Volume 55, numéro 2, juin 2014
Sommaire (8 articles)
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Le rapatriement constitutionnel de 1982 : existait-il une coutume constitutionnelle nécessitant l’accord unanime des provinces pour modifier la Constitution ?
François Boulianne
p. 329–384
RésuméFR :
Avant le rapatriement constitutionnel de 1982, existait-il une coutume constitutionnelle nécessitant l’accord unanime des provinces pour modifier la Constitution ? Après avoir analysé les éléments constitutifs permettant la reconnaissance d’une coutume en tant que source de droit au niveau international et dans les États de common law, l’auteur établit, dans une perspective historique, politique et juridique, les caractéristiques qui permettent d’utiliser cette norme juridique dans le contexte canadien. Bien que la coutume constitutionnelle n’ait pas été plaidée devant les tribunaux canadiens au moment du rapatriement, l’analyse des modifications constitutionnelles depuis la Confédération, à la lumière des éléments constitutifs de cette règle de droit, permet de croire que l’accord unanime des provinces était nécessaire pour modifier la Constitution. Cette analyse s’avère encore plus crédible lorsqu’elle est confrontée à l’avis des juges majoritaires de la Cour suprême du Canada rendu à l’aube du rapatriement dans le Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution. La reconnaissance de cette coutume aurait permis de préserver le caractère inclusif de la Constitution ainsi que le désir commun des provinces de contracter une union fédérale comme cela avait été établi en 1867.
EN :
Before the constitutional patriation in 1982, was there a constitutional custom requiring the unanimous assent of the provinces to amend the Constitution ? After analysing the constitutive elements that identify a custom as a source of law at the international level and in common law jurisdictions, this article establishes the features that allow this legal approach to be used in the Canadian context, from a historical, political and legal standpoint. Despite the fact that constitutional custom was not pleaded before the Canadian courts when the Constitution was patriated, an analysis of constitutional amendments since Confederation, in light of the constitutive elements of the legal rule, suggests that unanimous agreement from the provinces was necessary to amend the Constitution. This analysis gains even more credibility from the majority decision of the Supreme Court immediately prior to patriation in Re : Resolution to amend the Constitution. Recognition for this custom would have allowed the inclusive nature of the Constitution to be preserved along with the shared desire of the provinces to contract a federal union, as established in 1867.
ES :
Antes de la repatriación constitucional de 1982, ¿existía una costumbre constitucional que requería del acuerdo unánime de las provincias para modificar la Constitución ? Después de haber analizado los elementos constitutivos que permiten el reconocimiento de una costumbre como fuente de derecho a nivel internacional y en las jurisdicciones de derecho consuetudinario, este artículo establece desde una perspectiva histórica, política y jurídica las características que permiten emplear esta norma jurídica en el contexto canadiense. A pesar de que la costumbre constitucional no haya sido recurrida ante los tribunales canadienses al momento de la repatriación, el análisis de las modificaciones constitucionales llevadas a cabo desde la Confederación y a la luz de los elementos constitutivos de esta regla de derecho, permite considerar que era necesario el acuerdo unánime de las provincias para modificar la Constitución. Este análisis resulta ser aún más probable cuando se coteja con la opinión de los jueces mayoritarios de la Corte Suprema, emitida al inicio de la repatriación en el Reenvío : una resolución para modificar la Constitución. El reconocimiento de esta costumbre habría permitido preservar el carácter inclusivo de la Constitución, así como la voluntad común de las provincias para formar una unión federal, tal y como fue establecida en 1867.
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La soif de certitude et la peur du chaos dans la réforme du droit des contrats : une analyse rhétorique du discours du Barreau et de la Chambre des notaires du Québec
Julie Paquin
p. 385–416
RésuméFR :
Cet article aborde l’étude des débats ayant entouré l’adoption du Code civil du Québec comme des lieux d’expression de luttes relatives à la redéfinition ou à la réaffirmation de la doxa de la communauté juridique québécoise. Il se fonde sur une analyse rhétorique des stratégies argumentaires développées par le Barreau et la Chambre des notaires du Québec devant la Sous-commission des institutions relativement à l’étude de l’avant-projet de loi sur les obligations, à l’automne 1988, dans le but d’en dégager les représentations sous-jacentes et de rendre compte du caractère acceptable des orientations législatives préconisées. Les débats parlementaires permettent ainsi de mettre en lumière la vision des rapports entre droit privé et rapports économiques qui sous-tend les arguments énoncés par les ordres professionnels.
EN :
This article looks at the debates marking the introduction of the new Civil Code of Québec as the site of a struggle to redefine or reaffirm the doxa of Québec’s legal community. It is based on a rhetorical analysis of the argumentational strategies developed by the Québec Bar and Chambre des Notaires before the Subcommittee on Institutions during examination of the draft bill on obligations in the fall of 1988, in order to identify the underlying representations and account for the acceptability of the legislative proposals made. The parliamentary debates are used to shed light on the vision of the relationship between private law and economic transactions that underlies the arguments presented by the professional orders.
ES :
Este artículo aborda el estudio de los debates vinculados con la aprobación del Código Civil de Quebec, considerados como espacios de expresión de luchas vinculadas con la redefinición o la reafirmación de la doxa de la comunidad jurídica quebequense. Este artículo se fundamenta en un análisis retórico de las estrategias argumentativas llevadas a cabo por el Barreau y la Chambre des notaires du Québec, ante la subcomisión de las instituciones con respecto al estudio del Anteproyecto de ley sobre las obligaciones (otoño de 1988) con el fin de que se perciban las representaciones subyacentes y rendir cuentas del carácter aceptable de las orientaciones legislativas preconizadas. Los debates parlamentarios permiten de esta manera que se aclare la visión de las relaciones entre el derecho privado y las relaciones económicas, que respaldan los argumentos formulados por las órdenes profesionales.
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L’autopsie d’une crise de légitimité : la grève étudiante de 2012 et l’État
Mathieu Jean
p. 417–442
RésuméFR :
Si l’affrontement entre le mouvement étudiant et le gouvernement libéral du Québec a pris une forme exacerbée au printemps 2012, c’est parce que l’ordre juridique incarné par le mouvement étudiant était en mesure d’opposer au gouvernement, qui tentait de le supprimer, une contre-légitimité puisée dans la démocratie directe ainsi que dans des pratiques réflexives et contre-hégémoniques. Le choc entre ces deux ordres juridiques a conduit à une crise de légitimité qui n’a finalement été résolue que par le ressourcement de la légitimité de l’État à travers le processus électoral. Ce type de sortie de crise a permis à l’État d’opposer sa prétention à l’universalité à un mouvement social fondé avant tout sur une rationalité communicationnelle intersubjective et qui laissait présager la recomposition d’un sujet politique oppositionnel.
EN :
The exacerbation of the confrontation between the student movement and the Liberal government [in Québec] can be ascribed to the fact that the legal order embodied by the student movement was able to set up against the government, which was attempting to quell the movement, a counter-legitimacy based on direct democracy and reflexive, counter-hegemonic practices. The clash between these two legal orders led to a crisis of legitimacy which, in the end, was only resolved by renewing the State’s legitimacy through the electoral process. This way out of the crisis allowed the State to oppose its claim to universality against a social movement founded above all on a communicative intersubjective rationality that prefigured the recomposition of an oppositional political subject.
ES :
Si el enfrentamiento entre el movimiento estudiantil y el gobierno liberal tomó una forma exacerbada, es porque el orden jurídico encarnado por el movimiento estudiantil podía oponerse al gobierno, el cual, por su parte, trataba de eliminarlo. Se conformaba pues, una contralegitimidad basada en la democracia directa, y en las prácticas reflexivas y contrahegemónicas. El choque entre estos dos órdenes jurídicos acarreó una crisis de legitimidad, que finalmente fue resuelta con la renovación de la legitimidad del Estado a través del proceso electoral. Este tipo de salida de crisis, le permitió al Estado oponer su pretensión a la universalidad a un movimiento social basado fundamentalmente en una racionalidad comunicacional intersubjetiva y que presagiaba la recomposición de un tema político oposicional.
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Les politiques canadiennes en matière d’étiquetage alimentaire : reflet d’une hégémonie technoscientifique au service d’un calcul utilitaire ?
Mélanie Bourassa Forcier, Geneviève Dufour et Kristine Plouffe-Malette
p. 443–488
RésuméFR :
Présence d’additifs alimentaires, d’édulcorant, de gras trans ou de sel, voilà autant d’informations qui doivent figurer sur l’étiquette d’un produit préemballé. Quels critères amènent les instances réglementaires à donner la priorité à une information plutôt qu’à une autre ? Le public a-t-il voix au chapitre ? Pour répondre à ces questions, deux exemples de réglementation canadienne en matière d’étiquetage alimentaire serviront de cadre d’analyse : 1) la réglementation en matière d’étiquetage des aliments génétiquement modifiés qui, contrairement aux souhaits des citoyens, préconise l’étiquetage volontaire plutôt qu’obligatoire ; et 2) la réglementation en matière d’étiquetage des allergènes qui, conformément à la volonté des Canadiens, oblige les compagnies à indiquer la présence de certains ingrédients allergènes sur les étiquettes. Les auteures constatent que l’état des politiques canadiennes en matière d’étiquetage alimentaire est le reflet d’un calcul utilitaire de la part du gouvernement en place : tant les intérêts économiques de l’industrie agricole que le bien-être collectif entrent en ligne de compte dans la décision d’imposer l’étiquetage, mais il semble que l’intérêt collectif soit majoritairement déterminé en fonction de la donne scientifique (et économique) au détriment de la volonté collective. La science, souvent produite par l’industrie elle-même, sert-elle alors à appuyer — ou à légitimer — le calcul utilitaire en imposant l’idée selon laquelle le souhait du citoyen n’est pas raisonnable ni rationnel ? Si tel est le cas, le scientifique joue ainsi toujours, pour ne pas dire encore plus maintenant que la donne scientifique est de plus en plus accessible, un rôle social déterminant qu’Antonio Gramsci qualifierait d’hégémonique.
EN :
The presence of food additives, sweeteners, trans fat and salt must all be indicated on the labels of pre-packed food products — but what criteria guide the regulatory authorities in their decision to give priority to one kind of information over another ? Does the general public have any input ? To answer these questions, two Canadian regulatory fields connected with food labelling provide the basis for an analysis : (1) regulation of the labelling of genetically modified foodstuffs which, contrary to the wishes of the population, makes labelling voluntary rather than compulsory, and (2) regulation of the labelling of allergens which, in keeping with the wishes of Canadians, requires companies to indicate the presence of certain allergenic ingredients on their labels. We observe that the current Canadian policy on food labelling reflects a utilitarian calculation by the government in power : both the economic interests of the agrifood industry and the collective wellbeing are taken into account in labelling decisions. However, it appears that the collective interest is determined more on the basis on scientific (and economic) data than on citizens’ wishes. Is science, often produced by the industry itself, used to support — or legitimize — the utilitarian position by promoting the idea that citizens’ wishes are neither reasonable nor rational ? If this is the case, then scientists are still playing — and in fact, given that scientific data is increasingly accessible, playing more than ever before — a determining social role that Antonio Gramsci would call hegemonic.
ES :
La presencia de aditivos alimentarios, edulcorantes, grasas trans, o de sal son informaciones que deben aparecer en la etiqueta de un producto preenvasado. ¿Cuáles son los criterios que instan a las autoridades reguladoras para que se le dé prioridad a una información con respecto a otra ? ¿El público puede opinar ? Para responder a estas interrogantes, dos reglamentos canadienses en materia de etiquetado de productos alimenticios servirán como marco de análisis : 1. La reglamentación en materia de etiquetado de alimentos modificados genéticamente, que contrariamente a las aspiraciones de los ciudadanos, preconiza el etiquetado de manera voluntaria, en lugar de que sea obligatorio. 2. La reglamentación en materia de etiquetado de alérgenos, que de conformidad con la voluntad de los canadienses, obliga a las compañías a señalar la presencia de determinados ingredientes alérgenos en las etiquetas. Constatamos que el estado de las políticas canadienses en materia de etiquetado de los alimentos es el reflejo de un cálculo utilitario por parte del gobierno de turno. Se han tomado en cuenta tanto los intereses económicos de la industria agrícola, como el bienestar colectivo en la decisión de imponer el etiquetado. No obstante, pareciera que el interés colectivo está mayoritariamente determinado en función del contexto científico (y económico) en detrimento de la voluntad colectiva. La ciencia, frecuentemente promovida por la propia industria ¿puede servir para apoyar (o legitimar) el cálculo utilitario, al imponer la idea, según la cual, las aspiraciones del ciudadano no son razonables y racionales ? Si esto fuera el caso, entonces se diría que el científico juega siempre así, -por no decir aún más por ahora, ya que el contexto científico es cada vez más accesible- un papel social determinante que Antonio Gramsci calificaría de hegemónico.
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Le Parlement, les tribunaux et la Charte canadienne des droits et libertés : vers un modèle de privilège parlementaire adapté au xxie siècle
Marc-André Roy
p. 489–528
RésuméFR :
Le privilège parlementaire, essentiel au bon fonctionnement du parlementarisme canadien, est trop souvent mal compris par les tribunaux, mais également par les parlementaires eux-mêmes, qui vont parfois l’invoquer de manière abusive. Depuis l’avènement de la Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux tentent, avec un succès mitigé, de réconcilier le privilège parlementaire avec les droits et libertés constitutionnels. À l’aide d’une étude de la jurisprudence et de la doctrine, l’auteur analyse de manière critique le modèle canadien de privilège parlementaire. Il tente tout d’abord de bien comprendre les bases historiques et constitutionnelles du privilège au Canada. Par la suite, il circonscrit les principaux problèmes de l’approche de la Cour suprême du Canada en la matière pour ensuite proposer des pistes de solution, adressées aux tribunaux, mais aussi aux parlementaires, afin de mieux adapter le privilège parlementaire aux réalités du xxie siècle.
EN :
Parliamentary privilege is essential to the proper functioning of the Canadian parliamentary system, but is often misunderstood by the courts, and also by parliamentarians themselves, who sometimes use it in an abusive manner. Since the advent of the Charter, the courts have tried, with mixed success, to reconcile parliamentary privilege with constitutional rights and freedoms. Through an analysis of the case law and doctrine, this article critically examines the Canadian model of parliamentary privilege. First, it attempts to understand the historical and constitutional foundations of privilege in Canada. Next, it identifies the main problems in the Supreme Court of Canada’s approach to the matter. It then proposes possible ways for the courts, and also for parliamentarians, to better adapt parliamentary privilege to the realities of the 21st century.
ES :
El privilegio parlamentario (o fuero parlamentario) es un mecanismo fundamental para garantizar el buen funcionamiento del sistema parlamentario canadiense. Sin embargo, este privilegio a menudo ha sido mal interpretado por los tribunales, e igualmente, por los propios parlamentarios, quienes en ocasiones lo van a invocar de forma abusiva. Desde el advenimiento de la Carta de derechos y libertades, los tribunales han intentado reconciliar (con un éxito limitado) el privilegio parlamentario con los derechos y libertades constitucionales. A través del análisis de la jurisprudencia y de la doctrina, este artículo examina de manera crítica, el modelo canadiense del privilegio parlamentario. En primer lugar, trata de comprender los fundamentos históricos y constitucionales del privilegio en Canadá. Posteriormente, el artículo puntualiza los principales problemas del enfoque de la Corte Suprema de Canadá en la materia, para luego proponer pistas de soluciones dirigidas a los tribunales e igualmente a los parlamentarios, con el fin de adaptar mejor el privilegio parlamentario al contexto del siglo XXI.
Notes
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La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme
Abdou-Khadre Diop
p. 529–555
RésuméFR :
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après denommée Cour africaine) est la plus jeune juridiction continentale de protection des droits de l’homme. Elle est aussi celle qui aura l’espérance de vie la plus courte, car, avant même sa naissance, sa mort prochaine est annoncée avec le Protocole de Sharm El Sheik qui prévoit la fusion de la Cour africaine des droits de l’homme avec la Cour de justice de l’Union africaine en une Cour africaine de justice et des droits de l’homme. Installée le 2 juillet 2006, et bien qu’elle soit promise à un avenir très incertain, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples n’en mérite pas moins de faire l’objet d’un investissement scientifique. Elle est en effet le premier organe judiciaire créé à l’échelle du continent africain (qui, en outre, servira de base à la future Cour africaine de justice et des droits de l’homme) et est établie dans le sillage d’une demi-douzaine de cours sous-régionales, ce qui laisse un décor à la fois complexe et original.
EN :
The African Court on Human and Peoples’ Rights is the most recently-established human rights protection court with continent-wide jurisdiction. It is also the court with the shortest life expectancy ; before it was born its demise had already been announced in the Sharm El-Sheikh Protocol, which provides for it to merge with the Court of Justice of the African Union to form the African Court of Justice and Human Rights. The African Court on Human and Peoples’ Rights was established on July 2, 2006, and although facing an uncertain future, still merits scientific investigation since it is the first judicial body created to cover the entire African continent. It will, in addition, form the nucleus of the future African Court of Justice and Human Rights. Its creation follows in the wake of a half-dozen sub-regional courts which form a complex and original tapestry.
ES :
La Corte Africana de los Derechos del Hombre es la jurisdicción continental de protección de los derechos del hombre más reciente. Sin embargo, dicha Corte tuvo una corta esperanza de vida : antes de su creación, se anunció su fin con el Protocolo de Sharm El Sheik, el cual prevé la fusión de la Corte Africana de Justicia y de Derechos del Hombre con la Corte de Justicia de la Unión Africana, para así formar la Corte Africana de Justicia y de Derechos del Hombre. Instaurada el 02 de julio de 2006, y con la promesa de un futuro muy incierto, la Corte Africana de Derechos Humanos y de los Pueblos merece ser el objeto de una inversión científica. Efectivamente, esta Corte ha sido el primer órgano judicial creado a nivel del continente africano (que también servirá como base a la futura Corte Africana de Justicia y de Derechos del Hombre) y se ha establecido en la estela de una media docena de Cortes subregionales, creándose así una disposición original y a la vez compleja.
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Les mutations juridiques de la famille en France : état des lieux d’une institution « politisée »
Richard Ouedraogo
p. 557–577
RésuméFR :
La législation française en matière familiale est en pleine ébullition depuis quelques mois. Le changement de majorité parlementaire, intervenu en mai 2012, accélère la cadence des réformes : ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, suppression du contrat de responsabilité parentale, expérimentation de la médiation familiale dans les conflits portant sur l’exercice de l’autorité parentale, projet de révision du quotient familial pour l’octroi des allocations aux familles les moins aisées, etc. Puisque le temps de l’action politique en vue de la réalisation des promesses électorales ne laisse pas forcément de place à celui de la réflexion doctrinale, on constate que la doctrine semble dépassée, à l’heure actuelle, par ce rythme effréné de la production normative. Or, la famille comme objet « politique », au sens le plus noble, est aussi une institution juridique. Elle a donc vocation, avant toute réforme législative, à être placée au centre de la « discussion » des juristes, pour une mise au point critique des enjeux théoriques et pratiques. La présente analyse se propose par conséquent de dresser un état des lieux (non exhaustif) d’une institution qui a, depuis 40 ans, été appropriée, voire instrumentalisée par le ou les politiques, qui ont parfois ignoré les mises en garde de la doctrine sur certaines incohérences constatées ça et là dans notre droit du couple, ainsi que dans les mutations sociologiques en matière de filiation et d’autorité parentale.
EN :
Legislation in France in the field of family law has been in a state of turmoil for several months now. The new parliamentary majority elected in May 2012 has accelerated the pace of the reforms, by opening marriage up to same-sex couples, withdrawing the contract of parental responsibility, experimentally applying family mediation in disputes involving the exercise of parental responsibility, tabling a project to revise the family quotient for the granting of allowances to poorer families, etc. Since the window of opportunity for taking political action to implement election promises does not always leave time for review from a doctrinal standpoint, doctrine has apparently been left behind in the rush to introduce new standards. However, the family as a “political” object, in the noblest sense, is also a legal institution. It should therefore, before any legislative reform, be a focus for “discussions” by legal experts, who can critically examine the theoretical and practical considerations. This analysis presents a (non-exhaustive) review of the current situation of the family as an institution which, for the last forty years, has been appropriated and even exploited by politics and politicians—sometimes ignoring doctrinal warnings of various inconsistencies in the law governing couples and in the sociological mutations that have occurred in the areas of filiation and parental authority.
ES :
La legislación francesa en materia de derecho de familia se encuentra en plena efervescencia desde hace algunos meses. El cambio en la mayoría parlamentaria llevado a cabo en el mes de mayo del año 2012, ha acelerado el ritmo de las reformas: la aceptación del matrimonio entre parejas del mismo sexo, la supresión del contrato de responsabilidad parental, el ensayo de la mediación familiar en los conflictos que tratan sobre el ejercicio de la autoridad parental, el proyecto de revisión del quotient familial para el otorgamiento de subsidios a las familias con menos recursos económicos, etc. Puesto que el tiempo de la acción política en vistas a la realización de las promesas electorales no da lugar necesariamente a la reflexión doctrinal, se puede constatar que la doctrina pareciera estar superada hoy en día por ese ritmo desenfrenado de la producción normativa. Ahora bien, la familia como objeto «político» en el sentido más noble, es igualmente una institución jurídica que tiene vocación, antes que cualquier reforma legislativa, a estar en el centro del «debate» de los juristas, para una elaboración crítica de los desafíos teóricos y prácticos. Este análisis se propone, por consiguiente, establecer un análisis (no exhaustivo) de una institución que, desde hace cuarenta años, ha sido apropiada e incluso instrumentalizada por el (los) político(s) quien(es) en ocasiones ha(n) ignorado las advertencias de la doctrina sobre algunas incoherencias identificadas aquí y allá en nuestro derecho de pareja, así como en las mutaciones sociológicas en materia de filiación y de autoridad parental.