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Je suis né en 1938 à Orilla de Navarro, à côté de La Huerta de Mataquito, un hameau d’à peine cent habitants, dans la province de Curicó, à 200 kilomètres au sud de Santiago. Je suis le deuxième d’une fratrie de six enfants issus du premier mariage de mon père. Il était ouvrier des chemins de fer et savait à peine lire et écrire. Mon enfance a été marquée par la pauvreté et par des malheurs familiaux, puisque ma mère est décédée lorsque j’avais neuf ans, et mon père est mort lorsque j’avais treize ans, à la suite d’un terrible accident de travail, peu de temps après s’être remarié.

J’ai pu faire mon éducation secondaire grâce à l’aide financière de deux tantes, qui ont payé mes frais au séminaire de San Bernardo. Elles voulaient que je devienne prêtre, mais après six ans d’études, j’ai dû quitter cet établissement pour me chercher du travail et ainsi pouvoir aider mes frères et soeurs orphelins. De cette étape, j’ai gardé ma formation religieuse et ma foi catholique. J’ai travaillé comme surveillant des élèves à l’Institut national et ensuite au ministère de l’Éducation. En même temps, j’ai réussi à m’inscrire à l’École de droit de l’Université du Chili, pour devenir avocat. À cette époque, les études universitaires étaient gratuites, ce qui m’a aidé. Mais je devais travailler pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. J’ai eu des difficultés à réussir dans mes cours, car, en plus de mon emploi, j’avais commencé à m’impliquer au niveau politique et syndical. Un de mes professeurs a été Patricio Aylwin, futur président du Chili et haut dirigeant de la Démocratie chrétienne[2]. J’avais commencé à militer en 1958 dans ce parti, qui avait un programme assez progressiste. En 1964, son leader, Eduardo Frei, fut élu président du Chili, et j’ai appuyé avec enthousiasme son gouvernement, du moins pendant les premières années.

Au cours de mes études j’ai rencontré Zaida Macías, ma future épouse, elle aussi étudiante en droit, originaire de Punta Arenas, ville située dans l’extrême sud du pays. Nous nous sommes mariés en 1966 et avons eu deux enfants. Grâce à une bourse, nous avons pu faire des études supérieures en Belgique, à l’Université de Louvain, entre 1966 et 1969. J’ai obtenu un diplôme en relations industrielles et Zaida a fait de même en droit social. Pendant cette période, je me suis lié d’amitié avec Marc Termote, un professeur de l’Université de Montréal spécialiste de la démographie, qui a agi comme guide dans mes études. Lorsque nous sommes partis vivre au Québec à la suite du coup d’État de 1973, il nous a été d’une grande aide. Et nous avons appris le français en Belgique, un autre élément clé pour notre adaptation à notre seconde patrie.

Notre retour au Chili a coïncidé avec une transformation politique importante, soit la création du parti Mouvement d’action populaire unifié (MAPU) par un groupe de militants de la Démocratie chrétienne, dont les membres reprochaient au président Eduardo Frei les actions répressives de son gouvernement contre les travailleurs, parfois avec un bilan sanglant[3]. Je n’étais pas d’accord non plus avec l’attitude intransigeante de Frei à l’égard du Parti communiste. Zaida et moi, qui partagions les mêmes idéaux, étions influencés aussi par l’impact de la révolution cubaine. Notre séjour en Belgique nous avait sensibilisés à la cause de la décolonisation et à l’émergence du Tiers-monde. De plus, nous avions été influencés par les luttes du mouvement étudiant en Europe et les événements de mai 1968. Nous avons alors renoncé à notre militance dans la Démocratie chrétienne et avons adhéré au MAPU, qui faisait partie de l’Unité populaire, la nouvelle alliance de la gauche[4], qui remporta l’élection présidentielle de septembre 1970 avec Salvador Allende.

Les années Allende

Pendant ces années, nous avons appuyé le gouvernement Allende, tant au niveau professionnel que politique. En tant qu’avocat, j’avais été nommé d’abord chef du département chargé de donner des formations aux ouvriers de la Compagnie d’Acier du Pacifique, la plus importante usine de sidérurgie au pays, située à Talcahuano, dans le sud. En 1972, j’ai été proposé par mon parti pour être nommé secrétaire général de la Surintendance des banques. Il s’agissait d’un poste important, car le gouvernement voulait nationaliser la presque totalité des banques du pays, de façon légale, en achetant les actions de chacune des institutions. Ce n’était pas un domaine de ma spécialité, mais j’ai dû obtempérer, en tant que militant du MAPU. Mon parti avait reçu le mandat de s’occuper des banques, dans la stratégie de répartition de sphères d’influence de chacun des partis de l’Unité populaire[5]. Je devais gagner la confiance des gérants des institutions, afin de les faire fonctionner normalement, même si elles étaient passées de la sphère privée au domaine public.

Zaida a milité avec moi au MAPU. Elle a travaillé d’abord au Fonds d’éducation paysanne, organisme public chargé de collaborer avec les organisations paysannes dans le domaine de la formation syndicale. Par la suite, elle est devenue avocate au ministère du Travail, jusqu’à son congédiement pour des raisons politiques à la fin de l’année 1973.

Dans mon lieu de travail, à mesure que la situation politique devenait plus tendue, on craignait des actions de violence de la part des opposants au gouvernement. Des équipes ont été mises sur pied afin de protéger le service en cas d’une attaque ou d’une tentative de coup d’État. Chaque soir, deux ou trois personnes armées restaient sur les lieux. Je n’ai jamais fait partie de ces groupes, et je ne croyais pas que ces actions seraient efficaces. De plus, étant donné que j’avais réussi à ne pas faire le service militaire[6], je n’avais jamais tiré au fusil et ne savais pas me servir d’une arme.

Beaucoup de gens pensaient qu’un coup d’État n’était pas quelque chose qui pouvait se produire au Chili, compte tenu de la tradition de stabilité politique du pays. Je partageais cette opinion, mais j’ai commencé à changer d’avis lors d’une rencontre avec un oncle, soldat dans la Force aérienne de guerre. Je le visitais rarement, mais lors de cette occasion, il m’a raconté que son institution se préparait à renverser le gouvernement, ajoutant que lors des pratiques de tir dans les casernes, on s’exerçait en prenant comme cibles le portrait de Salvador Allende ou d’autres personnalités de son gouvernement.

La situation était tendue, et cela se reflétait au niveau des relations avec les voisins. Zaida se rappelle que chacun connaissait les opinions politiques des autres résidents du quartier. La pénurie d’aliments de première nécessité, causée en grande partie par le marché noir créé par les producteurs et les marchands qui appuyaient l’opposition, forçait les gens à faire de longues files d’attente, ce qui donnait lieu à des échanges agressifs.

Le Onze septembre

Ce jour-là, je peux dire que j’ai été favorisé par la chance. Contrairement à mes habitudes, je m’étais couché assez tard la veille, car le 10 septembre, un lundi, c’était mon anniversaire de naissance. Au retour de mon travail, Zaida avait organisé une fête avec quelques amis dans notre appartement, situé dans le quartier de Ñuñoa. En dépit de la tension qui régnait ces jours-là, nous avons mangé des empanadas, bu des verres de pisco (l’eau-de-vie typique du Chili) et du vin, chanté et dansé avant de nous coucher vers trois heures du matin. Le onze, un mardi, je me suis levé tard. L’idée d’arriver au milieu de l’avant-midi à mon travail me gênait, car je devais donner l’exemple de ponctualité à mes collègues. Mais en ouvrant la radio, j’ai appris ce qui était en train de se passer autour du palais de La Moneda. Mon bureau était situé au centre-ville, assez proche du siège du gouvernement, où les balles sifflaient un peu partout. Si j’étais parti de bonne heure, comme c’était mon habitude, je me serais retrouvé au milieu des fusillades et j’aurais pu être l’un des nombreux morts et blessés de la journée[7].

Très émus, nous avons écouté le dernier discours du président Allende, vers 9 heures du matin, diffusé par Radio Magallanes, la seule station loyale au gouvernement encore en ondes. Après, je voulais téléphoner à mon bureau, pour savoir ce qui arrivait à mes collègues. Nous n’avions pas de téléphone à la maison, comme dans bien d’autres foyers au Chili à l’époque, et il a fallu que je me rende à un téléphone public près de chez nous et faire la file, car beaucoup de gens voulaient aussi s’informer sur leurs proches. Il a été impossible de communiquer avec qui que ce soit, les gens à mon bureau ou mes amis du MAPU. Les lignes téléphoniques semblaient ne plus fonctionner.

Je suis retourné chez moi et nous avons continué à écouter la radio. Les postes diffusaient les communiqués militaires, les bandos. Ils exigeaient que tous les ministres, chefs de parti, députés et sénateurs de l’UP se rendent aux nouvelles autorités.

À mesure que la journée avançait, nous ne savions pas quoi faire. On a appris que les militaires entraient dans les maisons à la recherche d’armes et des dirigeants de l’UP. Nous avons décidé de brûler les livres « dangereux » de notre bibliothèque. Mais j’ai eu l’idée de garder une partie des livres et de les apporter chez des amis prêtres, qui habitaient au couvent français du Sacré-Coeur, en dehors de la ville. J’ai pensé que les militaires n’oseraient pas profaner ces lieux. Et c’est ce que j’ai fait dans les jours suivants, lorsque le couvre-feu fut levé pour quelques heures.

Au début, je pensais que la répression serait dirigée contre les hauts dirigeants de l’UP, pas contre les cadres de rang moyen comme moi. Cependant, au cours des jours suivants, j’ai commencé à m’inquiéter pour ma sécurité et celle de ma famille. Nous évitions que nos enfants aient des relations avec les enfants des familles qui avaient fêté le coup d’État. J’ai eu la surprise d’apprendre que l’un de mes voisins dans l’édifice où nous habitions était un militant de l’organisation d’extrême droite Patria y libertad[8], détail qui a aggravé ma préoccupation.

Lorsque j’ai pu finalement communiquer avec la Surintendance des banques, une secrétaire m’a informé poliment qu’il m’était défendu de me rendre sur les lieux et que j’avais été congédié. Devenu chômeur, je devais me chercher un autre travail. Des amis bien placés dans l’Église, qui collaboraient avec le Comité pro Paz[9] m’ont offert une modeste rémunération si j’acceptais de travailler comme avocat pour la défense de paysans persécutés par la dictature dans une région voisine de Santiago, regroupant les villes de Melipilla, San Antonio et Tejas Verdes. J’ai beaucoup hésité, car à vrai dire, j’avais peur d’avoir à affronter les militaires. Et je ne voyais pas clairement ce qu’un avocat pouvait faire dans le nouveau contexte, alors que la dictature avait mis fin à l’État de droit. Mais j’ai accepté, me disant qu’il s’agissait d’un devoir, afin d’essayer de sauver des vies humaines. Je ferais comme Andrés Aylwin (frère du futur président et ancien député de la région) qui faisait un excellent travail en défense des droits de la personne.

J’ai commencé à parcourir la région qui m’avait été désignée, afin de rencontrer les familles des détenus, à qui je devais aussi remettre des petits montants d’argent, une aide fournie par l’archevêché, car les arrestations avaient laissé beaucoup de femmes et d’enfants sans le revenu gagné par leurs maris et pères. Mon travail était très difficile : ceux que je devais défendre devant les Conseils de guerre mis sur pied par les militaires étaient souvent accusés de terrorisme, sur la base d’aveux arrachés sous la torture, et condamnés à des peines sévères, incluant la mort. Tout ce que j’ai pu obtenir, parfois, a été une certaine diminution de peine. Dans d’autres cas, j’ai pu au moins savoir où se trouvaient les personnes arrêtées, ce qui apportait un soulagement aux familles. J’ai continué à faire ce travail, même s’il était risqué. Mais les honoraires perçus étaient insuffisants pour faire vivre ma famille, Zaida ayant aussi été congédiée. J’ai alors dû me concentrer sur la pratique privée du droit, avec mon épouse, dans un bureau loué au centre-ville.

Par l’entremise d’un collègue qui avait accès au ministère de la Défense, j’ai voulu savoir si les militaires avaient un dossier contre moi. Au bout de quelques jours, j’ai eu la réponse : oui. Je suis devenu de plus en plus inquiet. Avec Zaida, nous avons commencé à discuter de la possibilité de quitter le pays, comme le faisaient bien d’autres. Nous pourrions peut-être retourner à Louvain afin de faire un doctorat ? J’ai repris contact avec mon ami Marc Termote, devenu professeur à l’Université de Montréal. Avec ses amis, il a mis sur pied un comité, composé d’anciens étudiants de l’Université catholique de Louvain, pour nous aider à venir au Québec. Mais la décision de partir était difficile. Je voulais continuer à aider ceux qui étaient dans le besoin.

Enfin, les événements ont décidé pour moi. En janvier 1974, j’ai reçu la visite d’une paysanne très pauvre, veuve, mère de trois enfants, tous militants du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR)[10]. Deux d’entre eux avaient disparu à la suite de la répression et elle venait d’apprendre qu’un troisième était détenu à la prison de Tejas Verdes, et qu’il serait probablement fusillé dans les prochains jours, accusé de terrorisme pour avoir attaqué la caserne. Elle était désespérée et me demandait de l’aider. Elle n’avait pas d’argent, mais était disposée à vendre une vache, son seul bien, afin de me payer. J’ai hésité au début, mais en la voyant pleurer j’ai consenti, ému par sa situation.

Ma mission a été très difficile. Au départ, le directeur de la prison ne voulait pas m’autoriser à parler au détenu. Il fallait avoir l’autorisation du commandant du régiment de Tejas Verdes, le colonel Manuel Contreras, chef de la Direction d’intelligence nationale (DINA)[11], qui n’était pas connu du public à l’époque. J’ai réussi à avoir une entrevue avec lui, qui figure parmi les expériences les plus pénibles de mon existence. Il m’a fait un long discours en faveur du régime militaire et contre les terroristes marxistes, me demandant si je connaissais le plan Z[12]. J’ai répondu prudemment, disant que j’en avais eu connaissance à travers El Mercurio. Contreras revenait constamment sur le sujet, en dépit de mes tentatives pour parler du cas de mon client. Il s’est approché de la fenêtre de son bureau et m’a montré la vue sur l’océan. C’est de là, a-t-il affirmé, que les navires cubains et soviétiques allaient lancer une attaque contre son régiment afin d’aider à réaliser le plan Z. Immédiatement après, il m’a invité à regarder une colline à travers une autre fenêtre de son bureau en me disant : « c’est de là où votre “protégé” voulait attaquer mon régiment ». Il voulait me convaincre à tout prix que les accusés ne méritaient aucune aide ni justification. Au bout d’une éternité, il m’a autorisé à rencontrer le paysan. Mais ce dernier était tellement mal en point à cause de la torture, qu’il a eu peine à parler, de sorte que je n’ai rien pu obtenir de lui pour l’aider. De retour à Santiago, j’ai contesté la condamnation et j’ai pu obtenir au moins que la peine de mort prononcée par les militaires soit commuée en peine d’emprisonnement à vie[13].

Cette expérience a eu des conséquences. Dans les jours suivants, des militaires sont venus m’arrêter dans mon bureau d’avocats à Santiago, sous prétexte que j’organisais des réunions politiques. Pendant mon absence, mon bureau avait été fouillé et plusieurs documents ont été détruits. Heureusement, j’étais absent lors des deux interventions militaires, et ce sont mes collègues qui m’en ont informé. Ces faits m’ont incité à contacter l’ambassade du Canada dans le but de quitter le Chili. Mon cas a été traité rapidement et les fonctionnaires se sont montrés très coopératifs. Ils m’ont donné un document qui me permettait l’entrée au Canada. Les préparatifs du voyage ont été faits en secret et dans un court laps de temps. Nous avons décidé que je partirais seul avec les deux enfants, Osvaldo, 5 ans, et Gonzalo, 3 ans. Zaida partirait quelques jours plus tard, car elle devait fermer notre bureau, collecter quelques honoraires qui nous étaient dus, et vendre ou distribuer nos meubles. Elle ne pouvait pas partir seule avec les enfants, car la loi chilienne exigeait l’autorisation paternelle, ce qui aurait retardé mon départ. La loi était discriminatoire, car elle ne s’appliquait pas au père : je pouvais partir avec les enfants sans l’autorisation de leur mère, situation qui n’a toujours pas changé aujourd’hui, si incroyable que cela puisse paraître. Nous sommes partis le 11 février 1974, sans rien dire aux enfants, leur faisant croire que nous allions seulement faire une promenade. À l’aéroport, j’avais peur, craignant un empêchement ou une arrestation jusqu’à la dernière minute. Une fois dans l’avion j’étais plus tranquille, mais les enfants ont commencé à pleurer lorsqu’ils ont compris que Zaida ne nous accompagnait pas. J’ai réussi à les calmer, leur expliquant qu’elle se joindrait à nous dans les prochains jours.

L’accueil au Québec, les activités en faveur du Chili et notre intégration politique

Marc Termote et d’autres personnes nous attendaient à l’aéroport de Dorval. Il faisait très froid, je crois que la température était de -17 degrés, alors que nous étions partis de Santiago avec une chaleur de plus de 30 degrés ! Marc nous a logés chez lui, à Outremont. Il avait deux enfants à peu près du même âge que les miens, de sorte que malgré la barrière de la langue, ils se sont sentis accompagnés. Au bureau de l’immigration, on nous a donné des coupons pour acheter des vêtements d’hiver, très nécessaires, et le processus d’intégration a commencé. Zaida est arrivée deux semaines plus tard et nous avons commencé à suivre les cours de langue offerts à l’époque, dans le Centre d’orientation et de formation pour les immigrants (COFI), institution aujourd’hui disparue. Le français que nous avions appris en Belgique nous aidait jusqu’à un certain point seulement, car il y avait des différences dans l’accent et dans le vocabulaire. Nous ne pouvions pas exercer notre profession d’avocat, car les lois du Québec ne sont pas les mêmes que celles du Chili et nos diplômes n’étaient pas reconnus. Mais au bout de quelques mois nous avons réussi à travailler comme conseillers syndicaux, moi à la FTQ et plus tard Zaida à la CSN.

Nous avons participé dès le début aux tâches de solidarité avec le Chili, d’abord avec le Comité Québec-Chili, coordonné par Suzanne Chartrand, la fille du célèbre syndicaliste Michel Chartrand. Les rivalités entre les partis de la gauche chilienne étaient très présentes. Nous n’étions pas très à l’aise dans ce comité, car ses fondateurs accueillaient de préférence les membres du MIR, de sorte que nous avons participé à d’autres instances, comme les centrales syndicales, la Ligue des droits et libertés et l’organisme Développement et Paix. En juillet 1974, nous avons mis sur pied l’Association des Chiliens de Montréal, qui resta en fonction jusqu’en 1980. J’en ai été parmi les dirigeants, en tant que représentant du MAPU, à côté de Patricio Henríquez[14] du PS et de Fernando Iturra du PC.

En arrivant à Montréal, j’ai commencé à m’intéresser à la situation politique au Canada et surtout au Québec. Parmi les personnes qui nous ont le mieux accueillis se trouve Bernard Landry, à l’époque chargé des relations internationales du Parti québécois et qui est devenu un grand ami jusqu’à son décès en 2018. Il m’a invité à prendre la parole et présenter une résolution d’appui au peuple chilien lors d’un conseil national de ce parti, tenu à Laval. J’ai ainsi eu le privilège de rencontrer René Lévesque, Camille Laurin, Louise Harel et d’autres hauts dirigeants du PQ. De plus, nous avons décidé d’envoyer nos enfants à l’école française avant même la Loi 101. Grâce à ces contacts, j’ai commencé à connaître et à partager les grandes aspirations du peuple québécois et j’ai appuyé la cause de l’indépendance.

Ce que mon cheminement m’a appris est la présence de similarités entre le Québec et le Chili. Les deux pays ont eu des poètes d’une grande envergure : pensons à Pablo Neruda, qui a dénoncé la domination des États-Unis au Chili, et à Gaston Miron, combattant pour l’indépendance du Québec face au Canada. Aussi, je dois souligner que l’appui de Bernard Landry et du PQ ont été décisifs dans mon élection comme député du Bloc Québécois en 1993.

Le projet de l’Unité populaire, 50 ans plus tard

Allende est une personnalité et un homme politique qui a marqué le XXe siècle. Son projet de socialisme démocratique est toujours valable. Son héritage est d’ailleurs présent au Chili et à l’étranger. Le projet de l’Unité populaire est encore et toujours d’actualité, car Allende cherchait à accomplir la justice sociale et à diminuer les inégalités, qui se sont aggravées en raison de l’héritage de la dictature et de la privatisation de services de santé et de l’éducation.