Résumés
Résumé
Les Anecdotes de notre temps depuis 1715 à 1736, est un ensemble de 52 volumes manuscrits acquis par la Bibliothèque Royale en 1789 au cours de la vente après décès du Duc de Richelieu. La plupart des volumes a été cassée par les archivistes au début du XIXe siècle. Les documents qu’ils contenaient ont été dispersés dans différents fonds thématiques de la Bibliothèque nationale de France. Ces documents associant généralement un texte et une image, qualifiés d’anecdotes, peuvent être identifiés grâce à une estampille assurant leur traçabilité. Un recueil anonyme provenant de ce fonds conserve une quarantaine d’anecdotes, riche de 67 dessins et gravures, de faune et de flore, concernant l’espace colonial français. Une démarche structuraliste intra-inter-trans a permis de reconstituer les micro-histoires liées à chaque anecdote, de confirmer les datations de la plupart des documents iconographiques (1715-1736), de statuer sur le caractère factice du recueil constitué seulement au début du XIXe siècle, et d’identifier des invariants concluant à l’implication d’Antoine-Denis Raudot, intendant des Classes au Secrétariat de la Marine. Celui-ci aurait constitué un corpus « pré-anecdotes » jusqu’à son décès en 1737, dans lequel a puisé le Comte de Maurepas pour élaborer une partie des 52 volumes des Anecdotes de notre temps lors de son exil (1749-1774). Fort de ce constat et du fait que la carrière de Raudot l’a conduit à la co-intendance de la Nouvelle-France (1705-1710), un second corpus de huit anecdotes canadiennes a été identifié puis étudié. Plusieurs images et évènements révèlent d’autres types d’activités du Secrétariat de la Marine, en lien avec les Premières Nations (ambassades, guerre, etc.), une mission sulpicienne, les autorités de Québec et la Royauté. La circulation du corpus « pré-anecdotes » de Raudot vers Maurepas s’explique en partie par divers événements intervenus lors du décès de Raudot en 1737 (héritage, captation).
L’iconographie de ces ensembles est d’une valeur tout à fait exceptionnelle par sa diversité, pour l’histoire des sciences et les recherches sur le monde colonial français. Certains dessins complètent les courriers du Secrétariat de la Marine avec lesquels ils furent envoyés. Ils soulignent également l’importance et la diversité des flux de circulation des savoirs et des objets entre les colonies, l’administration de Maurepas, le Jardin du Roi, l’Académie des Sciences, les comptoirs de la Compagnie des Indes, le réseau missionnaire jésuite et la Royauté. Le croisement des sources a permis de lever le voile sur l’identité de plusieurs illustrateurs (Aubriet, Simmoneau, Boutan, Barrère, Jacques, Le Chevalier, etc.).
Des liens ont été également identifiés entre les Anecdotes et le Cabinet de curiosités d’Antoine-Denis Raudot, dont au moins un objet provenant de Guadeloupe a été identifié dans le droguier historique dit de Jussieu conservé au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris.
Si la polysémie qui se dégage des Anecdotes de notre temps déroute en premier lieu, une démarche structuraliste par sous-ensembles thématiques permettant l’identification d’invariants et de corrélations paraît être une méthode particulièrement adaptée. Reste qu’il sera difficile de dissocier les responsabilités du couple Maurepas-Raudot, le ministre et son premier commis, tous deux mobilisés au sein des mêmes administrations durant plusieurs décennies.
Mots-clés :
- Anecdotes de notre temps,
- Secrétariat de la Marine,
- Jardin du Roi,
- Académie des Sciences,
- Compagnie des Indes,
- Cabinet de Curiosités,
- Circulation des savoirs,
- Cultures coloniales,
- Colonies françaises,
- Iconographie,
- Premières Nations,
- Comte de Maurepas,
- Antoine-Denis Raudot,
- Duc de Richelieu,
- Le Masson du Parc,
- Pierre Le Chevalier,
- Jussieu,
- XVIIIe siècle
Abstract
The Anecdotes de notre temps depuis 1715 à 1736 is a set of 52 manuscript volumes acquired by the Royal Library in 1789 during the sale after the death of the Duke of Richelieu. Archivists itemized the majority of the volumes in the early 19th century and the documents in these volumes got dispersed in different thematic collections of the National Library of France. They generally combined a text and an image and referred to as anecdotes. Fortunately, a particular stamp assures their traceability and permits to identify them in the National Library. In this manner, an anonymous volume preserves around forty anecdotes containing 67 drawings and engravings of fauna and flora concerning the French colonial empire. A reconstruction was made through an intra-inter-trans structuralist approach to reconstruct first the micro-stories behind each anecdote in order to infirm the date of most of the iconographic documents. This approach also made it possible to determine the nature of the collection in the 19th century but also to identify invariabilities leading to the involvement of Antoine-Denis Raudot, class-intendant and secretary of the French Navy. It is believed that this corpus represents in fact the “pre-anecdotes” until Raudot’s death in 1737, from which the Count of Maurepas must have drawn in order to partially compile the 52 volumes of Anecdotes de notre temps during his exile (1749-1774). This result and the fact that Raudot’s went to New France (1705-1710) as a second clerk now permitted to identify a second set of eight Canadian anecdotes and to be presented here. The transfer of Raudot’s “pre-anecdotes” corpus to Maurepas is explained partially by various events that occurred in 1737, the year when Raudot died (heritage, appropriation, saving).
The iconography of the presented collection is quite exceptional due to its diversity with regard to history of science and ongoing research on French colonialism. A few drawings complete the letters from the Navy’s Commission the Navy to whom they were sent. They also underpin the importance of networks in which circulated knowledge and objects in between colonies, the administration of Maurepas, the Royal botanical Garden, the Academy of Sciences, the factories of the French Indies Company, and the Jesuit missionary network. The analysis permitted to unveil the identity of several illustrators such as Aubriet, Simmoneau, Boutan, Barrère, Jacques, Le Chevalier, &c. Close links have also been made between the Anecdotes and Raudot’s Cabinet of Curiosities. At least one object from Guadeloupe has been identified as an item of Raudot’collection in the historic drugstore attributed to Jussieu preserved at the National Museum of Natural History in Paris.
If the polysemy which emerges from Anecdotes de notre temps appears to be disconcerting at first hand, a structuralist approach by thematic collections allows the isolation of invariants and reveals correlations, this method is particularly suitable method for understanding it evolution or transformation. However, it will be difficult to separate the responsibilities of the Maurepas-Raudot couple, i.e. the minister and his first clerk, both mobilized within the same administrations for several decades.