Chronique bibliographique

Maurice Tancelin, Le droit malade de l’argent, Montréal, BouquinPlus, 2013, 188 p., ISBN 978-2-981371-00-3.[Notice]

  • Ivan Tchotourian

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  • Ivan Tchotourian
    Université Laval

Folie d’un Don Quichotte combattant les moulins à vent ? Nous ne le pensons pas, malgré la remise en cause d’un monument : les travaux de Ronald Coase, lauréat du prix Nobel d’économie en 1991, s’il est encore nécessaire de le rappeler. Pour ce faire, l’auteur adopte une démarche de médecin en établissant dans un premier temps un diagnostic : « L’article de 1960 de Coase a constitué un point tournant dans la doctrine économique aux États-Unis dans la seconde moitié du xxe siècle » (p. 49) et, plus globalement, « l’opinion publique sur le rôle de l’économie dans la société a été formée au cours des dernières décennies davantage par les versions informatiques courantes incomplètes de l’article [de 1960] de Coase que par le contenu à la fois économique et se voulant juridique de la version intégrale, mise à la disposition du public savant avant 1960 » (p. 13 et 14). Ce diagnostic se fait en deux temps. Comparant la version de l’article de Ronald Coase publiée dans le Journal of Law and Economics avec la version numérique diffusée sur Internet à compter des années 90, le professeur Maurice Tancelin met en évidence, dans un premier temps, des coupures. Celles-ci portent sur les analyses de jurisprudence et de législation (p. 32 et suiv.) et sur l’opposition aux théories défendues par Arthur Cecil Pigou (p. 34 et suiv.). La perspective historique de l’auteur est assurément éclairante pour se rendre compte de l’utilisation « politique » de l’article de Coase (daté de plus d’une trentaine d’années) et de la justification intrinsèque des coupures par l’entremise de la Toile (p. 47). Bien que l’auteur admette que la question de connaître le rôle joué par Ronald Coase dans ces coupures demeure entière (p. 44), toujours est-il que le résultat est là : « Trente ans plus tard, les promoteurs informatiques de Coase ont donné le coup de pouce nécessaire pour faire connaître son article au large public des lecteurs de masse du micro-ordinateur, qui arrive sur le marché en 1990 » (p. 44). Au-delà de la forme même de la diffusion des positions de Ronald Coase qui laisse place à de sérieux doutes que la lecture de l’ouvrage met parfaitement en lumière, c’est le fond de ces dernières que le professeur Maurice Tancelin interpelle avec virulence. Dans un second temps, l’auteur préconise ainsi un traitement relativement clair : une « désintoxication » par rapport à l’article de Ronald Coase. Plusieurs arguments étayent la position de Maurice Tancelin : certains tiennent aux justifications mêmes sur lesquelles s’appuie Ronald Coase (p. 42 et suiv.), d’autres, au caractère irréaliste des propositions faites (p. 19 et suiv.), d’autres encore au silence dans lequel ont été plongés des courants de pensée opposés (p. 85 et suiv.). Premièrement, la démonstration faite par Ronald Coase s’appuie sur une autorité plus que contestable de décisions de justice britanniques : ce sont des décisions anciennes décalées de la réalité du moment et d’une industrialisation grandissante à la suite de la Seconde Guerre mondiale (p. 26 et 50) et ne tenant pas compte de la prise de conscience de l’opinion publique des dangers courus par l’environnement en s’attachant aux seuls troubles de voisinage (p. 52). Deuxièmement, la méthode de Ronald Coase est mise au pilori. Cette méthode serait caractérisée par une interdisciplinarité de façade (p. 27), une absence d’examen de la ratio decidendi des décisions judiciaires (p. 22 et p. 50 et suiv.), un conservatisme néolibéral (p. 54 et suiv.), fait d’exemples chiffrés fictifs (p. 55 et suiv.) contredisant sa propre vision de l’économie (p. 56 et suiv.). Troisièmement, l’entente entre auteur …

Parties annexes