Dossier : Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidaritéTémoignages : les Chiliens

Le jour du coup d’État et ses conséquences sur mon parcours

  • Elías Cabrera

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidarité, Volume 31, numéro 1-2, été–automne 2023, p. 7-331, Bulletin d'histoire politique

Je suis né en 1946, à Santiago. Mon père, un simple travailleur avec peu d’éducation, est mort quand j’avais seulement 17 ans. Il avait été témoin de plusieurs répressions contre la classe ouvrière dans les salitreras du nord du Chili. J’ai commencé à militer au Parti socialiste (PS) en 1964, d’abord à titre de dirigeant de la Jeunesse socialiste et, plus tard, du parti. J’ai aussi participé aux campagnes électorales de Salvador Allende : celle de 1964, qu’il a perdue, et celle de 1970, l’élection de la victoire. Au moment de l’élection, je travaillais comme préposé et assistant technique à l’Hôpital clinique de l’Université Catholique. J’occupais aussi un poste de dirigeant syndical. J’ai participé à la grande réunion connue comme le claustro universitaire, qui marquait le début de la réforme universitaire, présidée par le cardinal Raúl Silva Henríquez, rassemblant notamment des représentants étudiants et des travailleurs. Jaime Guzmán, le futur idéologue de Pinochet, s’opposait à ma présence, affirmant que les gens de gauche comme moi n’avaient pas leur place à l’université, mais le cardinal n’a pas donné suite à sa demande. Néanmoins, les secteurs les plus à droite de l’université ont réussi plus tard à m’éloigner de l’hôpital. En 1971, j’ai renoncé à mon poste et j’ai commencé à travailler à la Distribution nationale d’aliments (DINAC, selon l’acronyme chilien). Dans mon nouveau milieu, j’ai été élu membre du Conseil d’administration. En plus, j’agissais comme responsable du PS dans l’entreprise. Cela a constitué une belle expérience, puisque c’était l’époque où les problèmes de distribution d’aliments ont commencé à s’aggraver et que nous devions faire notre possible pour assurer le ravitaillement des produits essentiels pour la population dans le Grand Santiago, ainsi que dans tout le pays, afin de contrer le marché noir créé par l’opposition. Dans mon travail, j’ai fait la connaissance du général Alberto Bachelet (le père de Michelle, la future présidente du Chili), qui occupait le poste de secrétaire de la DINAC. Après le coup, nous avons fait de la prison ensemble, où il est mort des suites de la torture. Le 11 septembre me semblait au départ un jour comme tous les autres : agité, intense, et beaucoup de boulot à faire sur tous les fronts. À 7 h 30, je m’apprêtais à partir vers mon lieu de travail lorsque j’ai reçu un appel téléphonique d’Eric Merino, me demandant si je savais ce qui se passait. Je lui ai répondu que selon Radio Cooperativa, qui appartenait à notre parti, des navires de la marine de guerre avaient quitté le port de Valparaiso, vers la haute mer, mais qu’il ne fallait pas s’en inquiéter, que c’était une action normale. En chemin vers l’entreprise avec ma moto, j’ai traversé l’Alameda (principale avenue de Santiago) et j’ai alors vu des avions Hawker Hunter qui volaient presque au ras du sol. J’ai compris qu’on était foutus. Le parti nous a informés qu’il s’agissait de la manoeuvre annonçant que le coup, le vrai, et non pas juste la tentative d’un groupe, avait commencé. À mon arrivée à la DINAC, située en plein centre-ville, au coin des rues Huérfanos et Teatinos, vers 10 heures du matin, la confusion la plus totale régnait. On a improvisé une réunion, lors de laquelle on a commencé par demander aux camarades de rester calmes, car nous n’étions pas exactement au courant de l’ampleur des faits. Je suis allé au Comité central du Parti, situé au centre-ville, afin d’obtenir de plus amples informations et pour savoir ce que l’on devait faire des camions remplis d’aliments devant être distribués. J’y ai retrouvé seulement le camarade Valenzuela, chargé de surveiller le …

Parties annexes