Aristote écrivait que, si des personnes sont inégales, « elles n’auront pas des parts égales ; mais les contestations et les plaintes naissent quand, étant égales, les personnes possèdent ou se voient attribuer des parts non égales, ou quand, les personnes n’étant pas égales, leurs parts sont égales […] Le juste est, par suite, une sorte de proportion. » L’illustre philosophe grec, faisant de l’équité la pierre angulaire de cette proportionnalité, est celui qui soutenait également que « l’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit ». Le présent numéro des Cahiers de droit regroupe les réflexions de plusieurs chercheurs qui se sont réunis lors d’un colloque tenu à la Faculté de droit d’Aix-Marseille, le 26 septembre 2013, dont le thème était « Le principe des responsabilités communes mais différenciées en droit international de l’environnement ». Organisé par le Centre d’Études et de Recherches Internationales et Communautaires (CERIC) de la Faculté de droit d’Aix-Marseille et le Centre d’études en droit économique (CEDE) de la Faculté de droit de l’Université Laval, ce colloque a donné lieu à maintes discussions sur l’un des défis les plus importants du droit international de l’environnement, qui est d’amener des États à coopérer au développement économique et en fonction d’intérêts différents autour d’un objectif environnemental commun. Pour y parvenir, le droit international de l’environnement emprunte l’idée, qui existait déjà en droit international économique, de différencier les obligations des États, dans le contexte d’un même traité. En droit international de l’environnement, la différenciation se fait au nom du principe des responsabilités communes mais différenciées (PRCMD). Formulé dans le principe 7 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, le PRCMD se fonde sur l’idée qu’il serait inéquitable de soumettre les pays en développement aux mêmes obligations environnementales que les pays développés. Par conséquent, il incite à différencier les obligations des États, dans le cadre d’un même traité environnemental, afin que les moins nantis soient tenus au respect d’obligations moins exigeantes. Le PRCMD se trouve à l’heure actuelle dans une phase critique de sa mise en oeuvre, compte tenu des négociations climatiques en cours. En effet, il est au coeur de l’impasse des négociations internationales qui concernent l’avenir du régime international sur les changements climatiques (Philippe Cullet ; Sandrine Maljean-Dubois et Pilar Moraga Sariego ; Kristin Bartenstein), au sujet duquel les États ne s’entendent pas sur la répartition entre eux de l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La part des pays émergents est particulièrement problématique, au regard de l’importance de leur contribution actuelle et future aux changements climatiques. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si le PRCMD fournit, dans un traité environnemental, une réponse juridique appropriée pour favoriser une justice environnementale au service du développement durable. Cependant, la réponse n’est pas simple, et l’objectif de ce numéro thématique est de poursuivre et de renouveler la réflexion à son sujet. Au lendemain du Sommet de la Terre de Rio, Philippe Cullet écrivait que « l’existence de problèmes qui doivent être résolus collectivement dans une société internationale organisée sur des principes qui favorisent les attitudes égocentriques a eu tendance à créer des tensions dans les négociations étatiques sur ces problèmes et a favorisé l’émergence de groupes de pays ayant des vues tranchées opposes ». Il constatait que le besoin de solidarité interétatique était criant pour que la coopération internationale puisse répondre à une série de problèmes, notamment d’ordre environnemental, dont la solution ne peut être trouvée sur le plan national. Quinze ans plus tard, dans le présent numéro, il affirme qu’« il est indispensable [que le PRCMD] reste un élément …
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Sophie Lavallée
Professeure titulaire, Faculté de droit, Université Laval, QuébecSandrine Maljean-Dubois
Directrice de recherche au CNRS, Aix-Marseille Université, CNRS, CERIC – DICE UMR 7318, Aix-en-ProvenceKristin Bartenstein
Professeure agrégée, Faculté de droit, Université Laval, Québec