination des suites du contrat d’après sa nature « enracine le contenu contractuel dans le terreau subjectif de la volonté des parties » : Dominique Fenouillet, « Les effets du contrat entre les parties : ni révolution, ni conservation, mais un “entre-deux” perfectible », R.D.C. 2006.67, 82.
-
[41]
C.c.Q., art. 1426 (l’italique est de nous).
-
[42]
Voir les autorités françaises et québécoises analysées dans deux arrêts de principe : Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26 ; Dufort c. Dufresne, [1923] R.C.S. 126. Voir aussi Re/Max Alliance inc. c. Nardelli, 2013 QCCQ 5524 ; Lachance c. Agence du revenu du Québec, préc., note 37, par. 157 et 158 ; Distributeur Tapico ltée c. Habitations de la SHAPEM, 2008 QCCQ 10922 ; Imperial Tobacco Canada ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2006 QCCQ 8273 ; Agropur Coopérative c. Cegerco constructeur inc., 2005 CanLII 32078 (Qc C.S.) ; Prudentielle d’Angleterre, compagnie d’assurances générales (Canada) c. Québec (Procureur général), [1994] R.J.Q. 1730 (C.Q.) ; Archambault c. Carbonneau, [1944] R.L. 361 (C.S.) ; François Gendron, L’interprétation des contrats, Montréal, Wilson & Lafleur, 2002, p. 97 et 98.
-
[43]
T.S.C.O. of Canada ltée c. Châteauneuf, [1995] R.J.Q. 637 (C.A.) ; Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26. Au même effet sous l’empire du Code civil du Québec : Billards Dooly’s inc c. Entreprises Prébour ltée, 2014 QCCA 842, par. 72 (le comportement des parties acquiert une portée « critique » en présence d’un doute au sujet de l’interprétation de l’accord) ; Re/Max Alliance inc. c. Nardelli, préc., note 42 ; Pépin c. Pépin, 2012 QCCA 1661, J.E. 2012-1877, par. 100 (C.A.) ; Universal Commerce & Marketing c. 9049-1648 Québec inc., 2008 QCCQ 5488, J.E. 2008-1499 (C.Q.) ; Distributeur Tapico ltée c. Habitations de la SHAPEM, préc., note 42 ; Imperial Tobacco Canada ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), préc., note 42.
-
[44]
Cicéron utilise comme repère interprétatif le début d’exécution donné à la convention : H. Trofimoff, préc., note 34, p. 217.
-
[45]
C. Atias, préc., note 18, p. 2289.
-
[46]
Sobeys, préc., note 28, par. 93. Voir également : Miller c. Marinakis, 2015 QCCA 311 ; Francoeur c. 4417186 Canada inc., préc., note 32, par. 119 ; Syndicat des copropriétaires de Saint-Mathieu enr. c. 3096-0876 Québec Inc., [2004] R.D.I. 259 (C.A.) ; Productions Mark Blandford inc. c. Caisse populaire St-Louis de France, [2000] R.J.Q. 1696 (C.A.). Les tribunaux y voient un élément « extrêmement important », voire l’« un des meilleurs moyens d’interprétation » destinés à favoriser la recherche de l’intention des parties à l’égard de leur contrat : Bastien c. Beaulac, J.E. 2000-1963 (C.S.).
-
[47]
L’avant-projet Catala se sera proposé de codifier cette règle interprétative en France : « Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le lieu où le contrat est passé et par la pratique des parties. » Pierre Catala, Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, Paris, La Documentation française, 2006, art. 1139-3, p. 100 (l’italique est de nous). L’à-propos de l’étude de la conduite postérieure des parties est acquis en droit français : Civ. 1re, 26 janv. 2012, Bull. civ. I, no 13, Defrénois 2012.700, 704, note M.L., Defrénois 2012.313, note Dagorne-Labbe, R.T.D. civ. 2012.119, obs. Fages ; Civ. 1re, 9 nov. 1993, Bull. I, no 317, R.T.D. civ. 1994.595, obs. Mestre ; Civ. 1re, 18 févr. 1992, no 90-17694 analysé plus bas : voir infra, p. 655 et 656 ; Com. 23 juin 1998 (abordé plus bas : voir infra, p. 641) ; Civ. 3e, 5 févr. 1971, D. 1971.281 ; Civ. 1re, 7 mai 1956, Bull. civ. I, no 179.
-
[48]
L’étude du comportement ultérieur des parties est privilégiée dans la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internatinale de marchandises, 11 avril 1980, (1988) 1489 R.T.N.U. 3 (ci-après « CVIM »), les principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, [En ligne], [www.unidroit.org] (10 novembre 2015) ainsi que les Principes du droit européen du contrat, [En ligne], [www.legiscompare.fr/site-web/IMG/pdf/Textes_proposes_synthese.pdf] (10 novembre 2015). Voir Bénédicte Fauvarque-Cosson, « L’interprétation du contrat : observations comparatives », R.D.C. 2007.481, 485 et 489.
-
[49]
Sobeys, préc., note 28, par. 93.
-
[50]
Pomerlim, s.e.c. c. Société immobilière du Québec, 2010 QCCA 127.
-
[51]
Holcim (Canada inc.), division Joliette c. Lauzon, 2014 QCCS 5270, par. 60 ; Vachon c. Carrier, J.E. 2012-1013, par. 36 (C.A.) ; Daigneault (Robert Daigneault, cabinet d’avocats) c. Caron, 2012 QCCQ 4999, J.E. 2012-1395, par. 68 (C.Q.) ; Union canadienne, compagnie d’assurances c. Quintal, 2010 QCCA 921, [2010] R.J.Q. 1090, par. 47-51 (C.A.).
-
[52]
Banque nationale du Canada c. Lemay, 2008 QCCA 1, [2008] R.J.Q. 127, par. 34 (C.A. ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée). Voir encore l’affaire R.-A.A. c. C.D., 2005 QCCA 1048, [2005] R.D.F. 751, J.E. 2005-2110, par. 50 (C.A.) : « Pour conclure à renonciation il faut une expression de volonté indubitable. » L’acte abdicatif doit présenter les mêmes qualités en droit français : Dimitri Houtcieff, « Renonciation », Rép. civ. 2012, no 62 ; Civ. 1re, 18 déc. 2014, L’essentiel droit des contrats, 5 févr. 2015, no 2, obs. Latina ; Civ. 3e, 5 avr. 2011, A.J.D.I. 2011.706 ; Civ. 3e, 13 juill. 2011, A.J.D.I. 2011.800 ; Civ 3e, 17 janv. 2006, no 04-19787 ; Civ. 1re, 3 déc. 2002, no 00-11264 ; Civ. 2e, 1er déc. 1993, Bull. civ. II, no 347.
-
[53]
Gilda Nicolau, « L’équivoque entre vice et vertu », R.T.D. civ. 1996.57, 68.
-
[54]
Voir les précisions plus bas : infra, p. 659 à 665.
-
[55]
Cette jurisprudence est analysée dans les pages suivantes.
-
[56]
Mazzarolo c. BMO Nesbitt Burns ltée, 2013 QCCA 245, J.E. 2013-373 (C.A. ; obiter), par. 94-105 ; Beauregard c. Plante, 2007 QCCA 1441, J.E. 2007-2100 (C.A.) ; Durepos c. Pakua Shipi Construction inc., 2006 QCCQ 6715, J.E. 2006-1566 (C.Q.) ; Équipements G.N. Johnston ltée c. 9130-2166 Québec inc., 2006 QCCQ 367, [2006] J.Q. no 576 (C.Q.) ; 161921 Canada inc. c. Dynagest inc., J.E. 97-4 (C.S.) ; Taillefer c. Services immobiliers Syst-M.A. Réal inc., [1991] R.J.Q. 1708, 1711 (pourvoi rejeté sur requête par la Cour d’appel le 12 août 1992, no 500-09-000964-916) ; Frenette & Frères ltée c. Flamidor Corp., J.E. 79-815 (C.A.) ; Empire Shirt Mfg. Co. Ltd. c. Corporation de la ville de Louiseville, [1975] C.S. 188 (pourvoi rejeté par la Cour d’appel le 23 août 1977) ; Vézina c. Morneau, [1977] C.S. 668 ; Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd. par Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 766 ; V. Karim, préc., note 9, p. 227 ; Claude Fabien, Les règles du mandat, Montréal, Répertoire de droit, 1987, p. 275 ; Ass. plén. 22 avr. 2011, Bull. civ. no 4 ; Com. 15 sept. 2009, no 08-13282 ; Civ. 1re, 17 mai 1993, D. 1994.25, note Paisant, Defrénois 1993.1077, obs. Champenois, J.C.P. 1993.IV.1788 ; Civ. 1re, 16 oct. 1990, no 88-20419 :
Mais attendu, d’une part, que les juges du fond ont constaté que M. René X… avait dépassé le pouvoir, qui lui avait été donné par son frère, d’acquérir un terrain, en convenant avec le vendeur de grever le fonds acquis d’une servitude de passage au profit d’un terrain voisin dont le vendeur était propriétaire ; que, d’autre part, ayant relevé que M. Paul X… n’avait jamais émis la moindre contestation, tant sur le contenu de l’acte que sur l’existence de fait du passage sur sa propriété, pendant dix-sept ans après l’acquisition du terrain, soit jusqu’en 1984, époque à laquelle il a barré le passage avec une chaîne, ils ont pu estimer que, par ce silence prolongé devant une situation parfaitement connue de lui dès l’origine, M. Paul X… avait ratifié tacitement ce qui avait été fait au-delà du mandat qu’il avait donné à son frère ; d’où il suit qu’en aucune de ses branches, le moyen n’est fondé.
Com. 9 déc. 1986, J.C.P. 1988.II.20918, obs. Croze ; Com. 22 juill. 1986, R.T.D. civ. 1987.304, obs. Mestre ; Civ. 1re, 21 mars 1984, Defrénois 1984.1498, obs. Champenois ; Colmar, 30 juin 1982, Banque 1982.1262, note Martin ; Civ. 3e, 2 mai 1978, Bull. civ. III, no 173 ; Req. 13 juin 1936, D.H. 1936.393, S. 1936.1.388 ; Req. 21 déc. 1885, S. 1887.1.375 ; Req. 4 juin 1872, S. 1872.I.295 ; D.1872.I.441 ; Rouen, 3 juill. 1846, D. 1846.II.201 ; Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Pierre-Yves Gautier, Droit civil. Les contrats spéciaux, 7e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 309 et 310 ; Michel Périer, « L’éloge du silence », Gaz. Pal. 2010.I.2709, 2113 ; Philippe le Tourneau, « Gestion d’affaires », Rép. civ. 2008, no 96 ; René de Quenaudon, « Mandat. Obligations du mandataire et du mandant. Effets à l’égard des tiers », J.-Cl. C. Civ., art. 1991 à 2002, fasc. 20, no 47 ; Georges Ripert et René Roblot, Traité de droit commercial, t. 2 « Effets de commerce. Banque et Bourse. Contrats commerciaux. Procédures collectives », 16e éd. par. Philippe Delebecque et Michel Germain, Paris, L.G.D.J., 2000, p. 359 ; Bernard Vareille, Volonté, rapport et réduction, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 265.
-
[57]
Le silence n’emporte aucune conclusion obligatoire et il ne saurait, à tout coup, valoir ratification tacite : Association de bienfaisance et de retraite des policiers et des policières de la ville de Montréal c. Pelletier, 2012 QCCQ 7841, J.E. 2012-2075 (C.Q.) ; Financière Banque nationale inc. c. Dussault, 2009 QCCA 1594, [2009] R.R.A. 943, par. 43-52 ; Financière Banque nationale c. Canonne, 2008 QCCA 2020, [2008] R.R.A. 921, par. 10 :
Les appelants soulignent, à juste titre, que les relevés de compte mensuels indiquent tout de même clairement, en chiffres et en pourcentages, la répartition de l’actif du portefeuille ; selon eux, l’intimée ne pouvait pas ignorer qu’à compter de 1998 le pourcentage de son portefeuille consacré à des titres de participation et fonds d’action franchissait la barre des 70 p. 100 (de fait, il aura atteint plus de 90 p. 100 quand l’intimée décidera de mettre fin à sa relation d’affaires avec les appelants). L’argument n’est pas sans mérite, mais il fait abstraction des autres éléments de preuve dont le jugement fait état et qui, de toute évidence, aux yeux du juge de première instance, expliquent l’inaction de l’intimée (ses connaissances limitées en matière d’investissement, sa charge de travail intense à l’université, son état de santé vacillant, surtout à compter de 1994,…). Ici encore, il s’agit essentiellement d’une question de fait et les appelants ne font pas voir d’erreur manifeste et dominante justifiant l’intervention de la Cour. ».
Ronsco inc. c. Bumar Foreign Trade Enterprise Ltd., J.E. 95-927 (C.S.) ; Magazines Publicor Canada inc. c. Slide Sportswear inc., [1994] R.J.Q. 412 (C.S. ; pourvoi rejeté par la Cour d’appel le 23 février 1998) ; Transport Sourock ltée (Syndic de) c. Groupe Canam Manaq, J.E. 89-871 (C.A.) ; Civ. 3e, 23 juin 2004, no 03-11311 ; Com. 12 janv. 1999, J.C.P. 1999.15.II.10070, note Petit, D. 2000.239, note Fiorina ; Com. 13 juin 1995, Bull. civ. IV, no 173, D. 1996.71, note Najjar, J.C.P. 1995.40.II.22501, note Storck ; Michel Storck, « Sociétés de gestion de portefeuille. Agrément. Mandats de gestion de portefeuille », J.-Cl. Sociétés, fasc. 2210, no 87.
-
[58]
Frédéric Zenati-Castaing et Thierry Revet, Cours de droit civil. Contrats, Paris, Presses universitaires de France, 2014, p. 272 et 273 ; A. Bénabent, préc., note 9, p. 213 ; F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, préc., note 30, p. 499 et 509 ; H. Trofimoff, préc., note 34, p. 204 ; Weston White c. Aladdin Estimation inc, 2010 QCCS 3294, par. 49 ; Com. 18 oct. 2011, no 10-26313 à propos de l’article 1161 C. civ., et, au sujet de l’article 1160 C. civ., Com. 7 juin 2006, no 03-12659, de même que Civ. 1re, 9 avr. 1991, no 90-10822. Au Québec, le défaut de suivre les règles d’interprétation applicables justifie occasionnellement l’intervention de la Cour d’appel : Gahel c. Chagnon, 2014 QCCA 1997, par. 26 ; Société de gestion immobilière Healthcare ltée c. Gestion Placimo inc., 2012 QCCA 1121 ; D. Lluelles et B. Moore, préc., note 9, p. 962 (par. 1738) ; voir aussi les nuances formulées dans les arrêts Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, une division de Kruger inc., 2015 QCCA 365 ainsi que Compagnie de chemin de fer du littoral nord de Québec et du Labrador inc. c. Sodexho Québec ltée, 2010 QCCA 2408, J.E. 2011-95. La volonté de la Cour de cassation de s’en tenir à un contrôle de la dénaturation des contrats clairs et précis ne l’empêche toutefois pas de sanctionner parfois l’usage d’une méthode d’interprétation contraire à celle prescrite par le législateur : Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck, Les obligations, 6e éd., Paris, L.G.D.J., 2013, p. 383. Il nous semble avéré que la remise en cause du caractère prioritaire de la recherche de la volonté commune devrait être sanctionnée, tant en France qu’au Québec. Nous nous en expliquons plus bas : voir infra, p. 668 à 671. Cf. aussi : P. Simler, préc., note 10, no 38 ; J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, préc., note 32, p. 49-53 ; Reims, 7 janv. 2004, R.D.C. 2004.933, de pair avec la note pénétrante de P. Stoffel-Munck ; Aix-en-Provence, 26 juin 2002, J.C.P. 2004.7.II.10022, note Egea. Voir, en sens contraire, l’arrêt Civ. 1re, 19 déc. 1995, Bull. civ. I, no 466.
-
[59]
Civ. 1re, 10 sept. 2014, R.G.D.A. 2014.514, obs. Asselain ; Civ. 3e, 7 sept. 2014, Defrénois 2014.1023, obs. Seube ; Civ. 1re, 13 déc. 2012, Contrats con. consom., 2013, no 131 ; Civ. 1re, 13 déc. 2012, R.G.D.A. 2013.362, note Bruschi ; F. Zenati-Castaing et T. Revet, préc., note 58, p. 272 ; Philippe Malinvaud, Dominique Fenouillet et Mustapha Mekki, Droit des obligations, 13e éd., Paris, LexisNexis, 2014, p. 324 : « Une clause claire et précise s’applique, elle ne s’interprète pas, même pour des motifs d’équité » ; C. Larroumet et S. Bros, préc., note 9, p. 123. D’ailleurs, le principe selon lequel « on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation » est proclamé dans le projet de réforme déposé en 2015 par le ministère de la Justice de la République française (Projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, art. 1189). Il est toutefois de mise de convenir que la clarté ne rime pas forcément avec l’exactitude. Pour peu qu’il se conforme aux rigueurs du droit de la preuve (cf. supra, note 32), l’interprète regagne alors tous ses droits. Ainsi doivent s’entendre, en droit québécois, l’arrêt de principe rendu dans l’affaire Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES, préc., note 28, la jurisprudence accompagnant la note 37, de même que l’affaire Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, une division de Kruger inc., préc., note 58, par. 18 ; Neartic Nickel Mines inc. c. Canadian Royalties inc., 2012 QCCA 385, par. 73-75 ; Services Techniques BIC inc. c. Quanta Système inc., 2006 QCCS 3520, par. 41. Sur les accents philosophiques de cette question, voir l’étude aussi nuancée que pénétrante de Patrick Wachsmann, « La volonté de l’interprète », Droits 1998.29.
-
[60]
Sur le principe et ses nuances, voir Henri Capitant, François Terré et Yves Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2 « Obligations. Contrats spéciaux. Sûretés », 12e éd., Paris, Dalloz, 2008, p. 153-161.
-
[61]
Id., p. 158.
-
[62]
Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, une division de Kruger inc., préc., note 58, par. 16 et 17 ; Gahel c. Chagnon, préc., note 58 ; Société en commandite de Copenhague c. Corporation Corbec, 2014 QCCA 439, par. 18-21. Le droit québécois et le droit français s’apparentent en la matière. Primo, le juge du fond, québécois comme français, ne pourrait transgresser un écrit limpide ou un texte à la portée inéluctable : « Nul n’ignore que le pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond trouve une limite en présence d’une convention dont les termes sont clairs et précis » (Gaël Chantepie, « L’exigence de clarté dans la rédaction du contrat », R.D.C. 2012.989, 990, ainsi que les pages 1007 et 1008) ; Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826, par. 46 ; Importations de chaussures Vulcano ltée c. Garderie À moi mes enfants inc., 2014 QCCA 1225 ; Bisignano c. Système électronique Rayco ltée, 2014 QCCA 292 ; Messageries de presse Benjamin inc. c. Publications TVA inc., 2007 QCCA 75). Secundo, le juge du fond ne saurait faire fi de l’ambiguïté apparente des stipulations contractuelles. Ainsi, une cour d’appel française concluant erronément à la clarté d’un contrat comportant une ambiguïté apparente verra sa décision invalidée par la Cour de cassation : Com. 7 janv. 1975, D. 1975.516, note Malaurie et, par analogie, Civ. 1re, 6 juill. 2000, no 97-19335. Tertio, il est interdit au juge des faits de se satisfaire de l’ambiguïté d’une stipulation pour refuser de lui donner effet. Encore doit-il tenter de cerner la volonté commune des parties : Société de gestion immobilière Healthcare ltée c. Gestion Placimo inc., préc., note 58.
-
[63]
Approche sécurisante des polytoxicomanes anonymes ASPA c. Bergeron, 2010 QCCA 2369 ; Banque de Montréal c. Cinémas Guzzo inc., J.E. 2005-1, par. 8 (C.A.).
-
[64]
« Il ne s’agit pas simplement de démontrer qu’une autre interprétation aurait pu être donnée à la clause faisant l’objet du litige » : 3879607 Canada inc. c. Hôtel Cadim (Godin) inc., 2012 QCCA 792, par. 6. Voir encore : Cloutier c. Familiprix inc., 2014 QCCA 1959 ; Compagnie de chemin de fer du littoral nord de Québec et du Labrador inc. c. Sodexho Québec ltée, préc., note 58, par. 81 (C.A. ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée) ; Banque de Montréal c. Cinémas Guzzo inc., préc., note 63, par. 8.
-
[65]
P. Malinvaud, D. Fenouillet et M. Mekki, préc., note 59, p. 325 ; D. Lluelles et B. Moore, préc., note 9, p. 962 (par. 1738) ; M. Fabre-Magnan, préc., note 35, p. 516 et 517 ; Miller c. Marinakis, préc., note 46 ; Gahel c. Chagnon, préc., note 58 ; Compagnie de chemin de fer du littoral nord de Québec et du Labrador inc. c. Sodexho Québec ltée, préc., note 58, par. 81 et au par. 211 :
Sauf une erreur, qui serait de droit, dans l’identification des règles interprétatives applicables, leur sens ou leur portée, l’interprétation d’une disposition contractuelle, qui repose sur la recherche de l’intention commune et véritable des parties, est une question de fait : il s’agit de découvrir, à travers le texte du contrat et à travers la preuve qui peut être administrée par ailleurs (par exemple sur les circonstances de sa conclusion ou le comportement des parties pendant le contrat) ce que voulaient les contractants. La conclusion du juge de première instance en pareille matière ne saurait donc être révisée à moins que la démonstration ne soit faite d’une erreur manifeste et dominante.
Ce passage a été repris dans l’arrêt Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, une division de Kruger inc., préc., note 58, par. 13.
-
[66]
Civ. 1re, 26 janv. 2012, Defrénois 2012.313, note Dagorne-Labbe ; Defrénois 2012.285, obs. Beignier ; R.D.C. 2012.819, obs. Libchaber, Defrénois 2012.704, obs. M.L., R.T.D. civ. 2012.119, obs Fages ; Civ. 3e, 13 mai 1980, G.P. 1980.II.Pan.422 ; Civ. 1re, 25 févr. 1963, Bull. civ. I, no 120 (dans un passage cité plus bas : voir infra, p. 654) ; Holcim (Canada inc.), division Joliette c. Lauzon, 2014 QCCS 5270, ainsi que les motifs du juge Anglin dans l’arrêt inédit Rainboth c. O’Brien, Cour suprême du Canada, 2 mai 1916 (requête en autorisation de pourvoi au Conseil privé rejetée). Voir aussi, par analogie, les autorités citées plus haut : supra, notes 63 et 64.
-
[67]
Camping Normand inc. c. Croteau, 2013 QCCQ 1727, J.E. 2013-717 (C.Q.) ; Nikolis c. Construction Thathion inc., 2012 QCCQ 3895, J.E. 2012-1357 (C.Q.) ; Pedneault c. Syndicat des copropriétaires du Domaine du barrage, 2012 QCCS 118, J.E. 2012-356 (C.S. ; pourvoi rejeté sur requête par la Cour d’appel : AZ-51050457) ; 9201-0958 Québec inc. (Gestion Renéco) c. René Corriveau & Fils inc., préc., note 7 ; 3743781 Canada inc. c. Multi-marques inc., 2009 QCCS 3663, par. 106 ; MCA Valeurs mobilières inc. c. Vaugeois, 2009 QCCQ 14906, par. 117-125 ; Hagens c. Syscan international inc., 2008 QCCS 4779, J.E. 2008-2059 (C.S.) ; Charbonneau c. J.P. Mallette et associés inc., 2008 QCCS 268, (en appel : J.P. Mallette et Associés c. Charbonneau, 2009 QCCA 2304) ; Pause café charmand inc. c. Second Investment inc., 2005 CanLII 46234 (Qc C.S.) ; Kourouklis c. Kakoulias-Kourouklis, J.E. 2003-1076, par. 105, 108 et 115 (C.S.) ; 147564 Canada inc. c. Restaurants Mikes inc., 2003 CanLII 13144 (Qc C.S.) ; A. & F. Investments inc. c. Charbonneau, J.E. 2000-2270 (C.Q.) ; Veronneau c. IBIS Investeringen S.A., J.E. 2000-1907 (C.S.) ; Société immobilière L.G.J. Poulin, société en nom collectif c. Centre de location Anjou inc., J.E. 99-672 (C.S.) ; Club de voyages Aventure (groupe) inc. c. Club de voyages Aventure inc., J.E. 97-2039 (C.S.) ; 2842-3812 Québec inc. c. Brasserie Vincent de Laval inc., J.E. 96-2266 (C.S.) ; Miller c. Syndicat des copropriétaires de « Les Résidences Sébastopole Centre », J.E. 96-1044 (C.S.) ; Office municipal d’habitation de Sept-Îles c. Hounsell, J.E. 95-2184 (C.Q.) ; Office municipal d’habitation de Dégelis c. Lebrun, [1994] J.L. 127 (C.Q.) ; Cerundolo c. Val-Barette (Corp. municipale de), [1986] R.D.I. 796 (C.A.) ; Shaposnick c. Workman, [1947] R.L. 385 (C.A.) ; Uravitch c. Morrison, [1938] 76 C.S. 570 ; Civ. 3e, 22 janv. 2014, préc., note 7 ; Civ. 3e, 5 mars 2013, A.J.D.I. 2013.672, obs. Zalewski-Sicard, Defrénois 2013.322 ; Soc. 13 oct. 2011, no 09-66991 ; Civ. 3e, 13 juill. 2011, préc., note 52 ; Lyon, 7 mai 2009 : Juris-Data no 013008 ; Rennes, 18 janv. 2006, J.C.P. 2006.IV.2488 ; Juris-Data : no 298226 ; Civ. 3e, 10 nov. 1992, no 91-10089 ; Civ. 3e, 18 févr. 1987, D. 1987.IR.45 ; Civ. 3e, 5 mars 1971, Bull. civ. III, no 175 ; Soc. 7 mars 1957, D.1957.Som.107. De la même manière, le comportement des parties n’est pas de nature à entraîner la suppression d’une clause limpide : Civ. 3e, 7 sept. 2014, préc., note 59 ; Civ. 3e, 22 janv. 2014, préc., note 7 ; Civ. 1re, 10 avr. 2013, no 12-11725 ; en droit québécois : Montréal (ville de) c. Environnement Routier NJR inc., 2011 QCCA 1251 (C.A. ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée) ; MCA Valeurs mobilières inc. c. Vaugeois, préc., note 67 ; 147564 Canada inc. c. Restaurants Mikes inc., préc., note 67 ; Grzywacz c. Robin Palin Public Relation inc., J.E. 2001-732 (C.Q.) ; Guilde des musiciens de Montréal c. Entreprises Gesser inc., préc., note 29.
-
[68]
Rouge Resto-Bar inc. c. Zoom Médial inc., 2013 QCCA 443, J.E. 2013-526 (C.A.), par. 79 ; Francoeur c. 4417186 Canada inc., préc., note 32 ; Déjà Musique inc. c. Raymond, 2012 QCCS 7, J.E. 2012-439 (C.S.) ; Lachance c. Agence du revenu du Québec, préc., note 37 ; Croisières Lachance inc. c. Corporation du Havre de Berthier-sur-Mer, 2011 QCCS 3902, J.E. 2011-1779 (C.S.) ; Hodge Street Developments Inc. c. Groupe Publi-Saturn II inc., 2006 QCCQ 12287 ; Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26 ; J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, préc., note 32, p. 51.
-
[69]
De l’équivoque jaillit le doute. « Le doute […] peut être tour à tour présenté comme une conséquence de l’équivoque ou comme son versant subjectif » : G. Nicolau, préc., note 53, 59.
-
[70]
Jean-Jacques Bienvenu, « De la volonté interne à la volonté déclarée : un moment de la doctrine française », Droits 1998.3, 10 et 11. Adde. V. Karim, préc., note 9, p. 565.
-
[71]
Newad Media inc. c. Red Cat Media inc., 2013 QCCA 129, J.E. 2013-225 (C.A.), par. 25. À rapprocher de l’article 1431 C.c.Q.
-
[72]
Bertrand Fages, Le comportement du contractant, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1997, p. 101.
-
[73]
Windsor (Ville de) c. 2536-6543 Québec inc., 2010 QCCS 5418, J.E. 2010-2044 (C.S.) ; Paris, 5 nov. 2003 : Juris-Data no 229641 ; Com. 25 juin 1991, Defrénois 1992, p. 316, note Aubert ; Versailles, 25 févr. 1987, G.P. 1987.II.Som.393, Paris, 31 oct. 1980, tel que résumé par R. Juan, « Contrats. Vente commerciale. Obligations de l’acheteur. Paiement du prix », J.-Cl. Contrats-distribution, fasc. 350, no 26 ; Orléans, 18 janv. 1960, D.1960.Som.87 ; Civ. 2e, 6 mai 1954, Bull. civ. II, no 165 ; Com. 7 nov. 1950, Bull. civ. II, no 321. Le silence de la partie est donc susceptible d’attester son adhésion à l’interprétation exposée par le cocontractant. S’il n’en est rien, la partie qui se garde de détromper son cocontractant pourrait, à la rigueur, engager sa responsabilité civile. Tout est évidemment fonction des circonstances. Voir, à titre d’exemple, l’illustration fort opportune donnée par la Cour de cassation : Com. 23 juin 1998, Droit et patrimoine 1999.93, obs. Chauvel. Une partie fait connaître par écrit sa perception selon laquelle la nouvelle convention conclue n’exclut pas l’indemnité en cas de résiliation prévue dans leurs accords antérieurs. La Cour de cassation est d’avis que la Cour d’appel a pu estimer à bon droit « que la société Honda, en s’abstenant de démentir l’interprétation du contrat donnée par le concessionnaire, avait commis une faute ».
-
[74]
Il s’agit là, tout au plus, d’une question de fait. Le silence ne possède pas de signification invariable. Voir nos explications plus haut (supra, notes 56, 57 et 66),et plus bas (infra, note 105) de même que les pages 649 à 651.
-
[75]
Paris, 25 nov. 1952, D. 1953.43.
-
[76]
Civ. 1re, 26 févr. 1991, Juris-Data no 000565.
-
[77]
Civ. 1re, 26 janv. 2012, préc., note 47, Defrénois 2012.704, note M.L., Defrénois 2012.313, note Dagorne-Labbe, R.T.D. civ. 2012.119, obs. Fages, Defrénois 2012.285, obs. Beignier.
-
[78]
Soc. 7 juin 1961, G.P. 1961.II.115 ; Com. 11 oct. 1961, Bull. civ. III, no 355 ; Soc. 28 mars 1957, Bull. civ. IV, no 374 ; Soc. 14 déc. 1956, D. 1957.Som.95. Cette jurisprudence est analysée plus bas : voir infra, p. 656 et 657. La portée d’une servitude conventionnelle peut pareillement s’éclairer grâce au défaut de protestation du propriétaire à propos de l’usage en présence : Breton c. Hébert, [1998] R.D.I. 209, J.E. 98-1156 (C.A.).
-
[79]
Anne Etienney, La durée de la prestation. Essai sur le temps dans l’obligation, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 19 : entre autres preuves de la perméabilité des jalons chronologiques du contrat figurent « l’examen de la licéité d’une clause à l’aune de l’obligation d’exécuter de bonne foi et […] la migration de la question de la détermination unilatérale du prix du domaine de la formation du contrat à celui de son exécution ».
-
[80]
Outre les décisions analysées plus bas (infra, notes 81-87), voir : Déjà Musique inc. c. Raymond, préc., note 68 ; Universal Commerce & Marketing c. 9049-1648 Québec inc., préc., note 43 ; D.M. c. L.G., [2006] R.D.F. 404, J.E. 2006-949 (C.S.), par. 60 et 61 ; Entreprise Gilles Cyrenne inc. c. André Cyrenne inc., J.E. 2002-1929 (C.S.) ; Longhi c. Centre éducatif Chante plume, J.E. 99-1617 (C.Q.) ; Trottier c. 2172-0644 Québec inc., J.E. 99-1834 (C.S.) ; Droit de la famille – 1998, [1994] R.D.F. 431, J.E. 94-1022 (C.A.) ; Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26 ; Civ. 1re, 30 mars 1994, préc., note 8 ; Civ. 1re, 25 févr. 1963, préc., note 66.
-
[81]
Civ. 3e, 13 mai 1980, préc., note 66. La Cour notera, du reste, que le locataire payait au propriétaire un loyer inférieur de plus de moitié à celui de la sous-location. Cette donnée et l’absence prolongée de réclamation de la part du locataire sont autant d’éléments factuels destinés à illustrer la portée de la mention contractuelle « toutes charges et obligations comprises ». Voir de manière apparentée : Hodge Street Developments Inc. c. Groupe Publi-Saturn II inc., préc., note 68 ; Services Techniques BIC inc. c. Quanta Système inc., préc., note 59.
-
[82]
Structures Mitco inc. c. Constructions Turrin inc., 2011 QCCQ 2804.
-
[83]
Com. 23 juin 1998, R.T.D. civ. 1999.389, obs. Mestre, Droit et patrimoine 1999.28, obs. Fages.
-
[84]
Corporation Maybach c. Corporation d’entretien d’ascenseur indépendant, 2009 QCCA 2477, [2010] R.D.I. 34, J.E. 2010-109, par. 12 (C.A.) : « Même si l’appelante jouissait d’une prescription de trois ans, le retard mis à engager une poursuite contre l’intimée constitue un élément de preuve circonstancielle qui, ajouté aux autres circonstances et aux écrits, démontre que les parties avaient véritablement fait une transaction à l’automne 2001 » ; Droit de la famille – 1998, préc., note 80. À rapprocher de l’affaire Mantha c. Whissell, [1960] B.R. 685, 689 (C.A.).
-
[85]
Terexfor inc. c. Thiro ltée, J.E. 2004-1483, par. 39-41 et 60 (C.S.).
-
[86]
Distributeur Tapico ltée c. Habitations de la SHAPEM, préc., note 42. À rapprocher de l’affaire Prudentielle d’Angleterre, compagnie d’assurances générales (Canada) c. Québec (Procureur général), préc., note 42.
-
[87]
Baultar Concept inc. c. Composites Technologies et innovations CTI inc., 2011 QCCA 837 (requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée).
-
[88]
L’incapacité du silence à incarner une renonciation est abordée plus bas : voir infra, p. 659 à 665.
-
[89]
Outre l’éloquence du raisonnement formulé dans l’affaire Droit de la famille – 3727, J.E. 2000-1922, par. 38 (C.A.), voir : Zanetti c. 2946-6117 Québec inc., 2012 QCCA 477, J.E. 2012-684 (C.A.) ; 9201-0958 Québec inc. (Gestion Renéco) c. René Corriveau & Fils inc., préc., note 7 ; Lévesque-Albert c. Paradis, 2011 QCCS 6380, par. 38 ; Charbonneau c. J.P. Mallette et associés inc., préc., note 67 (en appel : J.P. Mallette et Associés c. Charbonneau, préc., note 67) ; Droit de la famille – 073442, 2007 QCCS 6461, [2008] R.D.F. 190 (C.S.) ; Droit de la famille – 073071, 2007 QCCS 5849, [2008] R.D.F. 173 (C.S.) ; Québec (Procureure générale) c. B.T., 2005 QCCA 748, [2005] R.D.F. 709, J.E. 2005-1627, par. 29 et 30 (C.A.) ; Fournelle c. Lamoureux, J.E. 2004-665 (C.S.) ; Poirier c. Turcotte, C.S. Rimouski, 5 nov. 2003, 100-05-001606-018, 2003 CanLII 10183 (Qc C.S.), par. 13 ; Bastien c. Beaulac, préc., note 46 (repris avec approbation dans l’affaire Union canadienne, compagnie d’assurances c. Quintal, préc., note 51, par. 47) ; Newfoundland Ltd. c. Wrebbit Toys and Games Manufacturers inc., J.E. 2000-1236 (C.S.) ; Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 7e éd. par Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 1342 ; Daniel Gardner, « Le point sur deux mécanismes aux contours mal définis : la novation par changement de débiteur et la théorie des fins de non-recevoir », (2002) 104 R. du N. 511, 525. Voir pareillement en droit français : D. Houtcieff, préc., note 52 ; Cécile Chabas, L’inexécution licite du contrat, Paris, L.G.D.J., 2002, p. 235 ; Com. 22 oct. 1996, Bull. civ. IV, no 254 ; Civ. 1re, 30 mars 1994, préc., note 8.
-
[90]
Rainboth c. O’Brien, [1915] 24 B.R. 88 (B.R. Qc).
-
[91]
Id., p. 93 et 94. La Cour suprême rejettera l’appel et le Conseil privé refusera la requête en autorisation de pourvoi. Dans leur décision inédite rendue le 2 mai 1916, les juges majoritaires de la Cour suprême s’attardent sur l’inaction prolongée du contractant et l’intérêt qu’elle revêt dans le cadre de l’interprétation d’un contrat ambigu. Voir également : Beaudry c. Duguay, J.E. 93-1094 (C.S.) ; Com. 23 juin 1998 (analysé plus haut : voir supra, p. 641.)
-
[92]
Civ. 1re, 7 mai 1956, Bull. civ. I, no 179.
-
[93]
Civ. 1re, 18 févr. 1992, préc., note 47 (abordé plus bas : voir infra, p. 655 et 656). À rapprocher des affaires suivantes : Civ. 3e, 4 mars 2014, préc., note 8, obs. Cohet ; Civ. 1re, 2 avr. 1996, no 94-15062 ; Com. 29 nov. 1994, no 93-12971.
-
[94]
Baultar Concept inc. c. Composites Technologies et innovations CTI inc., préc., note 87.
-
[95]
Agropur, coopérative agro-alimentaire c. Anjou (Ville d’), J.E. 2001-439 (C.S.).
-
[96]
Civ. 1re, 17 oct. 2012, no 11-18638 ; Toulouse, 2 juin 1997 : Juris-Data no 041985 ; Paris, 23 mars 1934, R.T.D. civ. 1934.841, 844, de même que le commentaire approbateur de Demogue : « Rien n’empêche qu’il y ait silence de la part des deux parties à la convention » ; Nîmes, 21 nov. 1913, S. 1914.2.219 ; Tr. com. Le Havre, 24 déc. 1913, G.P. Table 1912-1920, nos 311-313 ; Tr. com. Marseille, 7 août 1882, G.P. 1883.2.204 ; Civ. 14 janv. 1862, D. 1862.I.91 (sol. impl.) ; Ménard c. Hall, [1917] 23 R.L. 10 ; McLaurin c. Smart, [1898] 7 B.R. 554 (C.A.) ; Sébastien Mayoux, Les conventions d’abandon amiable du contrat, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 152 ; Olivier Barret, « Vente (3o effets) », Rép. civ. 2007, no 313 ; Joanna Schmidt-Szalewski, « Vente. Obligations du vendeur. Obligation de délivrance. Sanctions », J.-Cl. C. Civ., art. 1603 à 1623, fasc. 20, no 19 ; Jean-Pierre Le Gall, « Le retard dans la livraison de marchandises vendues », R.T.D. com. 1963.239, 255 et 256 ; Louis Josserand, Cours de droit civil positif français, t. 2, 3e éd., Paris, Sirey, 1939, p. 218. À rapprocher de la jurisprudence belge : Comm. Bruxelles, 18 oct. 1977, J.C.B. 1978.I.200 ; Comm. Anvers, 16 juin 1926, Les Novelles, Droit civil, t. IV, vol. II, Bruxelles, Larcier, 1958, no 56.
-
[97]
Le thème de la révocation conventionnelle tacite du contrat sera étudié dans un livre à paraître aux éditions Yvon Blais (P. Rainville, préc., note 9).
-
[98]
C. civ., art. 1156.
-
[99]
Éderhy c. Bistricer, 2007 QCCA 377, par. 32.
-
[100]
Id.
-
[101]
Civ. 3e, 23 janv. 2013, A.J.D.I. 2013.347 ; Com. 17 juill. 2001, no 99-11945 ; Civ. 3e, 3 oct. 1991, no 90-12017 ; Com. 18 janv. 1984, Bull. civ. IV, no 24, R.T.D. civ. 1985.154, 161, obs. Mestre, G.P. 1984.2.176 ; Com. 29 nov. 1961, Bull. civ. III, no 450 ; Bureau d’études Archer inc. c. Dessureault, 2006 QCCA 1556 ; Fournelle c. Lamoureux, préc., note 89, par. 41-46. Voir de manière apparentée : Laëtitia Gaudin, La patience du créancier : contribution à l’étude de l’effectivité du paiement contractuel, Paris, Defrénois, 2009, p. 410 ; C. Chabas, préc., note 89, p. 235 et 236 ; Denis Mazeaud, « Les contradictions légitimes au détriment d’autrui en droit des contrats », dans Martine Behar-Touchais (dir.), L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, Paris, Economica, 2001, p. 127, à la page 133 : « La force obligatoire du contrat ne saurait s’estomper en raison du simple retard avec lequel le créancier réclame à son débiteur l’avantage qu’il attendait de l’application de leur accord. Le débiteur ne peut, par conséquent, se prévaloir de la confiance qu’a pu faire naître chez lui la patience dont fait preuve son créancier à son égard. » En common law, voir l’affaire Quinlan Brothers Ltd. c. Coady, 2013 NLCA 31, par. 50. De la même manière, l’existence d’une renonciation tacite ne saurait être établie par la croyance légitime du cocontractant. La partie passive ne saurait être censée avoir renoncé à son droit au motif que le cocontractant était fondé d’interpréter son inaction de la sorte. Cf. l’affaire J.M. Clément ltée c. 2967-3043 Québec inc., J.E. 94-1239 (C.S.).
-
[102]
Voir notre analyse de l’arrêt Rainboth c. O’Brien, préc., note 90 : supra, p. 643 et 644.
-
[103]
Droit de la famille – 1998, préc., note 80 ; Corporation Maybach c. Corporation d’entretien d’ascenseur indépendant, préc., note 84, par. 12. À rapprocher de l’affaire Mantha c. Whissell, préc., note 84, 689.
-
[104]
Banquets Fine-Gueule inc. c. Paquet, J.E. 99-1701 (C.A.). L’intimé vend un fonds de commerce lié à la restauration ; le contrat est assorti d’une clause de non-concurrence. Or, l’intimé possédait déjà un autre restaurant qu’il continuera d’opérer à proximité, sans opposition aucune de la part de l’acheteur, pendant plus de trois ans. L’acheteur n’élèvera de protestation qu’au moment où le vendeur se décidera à ouvrir, pour la première fois, un bar situé au deuxième étage. Autant l’ouverture du bar est prohibée en raison de la stipulation de non-concurrence, autant il en va différemment des activités de restauration. L’appelant les avait tolérées et pareille attitude passive conforte la thèse voulant qu’elles aient été soustraites de tout temps de la portée de la clause de non-concurrence. Voir pareillement : Emballages Alpha inc. c. Plastilec inc., 2010 QCCS 2124, par. 29-34 ; Entreprises J.M.L. Perrier inc. c. St-Louis, J.E. 99-162 (C.S.).
-
[105]
Trottier c. 2172-0644 Québec inc., préc., note 80 : « par son comportement au cours des deux années qui ont suivi cette entente, le demandeur a lui-même laissé croire qu’il rattachait lui aussi l’entente à la réussite de l’opération puisqu’il n’a jamais réclamé ces honoraires durant cette période » ; Rainboth c. O’Brien, préc., note 90 (abordé plus haut : voir supra, p. 643 et 644). Cela dit, le rôle confié au silence dans un tel contexte demeure relatif et il n’accréditera pas forcément la thèse de l’absence d’obligation. Voir, à propos d’une supposée entente verbale en matière de créance alimentaire, l’affaire N.T. c. C.S., 2005 QCCA 51, et, au sujet d’une prétendue transaction, l’affaire Édehry c. Bistricer, préc., note 99, par. 27, 32 et 33.
-
[106]
Laurin c. Gestion Jean-Paul Auclair inc., J.E. 2002-1912, par. 49 (C.A.) : « les intimées, remboursées des prêts en février 2000, revendiquent pour une première fois en juin 2000 le droit au bénéfice de l’option. Ce long intervalle, alors que les parties sont en relation d’affaires constante, conforte la thèse de l’appelant quant à la caducité des options à la suite du remboursement des prêts. » Le thème de l’extinction tacite du droit de préférence et du droit d’option nécessite force nuances : Pierre Rainville, « Du silence à l’obsolescence : l’extinction tacite des promesses de contrat au Québec et en France », (2011) 113 R. du N. 335.
-
[107]
2433-0243 Québec inc. c. R., J.E. 2000-1293 (C.S.) : l’interprétation donnée au contrat pendant vingt ans l’emporte sur les prétentions récentes du cocontractant. Voir pareillement : Astral Communications inc. c. Complexe du Fort enr., J.E. 99-2328 (C.S.) ; Droit de la famille – 1998, préc., note 80.
-
[108]
Droit de la famille – 1998, préc., note 80.
-
[109]
Sur l’utilité occasionnelle que présente un silence de brève durée, voir notre analyse de l’arrêt Sobeys, préc., note 28 : infra, p. 651 et 652.
-
[110]
Droit de la famille – 1998, préc., note 80 : « un guide très sûr pour interpréter un contrat est la conduite des parties par suite du contrat. L’intimée n’a donné aucune explication pour laquelle elle n’aurait pas dès janvier 1990, puis dès janvier 1991 puis dès janvier 1992 puis dès janvier 1993 réclamé l’indexation » (l’italique est de nous). Au même effet : 3424626 Canada inc. c. Protege Properties inc., 2010 QCCA 1507 ; H.J.W. c. L.B.M., [2001] R.D.F. 129, J.E. 2001-405 (C.S.) ; Droit de la famille – 3485, [2000] R.D.F. 49, J.E. 2000-95 (C.S.) ; ainsi que les motifs du juge en chef dans l’arrêt inédit Rainboth c. O’Brien, préc., note 66.
-
[111]
9201-0958 Québec inc. (Gestion Renéco) c. René Corriveau & Fils inc., préc., note 7 ; Charbonneau c. J.P. Mallette et associés inc., préc., note 67, par. 131, 148 et 149, (en appel : J.P. Mallette et Associés c. Charbonneau, préc., note 67 (défaut de protestation durant 12 années attribuable à l’inadvertance d’une partie)) ; Kar-Oli inc. c. Boilard, 2006 QCCS 4933, J.E. 2006-1916 (C.S.), par. 58 ; Québec (Procureure générale) c. B.T., préc., note 89, par. 29 et 30 (C.A.) ; Deveaux c. Lambert, [2003] R.L. 558, [2003] J.Q. no 22645, par. 39 (C.Q.) ; Agropur, coopérative agro-alimentaire c. Anjou (Ville d’), préc., note 95 ; Audy c. Beauregard, [2000] R.D.I. 672 ; J.E. 2000-2059 (C.S.) ; Bastien c. Beaulac, préc., note 46 (repris avec approbation dans l’affaire Union canadienne, compagnie d’assurances c. Quintal, préc., note 51, par. 47) ; Droit de la famille – 3727, préc., note 89 ; J.M. Clément ltée c. 2967-3043 Québec inc., préc., note 101 ; Civ. 1re, 15 oct. 1962, Bull. civ. I, no 418, G.P. 1963.I.7, D. 1963.47 ; Civ. 20 nov. 1945, D. 1946.134. À rapprocher de l’affaire CIBC World Markets inc. c. Toupin, 2008 QCCQ 6720, J.E. 2008-1664, par. 55 (C.Q. ; appel rejeté sur requête : 2009 QCCA 120) ; Société immobilière Jean-Yves Dupont inc. c. Jardins Bon Pasteur inc., préc., note 9. Pour une décision en sens contraire, cf. l’affaire H.J.W. c. L.B.M., préc., note 110.
-
[112]
Riocan Holdings (Québec) inc. c. Caisse populaire Desjardins de Charlesbourg, 2013 QCCQ 3111 ; Protege Properties inc., c. 3424626 Canada inc., 2008 QCCS 2703, J.E. 2008-1460 (C.S. ; jugement confirmé sur ce point en appel : J.E. 2010-1581 (C.A.)) ; Dion c. Gestions 22 inc., 2006 QCCS 7889 ; Centre commercial Rockland inc. c. Harry Rosen inc., 2006 QCCS 5195 ; Huyen c. Kortbawi-Khoury Group inc., 2006 QCCS 300 ; Services Techniques BIC inc. c. Quanta Système inc., préc., note 59 ; Sobeys, préc., note 28 ; Astral Communications inc. c. Complexe du Fort enr., préc., note 107 :
Petitioners’ passiveness for so long afterwards is therefore far more presumptive of their unquestioning acceptance of Respondents’ interpretation of the Forecast Warranty than of their present assertion […]. The Court’s impression is that being unhappy with the prospect of another ten years in the Building, Astral cast about for a plausible contractual escape and came up with its present interpretation of the Forecast Warranty as an after-thought. Otherwise they would have acted much sooner.
Investissements Ridos ltée c. Société immobière du Québec, J.E. 97-546 (C.A.) ; Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26 :
Le comportement ultérieur des parties contractantes est de nature à manifester l’intention commune. N’y a-t-il pas une présomption de fait que l’exécution est conforme à l’intention ? […] Ce comportement, faut-il le répéter, se manifeste visiblement en suivant la même filière, immanquablement, pendant six années. Pas une fois, pas deux fois, mais six fois. Pas sur un sujet de quelque chose d’importance secondaire. Pas de façon accidentelle ou insolite. Et tout cela recommencé chaque année par l’intimée, assistée de ses experts-comptables et autres conseillers, fidèle à sa manière d’agir de l’année précédente, jusqu’à ce que M. Dengis conçoive son idée géniale, inspirée par un précédent survenu à Toronto, qui justifierait selon lui de remanier le contrat. Que dire de la stabilité que commandent les relations commerciales ?
-
[113]
Sobeys, préc., note 28 ; voir pareillement la citation de l’arrêt Laurin c. Gestion Jean-Paul Auclair inc., préc., note 106, ainsi que S. Grammond, préc., note 29, no 10.
-
[114]
Voir également l’affaire Gestion LJMJ inc. c. Métro Richelieu inc., 2008 QCCS 5391, J.E. 2008-2228 (C.S.). Comme le note avec justesse le professeur Fages, « le comportement considéré ne doit pas être équivoque ni éphémère, surtout lorsqu’il s’agit de faire produire des effets à une abstention » (note sous Com. 23 juin 1998, Droit et patrimoine 1999.28, 31).
-
[115]
Sobeys, préc., note 28, par. 93.
-
[116]
« [Le sous-locataire] ne réagit pas (malgré l’ampleur de la somme en cause), ne pose pas la moindre question [au sous-locateur], ne lui signale aucune erreur et ne proteste d’aucune façon » : Sobeys, préc., note 28, par. 97. Il serait hasardeux de prédire le sort réservé à cette solution en droit français. S’il est vrai que la Cour de cassation s’est refusée par le passé à permettre l’insertion implicite d’une clause tirée d’un contrat antérieur entre les mêmes parties, pareille transgression du texte du nouvel accord en signalant la dénaturation (A. Bénabent, préc., note 9, p. 216), d’autres décisions choisissent d’intégrer des stipulations tirées du contrat originel : Com. 6 sept. 2011, Bull. civ. IV, no 125 ; Com. 3 juill. 2001 analysé par S. Pellet, préc., note 3, p. 77 et 78 ; Com. 22 janv. 2008, R.J.D.A. 2008 no 369 ; Civ 3e, 17 janv. 2006, préc., note 52. Cette volonté judiciaire de remédier à l’inadvertance des parties n’a rien d’inusité. Il suffira d’évoquer ces arrêts qui tiennent à réparer une erreur vraisemblable et réputent non écrite une stipulation qui semblait le fruit de l’inadvertance : J. Carbonnier, préc., note 3, p. 284 ; Civ. 1re, 26 avril 1978, Bull. civ. I, no 152 ; Civ. 3e, 8 oct. 1974, préc., note 38 ; Req. 6 févr. 1945, G.P. 1945.I.116.
-
[117]
La volonté interne se doit d’être commune aux contractants et les règles de preuve ne sauraient être occultées. L’importance de la volonté interne en droit civil et l’encadrement dont elle fait l’objet sont relatés dans la partie 1.1.1 du présent article.
-
[118]
Sobeys, préc., note 28 ; Entreprises Mière inc. (Syndic de), préc., note 39.
-
[119]
Sobeys, préc., note 28. Comp. Com. 22 janv. 2008, préc., note 116. Une promesse synallagmatique de cession de droit à un bail commercial comporte également une clause portant promesse de vente ultérieure des murs. À cet avant-contrat succédera un bail notarié qui ne dit mot de la clause précitée. Il a été jugé que le silence du bail notarié ne saurait attester la renonciation à la stipulation relative à la cession des murs. De la même manière, le défaut de reprendre, dans l’acte notarié, la clause de préférence prévue dans l’acte originel ne saurait valoir renonciation tacite au droit stipulé : Civ 3e, 17 janv. 2006, préc., note 52.
-
[120]
Cette hypothèse a été approfondie voir supra, p. 638 à 648, et infra, p. 653 à 655, 666 et 667.
-
[121]
Voir notre analyse précédente de l’arrêt Sobeys, préc., note 28, aux pages 651 et 652.
-
[122]
En guise d’exemples, l’attitude passive du locateur peut faciliter la détermination de la destination présumée des lieux ou encore la superficie locative accordée au preneur. La jurisprudence en la matière est abordée : voir supra, p. 639 et 640, et infra, p. 656 et 657.
-
[123]
Civ. 1re, 9 nov. 1993, préc., note 47 ; Com. 12 oct. 1993, Bull. civ. IV, no 330 ; R.T.D. civ. 1994.595, obs. Mestre ; V. Karim, préc., note 9, p. 567.
-
[124]
Le défaut de contestation prolongé peut favoriser notamment l’élucidation de la nature réelle ou personnelle d’une servitude conventionnelle : 151692 Canada inc. c. Centre de loisirs de Pierrefonds enr., 2005 QCCA 376, [2005] R.D.I. 237 (C.A. ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée).
-
[125]
Il fut mis en preuve que les autorisations administratives avaient cessé d’être requises au moment des procédures.
-
[126]
Civ. 1re, 25 févr. 1963, préc., note 66 (l’italique est de nous).
-
[127]
Soc. 18 déc. 2012, Bull. civ. V, no 340. Fait débat la nature de l’indemnité de transport versée par un employeur. Le salarié l’estime un complément de salaire – exigible, par conséquent, en cas de congés maladie ou de chômage partiel –, tandis que l’employeur l’analyse comme une indemnité de remboursement de frais. Cette seconde interprétation l’emportera devant les tribunaux au motif que le montant de la prime reflété sur les bulletins de salaire variait selon l’éloignement du domicile et que les déductions effectuées au prorata des périodes non travaillées n’avaient jamais été remises en cause par le salarié. La passivité contribue ainsi à la qualification de la créance litigieuse.
-
[128]
Pour des illustrations éloquentes en droit québécois, cf. : Gerstein c. Ifergan, 2012 QCCQ 4286, par. 53 ; Corporation Maybach c. Corporation d’entretien d’ascenseur indépendant, préc., note 84, par. 12 ; Agropur, coopérative agro-alimentaire c. Anjou (Ville d’), préc., note 95.
-
[129]
Gerstein c. Ifergan, préc., note 128 : la conclusion d’un accord portant mention d’un « prêt » est démentie par l’absence de versements, d’une part, et l’inexistence de toute demande de remise d’argent d’autre part. À rapprocher de l’affaire Droit de la famille – 10355, 2010 QCCA 357, [2010] R.D.F. 60. Un bien immobilier est détenu en indivision par les époux. La conjointe fortunée s’abstiendra, la vie commune durant, d’exiger la moindre contribution financière au paiement des charges communes de la part de son époux peu aisé. Pareille passivité traduit soit une intention libérale constante, soit l’acceptation tacite d’un régime d’exonération des obligations prévues dans l’article 1019 C.c.Q. Cf. encore l’affaire Dion c. Roncato, 2010 QCCS 444, [2010] R.D.I. 92 (C.S.).
-
[130]
Au surplus, l’inexécution délibérée et concertée de certaines obligations demeure pertinente en l’absence de toute intention libérale de la part du vendeur. Le défaut de prix sérieux d’une vente (et, partant, sa nullité en droit français) peut résulter, par exemple, de ce que le débirentier n’a jamais rempli ses obligations sans protestation aucune de la part du crédirentier : Civ. 1re, 18 févr. 1992, préc., note 47.
-
[131]
Id. À rapprocher des arrêts suivants : Civ. 3e, 4 mars 2014, préc., note 8, obs. Cohet ; Civ. 1re, 2 avr. 1996, préc., note 93 ; Com. 29 nov. 1994, préc., note 93. Ainsi entendue, l’abstention révèle la nature réelle de la convention. La passivité se voit par contre dépourvue de tout rôle si le caractère onéreux de la convention est avéré. Le défaut de réclamation prolongé ne suffit point à caractériser une renonciation à la créance : l’abstention ne saurait consacrer ni une remise de dette ni une intention libérale (cf. la jurisprudence relatée plus haut : voir supra, notes 7 et 8). Sur l’incapacité du silence à incarner une renonciation tacite, il convient de renvoyer à notre étude plus bas : voir infra, p. 659 à 665.
-
[132]
Voir la jurisprudence citée plus haut : supra, notes 73 et 76.
-
[133]
Voir la jurisprudence indiquée plus bas : infra, p. 639 et 640. Il en est de même de la question de savoir si certains appareils sont prohibés ou non à l’intérieur du logement : Tomodakis Realties inc. c. Carmoni, J.E. 96-1401 (C.Q.).
-
[134]
Dimarna Investment inc. c. Parent, 2006 QCCQ 16674 ; Frankel Enterprises Ltd. c. Famous Leather Garments Inc., J.E. 99-741 (C.S.) ; Archambault c. Carbonneau, préc., note 42.
-
[135]
Civ. 3e, 26 janv. 2010, no 08-16407.
-
[136]
Dimarna Investment inc. c. Parent, préc., note 134. Au même effet : Croisières Lachance inc. c. Corporation du Havre de Berthier-sur-Mer, préc., note 68 ; MDS (Canada) inc. c. Groupe Accueil international ltée, 2006 QCCS 5150 ; Kossy c. Sobol, [1978] C.P. 361 ; Parkovnick c. Ducharme, [1947] B.R. 524 ; Archambault c. Carbonneau, préc., note 42 ; Myler c. Styles, [1888] 4 Q.B. 113. Pour une solution comparable relativement à la portée d’un droit d’habitation, voir l’affaire Faucher c. Faucher, [2001] R.J.Q. 275, J.E. 2001-718 (C.S.) (en appel AZ-01019624 (C.A.)). Pour une conclusion analogue fondée sur un raisonnement moins probant, cf. l’affaire Richard c. Bès (B & B Terrasse-Dufferin), 2013 QCCQ 886, J.E. 2013-401 (C.Q.).
-
[137]
Civ. 3e, 26 janv. 2010, préc., note 135.
-
[138]
L’apport interprétatif du silence ne se limite donc pas à l’appréciation de la crédibilité des parties et de leurs prétentions respectives. L’invocation tardive d’une interprétation contractuelle peut certes faire douter de sa sincérité. Cela étant, le défaut de protestation est tout aussi susceptible de manifester l’approbation de la partie à l’égard de l’interprétation mise en oeuvre par le cocontractant des années durant.
-
[139]
Com. 11 janv. 1984, Bull. civ. IV, no 15. Voir encore l’arrêt Civ. 1re, 24 déc. 1952, Bull. civ. I, no 342.
-
[140]
Paris, 5 nov. 2003 : Juris-Data no 229641 ; Soc. 7 juin 1961, préc., note 78 ; Windsor (Ville de) c. 2536-6543 Québec inc., préc., note 73 ; Tardif c. Lavoie, J.E. 2004-1404, par. 56 (C.S.) : l’exacte portée d’une convention verbale est cernée à la lumière du comportement passif ultérieur de l’un des cocontractants ; Trottier c. 2172-0644 Québec inc., préc., note 80. Les problèmes liés à une convention verbale portent le plus souvent sur la preuve de son existence et de ses modalités. Rien n’interdit, en revanche, l’existence d’un litige ayant plutôt trait à l’interprétation des engagements pris : F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, préc., note 30, p. 495. Il convient de noter la volonté de la Cour de cassation de ne point intervenir en présence de l’interprétation d’une convention orale au motif qu’un grief de dénaturation ne saurait porter sur un accord purement verbal : Civ. 1re, 13 mai 2014, R.T.D. com. 2014.686, note Bouloc.
-
[141]
S. Grammond, préc., note 29, no 3.
-
[142]
Eagle Skyline Realties inc. c. Rémi Carrier inc., 2011 QCCA 376, J.E. 2011-492 (C.A.) ; Commission des normes du travail c. Le Groupe Harnois inc., 2006 QCCA 1471 ; 1467-9062 Québec inc. c. Centres commerciaux régionaux du Québec ltée, [2003] R.D.I. 491 (C.S.) ; Gestion Infopharm inc. c. B.C.E. Emergis, J.E. 2002-1002 (C.S.) (repris avec approbation dans l’arrêt Union canadienne, compagnie d’assurances c. Quintal, préc., note 51, par. 47) ; Civ. 3e, 29 mai 2013, D. 2013.1407 ; Civ. 1re, 10 avr. 2013, préc., note 67 ; Civ. 2e, 17 mars 2011, R.G.D.A. 2011.681 ; Civ. 3e, 23 mars 2010, A.J.D.I. 2010.715, obs. Mbotaingar ; Civ. 1re, 16 avr. 1996, R.T.D. civ. 1996.892, 894, obs. Mestre, Defrénois 1996.1013, obs. Delebecque ; Civ. 1re, 5 avr. 1993, Contrats con. consom. 1993.4, no 145, note Leveneur ; Civ. 3e, 11 oct. 1989, no 88-13929 ; F. Zenati-Castaing et T. Revet, préc., note 58, p. 345 ; F. Terré, Y. Lequette et P. Simler, préc., note 30, p. 146, 147 et 150 ; P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, préc., note 58, p. 233 ; Jean-Marc Mousseron, Technique contractuelle, 4e éd. par Pierre Mousseron, Jacques Raynard et Jean-Baptiste Seube, Paris, Éditions Francis Lefebvre, 2010, p. 38 ; Nancy Tagliarino-Vignal, « La phase de conclusion. L’accord de volontés », section II, « L’acceptation », dans Lamy Droit du contrat, Wolters Kluwer France, 2009, nos 135-71 et 135-77 ; Solange Becqué-Ickowicz, Le parallélisme des formes en droit privé, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2004, p. 249 ; Henri Mazeaud et autres, Leçons de droit civil, t. 2, vol. 1, « Obligations, théorie générale », 9e éd. par François Chabas, Paris, Montchrestien, 1998, p. 134 et 135. Une décision isolée en sens contraire (Civ. 3e, 19 oct. 1971, Bull. civ. III, no 495) semble désavouée par les arrêts en cassation rendus par la jurisprudence ultérieure de la Cour.
-
[143]
J.P. Mallette et associés inc., préc., note 67 (en appel : J.P. Mallette et Associés c. Charbonneau, préc., note 67).
-
[144]
ES Retail Consulting c. Vente en détail PZ/Benisti inc., 2012 QCCQ 3089, J.E. 2012-1016 (C.Q.).
-
[145]
Aussi la tolérance constitue-t-elle, au mieux, un fait juridique : Philippe Théry, « Dérogation, dispense, excuse, tolérance », dans Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Presses universitaires de France, 2003, p. 363, à la page 364.
-
[146]
MCA Valeurs mobilières inc. c. Vaugeois, préc., note 67, par. 118-125.
-
[147]
Ass. plén. 3 mai 1956, J.C.P. 1956.II.9345, R.T.D. civ. 1956.553, obs. Carbonnier : « [Une] simple attitude passive du bailleur n’implique pas à elle seule ni une modification de la nature même du bail, ni un consentement à un changement de destination des lieux, en l’absence d’autres circonstances relevées par les juges du fait et la caractérisant en ce sens ; […] l’arrêt qui se fonde uniquement sur le silence des époux Petit pour décider que le preneur avait, du consentement tacite de ceux-ci, exercé dans les lieux loués un commerce lui permettant de se prévaloir des dispositions de la loi du 30 juin 1926, n’a pas en conséquence donné une base légale à sa décision. » Au même effet : Civ. 1re, 10 avr. 2013, préc., note 67 ; Civ. 3e, 5 mars 2013, préc., note 67, obs. Zalewski-Sicard ; Defrénois 2013.322 ; Riom, 9 févr. 2011, préc., note 4 ; Civ. 3e, 16 juill. 1997, R.D. imm. 1997.628, 629, obs. Collart-Dutilleul et Derruppé ; Grenoble, 30 janv. 1990 : Juris-Data no 041549 ; Civ. 3e, 16 mars 1982, J.C.P. 1982.IV.192 ; Civ. 3e, 2 juill. 1969, préc., note 4 ; Soc. 10 déc. 1965, Bull. civ. IV, no 904 ; F. Zenati-Castaing et T. Revet, préc., note 58, p. 345 ; François Collart Dutilleul et Philippe Delebecque, Contrats civils et commerciaux, 9e éd., Paris, Dalloz, 2011, p. 412 ; Béatrice Vial-Pedroletti, « Bail d’habitation. Locations régies par le droit commun du louage (Code civil). Droits du locataire : étendue », J.-Cl. C. Civ., art. 1708 à 1762, fasc. 230, no 31 ; S. Pellet, préc., note 3, p. 344 et 345 ; David Alfroy, « Bail commercial. Champ d’application du statut. Définition du bail. Destination des lieux. Immatriculation », J.-Cl. C. Civ., art. 1708 à 1762, fasc. 1240, nos 61 et 66 ; Jean-Marc Roy, « La tolérance », R.R.J. 1995.497, 502. Pour une solution apparentée au regard de la confirmation tacite d’un acte nul, voir l’arrêt Civ. 3e, 10 févr. 1988, préc., note 9.
-
[148]
Camping Normand inc. c. Croteau, préc., note 67 ; Nikolis c. Construction Thathion inc., préc., note 67 ; Pedneault c. Syndicat des copropriétaires du Domaine du barrage, préc., note 67 ; Rimouski (Ville de) c. 164019 Canada inc., 2011 QCCQ 5230, J.E. 2011-1092 (C.Q.) ; 3743781 Canada inc. c. Multi-marques inc., préc., note 67, par. 106 ; MCA Valeurs mobilières inc. c. Vaugeois, préc., note 67, par. 117-125 ; Hagens c. Syscan international inc., préc., note 67 ; Pause café charmand inc. c. Second Investment inc., préc., note 67 ; Kourouklis c. Kakoulias-Kourouklis, préc., note 67, par. 105, 108 et 115 ; 147564 Canada inc. c. Restaurants Mikes inc., préc., note 67 ; A. & F. Investments inc. c. Charbonneau, préc., note 67 ; Veronneau c. IBIS Investeringen S.A., préc., note 67 ; Société immobilière L.G.J. Poulin, société en nom collectif c. Centre de location Anjou inc., préc., note 67 ; Club de voyages Aventure (groupe) inc. c. Club de voyages Aventure inc., préc., note 67 ; 2842-3812 Québec inc. c. Brasserie Vincent de Laval inc., préc., note 67 ; Miller c. Syndicat des copropriétaires de « Les Résidences Sébastopole Centre », préc., note 67 ; Office municipal d’habitation de Sept-Îles c. Hounsell, préc., note 67 ; Office municipal d’habitation de Dégelis c. Lebrun, préc., note 67 ; Uravitch c. Morrison, préc., note 67. Comparer avec l’affaire Maiorino c. Hallé Couture et Associés ltée., J.E. 2000-1249 (C.Q. ; requête pour permission d’en appeler à la Cour d’appel rejetée). Pour une conclusion apparentée en droit municipal québécois, voir l’affaire Terrebonne (ville de) c. Dubé, 2012 QCCS 2658. Cette jurisprudence constante ne saurait être ébranlée par la motivation discutable retenue dans l’affaire Cam c. Deschênes, 2009 QCCQ 142, [2009] R.D.I. 212 (C.Q.) : les faits de l’affaire suffisaient amplement à étayer la thèse de la modification tacite sans qu’il faille confier à la tolérance une portée juridique qu’elle ne saurait avoir.
-
[149]
Civ. 3e, 5 mars 2013, préc., note 67, obs. Zalewski-Sicard ; Civ. 3e, 4 janv. 1985, Bull. loyers 1985, no 155 ; Paris, 16 sept. 1988, 12 Loyers et copr. 1988, no 516 ; Paris, 25 oct. 1985, Bull. loyers, 1986, no 21 ; Paris, 14 juin 1988, 7-8 Loyers et copr. 1988, no 377 ; 3743781 Canada inc. c. Multi-marques inc., préc., note 67.
-
[150]
Civ. 3e, 6 mars 1969, Bull. civ. III, no 197 : « une tolérance, si prolongée soit-elle, n’équivaut pas à une autorisation tacite ». La jurisprudence est abondante : Civ. 1re, 10 avr. 2013, préc., note 67 ; Civ. 3e, 5 mars 2013, préc., note 67, obs. Zalewski-Sicard ; Civ. 3e, 5 juin 2002, Bull. civ. III, no 126 ; Droit et patrimoine 2002.89, obs. Chauvel ; Paris, 19 sept. 1991, Loyers et copr. 1992, no 31 ; Bordeaux, 24 nov. 1988, Loyers et copr. 1989, no 324 ; Civ. 3e, 25 janv. 1983, G.P. 1983.I.160 ; Civ. 3e, 11 mai 1976, D. 1976.Som.69 ; Civ. 3e, 5 mai 1970, J.C.P. 1970.IV.165 ; Soc. 20 févr. 1958, Bull. civ. IV, no 268 ; Soc. 7 mars 1957, Bull. civ. IV, no 264, D. 1957.Som.107 ; Office municipal d’habitation de Sept-Îles c. Hounsell, préc., note 67 ; Office municipal d’habitation de Longueuil c. Blanchet, J.E. 88- 690 (C. prov.).
-
[151]
La révocation de la tolérance ne s’accompagne donc pas d’effets subits : Velosa c. 9053-1617 Québec inc., 2010 QCCQ 2145, J.E. 2010-841, par. 28 et 29 ; 3743781 Canada inc. c. Multi-marques inc., préc., note 67, par. 105 ; Pause café charmand inc. c. Second Investment inc., préc., note 67 ; 147564 Canada inc. c. Restaurants Mikes inc., préc., note 67 ; A. & F. Investments inc. c. Charbonneau, préc., note 67 ; Club de voyages Aventure (groupe) inc. c. Club de voyages Aventure inc., préc., note 67 ; Uravitch c. Morrison, préc., note 67 ; Civ. 3e, 5 mars 2013, préc., note 67, obs. Zalewski-Sicard ; Soc. 13 oct. 2011, no 09-66991 ; Lyon, 7 mai 2009 : Juris-Data no 013008 ; Rennes, 18 janv. 2006, préc., note 67 ; Civ. 3e, 18 févr. 1987, préc., note 67 ; Soc. 7 mars 1957, préc., note 67 ; D. Lluelles et B. Moore, préc., note 9, p. 1131, par. 1993.
-
[152]
La modification contractuelle revêt une force obligatoire à laquelle seule une nouvelle convention peut porter atteinte. Voir les articles 1433, 1434 et 1439 C.c.Q. et 1134 C. civ.
-
[153]
Soc. 29 mai 1958, G.P. 1958.II.104 (l’italique est de nous). Voir de même : Civ. 1re, 10 avr. 2013, préc., note 67 ; Civ. 3e, 5 mars 2013, préc., note 67, obs. Zalewski-Sicard ; Riom, 9 févr. 2011, préc., note 4 ; Civ. 3e, 17 avr. 1969, Bull. civ. III, no 295 ; Civ. 3e, 12 mars 1969, Bull. civ. III, no 215 ; Soc. 26 oct. 1950, Bull. civ. III, no 767 ; Com. 17 mai 1949, Bull. civ. II, no 202 ; Alain Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 10e éd., Paris, L.G.D.J., 2013, p. 241 et 260. La juridicité de la tolérance en droit des obligations et en droit des biens sera un thème approfondi dans un livre à paraître aux Éditions Yvon Blais (P. Rainville, préc., note 9).
-
[154]
Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26 ; Rainboth c. O’Brien, préc., note 90 (le pourvoi a été rejeté par la Cour suprême du Canada le 2 mai 1916 et le Conseil privé refusa la requête en autorisation de pourvoi). À rapprocher d’un arrêt inédit de la Cour de cassation : « en relevant que M. Giraud avait admis l’exactitude du compte établi entre lui et la compagnie en n’élevant à la réception aucune protestation, la Cour d’appel a constaté un fait duquel elle n’a pas déduit la renonciation de M. Giraud à contester le compte en question, mais la possibilité pour elle de fonder sa décision sur l’analyse de ce document » (Civ. 1re, 9 déc. 1986, no 85-11269).
-
[155]
La jurisprudence québécoise relève à raison cette dissimilitude : « À la vérité, les appelants ne plaident pas une renonciation implicite de l’intimée. Ils plaident plutôt que les parties n’ont jamais eu l’intention commune d’inclure [dans le calcul du revenu brut un montant tiré d’une source particulière]. Cela a son importance. En effet, la charge de la preuve incombe à l’intimée d’établir sa créance (art. 1203, al. 1, C. civ.), alors qu’il incomberait aux appelants d’établir une renonciation (art. 1203, al. 2, C. civ.) » : Richer c. Mutuelle du Canada, Cie d’assurance sur la vie, préc., note 26.
-
[156]
Civ. 1re, 11 sept. 2013, A.J.D.I. 2013.840 ; Civ. 3e, 5 juin 2013, R.T.D. com. 2013.463, obs. Kendérian, A.J.D.I. 2014.197 ; Paris, 24 janv. 2013, A.J.D.I. 2013.525 ; Civ. 3e, 23 janv. 2013, A.J.D.I. 2013.609, obs. Castela ; Civ. 3e, 19 mars 2008, Bull. civ. III, no 53, G.P. 2008.2529, note Brault ; R.T.D. civ. 2008.294, obs. Fages ; R.T.D. civ. 2008.688, obs. Gautier ; R.T.D. com. 2009.81, obs. Kendérian ; D. 2008.1056, obs. Rouquet ; Zanetti c. 2946-6117 Québec inc., préc., note 89 ; Lévesque-Albert c. Paradis, préc., note 89, par. 38 ; Mercier c. 9050-0752 Québec inc., 2007 QCCQ 13897, par. 41 ; N.T. c. C.S., J.E. 2005-387 (C.A.), 2005 QCCA 51 ; 2760-1699 Québec inc. c. Lamarre, [2004] R.D.I. 128 (C.S.) ; Dussault c. Barranqueiro, [2004] R.D.I. 309 ; J.E. 2004-804, par. 49 et 50 (C.S. ; jugement porté en appel) ; Fournelle c. Lamoureux, préc., note 89 ; Poirier c. Turcotte, préc., note 89, par. 14 et suiv. ; G.M. c. T.P., J.E. 2003-98, par. 48 (C.A.) ; Droit de la famille – 3727, préc., note 89, par. 35.
-
[157]
Civ. 3e, 22 janv. 2014, préc., note 7 ; Civ. 1re, 11 sept. 2013, préc., note 156 ; Civ. 3e, 5 juin 2013, préc., note 156 ; Civ. 3e, 23 janv. 2013, préc., note 156, obs. Castela ; Civ. 3e, 3 avr. 2012, préc., note 7 ; Soc. 13 oct. 2011, préc., note 151 ; Civ. 2e, 31 mars 2011, Bull. civ. II, no 75 ; Civ. 3e, 19 mars 2008, préc., note 156 ; Civ. 3e, 17 janv. 2006, préc., note 52 ; Civ. 2e, 10 mars 2005, Bull. civ. I, no 68 : « la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire ». Civ. 1re, 1er mars 2005, Bull. civ. I, no 108 ; R.T.D. civ. 2005.393, obs. Mestre et Fages ; Civ. 3e, 7 déc. 2004, G.P. 2005.1306, note Barbier ; Civ. 2e, 20 juin 2002, préc., note 7 ; Civ. 3e, 26 janv. 1994, préc., note 7 : « Aucune renonciation au jeu de la clause d’indexation prévue à un bail ne résulte de la circonstance que le bailleur ne s’en est pas prévalu pendant plusieurs années » ; Civ. 1re, 19 févr. 1991, Bull. civ. I, no 66, Defrénois 1991, p. 953, obs. Massip ; Civ. 3e, 18 févr. 1987, préc., note 67, Loyers et copr. 1987, no 161 ; Soc. 10 déc. 1985, Bull. civ. V, no 595 (le défaut d’exiger du salarié démissionnaire le respect du préavis prévu dans le contrat d’emploi ne vaut pas renonciation de la part de l’employeur à l’obtention du paiement de l’indemnité compensatrice de préavis) ; Civ. 1re, 17 oct. 1984, Bull. civ. I, no 270 ; R.T.D. civ. 1987.791, obs. Patarin ; Civ. 3e, 7 oct. 1975, Bull. civ. III, no 282 ; Civ. 3e, 5 mars 1971, Bull. civ. III, no 175 ; Com. 4 mars 1957, Bull. civ. III, no 79, p. 69 ; Civ. 20 nov. 1945, préc., note 111 ; Yves Rouquet, « Renonciation contractuelle à l’ordre public applicable aux baux commerciaux », A.J.D.I. 2014.91, 93 ; Yann Aubrée, « Démission », J.-Cl. Travail, fasc. 30-20, par. 80 (le silence de l’employeur ne dispense pas l’employé démisionnaire de son obligation de poursuivre sa prestation de travail pendant la durée du délai de préavis) ; Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit bancaire, 8e éd., Paris, Litec, 2011, p. 237 ; L. Gaudin, préc., note 101, p. 401-410 ; C. Chabas, préc., note 89, p. 235 ; Françoise Chapuisat, « La renonciation de l’assureur aux prérogatives du Code des assurances », R.G.A.T. 1993.483, 494. Le droit bancaire français use parfois d’une formulation aux effets analogues : « Si la réception sans protestation ni réserve des avis d’opéré fait présumer l’existence et l’exécution des opérations qu’ils indiquent, elle n’empêche pas le client de reprocher à celui qui a effectué ces opérations d’avoir excédé les limites de son mandat » (Com. 13 juin 1995, préc., note 57). Cf. également : Com. 13 nov. 2012, no 11-25596 ; Com. 27 mars 2001 (Société Transports Jacques Barre c. Société lyonnaise d’affacturage), résumé par F. Crédot et Y. Gérard. Rev.droit banc. et fin. 2011.152, auxquelles s’ajoutent les observations pénétrantes de Martin sous Com. 3 nov. 2004, D. 2006.163 ; Com. 3 nov. 2004, D. 2005.579, 580, note Naudin. Pour une décision isolée à l’opposé de la jurisprudence classique de la Cour de cassation, cf. l’arrêt Civ. 3e, 4 mars 2014, préc., note 8, obs. Cohet.
-
[158]
Droit de la famille – 14499, préc., note 7 ; Droit de la famille – 123567, préc., note 7, par. 41 ; Zanetti c. 2946-6117 Québec inc., préc., note 89 ; Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc. c. Gouveia, préc., note 9 ; Daigneault (Robert Daigneault, cabinet d’avocats) c. Caron, préc., note 51 ; J.P. Mallette et Associés c. Charbonneau, préc., note 67 ; 3743781 Canada inc. c. Multi-marques inc., préc., note 67, par. 106 ; Banque nationale du Canada c. Lemay, préc., note 52, par. 34 ; Gestion LJMJ inc. c. Métro Richelieu inc., préc., note 114, par. 57 ; Garneau c. Développement 4e Dimension inc., 2007 QCCQ 2166 ; N.T. c. C.S., préc., note 105 ; R.-A.A. c. C.D., préc., note 52 ; G.M. c. T.P., préc., note 156 ; Placements André Turgeon inc. c. Longueuil (Ville de), [2003] R.J.Q. 774 (C.A. ; requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée) ; G.M. Développement inc. c. Société en commandite Ste-Hélène, préc., note 8, par. 77-90 ; Vendetti-Posluns c. Vendetti, [2003] R.D.I. 432 (C.S.) (inaction d’une durée de 25 ans) ; Droit de la famille – 3727, préc., note 89 ; Bastien c. Beaulac, préc., note 46, repris avec approbation dans l’affaire Union canadienne, compagnie d’assurances c. Quintal, préc., note 51, par. 47 ; Copropriétaires de la copropriété La Caserne c. Services M.L. Marengère inc., [1993] R.D.I. 346 (C.A. ; requête pour autorisation à la Cour suprême du Canada rejetée) ; Corpex (1977) inc. c. La Reine du Chef du Canada, [1982] 2 R.C.S. 643, 671.
-
[159]
Beauregard c. Plante, préc., note 56, par. 68 ; voir aussi l’affaire Droit de la famille – 2070, J.E. 94-1825 (C.A.). Comparer avec l’affaire Droit de la famille – 1939, [1997] R.D.F. 232, J.E. 97-1066 (C.S.).
-
[160]
Beauregard c. Plante, préc., note 56, par. 65. Au même effet : F.C. c. L.M.B., [2003] R.D.F. 880 ; J.E. 2003-1897 (C.S.).
-
[161]
Voir également l’affaire Vendetti-Posluns c. Vendetti, préc., note 158 : l’acceptation tacite d’un état de fait pendant 25 ans permet de conclure à l’existence du partage en nature des droits des héritiers.
-
[162]
Bordeleau c. Bordeleau, J.E. 2000-155 (C.S.).
-
[163]
Grenier-Depreist c. Gauvin, J.E. 2003-2226, par. 70 (C.S.) ; Caisse populaire Desjardins de Plessiville c. Parent, J.E. 2000-789 (C.S.). Voir pareillement, en droit français, la belle étude de H. Boucard, préc., note 9, p. 292 et 293.
-
[164]
Art. 1400 C.c.Q.
-
[165]
La primauté de la volonté interne et les tempéraments posés à ce principe sont exposés dans la partie 1.1.1 du présent article.
-
[166]
S’il convient de noter l’évolution progressive du droit anglais en la matière et son ouverture à certaines solutions parfois apparentées à celles retenues en droit français ou québécois (B. Fauvarque-Cosson, préc., note 48), la common law s’en tient pourtant à une appréciation objective de la « volonté » des parties au regard des faits dont elles avaient connaissance au moment de la formation de l’accord. Voir l’affaire Shell Canada Products v. Sunterra Beef Ltd, 2014 ABCA 243, par. 25 (requête en autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée).
-
[167]
Le recours au comportement des parties « donne après coup une légitimité à une interprétation que les circonstances antérieures ne permettraient peut-être pas de dégager » : D. Lluelles et B. Moore, préc., note 9, p. 887, par. 1603.
-
[168]
A. Bénabent, préc., note 9, p. 214. Comme l’expose la professeure M. Fabre-Magnan, préc., note 35, p. 287 et 288 : « En droit français, ce qui compte c’est la volonté interne du contractant, son adhésion intime et psychologique au contrat, et l’extériorisation de cette volonté n’a de valeur qu’autant qu’elle rend compte de la volonté intime. En droit allemand au contraire, la volonté exprimée (la déclaration de volonté) prend le pas sur la volonté interne. »
-
[169]
Le principe en est admis dans un arrêt en cassation qui en fait toutefois une application très maladroite : Civ. 1re, 28 févr. 2008, R.D.C. 2008.709, obs. crit. (et très fondées) Genicon.
-
[170]
Philippe Le Tourneau et Matthieu Poumarède, « Bonne foi », Rép. Civ. 2009, no 59.
-
[171]
Aussi a-t-on pu dire de l’article 1156 C. civ. qu’il est une disposition « programmatique » : selon C. Grimaldi, préc., note 28, 217. À rapprocher de P. Malinvaud, D. Fenouillet et M. Mekki, préc., note 59, p. 321 ; Pierre Catala, « Interprétation et qualification dans l’avant-projet de réforme des obligations », dans Études offertes à Geneviève Viney, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 243, à la page 244.
-
[172]
« Placé en tête de série, l’article 1156 a incontestablement valeur de principe » : F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, préc., note 30, p. 499. Cette observation semble faire consensus : selon C. Grimaldi, préc., note 28, p. 208, « l’article 1156 […] n’énonce pas une règle d’interprétation mais livre le “but” commun aux règles d’interprétation en matière contractuelle (encore qu’il faille, répétons-le, réserver certaines règles d’interprétation qui se contentent de fixer arbitrairement le sens du contrat) » ; J. Carbonnier, préc., note 3, p. 278.
-
[173]
Weston White c. Aladdin Estimation inc, préc., note 58 par. 49 ; en droit français, voir les autorités citées plus haut supra, note 58.
-
[174]
Voir l’article 1427 C.c.Q. (« Les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat ») ainsi que son pendant français, l’article 1161 C. civ.
-
[175]
Voir l’article 1430 C.c.Q. (« La clause destinée à écarter tout doute sur l’application du contrat à un cas particulier ne restreint pas la portée du contrat par ailleurs conçu en termes généraux ») de même que l’article 1164 C. civ.
-
[176]
Comparer avec J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, préc., note 36, p. 414-416 ; Com. 7 juin 2006, préc., note 58 ; Civ. 1re, 9 avril 1991, préc., note 58, au sujet de l’article 1160 C. civ., ou encore Paris, 27 nov. 1991, D. 1992.I.69, à propos de l’article 1161 C. civ.
-
[177]
La genèse de cet ordonnancement est relatée avec une minutie historique exemplaire par H. Trofimoff, préc., note 34.
-
[178]
Voir les autorités citées plus haut : supra, notes 28 et 35.
-
[179]
Union Carbide Canada inc. c. Bombardier inc., [2014] 1 R.C.S. 800, 2014 CSC 35, par. 59 et 65 ; Billards Dooly’s inc c Entreprises Prébour ltée, préc., note 43, par. 63 ; Société de gestion immobilière Healthcare ltée c. Gestion Placimo inc., préc., note 58, par. 33.
-
[180]
« S’il y a eu, certes, des propositions doctrinales tendant à une interprétation plus objective des actes juridiques, il reste qu’aucune “école de la libre recherche scientifique” n’est venue supplanter, en cette matière, la classique recherche des intentions : interpréter un contrat, c’est toujours et avant tout rechercher, dans toute la mesure du possible, l’intention des parties, afin d’assurer le respect de la parole donnée » : P. Simler, préc., note 10, no 22.
-
[181]
Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., préc., note 62, par. 51 ; Gahel c. Chagnon, préc., note 58 ; Autobus Fleur de lys inc. JS 1368 c. Réseau de transport de la Capitale, 2013 QCCS 4574 ; RRVP Trois-Rivières inc. c. Lamvec inc., 2007 QCCQ 11028. La priorisation de la recherche de la volonté des parties était pareillement acquise à l’époque du Code civil du Bas Canada : Frenette c. Métropolitaine (La), cie d’assurance-vie [1992] 1 R.C.S. 647, 667 et 668 ; Confédération (La), Compagnie d’assurance-vie c. Lacroix, [1996] R.R.A. 930 (C.A.).
-
[182]
P. Catala, préc., note 47, p. 99. L’art. 1136, al. 2 de l’avant-projet Catala en consacre le triomphe dans le domaine de l’acte unilatéral puisque doit « prévaloir l’intention réelle » sur le sens littéral des termes employés. La préséance de la volonté interne est d’autant plus éclatante qu’une seule volonté est à l’oeuvre. Au contraire de l’interprétation contractuelle, l’élucidation du sens d’un acte unilatéral n’exige aucunement la conciliation des volontés supposées. Le principe retenu donne donc libre cours à la volonté interne pour peu que celle-ci paraisse vraisemblable au vu des éléments de preuve rapportés.
-
[183]
Ainsi s’exprime-t-on dans le rapport de présentation du Ministère de la Justice, Projet de réforme du droit des contrats, 2008, p. 7.
-
[184]
L’article 152 du projet de réforme comporte deux alinéas. Le premier veut que « [l]e contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt que d’après le sens littéral des termes ». Le second alinéa s’exprime ainsi : « À défaut de déceler la commune intention des parties, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation » (Projet de réforme du droit des contrats, ministère de la Justice de la République française, 2008, p. 34). Concordent les propositions législatives du groupe dirigé par le professeur Terré (François Terré, « L’interprétation », dans Pour une réforme du droit des contrats, Paris, Dalloz, 2009, p. 301), ainsi que l’article 1188 qui figure dans le tout récent Projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, présenté en 2015 par le ministère de la Justice de la République française.
-
[185]
Société de gestion immobilière Healthcare ltée c. Gestion Placimo inc., préc., note 58, par. 33 ; Reims, 7 janv. 2004, préc., note 58 ; Aix-en-Provence, 26 juin 2002, préc., note 58.
-
[186]
Sur la conciliation entre les méthodes subjective et objective déjà à l’oeuvre dans l’avant-projet Catala déposé en 2005, voir D. Fenouillet, préc., note 40.
-
[187]
Brigitte Lefebvre, La bonne foi dans la formation du contrat, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p. 96. Dans le même sens : Éolectric inc. c. Kruger, groupe Énergie, une division de Kruger inc., préc., note 58 ; 3879607 Canada inc. c. Hôtel Cadim (Godin) inc., préc., note 64, par. 5 ; Sobeys, préc., note 28, par. 60 ; Banque de Montréal c. Cinémas Guzzo inc., préc., note 63. Or, une partie ne saurait imposer à l’autre sa propre interprétation contractuelle. Aussi convient-il de saluer la nouvelle disposition du droit de la consommation français qui bannit les clauses qui entendent conférer à un professionnel « le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat » (Code de la consommation, art. R132-1, 4). Pareille stipulation est présumée « abusive », et ce, de manière irréfragable. En droit commun, cf. F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, préc., note 30, p. 496. Au sujet de la nécessité d’une volonté « commune » par opposition à une volonté esseulée, cf. nos précisions citées plus haut : supra, p. 625 et 626, de concert avec les notes 29-31.
-
[188]
Aussi arrive-t-il que la difficulté de compréhension ne provienne pas « tant d’une “déficience de l’expression” que d’une “véritable carence de la pensée” » : D. Lluelles et B. Moore, préc., note 9, p. 875 (par. 1587, citant à l’appui les écrits de T. Ivainer). Or, l’oeuvre interprétative fait sienne cette réalité : « le contrat est un instrument qui renferme la possibilité de reporter la détermination de son contenu normatif au stade de l’interprétation. Portalis l’avait bien vu : “Tout simplifier est une opération sur laquelle on a besoin de s’entendre. Tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre” » (G. Chantepie, préc., note 62, p. 1016).
-
[189]
STMicroelectronics inc. c. Matrox Graphics inc., 2007 QCCA 1784, par. 117-119.
-
[190]
B. Lefebvre, préc., note 187, p. 97 (l’italique est de nous), dans un passage relaté dans les affaires suivantes : Gerstein c. Ifergan, préc., note 128 ; Bérubé c. Bois Rocam inc., 2004 CanLII 48314 (Qc C.Q.) ; Jalbert c. Bernier, J.E. 2003-1420 (C.Q.) ; Robinette c. Morris, 2003 CanLII 52317 (Qc C.Q.). Une auteure semble vouloir confier un rôle encore plus ample à la bonne foi : Marie Annik Grégoire, Liberté, responsabilité et utilité : la bonne foi comme instrument de justice, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 195-201.
-
[191]
Cette image est dérobée aux professeurs P. Malinvaud, D. Fenouillet et M. Mekki, préc., note 59, p. 322, qui l’emploient afin d’expliquer la préséance des clauses manuscrites sur les clauses imprimées dans le cadre de l’interprétation contractuelle.
-
[192]
Sur cette théorie d’origine anglo-saxonne, sa polysémie parfois fuyante et sa réception incertaine en droit civil, voir l’étude approfondie de D. Lluelles et B. Moore, préc., note 9, p. 876 (par. 1588) et 927-931 (par. 1669-1676). Comparer avec : Laurent Aynès, « La confiance en droit privé des contrats », dans Valérie-Laure Bénabou et Muriel Chagny (dir.), La confiance en droit privé des contrats, Paris, Dalloz, 2008, p. 153 ; Pascal Lokiec, « Le droit des contrats et la protection des attentes », D. 2007.321.
-
[193]
R. Char, préc., note 12, p. 129.
-
[194]
Voir les développements plus haut : supra, p. 638 à 659, 666, 667, 673 et 674.
-
[195]
Voir les précisions plus haut : supra, p. 638 à 648, 653 à 655, 666 et 667.
-
[196]
Voir les explications données et les exemples abordés plus haut : supra, p. 643, 644, 647 et 648.
-
[197]
Voir les remarques plus haut : supra, p. 659 à 665.
-
[198]
Voir l’analyse plus haut : supra, p. 659 à 663.