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Écrire n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter,

cartographier, même des contrées à venir.

Gilles Deleuze et Félix Guattari[1]

Pour qui se prêterait au jeu — peu rigoureux mais intéressant pour comprendre la structuration des imaginaires — de trouver une date qui serait la marque inaugurale de notre culture numérique, 1984 est sans doute une année ayant une forte charge symbolique. Il s’agit peut-être même de l’année charnière par excellence. Parmi les facteurs justifiant ce choix, il y a, en premier lieu, le célèbre spot publicitaire 1984 (1984) réalisé par Ridley Scott pour le premier ordinateur Macintosh, qui s’inspire du livre homonyme de George Orwell (1949). Considéré comme un des chefs-d’oeuvre de la publicité, il a contribué de façon décisive à faire d’Apple l’une des instances les plus importantes dans le façonnement de l’imaginaire numérique. 1984 est aussi — et c’est l’événement qui nous intéresse le plus ici — la date de parution du roman de science-fiction The Neuromancer de William Gibson. Cet ouvrage aura un impact majeur non seulement dans le genre de la science-fiction, mais aussi dans la culture de masse — il suffit de penser à l’influence que ce livre a eue dans la conception de la trilogie The Matrix (Wachowski, 1999-2003). C’est en fait ce roman qui popularise le terme « cyberspace » (cyberespace)[2] inventé par l’écrivain, qui influence ainsi la manière dont les sociétés occidentales ont pensé et se sont représenté par la suite le numérique en tant que fait spatial. De cette façon, l’importance du livre de Gibson ne réside pas tant dans la précision avec laquelle le cyberespace y a été imaginé et bâti, mais plutôt dans l’invention du terme permettant de décrire, penser et concevoir ce phénomène.

Depuis l’« invention » du cyberespace, les technologies qui le façonnent, ainsi que les études sur celui-ci ont beaucoup évolué. Au début, comme le remarque la théoricienne du fait numérique Kristin Veel, le cyberespace était conçu comme une entité double : « on the one hand, “spatiality,” which traditionally implies a physical and bodily sensation and, on the other, “information,” which moves the spatiality to an abstract, conceptual realm. » (2003: 152) Cela donna lieu à une ambiguïté structurale, voire à une opposition fondamentale dans la manière de concevoir la relation entre l’espace informationnel et l’espace physique. Aujourd’hui, les théorisations visant à cerner ce qu’est l’espace numérique s’avèrent être beaucoup plus nuancées. De même, en réfléchissant à l’environnement technologique contemporain — qui n’est plus celui d’un ordinateur sur un bureau à travers lequel se connecter à internet et au web[3], mais qui se déploie et se meut avec nous par l’intermédiaire de nos dispositifs mobiles et géolocalisés —, plusieurs chercheur·se·s ont proposé, un nouveau modèle spatial pour le numérique, prônant une « hybridation » entre information et espace physique, et refusant la dualité qui jadis les opposait (Beaude, 2012; De Souza e Silva, 2015; Farman, 2012; Gordon, 2011; Nova, 2009). Cette hybridation pourrait être résumée dans ce constat émis par Eric Gordon : « nous n’entrons plus dans le web; il nous entoure. » (2011: 3) Si ces recherches récentes — en étudiant comment le numérique façonne quotidiennement notre espace, nos pratiques de mobilité et l’aménagement de nos villes — ont jeté les bases pour repenser l’enchevêtrement des espaces en ligne et hors ligne, notre démarche prend plutôt la direction contraire. Même si nous partageons avec ces chercheur·se·s des interrogations liées à la spatialité d’internet, du web et, plus largement, du numérique, ainsi qu’à leurs relations avec l’espace tangible, notre réflexion naît des questions suivantes : comment envisager l’ensemble d’éléments hétérogènes que l’on appelle numérique (autrefois « le virtuel[4] ») sous l’angle de la spatialité? Qu’est-ce que la spatialité fait au numérique? Comment internet est-il influencé par la localisation? Et puis, comment représenter la pluralité de cette spatialité?

En nous inscrivant dans le sillage de penseur·se·s comme Evgeny Morozov qui, dans son ouvrage To Save Everything, Click Here. The Folly of Technological Solutionism (2013), considère que « l’internet » comme entité ou notion unifiée, unique et univoque n’existe pas, nous proposons d’en complexifier la conception courante par l’intermédiaire d’une cartographie des spatialités sous-jacentes à ses modes d’existence multiples et hétérogènes. Si la spatialité matérielle d’internet — les câbles, dispositifs et centres de données — fait l’objet de nombreuses études géopolitiques, économiques et environnementales[5], et a trouvé sa place dans les discours savants grand public, les réflexions sur la spatialité propre aux autres composantes d’internet — les moins tangibles : logiciels, protocoles, applications, etc. — demeurent rares. Notre analyse part de la nécessité de cartographier les contrées peu explorées des internets à travers une diagrammatique sensible, située et conceptuelle. Ce faisant, notre objectif est de donner corps à cet objet-réseau que sont les internets, à la fois par rapport à l’espace physique et par rapport à l’espace en ligne.

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « La pente du web » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Image numérique | 776 x 952 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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C’est par le biais de l’oeuvre Atlas critique d’Internet (ACI), réalisée en 2012 par Louise Drulhe, que nous souhaitons interroger comment l’espace affecte internet et ses représentations, et ainsi proposer une perspective critique et alternative, sans pour autant prétendre épuiser le sujet. L’Atlas critique d’Internet est une oeuvre hypermédiatique prenant la forme d’un site internet dans lequel elle propose une série d’hypothèses sur ce que serait la forme d’internet. Louise Drulhe parle de la « spatialisation d’un objet complexe en vue d’en comprendre les enjeux socio-politiques[6]. » Le projet a aussi été exposé en galerie à plusieurs endroits — à commencer par La Paillasse à Paris en mai 2016 — et peut être imprimé sur demande en différents formats. Parmi les nombreux projets de cartographie d’internet, nous avons retenu celui-ci en raison de la philosophie qui le régit : l’artiste, en s’éloignant des approches empiriques fondées sur l’utilisation, massive ou non, des données aux fins d’en produire des visualisations spatiales, utilise une démarche autre, polymorphe. Sa démarche est proche de la cartographie cognitive et sensible, dans laquelle les informations sont mélangées avec des images et des représentations mentales individuelles et collectives. Louise Drulhe structure son atlas autour de quinze hypothèses de visualisation ou, pour reprendre ses mots, quinze « exercices de spatialisation conceptuelle. » Par l’intermédiaire de ces quinze hypothèses, l’artiste nous pousse à réfléchir à la nature d’internet qui, loin d’être une entité homogène et monolithique, recoupe en fait une multitude de logiques et de réalités différentes, qui non seulement coexistent mais s’entre-situent, une pluralité qui nous encourage à proposer plutôt l’expression « les internets ». Nous nous positionnons d’emblée un peu à l’encontre de la première hypothèse de Drulhe, affirmant qu’« Internet est un point », ce qui nous semble réducteur à la fois du monde en ligne et du travail mené dans l’atlas. L’internet que cartographie Drulhe n’est pas explicitement différencié du web dans son oeuvre et nous voyons là une raison de plus pour parler, à notre avis, des internets[7], de façon à inclure aussi le web, de même que la diversité de ses représentations, dans cette entité à la fois réelle et imaginaire. Même s’il s’agit d’une technologie précise et singulière, « les internets » est une formule plus apte à décrire ce qui se trame dans la représentation et la conceptualisation de ce réseau informatique mondial et dans les formes qu’il prend. De cette manière, l’expression « les internets », telle que nous l’employons dans cet article, est une désignation plurielle qui exprime notre posture d’analyse sur le réseau informatique appelé « internet[8] ».

Ainsi, l’étude de l’atlas de Drulhe et de ses hypothèses sera menée en interrogeant d’abord la conception d’internet en tant qu’espace à part entière et pluriel, façonné par l’espace tangible et géographique. Puis, nous analyserons brièvement la forme de l’atlas en suivant l’approche du philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman. Nous tiendrons compte de son histoire et de ses structures épistémologiques, afin de montrer en quoi cette forme nous semble la plus adéquate pour comprendre et représenter les spatialités complexes propres à internet, au web et au numérique. Ces précisions, associées à une mobilisation des notions de « diagrammatique sensible » et de « savoirs situés », nous permettront d’examiner ensuite les pistes proposées par Drulhe pour penser les internets à la lumière de leurs caractéristiques spatiales.

Les spatialités des internets

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « Internet a un relief dirigé » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Image numérique | 3074 x 4145 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Pour la pensée géographique traditionnelle, les internets représentent un objet particulier, dont le caractère spatial est quelque peu difficile à saisir. Comme les géographes, pionniers de l’étude de la relation entre technologies numériques et espace, Martin Dodge et Rob Kitchin le formulent dès 2001, cela est en grande partie dû au fait que

space in cyberspace is purely relational. Cyberspace consists of many different media, all of which are constructions; that is, they are not natural but solely the production of their designers and, in many cases, users. […] [A]nd, indeed, many media — such as email — have severely limited spatial qualities.

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Alors que la spatialité complexe des internets échappe aux approches géographiques centrées sur les notions de territoire et d’espace physiques, certain·e·s géographes ont développé d’autres perspectives et méthodologies afin d’étudier ces nouveaux objets[9]. Plus spécifiquement, parmi les tentatives de conceptualiser le rapport entre l’espace d’une part et les objets et phénomènes non spatiaux de l’autre, les réflexions du géographe social Michel Lussault, notamment son idée de « détour par l’espace » (2007), nous semble fournir des pistes fort pertinentes pour une pensée spatiale des internets. Selon lui, non seulement « l’homme est un “animal spatial” et les sociétés sont un arrangement des spatialités » (2007: 9), mais de surcroît

[n]otre existence, à chaque instant et de bout en bout, est entièrement spatiale. Elle se compose au jour le jour des fractions d’espace que nous organisons pour parvenir à nos fins, elle impose que nous agencions ces différents espaces de vie les uns par rapport aux autres, que nous les ajustions dans nos actions pratiques. Et pourtant ces espaces multiples […] s’avèrent impensés.

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Suivant cette perspective, tout phénomène (physique ou non, général ou particulier) met en oeuvre des spatialités complexes et multiples, qu’il est nécessaire d’analyser afin de saisir leur véritable impact sur les sociétés et sur notre conception du monde. Dans ce contexte, le terme « spatialité » prend une signification spécifique. Il désigne, selon Lussault, « l’ensemble des usages de l’espace par les opérateurs sociaux » (18), tandis que le mot « espace » renvoie à « l’ensemble des phénomènes exprimant la régulation sociale des relations de distances entre des réalités distinctes » (18).

Parlant des spatialités que nous rencontrons lorsque l’on prend en considération les internets, la première typologie que nous voudrions mettre en évidence en est une métaphorique, car « [l]e vocabulaire associé à Internet est remarquablement spatial, tant il est empreint d’une connotation qui se réfère presque systématiquement à l’espace. Il est question de sites, d’adresses, de navigateurs, de firewall, de surf, de cyberespace et plus généralement d’espace virtuel. » (Beaude, 2012: 42) L’importance du discours symbolique et de l’imaginaire dans la construction d’une réalité sociale partagée est indéniable. Toutefois, réduire la spatialité des internets à une figure de style équivaudrait à minimiser un phénomène complexe. Qui plus est, la métaphorisation spatiale est un processus particulier, dont les caractéristiques et l’origine sont liées à des structures mentales tout à fait spécifiques. Dans son article « The Irreducibility of Space », Kristin Veel analyse la métaphorisation spatiale d’internet en s’appuyant sur les réflexions des cognitivistes George Lakoff, Mark Turner et Mark Johnson, pour qui les métaphores spatiales, bien plus que de simples analogies, seraient plutôt des schémas d’interprétation du monde. Plus spécifiquement :

Our consciousness conceives of everything that goes on around us as spatial stories, which are comprehended in correlation with the experience of our own body. Through the so-called image schemas, it becomes possible to comprehend nonspatial objects through spatial modes of expression.

Veel, 2003: 153

En l’occurrence, la notion de « cyberespace » nous permet de relier un objet que nous connaissons (l’espace physique) et un nouvel ensemble structuré d’informations, fait de zéros et de uns. Et l’espace résultant de cette hybridation en est un enchevêtré, dont les deux composantes, physique et informationnelle, sont inséparables : dans le cyberespace l’information se spatialise (architecture de l’information, infrastructure numérique, etc.) et l’espace s’informe (géolocalisation, adresse IP, etc.). Dans son atlas, Louise Drulhe demande à cet effet « Où se trouve internet ? », et la réponse qu’elle avance sous cet intitulé est celle de la matérialité concrète des données : l’infonuagique est une illusion et internet habite dans les centres de données et les câbles enfouis. Cet aspect demeure crucial et l’atlas s’y attarde en offrant des visualisations des relais de l’information (comme les Internet eXchange Points[10]) et des images des centres de données produites par Google Street View. Mais notre point de vue diffère légèrement à ce sujet : il n’y a pas que l’internet des câbles qui existe dans un espace tangible, la déclinaison qu’on appelait autrefois « virtuelle » se trouve également spatialisée, bien qu’autrement, conceptuellement. C’est d’ailleurs à ce type de spatialité que Veel fait référence lorsqu’elle propose de penser internet et l’espace numérique non seulement comme des simples métaphores, mais aussi comme des espaces à part entière :

[O]rientation and navigation in cyberspace is indeed governed by a highly physical and even geographical experience of space, of which we find evidence in the metaphors with which we conceptualize and talk about cyberspace.

2003: 152

C’est à cet égard que l’oeuvre de Drulhe démontre sa pertinence : en s’inscrivant dans la longue tradition occidentale de l’atlas, elle nous présente un outil de conceptualisation de cet espace singulier, qui relève de la connexité et des réseaux d’après Boris Beaude (2012)[11] et qui bouleverse notre conception classique de l’espace, basée sur son assimilation au territoire.

L’atlas : le savoir sur la table

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « Frontières et territoires » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Capture d'écran par Christelle Proulx, Image numérique | 1166 x 960 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Enraciné depuis l’Antiquité dans l’imaginaire occidental sous la forme d’un titan mythologique condamné par Zeus à porter la voûte céleste sur ses épaules, Atlas a, au XVIe siècle, donné son nom à un objet qui allait devenir le support par excellence de la connaissance géographique : un recueil de cartes[12]. Réunissant plusieurs cartes, l’atlas est un objet révélateur des conceptions politiques et idéologiques sous-jacentes aux modes de représentation du territoire. Au cours du XIXe siècle, il cesse d’être l’exclusivité du domaine géographique pour se mettre à disposition d’autres champs du savoir, tels que la médecine, l’anatomie et la botanique. Il devient un recueil d’images, organisé par planches et compilant un ensemble plus ou moins complet de connaissances développées dans un domaine. Ce changement épistémologique est à la base d’une tendance qui se développe au XXe siècle lorsque la structure de l’objet-atlas est retravaillée de manière esthétique par des personnalités comme Marcel Broodthaers, Gerhard Richter et, surtout, Aby Warburg avec son célèbre Atlas Mnemosyne (1921-1929) qui visait un savoir anthropologique et formait une réflexion transhistorique sur la culture visuelle. C’est à partir de l’étude de ce dernier que Georges Didi-Huberman propose une conceptualisation globale de l’atlas dans son ouvrage Atlas ou le gai savoir inquiet en 2011. L’atlas, d’après Didi-Huberman, est « une forme visuelle de savoir, une forme savante de voir […] — paradigme esthétique de la forme visuelle, paradigme épistémique du savoir » (12). C’est une entité à la croisée des sciences et de l’art, dans laquelle l’assemblage d’images ouvre à une potentielle production de savoir. Selon Didi-Huberman, en raison de ses structures épistémologiques, notamment sa versatilité, « [o]n pourrait sans difficulté […] considérer la forme atlas — au même titre que le montage dont elle procède — comme ce trésor d’images et de pensées qui nous reste de la “cohérence effondrée” du monde moderne. » (17)

L’atlas se situe donc à mi-chemin entre une pratique exacte, scientifique et une pratique errante, imaginative et artistique. Pris entre deux pôles de la vérité, il fait jouer les deux l’un contre l’autre, l’un avec l’autre : « Contre toute pureté épistémique, l’atlas introduit dans le savoir la dimension sensible, le divers, le caractère lacunaire de chaque image. Contre toute pureté esthétique, il introduit le multiple, le divers, l’hybridité de tout montage. » (Didi-Huberman, 2011: 12) Les agencements proposés par l’atlas seraient, pour Teresa Castro, « capables d’offrir une connaissance transversale. » (2013: 161) Ces réflexions demeurent valides lors de sa transposition dans l’univers cyber. D’autant plus que, comme nous l’avons montré plus haut, les internets sont foncièrement multiples et variables. L’ACI illustre plusieurs facettes de cette hétérogénéité intrinsèque aux internets. Louise Drulhe illustre certaines divisions présentes dans le web dans la proposition « Frontières et territoires divisés » en montrant des photographies d’une balle de styromousse de plus en plus morcelée, ce qui fait écho à la « cohérence effondrée du monde moderne » de l’atlas dont parle Didi-Huberman (2011). Ces « vues de l’esprit », une fois actualisées et déployées visuellement, permettent de passer outre le rêve de la planéité de la structure supposément horizontale et démocratique d’internet.

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « La pente du web » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Vidéo numérique | 1920 x 1080 px, 13 s

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Dans l’hypothèse intitulée « La pente du web », on peut voir les pentes de plus en plus raides produites par la force des plateformes dominantes : la navigation des internautes subit inévitablement l’influence de cette dénivellation qui les amène vers les vallées creuses des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Drulhe rend palpable ce phénomène en imaginant un espace dont le sol est malléable et réactif aux champs gravitationnels des masses qui pèsent sur la structure du monde en ligne. Il s’agit ainsi d’une, ou plutôt de plusieurs pentes de plus en plus raides, qui font glisser les internautes là où les plateformes le souhaitent. En plus des images, diagrammes et animations, l’artiste propose, pour soutenir ses hypothèses, des citations, souvent tirées de l’ouvrage de Boris Beaude : « [c]e qui compte, in fine, c’est de créer une centralité suffisamment forte pour déployer par la suite tout un espace qui recouvre la majeure partie des pratiques qui ont lieu sur Internet. » (2012: 97) Ce phénomène rappelle le concept tout aussi spatial du « jardin emmuré » (walled garden[13] ou closed platform) des débuts du web : ces sites commerciaux comme Sympatico (1995-2008) ou La Toile du Québec (1995-2014), qui tentaient de rassembler tous les liens et informations importantes au sein d’une même interface, et ce, afin de maintenir les internautes à l’intérieur de cet espace propriétaire. Dans l’Atlas de Drulhe, l’hypothèse « Frontières et territoires divisés » est représentée par des pans de murs disposés dans l’espace tridimensionnel du web. À ce propos, Drulhe écrit qu’« Internet a un relief dirigé » par les grandes entreprises numériques :

Ces acteurs, ayant un poids plus fort, ont creusé la surface du web entraînant sur leur pente un ensemble d’activités qui auraient pu rester indépendantes et décentralisées. Les internautes, [...] au lieu d’ouvrir une page web, vont plus naturellement se tourner vers une page Facebook et ainsi ouvrir du contenu hébergé sur le dénivelé d’un fossé dominant.

2012

Le « relief dirigé » est donc une version complémentaire et plus récente du phénomène des « jardins emmurés », qui intègre à l’espace en ligne le temps du flux informationnel, c’est-à-dire les mouvements incessants de l’information (Chatonsky, 2007). Les jardins sont littéralement en creux dans l’espace web. Ainsi, outre les pentes du web et leurs reliefs dirigés, Louise Drulhe s’intéresse à « La surface poreuse d’Internet ». L’affirmation de cette porosité est liée à une expérience du web façonnée par les publicités ciblées : les métadonnées produites par la navigation des internautes traversent les surfaces et remontent sous forme publicitaire. Ainsi, les différentes visualisations que propose Drulhe montrent des internets stratifiés. De ces trois hypothèses complémentaires — pentes, relief dirigé et porosité — résulte une série de diagrammes aux apparences spéléologiques ou topographiques, qui représentent les dynamiques et les textures des espaces internets.

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « Frontières et territoires divisés » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Image numérique | 1200 x 741 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « Internet a un relief dirigé » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Image numérique | 678 x 1000 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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L’emplacement : situer les savoirs

L’hypothèse intitulée « Une architecture personnalisée » s’attarde quant à elle sur le phénomène d’informations sur mesure que produit le filtrage algorithmique à grande échelle. De façon similaire à la porosité de la surface du web, ces architectures concernent non seulement les publicités, mais aussi toute l’information ciblée autour d’un profil numérique. Cette personnalisation a été abordée à travers différents concepts comme ceux de « cocon informationnel » (Sunstein, 2001) ou de « bulle de filtres » (Pariser, 2011); ces métaphores permettent de cerner les processus qui enferment les internautes dans des bulles d’intérêts et de points de vue similaires, les éloignant ainsi de l’altérité. Considérant l’importance que prennent les filtres de personnalisation géographiques dans l’organisation des visibilités et dans la production des textures, reliefs et spatialités de l’univers en ligne, l’emplacement (géographique, médiatique et celui, intersubjectif, des savoirs situés) semble être l’une des clés de compréhension des espaces internets. Sous une animation en trois dimensions illustrant l’accolement de l’espace géographique tangible à la surface du web, faisant suite à l’intitulé « Un espace qui se situe », Drulhe écrit : « L’espace d’Internet reflète votre localisation terrestre », et déclare même qu’« Internet est un miroir [qui] reflète notre position géographique terrestre ». Nous tenons à souligner que le reflet s’avère cependant immensément plus complexe que celui d’un miroir puisqu’il tient compte d’une multitude de situations, mouvements, choix et habitudes propres à chacun·e, en ligne ou hors ligne.

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « Un espace qui se situe » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Vidéo numérique | 799 x 358 px, 58 s

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « La projection locale d’un objet mondial » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Vidéo numérique | 801 x 418 px, 8 s

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Dans l’hypothèse intitulée « Un espace cadré », l’artiste affirme également que « [r]egarder internet, c’est regarder un paysage à travers une fenêtre [...]. Mais dans le cas du paysage, nous pouvons sortir de la pièce et voir l’étendue dans son ensemble. Internet, lui, n’existe pas sans cadre. » Cette métaphore est fort riche, surtout par rapport à l’effet de cadrage. Toutefois l’image de la fenêtre est inadéquate car trop immédiate : les médiations sont beaucoup plus réticulées puisque la forme du « paysage internet » qui nous est montré dépend en fait d’une infinité d’intermédiaires, comme l’accumulation des données d’usage. À ce propos, Drulhe écrit : « La surface du web cartographie nos déplacements : voyages, trajets quotidiens, projets domestiques. Être sur l’espace d’Internet, c’est être situé. » La situation, tant géographique que médiatique, des internautes est ce qui modélise la navigation sur les internets. Ainsi, l’espace en ligne est indissociable de l’emplacement géographique. L’artiste renchérit en citant Frédéric Martel : « Internet n’abolit pas les limites géographiques traditionnelles, ne dissout pas les identités culturelles, n’aplanit pas les différences linguistiques : il les consacre. » (2014: 15) 

La perspective féministe de Donna Haraway — qui défend un regard partiel, incarné, localisé et processuel — et, plus précisément, sa réflexion sur les « savoirs situés » nous permettent d’approfondir notre analyse sur les liens entre la question de la situation (géographique, mais également subjective) et la représentation des internets. Dans son article « Situated Knowledges. The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective » (1988), Haraway décrit l’emplacement comme l’état de notre situation subjective et politique dans la production du savoir scientifique. Même si cette situation n’est pas celle de la localisation géographique, ce type de positionnement nous apparaît complémentaire, voire nécessaire, afin d’interroger de façon critique les représentations du monde en ligne. Les différents internets sont façonnés selon des positions multiples, non seulement géographiques, mais également subjectives et politiques, un peu comme dans les représentations idéologiques du monde dans les atlas géographiques traditionnels. La situation chez Haraway nous permet, entre autres, de mesurer la nécessité de cerner à la fois l’emplacement et les modalités de production des différences entre les sujets qui s’élaborent en ligne :

It is in the intricacies of these visualization technologies in which we are embedded that we will find metaphors and means for understanding and intervening in the patterns of objectification in the world — that is, the patterns of reality for which we must be accountable.

589

Cette prise de responsabilité est indispensable pour établir des savoirs sur un monde dont les mécanismes sont gouvernés par des entités commerciales gigantesques. Il est crucial de mobiliser cette responsabilité, notamment face aux perspectives étroites produites par les algorithmes d’individualisation, qui passent pour un simple raffinement positif et utilitaire de l’information sur mesure. La vision incarnée des savoirs situés invite à porter attention au fait que nous voyons toujours depuis quelque part. Pour Haraway : « The only way to find a larger vision is to be somewhere in particular. » (590) Tant dans la recherche scientifique que dans le quotidien sur le web, il convient de tenir compte de notre positionnement. Donna Haraway souligne clairement cette nécessité en ce qui concerne la production du savoir : « The issue in politically engaged attacks on various empiricisms, reductionisms, or other versions of scientific authority should not be relativism — but location. » (588)

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « La projection local d’un objet mondial » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Capture d'écran par Christelle Proulx, Image numérique | 2602 x 1606 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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Cet emplacement, Louise Drulhe le met de l’avant lorsqu’elle affirme que « [l]’internet que nous expérimentons est une projection de celui-ci à travers le prisme de la localité. Internet est bien unique, mais il possède un ensemble de projections territoriales. » La diversité des points de vue sur le web est particulièrement bien illustrée dans une animation tirée de l’hypothèse « La projection locale d’un objet mondial » dans laquelle les informations sont projetés telles des ombres par les données de localisation. Cette animation s’accorde avec la multiplicité inhérente à une conception des internets au pluriel. Par ailleurs, la vision incarnée des savoirs situés se doit d’être non seulement localisée et incarnée, mais également apte à se déplacer. L’affirmation de l’artiste, faisant de l’internet un objet unique, apparaît donc hasardeuse. Mais la série de propositions et d’images que Drulhe met « au travail », pour reprendre l’expression de Teresa Castro (2013), dans son atlas nous permet d’appréhender les internets sous différents angles, en mettant au jour une pluralité de reliefs et de points de vue. La vision de l’utilisateur ou de l’utilisatrice des internets est partiellement incarnée[14] et transmutée en données d’individualisation. Les animations, diagrammes et images de Drulhe à propos du principe de projection sont révélateurs à ce sujet : le regard médiatisé et situé des internautes fonctionne un peu comme un projecteur braqué sur un angle spécifique de l’objet-réseau des internets. Cette disposition autorise ainsi l’apparition d’un paysage informationnel à l’ombrage spécifiquement dessiné pour chacun·e. Outre une analogie commode avec la caverne platonicienne, la projection est surtout, pour ce qui nous intéresse ici, une méthode indissociable des pratiques cartographiques, permettant de représenter la tridimensionnalité du territoire sur une surface plane. La projection cartographique des internets est, elle aussi, une déformation pour accorder cette entité multiple, fondée sur des architectures de données complexes, à la planéité de nos écrans individuels.

Pour une esthétique diagrammatique sensible

Depuis son émergence au XVIe siècle, l’atlas a toujours été renouvelé et adapté aux nouvelles formes de connaissance, et ce processus de transformations se poursuit avec internet : si son espace n’a pas de territoire, son atlas n’aura pas de cartes à proprement parler. Les cartes sont précieuses pour notre capacité à représenter, expliquer et conceptualiser le monde. D’ailleurs, la pratique cartographique n’est pas réductible au seul espace géographique ou aux données numériques massives, aujourd’hui souvent visualisées sous forme de cartes. Les hypothèses « cartographiques » de Drulhe sont « hypothétiques et conceptuelles » parce qu’elles ne se fondent pas exclusivement sur les données et leur analyse computationnelle. Aussi, la pensée diagrammatique mise au travail par l’artiste permet de sortir un peu des visualisations qui suivent une perspective empirique et quantitative, actuellement dominantes lorsqu’il est question du numérique. Gilles Deleuze et Félix Guattari définissent la diagrammatique comme un régime sémiotique, composant, avec d’autres, la pragmatique, c’est là « le sommet de l’abstraction, mais aussi le moment où l’abstraction devient réelle; tout y passe en effet par des machines abstraites-réelles. » (1980: 181) Deleuze ira même plus loin en affirmant que

le diagramme est éminemment instable et fluant, ne cessant de brasser matières et fonctions de façon à constituer des mutations. Finalement, tout diagramme est intersocial, et en devenir. Il ne fonctionne jamais pour représenter un monde préexistant, il produit un nouveau type de réalité, un nouveau modèle de vérité.

1986: 43

Louise Drulhe, Atlas critique d'Internet : « Une architecture personnalisée » (2012), Oeuvre hypermédiatique, Image numérique | 1200 x 803 px

Avec l’aimable permission de Louise Drulhe

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L’ACI sort du paradigme de la calculabilité pour faire écho à la cartographie cognitive, voire sensible[15]. Ce type de représentation se rapproche des savoirs situés en ce qu’il tient compte d’une phénoménologie relationnelle des internets, favorisant une approche sensible des impressions et représentations que nous façonnons par rapport à l’espace en ligne. Drulhe propose ainsi des procédures graphiques hétérogènes — dessins, photographies, animations, etc. — qui résonnent avec l’hybridité de l’atlas. Son oeuvre témoigne de l’expérience sensible des espaces internets, c’est-à-dire de la façon dont ils sont perçus, vécus et ressentis. Lorsqu’il définit ce qu’il nomme « le partage du sensible », le philosophe Jacques Rancière écrit qu’il s’agit de « la façon dont les formes d’inclusion et d’exclusion qui définissent la participation à une vie commune sont d’abord configurées au sein même de l’expérience sensible. » (2002: 34) L’expérience de la spatialité des internets, ressentie à la fois comme commune et individualisée, suppose une perception qu’il s’agit d’interroger. Envisagé sous cet angle, l’atlas de Drulhe se présente comme une tentative de cartographie sensible d’espaces mouvants, en constante mutation, et qui rassemble ainsi des préoccupations esthétiques et politiques. L’artiste soutient également que « [c]hacun de nos clics sculpte internet à notre image » et, un peu plus loin dans l’atlas, figurent les photos d’un doigt, un index, qui laisse littéralement des traces sur une surface malléable. Le lien avec la catégorie sémiotique de l’index comme relation de contiguïté refait alors surface — depuis les études photographiques notamment — et amène à poser un regard différent sur le phénomène des traces numériques. Les algorithmes d’apprentissage profond[16] se transforment sans cesse suite à l’analyse des traces numériques laissées par les internautes et produisent des représentations spécifiques, comme c’est le cas par exemple du fil de nouvelles de Facebook. Le caractère indiciel — au sens sémiotique — des représentations informationnelles produites sur internet permet d’examiner ce rapport sous un angle matériel, qui n’est pas celui de l’infrastructure, mais plutôt celui de la présence, du contact et de la plasticité.

Voilà alors que l’on comprend un peu mieux pourquoi la cartographie sans cartes que propose Drulhe est nécessaire. Elle permet de donner à internet un sens qui n’est pas celui des algorithmes commerciaux des GAFAM. Autrement dit, cartographier les spatialités d’internet est une démarche visant à en transmettre une vision multiple, qui déjoue la raison cartographique classique et sa perspective surélevée et omnisciente. Cette posture permet également de tenir compte des architectures et façonnements algorithmiques spécifiques à différents espaces numériques. À ce propos, rappelons l’affirmation de Bruno Latour qui, dans son texte Paris, ville invisible (2007), compare l’image de Paris produite par la multiplicité des points de vue individuels et celle, trompeuse, produite par l’automatisation de Google Maps :

[L]’illusion du zoom, c’est l’impression de continuité. La machine informatique, parce qu’elle peut si facilement faire tourner les pixels à toutes les échelles et relier entre elles les informations […], permet de laisser croire qu’il existe entre toutes ces prises de vue un passage sans solution de continuité.

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La cartographie à tendance panoptique produite par Google, par exemple, qu’elle soit celle de la terre (Google Maps ou Earth), ou celle d’une panoplie de services informatiques qui recouvriraient le web, n’est, selon Bruno Latour, rien de plus qu’un « peep show » : une « série d’oligoptiques », qui tente de se faire passer pour une vision globale. Les oligoptiques sont d’« étroites fenêtres qui permettent de se relier, par un certain nombre de conduits étroits, à quelques aspects seulement des êtres (humains et non-humains) dont l’ensemble compose la ville. » (Latour, 2007: 2) Cette ville est, pour l’atlas de Drulhe et pour nous, internet avec ses spatialités multiples. Les services globalisants de type Google offrent des visions partielles aux internautes, mais il ne s’agit pas de la vision incarnée, partiale, partielle et mobile que revendique Donna Haraway puisque les producteurs de savoirs — les GAFAM — ne permettent pas de voir depuis quelque part. Ces perspectives incomplètes sont coercitives et dictées par les plateformes, non par le point de vue incarné dont nous avons besoin pour conceptualiser adéquatement l’espace numérique.

L’ACI parvient à mettre à l’épreuve un certain nombre de points de vue sur un objet foncièrement multiple. La variabilité des modes de présentation proposés par Drulhe en fait un atlas oligoptique qui permet différentes itérations de ce regard mobile. Malgré quelques lacunes dans les définitions avancées, notamment quant à l’indifférenciation entre deep et dark web dans l’hypothèse intitulée « Un espace peuplé » — des nuances cruciales pour cerner les profondeurs des internets —, chaque élément intégré demeure éclairant. Même les quatre coins de la page web de l’oeuvre, ornés d’images aléatoirement tirées de Reddit, illustrent la porosité des espaces en ligne en intégrant une part du web à même l’oeuvre. Les exercices conceptuels de cet atlas sont autant d’essais de représentabilité de l’espace numérique, déplaçant le regard sur l’objet au gré des hypothèses. À nouveau, le travail d’Haraway est éclairant, selon la théoricienne : « All these pictures of the world should not be allegories of infinite mobility and interchangeability but of elaborate specificity and difference » (1988: 583). Il ne s’agit donc pas de subjectivité radicale et de relativité absolue, mais d’une conscience spatiale et politique des points de vue incarnés. De telles différences, élaborées par l’explicitation de leurs spécificités spatiales, permettent une perspective critique nuancée sur la représentation de l’espace numérique. C’est précisément cette posture que nous revendiquons en utilisant l’expression « les internets » pour parler des modalités cartographiques propres à la représentation et à la conceptualisation de cet espace.