Bien que la question de la gestion du pluralisme religieux au sein des différents États du monde ait toujours fait partie du paysage scientifique et politique moderne, attirant avec elle un nombre impressionnant d’analyses et de prises de position très souvent passionnées, les deux dernières décennies ont malgré tout permis d’assister à une augmentation marquée de l’intérêt pour cet important enjeu social. Conséquence probable des flux migratoires sans cesse croissants au sein des nombreuses sociétés du globe – et sans doute également, de la très grande diversité culturelle et religieuse des individus composant ces mêmes flux – les enjeux liés aux sphères d’autonomie qui sont susceptibles d’être reconnues aux nombreux courants religieux et spirituels à l’échelle mondiale défraient, presque quotidiennement, l’actualité. Ces enjeux, de même que les manières politiques et juridiques d’y faire face, varieront évidemment en fonction de l’État (ou de la région du monde) qui sera étudié. Comme le souligne fort justement le professeur Jacques Vanderlinden dans l’« Ouverture » de l’ouvrage collectif que nous commentons ici (p. 17), ces variations découlent souvent de caractéristiques nationales liées à la démographie, à l’éthique, à l’histoire, à la politique, et, enfin, à la sociologie (p. 24-39). Outre la très grande qualité des analyses qui y sont menées, un des principaux attraits de ce collectif de textes codirigé par les professeurs Marie-Claire Foblets, Michele Graziadei et Jacques Vanderlinden – et donc du colloque international d’où les textes publiés ont été tirés – est probablement de regrouper en un seul ouvrage un aussi vaste éventail d’articles portant sur diverses appréhensions nationales de la gestion du pluralisme culturel et religieux. Une autre grande qualité de cet ouvrage vient sans aucun doute de la couleur transdisciplinaire des différents textes qui le composent, couleur qui constituait par ailleurs l’un des principaux objectifs des organisateurs du colloque. Ceux-ci souhaitaient en effet « se faire rencontrer les points de vue d’historiens, de politologues et de sociologues teintés de droit et ceux de juristes teintés de ces trois disciplines, sans oublier l’anthropologie ; organisé au sein d’une faculté de droit, le colloque s’intéressait néanmoins, au premier chef, aux aspects juridiques de sa problématique » (p. 22 et 23). Bien que des pays de tous les continents (exception faite de l’Océanie et l’Antarctique) aient fait l’objet d’analyses poussées, force est de constater que l’ouvrage porte davantage sur les continents européen (Belgique, France, Italie, Royaume-Uni, Union européenne, Convention européenne des droits de l’Homme) et africain (Afrique du Sud, Tunisie, Égypte, Maroc, Afrique de l’Ouest, Burundi, République démocratique du Congo et Rwanda). Même si ce déséquilibre résulte sans doute davantage de l’indisponibilité de conférenciers appartenant aux régions sous-représentées, il nous aurait semblé très intéressant que les solutions asiatiques (Union indienne) et américaines (Canada) fassent l’objet d’analyses plus nombreuses. Avant de conclure notre recension, il nous semble important de souligner l’existence d’un article en particulier au sein de l’ouvrage, principalement parce qu’il contribue de manière importante à la problématique générale (et donc, transnationale) de l’interaction entre convictions religieuses individuelles et normes étatiques. En effet, les codirecteurs ont eu l’excellente initiative d’amorcer leur ouvrage par une « Ouverture ». Particulièrement étoffé (près d’une centaine de pages), ce texte écrit par le professeur Jacques Vanderlinden propose une fort dense synthèse critique des principaux enjeux qui se dégagent des différentes analyses nationales menées par les auteurs de diverses origines dont les points de vue et lumières ont été regroupés dans cet ouvrage collectif. Le professeur Vanderlinden a divisé son article en trois grandes catégories. La première (p. 40-70) est consacrée à la très épineuse question de la définition des convictions religieuses en tant qu’objet …
Marie-Claire Foblets, Michèle Graziadei et Jacques Vanderlinden (dir.), Convictions philosophiques et religieuses et droits positifs. Textes présentés au Colloque international de Moncton (24-27 août 2008), Bruxelles, Bruylant, 2010, 658 p., ISBN 978-2-8027-2895-5.[Notice]
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Louis-Philippe Lampron
Université Laval