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Cet article étudie l'évolution récente du rôle joué par la Cour supérieure pour assurer la protection des droits individuels dans le secteur du droit de l'aménagement et celui du droit municipal. L'étude porte sur deux champs d'intervention publique sur les droits individuels, en particulier le droit de propriété, et illustre les modes divers d'intervention utilisés par la Cour supérieure dans son rôle de surveillance.
D'une part, la Loi sur la protection du territoire agricole sert à illustrer un modèle d'aménagement sectoriel fondé sur l'usage de la discrétion administrative comme méthode de protection. L'intervention des tribunaux se révèle sous trois aspects. D'abord la Cour supérieure se préoccupe d'imposer un minimum de discipline aux procédures devant la Commission de protection du territoire agricole, surtout dans les cas où il peut en résulter des injustices. Ensuite, le droit d'accès aux tribunaux ordinaires est protégé par la Cour grâce en particulier à une interprétation restrictive de la juridiction de la Commission. Enfin, le droit de propriété lui-même est protégé par la Cour supérieure qui restreint les pouvoirs d'intervention de la Commission mais favorise une interprétation libérale des droits acquis.
A l'opposé, les interventions des collectivités locales en matière d'aménagement et d'urbanisme sont fondées sur le pouvoir réglementaire plutôt que sur la discrétion administrative. Même si le contrôle judiciaire sur le pouvoir réglementaire est un domaine déjà riche de tradition au Canada et au Québec, la jurisprudence récente tout en rappelant des principes déjà connus illustre également de nouvelles tendances. En effet, alors que les tribunaux continuent à préserver l'élément de certitude et de sécurité que le règlement fournit aux citoyens, ils sont prêts à protéger les citoyens contre les interventions publiques abusives et ils ont à cette fin revitalisé le critère de la rationalité comme mode de contrôle du pouvoir réglementaire. De plus, au besoin, ils vont être prêts à intervenir dans l'allocation même des usages et des affectations du sol lorsqu'ils doivent se prononcer sur des questions de discrimination et d'intérêt public.