Beaucoup de plantes génétiquement modifiées ont été développées au cours des dernières années. Quatre d’entre elles (soja, maïs, coton et colza) sont aujourd’hui largement cultivées, principalement en Amérique. Pourtant, le scepticisme est présent dans la doctrine scientifique et dans le grand public, notamment en ce qui concerne l’autorisation à la modification génétique de plantes et d’animaux pour l’alimentation animale ou humaine. Un projet commercial avancé concerne, entre autres choses, le traitement génétique de diverses espèces de poissons, plus faciles à transformer génétiquement pour deux raisons : leur conception et leur croissance ont lieu dans l’eau et de nombreux oeufs sont facilement accessibles. Dans ce contexte, les saumons dopés génétiquement à l’hormone de croissance représentent de nos jours un cas important, parmi les organismes génétiquement modifiés (OGM) chez les animaux, qui se trouve en attente d’une autorisation de commercialisation à grande échelle. Les objectifs de l’élevage de poissons par modification génétique sont multiples, en particulier la croissance très rapide des espèces (p. 18-19) et l’acquisition d’une résistance au froid et aux maladies (p. 21-24) ; par conséquent, les producteurs visent la rentabilité de l’élevage lui-même et une augmentation de la consommation du produit alimentaire. Cependant, des risques pour la santé animale, pour la santé humaine et, en général, pour l’écosystème sont à craindre. À ce dernier propos, les réticences de la communauté internationale (élargissement des applications du génie génétique en aquaculture versus atteinte à la biodiversité ; augmentation de la productivité versus risques d’hybridation) nourrissent le débat bioéthique. Le thème de la modification génétique des espèces de production halieutique, qui a dernièrement rouvert le questionnement général en matière de dissémination et de traçabilité des OGM, a déjà été abordé par les scientifiques durant les années 90. Il suffit de rappeler que, déjà en 1996, la société Aqua Bounty Farms inc. avait déposé un brevet pour un saumon transgénique (p. 38 et 39). En 1999, une recherche menée par des génétistes montrait en simulation informatique les effets de la fuite de quelques poissons japonais « medekas » transgéniques sur les populations sauvages. Les chercheurs soulignaient ainsi la propagation de la progéniture transgénique et le risque de disparition de la moitié de la population sauvage au bout de cinq générations. À partir de tous ces constats, Marie-Ève Couture-Ménard se questionne sur le rapport entre le marché des salmonidés d’aquaculture et les applications biotechnologiques, ainsi qu’à propos des profils juridiques, de législation et éthiques qui, désormais, s’imposent à ce sujet. De cette manière, elle « vise à clarifier le rôle des acteurs impliqués dans la problématique du saumon transgénique ainsi qu’à identifier et à vérifier l’adéquacité des législations canadiennes applicables » (p. 10). Présenté en 2006 comme mémoire de maîtrise, l’ouvrage développe, après une introduction d’ordre général, trois thèmes principaux : la protection de la santé du saumon (p. 41-102), la protection de l’environnement (p. 103-148) et la protection de la santé humaine (p. 149-191). L’auteure veut mettre en lumière le fait que la préoccupation, l’expertise et le pouvoir sont des voies, différentes, complémentaires et parfois conflictuelles, d’encadrement du risque (cf. p. 10). Après avoir proposé une recognition des effets de la transgénèse sur la morphologie et le comportement des saumons (p. 11-40), l’auteure s’attache d’abord au bien-être du saumon transgénique. Tout en précisant le fait que, « [d]epuis la première loi britannique protégeant le bétail et les animaux domestiques, le bien-être des animaux n’a cessé de croître en importance dans la société occidentale » (p. 47), Couture-Ménard se questionne par rapport à l’applicabilité du cadre normatif canadien existant au sujet de l’élevage des animaux : la voie qui consiste …
Marie-Ève Couture-Ménard, La réglementation du saumon transgénique. Entre pouvoirs, expertises et préoccupations, Montréal, Éditions Thémis, 2009, 246 p., ISBN 98-2-89400-260-5.[Notice]
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Silvia Visciano
Université de Foggia (Italie)
Université Paris I Panthéon-Sorbonne