Épilogue

Des constats et des questions sur le principe des responsabilités communes mais différenciées[Notice]

  • Yves Le Bouthillier

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  • Yves Le Bouthillier
    Professeur, Faculté de droit, Université d’Ottawa ; directeur, Académie de droit de l’environnement de l’Union internationale pour la conservation de la nature

Le présent numéro des Cahiers de droit permet de tirer bien des enseignements sur le principe des responsabilités communes mais différenciées (PRCMD). Dans ce bref texte de clôture, nous mettons en avant quelques constats (1). Les textes regroupés dans ce numéro soulèvent aussi plusieurs questions qui méritent d’être explorées davantage. Nous en avons mis en évidence quelques-unes : ce sont en fait des interrogations auxquelles le lecteur aura peut-être déjà songé en prenant connaissance de ces riches textes sur le sujet (2). Le PRCMD a été et demeure un des éléments centraux du concept de développement durable, comme nous le rappelle Jean-Maurice Arbour. Dès sa première formulation explicite dans le principe 7 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, on souligne que « [l]es pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en faveur du développement durable ». Poursuivre ce nécessaire développement sans pour autant dégrader gravement l’environnement, tant dans les pays les moins nantis qu’à l’échelle mondiale, exige des pays développés qu’ils assument des obligations plus onéreuses et fournissent aux pays en développement une assistance autant financière que technologique. Par ailleurs, les pays développés résistent à toute idée d’une quelconque responsabilité légale pour leur contribution historique à la dégradation de l’environnement. Aux yeux de Jean-Maurice Arbour, comme pour d’autres auteurs, le PRCMD s’appuie sur la notion plus large d’équité. En se fondant sur un texte antérieur de Kristin Bartenstein, Jean-Maurice Arbour note qu’une fonction primordiale du PRCMD est de structurer les négociations internationales en droit de l’environnement. Qu’il ait ou non atteint le statut de droit coutumier, le PRCMD aurait eu un effet rassembleur sur la communauté internationale, car il aurait facilité la participation d’un grand nombre de pays en développement aux négociations internationales en droit de l’environnement. Par exemple, pour Sandrine Maljean-Dubois et Pilar Moraga Sariego, la ratification massive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) s’explique en grande partie par le rôle clé qu’y joue le PRCMD. Cela ne signifie pas pour autant qu’il assure la conclusion d’accords propices au développement durable. Jean-Maurice Arbour nous invite à réfléchir sur les effets pervers qui peuvent résulter du PRCMD : « Au minimum, il est tout au plus un principe d’action politique, un habile compromis qui permet aux uns et aux autres de négocier des ententes environnementales au plus bas coût possible tout en créant l’illusion que la protection de l’environnement est bien gérée à l’échelle internationale. » Par ailleurs, l’atténuation du PRCMD dans les plus récentes négociations sur les changements climatiques n’a pas incité les États à adopter un régime plus susceptible de combattre effectivement la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Sandrine Maljean-Dubois et Pilar Moraga Sariego font observer, au contraire, que l’effort en vue d’atteindre une plus grande symétrie des obligations « n’a jusqu’à présent été obtenu qu’au prix d’un affaiblissement très fort des engagements internationaux des uns et des autres ». Nombreux sont ceux qui associent naturellement le PRCMD à la CCNUCC et au Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. C’est en relation avec ces instruments internationaux que le PRCMD a fait l’objet du plus grand nombre de discussions et de controverses. Ainsi, il ne faut pas se surprendre que certains des textes réunis dans ce numéro des Cahiers de droit soient consacrés entièrement ou en partie à l’analyse du PRCMD dans le contexte des changements climatiques. De nouvelles pistes de réflexion sur le sujet sont explorées, notamment l’analyse de Tohouindji Christian Hessou et Kristin Bartenstein sur les liens entre les déplacements climatiques …

Parties annexes