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Pierre Lavoie, Mille après mille. Célébrité et migrations dans le Nord-Est américain, Montréal, Boréal, coll. « Histoire », 2022, 326 p.

  • Alex Gagnon

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  • Alex Gagnon
    Université du Québec à Trois-Rivières

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Couverture de À la (re)découverte de l’oeuvre de Camille Laurin, Volume 32, numéro 1, automne 2024, p. 7-270, Bulletin d'histoire politique

Indissociablement rattachée à la modernité médiatique, la célébrité est une forme de notoriété essentiellement quantitative. Ce n’est pas une substance, ni une qualité intrinsèque ; c’est une quantité variable d’apparitions publiques et médiatiques qui permettent à tel ou tel individu de s’imposer fortement et durablement à la perception et à l’attention d’un vaste auditoire. Bref, c’est d’abord une visibilité. Mais c’est aussi, inséparablement, une mobilité, car l’intensité d’une présence dans l’espace public suppose des modalités multiples (être vu, être lu, être entendu) et une circulation incessante, une diffusion qui fait passer l’être célèbre et ses doubles médiatiques (ses images, ses mots) d’un lieu à un autre et d’un média à l’autre. C’est ce que pose d’emblée et que montre bien le livre de Pierre Lavoie. La célébrité et ses manifestations historiques : l’ouvrage a le mérite d’aborder un objet – et de le faire dans une écriture limpide – qui a suscité jusqu’ici peu d’enquêtes au sein des études québécoises. Il fournit en outre, à ma connaissance, une contribution significative à l’historiographie franco-américaine : Mille après mille porte principalement sur les pratiques artistiques et sur les vedettes qui ont marqué et animé, entre la fin des années 1920 et les années 1950, la vie culturelle des collectivités francophones issues des grandes migrations canadiennes-françaises en Nouvelle-Angleterre. La problématique annoncée dans l’introduction est tripartite. L’auteur entend d’abord « montrer comment la mobilité migratoire de la fin du XIXe siècle et des premières décennies du XXe siècle a contribué à modeler la mobilité artistique et médiatique qui en a pris le relais » (p. 16) entre la Grande Dépression et les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Le deuxième tiers du XXe siècle voit en effet les artistes et les troupes francophones de la scène burlesque et vaudevillesque élaborer des circuits de tournées « sur les routes empruntées au cours des décennies précédentes par les migrants qui leur servent maintenant de public » (p. 189), les réseaux et les institutions francophones enracinées dans la Nouvelle-Angleterre au fil d’un mouvement migratoire presque séculaire constituant un milieu favorable à l’essor de carrières artistiques fondées sur la circulation transfrontalière de troupes spécialisées dans le spectacle de variétés, qui conjugue chant, musique, théâtre et sketch comique. Lavoie s’intéresse deuxièmement aux « pratiques d’identification collective des francophones du Nord-Est américain » (p. 16), c’est-à-dire à la manière dont les artistes populaires relevant de ce courant font l’objet d’une appropriation collective appelée à « définir et à redéfinir les identités canadienne-française, franco-américaine et américaine » (p. 16). L’ouvrage espère enfin éclairer le processus de patrimonialisation de ces artistes. Celui-ci est foncièrement caractérisé, selon l’auteur, par un effacement rétrospectif des réalités migratoires et de la mobilité transfrontalière sur lesquelles s’est bâtie leur carrière, ce qui conduirait, dans la « mémoire publique », à « l’exagération de l’homogénéité des cultures nationales dans la première moitié du xxe siècle » (p. 16). L’historien réalise ce triple programme en proposant une étude elle-même tripartite. Les trois chapitres centraux de son livre retracent la trajectoire artistique et médiatique de trois figures célèbres (Mary Travers, Rudy Vallée et Jean Grimaldi) qui ont entretenu des liens étroits avec les collectivités franco-américaines de la Nouvelle-Angleterre. Le chapitre consacré à Mary Travers (1894-1941), communément appelée Madame Bolduc ou « la Bolduc », s’attache à retracer sa carrière musicale, amorcée en 1928 dans le cadre des « Veillées du Bon Vieux Temps », des spectacles comiques et musicaux qui se tiennent au Monument-National et qui s’inspirent librement du « courant folkloriste » (p. 73) visant à préserver les traditions, les symboles et les oeuvres …