Volume 54, numéro 2-3, juin–septembre 2013
Sommaire (16 articles)
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Présentation : concilier la productivité de l’entreprise et la protection de la santé, de la sécurité et de la dignité du salarié : des solutions novatrices en France et au Québec
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L’exclusion de la preuve obtenue en violation du droit à la vie privée des salariés : à chacun sa vérité ?
Christian Brunelle et Mélanie Samson
p. 223–253
RésuméFR :
Dans l’état actuel du droit, la Charte des droits et libertés de la personne est l’objet d’une interprétation qui nie toute possibilité, pour un salarié, d’obtenir l’exclusion d’une preuve civile obtenue en violation de son droit au respect de la vie privée par l’employeur. C’est plutôt le Code civil du Québec qui permet aux salariés de bénéficier de ce type de sanction, laquelle est cependant interprétée restrictivement parce qu’elle est perçue comme une exception à la règle voulant que la preuve de tout fait pertinent soit recevable. Outre la lecture parfois étroite que les tribunaux font du droit à la vie privée dans le contexte du travail, ils tendent quelquefois à considérer l’atteinte à ce droit justifiée, même dans des cas où l’employeur ne disposait pas, dans les faits, de motifs raisonnables pour exercer une surveillance clandestine. Cela étant, si une telle démarche intuitive de l’employeur révèle, a posteriori, que le salarié est bien l’auteur d’un acte de déloyauté, l’exclusion de la preuve est presque invariablement refusée par souci d’assurer le triomphe de la vérité. Dans ces conditions, le droit au respect de la vie privée paraît à ce point fragilisé que sa protection commanderait une intervention du législateur ou, à défaut, un réalignement jurisprudentiel de nature à imposer un meilleur équilibre entre les droits respectifs des parties.
EN :
In the current state of the law, the Québec Charter of Human Rights and Freedoms is subject to an interpretation that denies any possibility for an employee to obtain the exclusion of civil evidence procured in violation of his or her right to respect for privacy by an employer. It is indeed the Civil Code of Québec that permits employees to benefit from this type of sanction, which is however interpreted restrictively because it is perceived as being an exception to the rule requiring that evidence of any relevant fact must be receivable. Other than the rather narrow interpretation that the courts sometimes give to the right to privacy within the context of work, they tend occasionally to consider the breach of this right to be justified, even in the case where the employer does not in fact have rational motives for exercising clandestine surveillance. Be that as it may, when such an intuitive approach on the part of the employer reveals, a posteriori, that the employee is truly the source of a dishonest act, the exclusion of evidence is almost invariably refused to ensure that truth shall triumph. In such conditions, the right to respect for privacy appears at this point fragile such that its protection would require legislative intervention, or failing this, a case-law realignment such as to impose an improved equilibrium between the parties’ respective rights.
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Les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle : revue jurisprudentielle
Geneviève Beaudin et Stéphane Fillion
p. 255–275
RésuméFR :
Les avancées technologiques des dernières années ont permis la mise au point de diverses méthodes de surveillance qui peuvent certes être un outil fort utile pour un employeur afin de s’assurer qu’un salarié respecte diverses obligations qui lui incombent en vertu de son contrat de travail. L’utilisation de ces moyens de surveillance et la mise en preuve de leurs résultats font ressortir cependant la mince frontière existant entre la vie professionnelle du salarié et sa vie privée. Dans l’article qui suit, les auteurs examinent les critères d’application de l’article 2858 du Code civil du Québec, dont celui de la « déconsidération de l’administration de la justice ». Ils constatent que dans le contexte du système québécois de droit civil, dont l’objectif fondamental est la recherche de la vérité, c’est bien souvent le fait de ne pas accepter en preuve les résultats d’une telle surveillance qui déconsidérerait l’administration de la justice.
EN :
Technological progress has, in recent years, led to the development of various surveillance methods that are clearly of help to employers in ensuring that their employees comply with various obligations under their contracts of employment. The use of surveillance methods and the use of the results as evidence emphasize the thin line separating employees’ professional and private lives. In this article, the authors examine the criteria governing the application of article 2858 C.C.Q., which include « bring[ing] the administration of justice into disrepute ». Under Québec’s civil law regime, the fundamental objective of which is to seek the truth, the administration of justice is all too often brought into disrepute by a refusal to accept surveillance results as evidence.
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Preuve et surveillance des salariés : regard français
Bernard Bossu et Alexandre Barège
p. 277–302
RésuméFR :
Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, les techniques de surveillance des salariés se sont multipliées. L’évolution s’est principalement traduite par un contrôle moins visible, la caméra et les badges électroniques ayant progressivement remplacé le contremaître. En outre, l’outil informatique a largement pénétré les entreprises. Ces situations soulèvent des interrogations majeures : faut-il notamment poser des limites aux contrôles que peuvent exercer les employeurs sur les salariés ? Il convient d’abord de rappeler qu’il est légitime pour un employeur de surveiller l’activité de ses travailleurs. Par le contrat de travail, le salarié se soumet au pouvoir de direction du chef d’entreprise. La difficulté réside en réalité dans la possibilité de porter atteinte à certains espaces de vie personnelle. C’est notamment la vie privée qui risque d’être malmenée, le salarié pouvant être filmé ou écouté à son insu. Le contrat de travail ne peut légitimer de telles situations : la liberté étant inhérente à la condition d’Homme, on ne peut y renoncer moyennant rémunération. De plus, ces nouveaux procédés de preuve sont peu compatibles avec la loyauté contractuelle qui doit présider aux relations de travail.
EN :
With the growth of Information and Communications Technologies, the number of techniques used to monitor wage-earners has increased. Over time, less visible controlling methods, such as video cameras and electronic badges, have gradually replaced overseers. In addition, electronic devices have been widely adopted by companies. These developments raise major questions. For example, should limits be set on the controls exercised by employers over their workers ? First, it is important to note that employers have legitimate grounds for monitoring the activity of their workforce. By signing a job contract, wage-earners submit to the authority of the head of the company. The difficulty, however, lies in the possibility of encroachment into certain spheres of employees’ personal lives. Their privacy, in particular, is under threat, since they may be filmed or have their conversations monitored without their knowledge. A job contract cannot legitimize such a situation ; freedom is inherent in the human condition and cannot be waived for monetary consideration. Moreover, these new processes for adducing evidence are hard to reconcile with the contractual loyalty that governs labour relations.
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Les défis du télétravail à l’égard de la vie privée du télétravailleur
Johanne Drolet et Karim Lebnan
p. 303–336
RésuméFR :
Comment le télétravail peut-il se mettre en place en droit québécois du travail sans qu’il n’entraîne une violation injustifiée du droit au respect de la vie privée des télétravailleurs à domicile ? Pour tenter de répondre à cette question, les auteurs tracent d’abord un portrait du cadre juridique du droit du travail québécois en ayant en tête son application au télétravail. Ensuite, ils passent en revue la jurisprudence des tribunaux pour voir la portée que ceux-ci ont donnée au droit à la vie privée. Enfin, les auteurs mettent en relief certains arguments justifiant une pondération à la hausse de l’expectative raisonnable de la vie privée du télétravailleur à domicile, le télétravailleur salarié n’ayant pas renoncé à son droit à la vie privée du seul fait de sa subordination juridique à l’employeur. Qui plus est, le télétravailleur à domicile exécute sa prestation de travail depuis le domaine souverain de la vie privée, son domicile.
FR :
How may teleworking expand within the framework of Québec Labour Law without causing an unjustified violation of teleworkers’ right to respect for their privacy ? In an effort to address this issue, the authors first describe the general framework of Québec Labour Law while keeping in mind the law’s application to teleworking. They go on to review court decisions to assess the importance ascribed by the judiciary to the right to privacy. Lastly, they highlight certain arguments justifying an increase in the relative weighting of teleworkers’ reasonable expectation of privacy within their home, namely, that salaried employees have not relinquished their right to privacy based solely on their legal subordination to an employer. Furthermore, teleworkers perform their professional duties within their proverbial castle : their home.
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Entre la protection des salariés et la performance de l’entreprise : la gestation d’un droit français du télétravail
Isabelle Desbarats
p. 337–358
RésuméFR :
La France est en retard : le taux de télétravailleurs y est bien inférieur à celui qui est en vigueur chez ses voisins européens. Et pourtant, l’utilisation accrue des technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi que la nécessité d’améliorer la flexibilité et la performance des entreprises sont autant de facteurs qui devraient favoriser l’essor de nouvelles formes de travail, dont le télétravail. En France, celui-ci est désormais au coeur de l’actualité, en raison de sa reconnaissance par la loi du 22 mars 2012. Quels sont, en droit français, la définition du télétravail et le statut du télétravailleur ? De quelle façon celui-ci a-t-il été amélioré pour accroître son attractivité, mais quels sont encore les obstacles à lever pour favoriser l’essor de cette organisation innovante du travail ? Quel est l’impact de cette forme de travail, notamment sur la santé du télétravailleur et le droit au respect de sa vie privée, à l’heure où se développent de nouveaux modes de contrôle par l’employeur ? Tels sont, en France, quelques-uns des enjeux juridiques du télétravail, dont l’essor dépend, entre autres, d’un réel équilibre entre l’intérêt de l’entreprise et la protection des droits des télétravailleurs.
EN :
France is lagging behind its European counterparts in terms of the percentage of teleworkers in the workforce. This is despite the extended use of information and communication technologies and the need to improve corporate flexibility and performance, which could be expected to boost new ways of working such as teleworking. In France, following the passage of legislation on March 22, 2012 granting recognition to teleworking, it has become a highly topical issue. How is teleworking defined under French law ? What is the teleworker’s status ? How has teleworking been improved to enhance its effectiveness, and what obstacles still block the growth of this innovative working pattern ? As employers introduce new supervision models, what are the impacts on teleworkers’ health and right to privacy ? These are some of the legal issues connected with teleworking in France. Its future growth depends, in particular, on a fair balance between companies’ economic interests and the protection of teleworkers’ rights.
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Santé mentale au travail : l’échec du droit à épouser une approche systémique
Annick Desjardins et Céline Giguère
p. 359–388
RésuméFR :
Dans le présent article, les auteures souhaitent mettre en lumière les lacunes de l’encadrement juridique au regard des problèmes de santé mentale au travail dans une perspective de santé publique. Tandis que des recherches dans le domaine de la santé au travail permettent de mettre en évidence des facteurs de risques et de connaître de mieux en mieux les pratiques de gestion à privilégier, le droit peine à appuyer ces efforts vers une meilleure gestion organisationnelle qui épouserait une approche préventive. Somme toute, le droit est tributaire, dans ce domaine, de l’interprétation jurisprudentielle, laquelle hésite, voire se refuse, à faire porter un fardeau supplémentaire aux entreprises en vue d’une meilleure prise en charge des problèmes de santé mentale des salariés. Les auteures illustrent leur propos à l’aide des développements jurisprudentiels en matière de droit à l’égalité et d’accommodement des déficiences d’ordre psychologique, ainsi qu’en matière de prévention du harcèlement psychologique au travail. Enfin, elles abordent succinctement les raisons pour lesquelles le régime de prévention en matière de santé et de sécurité du travail pourrait servir de levier à un virage vers une approche de prévention systémique.
EN :
In this article, we seek to shed light on gaps found in the legal coverage of mental health disorders in the workplace as seen from a public health perspective. While research in the field of health in the workplace has allowed us to identify risk hazards and to increasingly understand management practices to be privileged, the legal system has difficulty in orienting the effort in the direction of enhanced organizational management that would take the form of a preventive approach. All in all, this field of law derives from case law interpretation which hesitates and even refuses to load an additional burden on business undertakings with a view to an enhanced handling of mental health problems among salaried workers. We illustrate our viewpoint with support of jurisprudential developments in matters of equal rights and accommodation of disabilities, as well as in issues of prevention of psychological harassment in the workplace. Lastly, we briefly discuss in what way the preventive regime for health and safety in the workplace may serve as an impetus favouring a systemic preventive approach.
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La santé mentale et les accommodements raisonnables au travail : mythe ou réalité ?
Anne-Marie Laflamme et Maude Bégin-Robitaille
p. 389–411
RésuméFR :
Le travail constitue un puissant vecteur d’intégration sociale pour les personnes souffrant de troubles de santé mentale, outre qu’il leur procure des bénéfices thérapeutiques. Pourtant, celles-ci demeurent encore largement exclues du marché du travail. Les obstacles à leur pleine participation résident dans les préjugés dont elles sont victimes et la nécessité d’adapter le travail à leurs besoins et à leurs capacités. L’approche des droits fondamentaux et, en particulier, l’obligation d’accommodement raisonnable à l’égard des travailleurs handicapés pourraient constituer la clef de voûte afin de forcer les milieux de travail à prendre en compte leur réalité. Elle ouvre la voie à la prévention primaire au bénéfice de tous.
EN :
Being able to work constitutes a powerful social integration vector for those suffering from mental health deficiencies, while also providing them with therapeutical benefits. Yet, despite all, such persons are still denied employment. The obstacles to their full workforce integration reside in the prejudice of which they are victims and the need to adapt tasks to their needs and abilities. A fundamental rights approach and in particular, the obligation for reasonable accommodation with regard to handicapped workers, could be a keystone measure to forcefully prompt labour markets to take such workers’ reality into consideration. This opens the way to first stage prevention for the benefit of all.
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Les risques psychosociaux : de quoi parle-t-on ? L’approche française du droit de la santé mentale au travail
Céline Czuba et Paul Frimat
p. 413–437
RésuméFR :
Bien que l’année 2012 marque le dixième anniversaire de la « naissance » de la « santé mentale » dans le Code du travail français, ce concept n’est toutefois pas nouveau pour les professionnels de la santé au travail. Ce fut réellement la Loi de 2002, dite de modernisation sociale, qui a propulsé sur le devant de la scène de l’entreprise la problématique de la santé mentale au travail, communément appelée « RPS » (risques psychosociaux). Véritable problème sociétal, les risques psychosociaux impactent directement le bien-être des travailleurs. Pourtant, ces risques sont particulièrement difficiles à appréhender par les acteurs de l’entreprise, tant par leur hétérogénéité (les RPS recouvrent diverses réalités quant à leurs effets sur la santé) que par leurs caractères subjectifs (l’évaluation du risque relève de la perception que tout un chacun peut avoir) et plurifactoriels (les RPS sont à l’interface de l’individu et de l’organisation de travail).
EN :
While the year 2012 heralds the 10th anniversary of the « birth » of « mental health » in France’s Labour Code, the concept itself is nothing new to workplace health professionals. It was truly the so-called Year 2000 Social Modernization Bill (free translation) that was said to have catapulted centre stage business’s issue of mental health in work places, commonly referred to as psychosocial risks (PSR, in French : risques psychosociaux ou RPS). Truly a societal issue, the psychosocial risks directly impact workers’ well being. Yet these risks are particularly difficult to apprehend by business managers, whether owing to their heterogeneity (PSRs cover various realities with regard to their effects on health) or to their subjective characteristics (since risk evaluation depends upon the varying perceptions from one person to another) and multifactorial processes (PSRs are found in the interfacing of an individual and how work is organized).
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L’insuffisance du droit de l’inaptitude à maintenir en emploi les salariés victimes de souffrances au travail
Sophie Fantoni-Quinton
p. 439–459
RésuméFR :
Les pathologies mentales en milieu de travail recouvrent non seulement les troubles mentaux d’origine non professionnelle, mais également les nombreux cas de souffrances du fait du travail (dus à l’organisation et aux relations du travail). Concernant les souffrances dues au travail, le système juridique français a une double action. En amont, il impose à l’employeur d’améliorer dans un processus continu les conditions de travail de chacun des travailleurs pour prévenir une altération ou une détérioration de l’état de santé du salarié. En aval de la survenue d’une altération de la santé mentale des salariés, il existe, dans le droit français de l’(in)aptitude, des outils incitatifs, voire coercitifs, pour imposer à l’employeur l’adaptation du poste de travail d’un salarié en difficulté et son reclassement en cas d’inaptitude au poste antérieur ou de handicap avérés. Cependant, ce droit de l’(in)aptitude qui concerne chaque salarié recèle des limites inhérentes à la question même de la santé mentale au travail.
EN :
Mental pathologies in the workplace not only cover mental conditions of non-professional origin, but also many cases of suffering issuing from work assignments (owing to organization and labour relations). In the case of suffering from working conditions, French law intervenes in two ways : First, it imposes upon the employer a continuous upgrading of working conditions for each and every wage-earner so as to preclude any alteration or deterioration of employee health. Following any such alteration or deterioration of a wage-earner’s mental health, French law provides means for addressing aptitude or inaptitude issues and for inciting and/or coercive measures to impose upon the employer workstation adaptations for an employee experiencing such difficulties, and his or her reassignment in the case of incapacity to occupy a previous position, or resulting from confirmed disability. Nonetheless, such right of legal aptitude or inaptitude which is of interest to all wage-earners has its own built-in limits regarding the very question of mental health in the workplace.
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Conjuguer relations tripartites et sous-traitance avec travail décent
Anne Pineau
p. 461–488
RésuméFR :
À la recherche d’une flexibilité accrue, les entreprises ont de plus en plus recours à des tiers pour combler leurs besoins de main-d’oeuvre, même permanents. À la clé se trouve souvent la possibilité d’échapper à ses obligations d’employeur et de payer un coût moindre sur le plan salarial. L’impartition ou le recours à des agences de placement pour du travail temporaire peut en outre constituer un mode d’évitement syndical ou de désyndicalisation des activités. L’atteinte à la dignité du salarié et le droit à un travail décent sont alors en jeu. L’établissement, de facto, dans l’entreprise cliente, d’un régime de conditions de travail à rabais pour les membres du personnel du sous-traitant ou de l’agence mine la solidarité entre personnes salariées. De toute évidence, les lois du travail ne sont pas adaptées à la situation en cas de relations tripartites. Et, bien que la nécessité d’une intervention législative ait été établie à de multiples reprises depuis quinze ans, le législateur québécois fait preuve d’un attentisme qui laisse perplexe.
EN :
In their quest for greater flexibility, businesses are increasingly turning to third-party labour in all areas to meet their needs, even overriding their permanent staff. Underlying this tactic is often found the possibility of escaping their employer duties and paying lower wages. Outsourcing or turning to temporary help services may also serve as a tactic for avoiding labour unions or the declassification of unionized activities. Injury to a wage earner’s dignity and entitlement to decent employment are at stake. The de facto implementation in client enterprises of low paying conditions of employment for subcontracted workers or those of an agency undermine solidarity among such workers. More obvious is the fact that labour laws have not been adapted to such situations in the event of tripartite relations. Furthermore, despite the need for legislative intervention having been stated and restated over the past 15 years, Québec legislators have taken a wait-and-see attitude that defies comprehension.
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Prévenir les atteintes à la santé des travailleurs dans les opérations de sous-traitance et de mise à disposition de personnel
Stéphanie Abellard et Pierre-Yves Verkindt
p. 489–509
RésuméFR :
Le prêt de main-d’oeuvre à titre exclusif et à but lucratif est interdit en France. Les formes légales de mise à disposition de personnel et notamment le travail temporaire sont donc strictement encadrées. Leur utilisation fait l’objet d’un contrôle administratif et judiciaire strict. Ces formes de mise à disposition coexistent avec d’autres mécanismes rassemblés sous le vocable général de « sous-traitance ». Au sens strict, la sous-traitance consiste pour une entreprise à confier à une autre l’exécution partielle d’une tâche qui lui incombe. Au sens large, elle inclut la « sous-traitance » interne par laquelle une entreprise demande à une entreprise extérieure de réaliser des tâches sur son site. Dans tous les cas, ces techniques parfois appelées « d’externalisation » ont pour effet de faire coexister spatialement des travailleurs appartenant à des entreprises différentes. Cette coexistence augmente les risques d’accident dans un contexte où l’identification du « décideur » s’avère parfois difficile. Les prévenir suppose de tenir compte de la pluralité d’entreprises concernées et de chaînes de direction.
EN :
In France, the hiring of « detachment labour », whether for exclusive purposes or profit is prohibited. Statutory provisions for making personnel available and especially for temporary work assignments are therefore strictly regulated. As such, recourse thereto is subject to stringent administrative and legal controls. The procedures for making such labour services available co-exist with other measures grouped under the general title of sub-contracting. Narrowly construed, sub-contracting implies that an enterprise out-sources to another contractor the partial completion of some task for which the former is liable. From a broader standpoint, this includes internal « sub-contracting » by which one enterprise « A » commissions another independent one « B » to carry out tasks on A’s site. In any case, these « out-sourcing » tactics produce the effect of having workers from any number of different companies going about their individual tasks on one and the same construction site. Such coexisting overlaps increase the risk of accidents where the identification of « the » decision-maker may prove to be somewhat difficult. Avoiding such risks means the taking into account of the diversity of involved contractors and their respective chains of command.
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La réglementation française des agences de location de personnel : l’intégration des travailleurs temporaires dans les communautés d’origine et d’accueil
Laurence Léa Fontaine
p. 511–547
RésuméFR :
Le néolibéralisme a non seulement conduit à la création de nouvelles catégories d’emploi, concrétisant la précarisation des relations de travail, mais aussi à l’externalisation de plus en plus fréquente de la main-d’oeuvre. Au coeur de ce marché du travail renouvelé et défavorable aux travailleurs, les entreprises de travail temporaire occupent une place de premier ordre. Celles-ci fournissent à des entreprises une main-d’oeuvre qualifiée, sur demande, sans être contraintes par la totalité des lois du travail. Le législateur français a très tôt choisi de réguler ce type de relations de travail tripartites ; tel n’est pas le cas au Québec. Aucune loi spécifique n’ayant été élaborée, de très nombreux travailleurs temporaires y sont livrés à eux-mêmes, mais aussi aux pratiques peu orthodoxes des « agences de location de personnel », telles qu’elles sont nommées au Québec. Ces agences gèrent les travailleurs temporaires comme n’importe quelle autre fourniture, disparaissent du jour au lendemain ou encore se dédoublent pour échapper aux réclamations salariales. Le législateur québécois gagnerait à s’inspirer du modèle français : celui-ci, bien qu’il soit imparfait, propose plusieurs mesures très intéressantes. L’angle d’approche choisi par l’auteure pour présenter les dispositions françaises est celui des communautés d’origine et d’accueil des travailleurs temporaires. À son avis, il importe que le législateur québécois régule les activités des agences de location de personnel et s’attaque sérieusement et rapidement au cas de cette catégorie de travailleurs qui, plus que n’importe quelle autre, souffre de la crise économique.
EN :
Neoliberalism has created different categories of employment, thus increasing employment insecurity. It has also led to increased contracting out of work and a job market that, overall, is less favourable to workers. Temporary employment agencies occupy a central place in this job market. These agencies provide businesses — their « clients » — with qualified labour on demand, without being subject to the usual constraints of labour laws. In France a choice was made early on to regulate temporary employment agencies, but Québec law has ignored this kind of tripartite employment relationship. In Québec, because these « private placement agencies » have not been regulated, numerous temporary workers are left to their own devices or find themselves at the mercy of often unorthodox agency practices. Agencies manage temporary workers as they would any other supply of goods, and go out of business or split into multiple entities in order to avoid responsibility for salary or benefit claims. Québec should look to the French model for inspiration. Although in some respects it could be improved, this model contains some interesting measures to protect workers. We examine the regulation of temporary work agencies from the standpoint of community of origin and host community. We argue that Québec should address the issue of labour standards for agency workers and the regulation of temporary employment agencies in a timely and serious fashion, since agency workers are particularly vulnerable to the effects of an economic crisis.
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Quand la sécurité nationale américaine fait fléchir le principe de la non-discrimination en droit canadien : le cas de l’International Traffic in Arms Regulations (ITAR)
Maroine Bendaoud
p. 549–586
RésuméFR :
L’auteur propose d’étudier l’imposition de l’ensemble de règles contenues dans l’International Traffic in Arms Regulations (ITAR) et leur effet discriminatoire en matière d’emploi aux États-Unis puis au Canada. D’abord, il tentera d’expliquer en quoi consiste l’ITAR. Ensuite, il cherchera à déterminer si ses mesures sont réellement conformes aux lois antidiscrimination en emploi du côté américain ainsi qu’à celles qui sont applicables au Québec. Enfin, les récentes modifications à l’ITAR sous l’administration d’Obama retiendront aussi l’attention. Concrètement, la politique américaine poussait les compagnies canadiennes à exclure un employé-stagiaire né dans un des 25 pays proscrits (pays ennemis des États-Unis, pays communistes ou encore sous embargo) ou en détenant la citoyenneté. Washington souhaitait ainsi protéger certaines données techniques qui auraient pu se retrouver entre les mains d’employés présumés « peu scrupuleux », uniquement de par leurs origines. Depuis plus d’une décennie, les compagnies canadiennes dans les domaines de la défense et de l’aérospatiale, qui recevaient des contrats du gouvernement américain, étaient devant un dilemme de taille. Elles étaient obligées de respecter les critères de l’ITAR sous peine de sanctions et la perte de contrats.
EN :
The author examines the rules set out in the U.S. International Traffic in Arms Regulations (ITAR) and their discriminatory impact on American and Canadian workers. First, the author explains the ITAR rules, and then determines whether they can be considered to be consistent with U.S. and Québec legislation against employment discrimination. Next, the amendments to ITAR implemented by the Obama administration are reviewed. In short, U.S. policy required Canadian companies to ban employees and trainees from working on U.S. military contracts if they were born in, or citizens of, one of twenty-five excluded countries, i.e. enemy States, communist countries or countries under embargo. Washington’s goal was to protect technical data that might end up in the hands of workers assumed to be « unscrupulous » simply because of their origins. For over a decade, Canadian companies in the defence and aerospace industries holding U.S. military contracts faced a dilemma as they were forced to comply with ITAR requirements or risk sanctions, ranging from severe penalties to the loss of contracts.
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Le droit international et la réglementation des agences de notation de crédit : vers une réglementation universelle ?
Claudia Maheu
p. 587–608
RésuméFR :
À la suite de l’effondrement du système financier international en 2008, la communauté internationale a accusé les agences de notation de crédit d’avoir été la pierre angulaire du gouffre financier, particulièrement en ce qui a trait à la dérive des produits adossés à des actifs. L’article qui suit offre une mise en perspective de la structure réglementaire internationale en place avant et après les évènements financiers. L’auteure fera ressortir le manque flagrant d’encadrement des agences de notation de crédit avant 2008 et les difficultés à réaliser pour l’avenir un cadre réglementaire international qui soit efficient et harmonisé.
EN :
Following the collapse of the international financial system in 2008, the international community accused the credit rating agencies of precipitating the financial abyss, especially with respect to products based on asset-backed securities. The article that follows provides a perspective view of the international regulatory framework both before and after the financial events of 2008, highlighting the obvious lack of supervision by credit rating agencies and the difficulty of building an efficient and harmonized international regulatory framework for the future.
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