« Les unions, qu’ossa donne ? » est le premier monologue d’Yvon Deschamps, figure emblématique de l’humour québécois au XXe siècle. Écrit à la toute fin des années 1960, le monologue est rapidement entré dans la mémoire collective et dans l’historiographie comme l’un des moments phares de la Révolution tranquille, faisant de Deschamps l’une des principales figures artistiques engagées à émerger de la scène culturelle québécoise durant la décennie. Dans ce monologue, ce dernier aborde avec un humour décapant la question des relations de travail et les piètres conditions de vie des ouvriers québécois. Jouant le rôle d’un travailleur naïf et inconscient de son statut précaire, Deschamps déconstruit l’idée que les unions syndicales peuvent contribuer à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs, affirmant, entre autres, que les unions « ça sert à rien » ou que « l’important dans’ vie, c’est d’avoir une job steady pis un bon boss ». S’il ne dure que huit minutes, le monologue fera néanmoins de Deschamps l’une des figures phares de l’humour engagé au Québec, celui-ci critiquant ouvertement l’asservissement de la classe ouvrière francophone à des patrons malhonnêtes et à des monopoles financiers anglophones. Présenté au Théâtre de Quat’Sous, dans le cadre de l’Osstidcho, « Les unions, qu’ossa donne » dépeint sublimement l’importance des syndicats dans le monde du travail, à une époque marquée par des affrontements violents entre les unions de travailleurs, le patronat et les gouvernements. Faut-il d’ailleurs rappeler que le monologue est écrit dans le contexte de la fin des Trente glorieuses qui marque, notamment à Montréal et dans plusieurs villes du Québec, le début de la désindustrialisation et de la délocalisation des manufactures vers l’étranger. Il s’agit d’un document historique qui éclaire de diverses façons le contexte bouillonnant de la fin des années 1960. C’est en référence à ce célèbre monologue qu’est tiré le titre du documentaire d’Hélène Choquette, Les unions, qu’ossa donne ? Réalisé dans le cadre du centième anniversaire de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), il revisite les grands moments de l’histoire de l’organisation syndicale et de son influence dans l’évolution des relations de travail au Québec. Choquette, cinéaste renommée qui a réalisé de nombreux documentaires sociopolitiques depuis le depuis des années 2000, s’intéresse particulièrement aux relations entre le pouvoir politique, les transformations socio-économiques et le pouvoir d’action des unions syndicales dans le Québec du XXe siècle. D’une durée de 50 minutes, le documentaire présente une synthèse efficace des grandes périodes de l’histoire de la CSN, ses figures de proue et les principales luttes dans lesquelles elle fut impliquée, surtout durant la période de la Grande dépression au début des années 1990. Le documentaire cherche ainsi à répondre à la fameuse question : les unions, qu’est-ce ça donne concrètement ? Pour Jean-Philippe Warren, le constat est évident : « Un syndicat, ça anime la vie sociale, ça apporte des idées, ça alimente le débat démocratique. Les unions, qu’ossa donne ? Ça donne de meilleures sociétés. » Pour faire un survol de la question, le documentaire débute par la présentation des conditions de travail des travailleurs canadiens-français au tournant du XXe siècle. À l’époque, bien des foyers francophones doivent compter sur le salaire de tous les membres de la famille (enfants compris) afin de boucler les fins de mois, ce qui implique alors des semaines de travail de six jours et des journées de plus de 10 heures. Devant les défis posés par l’industrialisation et la détérioration des conditions de travail des ouvriers, l’Église catholique est pressée de trouver une solution pragmatique. C’est ainsi que le pape Léon XIII édicte …
Les unions, qu’ossa donne ? (2021)[Notice]
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Jean-Philippe Carlos
Chercheur postdoctoral, Université York