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En Guadeloupe, depuis une quarantaine d’années, la réforme foncière se situe dans un processus assez semblable aux mouvements traditionnels de morcellement et de concentration des domaines sucriers. Toutefois, la réforme foncière introduit une plus grande amplitude d’action sur le système agraire et industriel sucrier, que ce soit en matière de morcellement foncier comme en matière d’intervention de l’État. Cette amplitude accrue est due à la Départementalisation qui, en promouvant la parité sociale avec la Métropole, a progressivement créé des espaces socio-économiques plus attractifs que la plantation pour la main-d’oeuvre comme pour l’investissement.
A elle seule donc, la Départementalisation remet en question la plantation et conduit ainsi les pouvoirs publics à financer toujours plus de mesures pour accompagner le morcellement foncier. La réforme foncière, en elle-même, ne cadre que les modalités de lotissement sur le terrain en aboutissant à un report massif de la production de canne à sucre sur la catégorie mixte des salariés/fournisseurs canniers des usines devenus exploitants propriétaires de leur terre. De nombreuses mesures, allant des soutiens à la production cannière aux prestations sociales spécifiques aux attributaires d’un mot de réforme foncière, ont couvert l’interface entre ces deux niveaux contextuel et sectoriel.
Un examen décennal des produits sucrier et cannier comparés aux salaires et charges salariales met en évidence le contexte globalement favorable puis défavorable de la Départementalisation sur la plantation. Malgré les mesures prises pour soutenir la production de canne et restructurer la filière, les petites plantations perdent plus de potentiel de production qu’elles ne le concentrent en accroissant leur productivité. De leur côté, les domaines sucriers issus des concentrations les plus importantes ferment au début des années quatre-vingts en cédant la majeure partie de leurs terres, notamment leur cannes en faire-valoir direct Ces terres serviront à une ultime et massive installation d’exploitations « moyennes » (10 ha dont 6 ha en canne à sucre). Les usines cessent donc leur processus traditionnel de concentration pour s’approvisionner majoritairement auprès d’un nombre croissant de leurs métayers acquéreurs des terres.
Cette restructuration fondamentale de la plantation traditionnelle faite sur le tard ne s’accompagne pas de la mise en place d’exploitations cannières solides. La mécanisation de la récolte, notamment, n’a pas connu d’adaptation spécifique pour l’attributaire d’un lot afin qu’il investisse réellement sa place dans l’exploitation de son lot. Ce fait amène à redéfinir la portée économique et sociale de la réforme foncière ou à en compléter les initiatives. L’examen de la mécanisation légère parallèlement aux solutions lourdes en coopérative peut donc apporter un éclairage sur les potentialités du secteur sucrier et sur l’avenir des populations rurales.