Notes de lecture

L’envers du monde. Anne Hébert, Georges Bataille par Mélanie BeaucheminBEAUCHEMIN, Mélanie. L’envers du monde : Anne Hébert, George Bataille, Montréal, Nota bene, 2021, 281 p.[Notice]

  • Camille Néron

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  • Camille Néron
    CRILCQ-Université de Sherbrooke

À la suite d’une thèse et d’une première étude d’envergure consacrées à l’oeuvre d’Anne Hébert, Mélanie Beauchemin publie L’envers du monde : Anne Hébert, George Bataille, où elle livre une lecture de l’oeuvre hébertienne à la lumière de la pensée de George Bataille, tout en proposant une comparaison des univers littéraires des deux auteurs. Soulignant que l’imaginaire d’Hébert comme celui de Bataille sont ancrés dans une piété « reconnu[e] puis abandonné[e] » (Beauchemin, 2021 : 13), mais dont les symboles seront réactivés pour mener « à l’infamie de l’âme et à la transgression […], s’accordant à une urgence de vivre accompagnée de nudité ou de blasphèmes » (12-13), l’essayiste amène une perspective nouvelle, à savoir que le concept d’hétérogénéité – « réalité contraire à la conscience, et qui est celle de la force du choc (le fantasme, la démesure, le délire) » (23) où l’instinct reprend le dessus, tel que pensé par Bataille – permet de comprendre l’intériorité délirante comme la sexualité débauchée des personnages des deux oeuvres. Le prologue met ainsi en place les prémisses d’une argumentation qui vise à sonder cet « envers du monde », comme le formule Anne Hébert, caractérisé par une « descente dans le néant » (19) identitaire qui mène néanmoins à la délivrance du désir. Divisé en six chapitres, l’ouvrage se penche à cette fin sur la figure du fiévreux, chez qui l’« impossibilité d’exprimer ses désirs et ses sentiments crée le dédoublement, la déformation physique, le zoomorphisme » (23) et dont le corps brûlé se révèle être la voie d’accès à l’envers du réel où la débauche se fait « condition de vie souveraine » (20). Le premier chapitre montre comment les phénomènes de la nature (tempête, vent, orage) exposent au grand jour les fantasmes « de l’individu réprimé […] charg[é] de fièvre » (25) et « contribuent à la libération des corps dans une réalité qui échappe à la conscience » (28). La raison quitte alors le personnage agité, en attente d’un autre monde. Son angoisse première se transforme en colère, puis en outrance. Le personnage prépare sa révolte, qui passera nécessairement par la violence, et ce, notamment selon la dynamique de la chasse ou de la boucherie. « Car c’est dans l’horrifique et le malaise que l’être finit par se reconnaître dans sa totalité. » (67) À la lecture du deuxième chapitre, on comprend que, dans les textes d’Hébert et de Bataille, l’hétérogène peut s’incarner dans la figure de l’étranger qui « ne craint pas d’affronter une nature déchaînée » (69) et qui vient amplifier « un désordre qui n’en finit plus d’échauffer l’imaginaire » (84). Révolte et perversion s’allient dans une lumière crue et brûlante qui exacerbe les sens. Le corps de l’étranger se fait « incandescent » (95) et devient objet de fascination pour les autres qui lui « surimposent leurs désirs » (96). L’ordre est menacé et la chute imminente. Or, dans le troisième chapitre, l’essayiste avance que la chute du personnage dans le vide ou dans l’abominable donne accès à une forme de vérité absolue, marquant de fait « la fin de l’aveuglement » (122) et l’avènement des démons intérieurs. La remontée vers la lumière implique donc non pas « une ascension vers le divin, mais bien celle vers la souveraineté et l’expression ultime de la délivrance » (124). Est ici proclamée la rage de vivre de l’être devenu créature, voire monstre, sous l’effet de la métamorphose d’une telle expérience, dont l’orgasme sexuel, détruisant le visage par la révulsion des yeux qu’il provoque, est l’une des variantes. Le quatrième chapitre expose, chez Hébert comme chez …